Quelques notes pour dire ce qui s'est passé, en gros, en France cet automne (à travers l'exemple de Caen, Basse-Normandie). Suivi d'un article sur la "fin" de ce mouvement...
BREVE CHRONOLOGIE DU MOUVEMENT CONTRE LA LRU A CAEN (2007)
- octobre : constitution lente et difficile de l’AG de Caen pour amorcer une mobilisation importante et efficace.
- 25 octobre : l’Université de Rouen vote le blocage. Le mouvement prend de l’ampleur.
- 6 novembre : le bâtiment Lettres est bloqué.
- 8 novembre : une AG de 800 personnes votent le blocage du campus 1, suivie d’une manif de 500 personnes. Le bâtiment Sciences est bloqué. Le bâtiment Droit suivra, ainsi que le campus 2 (13 novembre) et le campus 3. Puis c’est au tour des lycées d’entrer dans le mouvement.
- 20 novembre : le matin, 15000 personnes manifestent pour la défense des services publics. Ensuite, une AG de 1500/2000 personnes reconduit le blocage. Tentative de déblocage par des briseurs de grève avec quelques heurts. Le bâtiment Droit est fermé administrativement. Pendant ce temps, action (blocage des 4 ponts de l’Orne et passage symbolique à la gare pour soutenir les cheminots en grève).
- 22 novembre : action (3000 personnes) avec blocage du périph., puis direction la préfecture où les flics (7 cars) arrivent et se déploient. Quelques cannettes et pierres sont lancés. Certains manifestants font un cordon de sécurité entre eux et la foule pendant que d’autres exhortent cette dernière à rentrer en cortège sur la fac.
- 23 novembre : 8 lycées de Caen et des alentours sont bloqués (ce qui en fait la ville en pointe du mouvement). C’est aussi le cas des 3 campus (environ 45 facs perturbés en France).
- 27 novembre : AG le matin (2500/3000 personnes) qui reconduit le blocage (campus 1). A 14H, manifestation (3000 personnes). La manif se divise rapidement en deux cortèges. L'un se dirige vers le Conseil Régional qu'il n'arrivera pas à envahir (portes fermées). Il poursuit vers le périph. Des poubelles et autres sont éparpillés le long du parcours, des affiches collées. Il arrive sur le périph et marche jusqu'à rejoindre l'autre cortège (toujours sur le périph). La manif rassemblée sort du périph et part par le quartier Pierre Heuzé. Après un passage en centre-ville, les 4 ponts de l'Orne sont bloqués. C'est à ce moment qu'est annoncé la fin de l'action, et que ceux qui restent le font à titre individuel. Près de 1000 personnes foncent vers la gare. Il est décidé de rester jusqu'à l'intervention des flics... intervention qui n'arrivera pas. Le cortège part en ville (quelques "Caen, debout, émeute-toi!" sont lancés). Il finit devant la pref. Des poubelles sont renversées sur la rue. Finalement, les quelques centaines personnes restantes repartent vers le campus 1 sans avoir vu l'ombre d'un uniforme... Il est à peu près 18H.
- 29 novembre : action à 14H (1500 personnes). Blocage du rectorat. Intervention musclée des flics qui gazent, chargent. 2 interpellés. Départ vers la mairie, où des barricades sont posées. Le cortège part alors vers la pref. Les flics arrivent rapidement. Ils avancent, quelques pierres sont jetées, ils chargent, gazent, matraquent à tout va, utilisent les flash-balls. 3 interpellés. Pressions policières (menaces, patrouilles autour de et sur la fac, ainsi qu’en centre-ville, qui contrôlent à tour de bras) dans la soirée. On déplore de nombreux blessés (au moins cinq aux urgences).
- 30 novembre : Le matin, une cinquantaine de personnes se sont réunis au phénix (campus 1) pour aller manifester en soutien aux 5 interpellés de la veille. Ils se dirigent en cortège vers le commissariat, tout cela dans une ambiance bon enfant. Cela ne fait que quelques minutes que les manifestants sont devant le commissariat, quand une trentaine de flics se déploient et chargent sans sommation. Charge qui va se prolonger sur au moins 200m. Deux nouvelles interpellations sont effectuées.
- 1er décembre : manifestation pour dénoncer la répression. Présence de professeurs et de parents d’élèves.
- 4 décembre : Le déblocage du campus 1 est voté (le campus 2 bloque toujours). Manif en centre-ville (2000 personnes). Feu de joie et barricades ; les manifestants sont équipés (boucliers, objets à manche). Affrontements à distance avec les flics qui finiront par partir. Le cortège rejoint le campus 1 où des barricades enflammées sont construites. Long face-à-face avec les forces de l’ordre. Aucune interpellation.
- 6 décembre : manifestation (1500 personnes) en ville avec pour objectif le MEDEF. Les flics y sont déjà, l’action tombe à l’eau.
- 11 décembre : manifestation (800 personnes) en ville : œufs et farine lancés, affiches collées à Ouest-France, au rectorat, à la mairie, à la préfecture, au marché de Noël.
- 13 décembre : manifestation (400 personnes) en ville. De nombreuses affiches sont collées. Une interpellation.
- 18 décembre : manifestation (200 personnes) en ville. Collage d’affiches (local du PS, agences immobilières).
- 19 décembre : manifestation contre la réforme du Bac pro. Une interpellation.
ANNEXE
La grève est morte, vive la grève !
Article paru dans le journal « Racailles » (joournal indépendant à Caen, fait par des activistes du mouvement) le 10 décembre.
Le mouvement est mort ? Non ! Il existe, il est là, il a toujours été là, à l’état latent. Tant bien même nous n’arriverions pas à prolonger cette contestation, vous, gouvernants, n’avez pas gagné pour autant. Pendant un moment, nous vous avons échappé, nous avons reconquis un espace-temps enfin libéré. Et ce n’est pas le premier… Des solidarités se sont renforcées, de nouvelles ont été crées. A force de vivre cela, nous ne pouvons plus reprendre le cours « normal » de nos vies, ayant compris que l’existence était à notre portée, que l’hydre pouvait être ébranlé ; nous ne serons plus des gens convenables.
Comme le disait un banlieusard dans un texte fort pertinent, nous n’avons plus besoin de raisons pour nous révolter. On s’insurge pour rien. Parce que ce « rien », c’est tout simplement notre vie quotidienne. Nous profiterons de toutes les situations, même les plus insignifiantes. Et elles sont de plus en plus rapprochées !
Vous, gouvernants, méfiez-vous ! Nous sommes toujours là, et nous sommes prêts à en découdre. Nous avons appris en 2002, nous avons appris en 2005, nous avons appris en 2006, nous avons appris en 2007… Et plus vous lâchez vos chiens, plus nous voyons la fragilité de votre Empire. Nous ne nous battons pas contre une loi, nous nous insurgeons contre un système que vous représentez. Politisés, nous ? Oui, plus que jamais ! Tant pis pour vous. Il est bien trop tard pour faire de nous des gens convenables… Vive le feu !
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