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Montebello: "le Temps des Bouffons" ou la couverture médiatique de Radio-CadenasAntimollusques, Mercredi, Août 22, 2007 - 20:51
Antimollusques
« Ecouter pour voir » : l’un des slogans mis au point par l’équipe de com’ de la Société Radio-Canada (SRC) permet non seulement de comprendre que les véritables « slackers » ne sont pas à trouver dans la rue mais plutôt dans les services de communication des grandes entreprises, mais surtout que l’écoute et la lecture des commentaires faits par les médias traditionnels sur des événements tel que le sommet de Montebello permet de « voir » la nécessité de s’engager dans la pratique d’un journalisme antimollusque. « Le Temps des Bouffons » disait l’autre « Ecouter pour voir » : l’un des slogans mis au point par l’équipe de com’ de la Société Radio-Canada (SRC) permet non seulement de comprendre que les véritables « slackers » ne sont pas à trouver dans la rue mais plutôt dans les services de communication des grandes entreprises, mais surtout que l’écoute et la lecture des commentaires faits par les médias traditionnels sur des événements tel que le sommet de Montebello permet de « voir » la nécessité de s’engager dans la pratique d’un journalisme antimollusque. Quand on sait que la maîtrise d’un certain type de langage place son producteur dans une posture de domination par rapport à son récepteur, on prend alors l’exacte mesure du poids que peuvent jouer les médias dans les représentations communes. Lorsque hier soir (lundi 20 août), par exemple, le journal télévisé de Radio-Canada a présenté le sujet consacré au sommet de Montebello, on a eu droit à une démonstration classique de l’à-plat-ventrisme sans surprise qui caractérise aujourd’hui la quasi-totalité des médias traditionnels. La couverture du sommet de Montebello avait été précédée par un reportage sur la mort d’un soldat canadien en Afghanistan intitulé « En larmes » (sic). La journée du 20 août a été placée sous le signe de la suractivité des glandes lacrymales (à la maison pour les millions de fidèles du JT de RadCan entre 22h et 22h05, à Montebello pour tous les autres qui ont eu la chance d’entrer en contact direct avec l’esprit ( ?) gazeux de sous-Robocops en ligne). Le lyrisme patriotique, voici une approche que l’on devrait enseigner aux étudiants en journalisme : avant d’introduire un sujet qui pourrait s’avérer un peu trop chatouilleux, voire carrément subversif, toujours verser dans le sirupeux national afin de pouvoir ramollir tranquillement le cerveau (ou ce qu’il en reste) des téléspectateurs. Très logique : comment pourrait-on s’en prendre aux politiques extérieures canadiennes quand 5 minutes avant, on nous enjoint quasiment de prier pour « nos » soldats ? Critiquer le PSP, ce serait de la traîtrise pure et simple. On allume des cierges et on éteint le cerveau. (D’ailleurs, à tous ceux qui osent encore prétendre qu’il existe une approche « neutre » et « objective » du journalisme en général, je répondrais que le choix même d’un sujet au détriment d’un autre participe d’un parti pris idéologique. Et ouvrir un JT avec un reportage intitulé « En larmes » au sujet d’un soldat « mort au combat » relève de la propagande pure et simple. Les « agents provocateurs », ce n’est pas dans les manifs qu’on devrait les trouver mais dans les salles de rédaction…) Le capitalisme est une vue de l’esprit dans la tour SRC Donc, après un reportage débordant de compassion et de sentiment patriotique pancanadien, le reportage sur Montebello avec en introduction l’arrivée des chefs d’Etat et l’évocation des « enjeux » du PSP et dernière partie les manifestations anti-PSP. Tout d’abord, on notera une curiosité terminologique : à en croire les journalistes, le capitalisme n’existe pas. Il doit être le fruit de paranoïaques victimes d’hallucinations intempestives. Même le mot « néo-libéralisme » n’a même pas été évoqué dans les reportages consacrés au sommet de Montebello. Certes, on imagine mal Céline Galipeau sortir de son « bureau-présentoir » un drapeau noir en criant « A mort le capitalisme et, j’oubliais, mort aux vaches ! », mais il aurait quand même été appréciable de mentionner que le Partenariat nord-américain pour la Sécurité et la Prospérité procédait quand même d’un durcissement des politiques néo-libérales actuelles. A écouter les commentaires du journaliste qui a réalisé le reportage, le PSP est parfaitement inoffensif et hors de tout cadre idéologique précis. D’ailleurs, le dictionnaire mis à disposition des journalistes de Radio-Canada et consorts semble être frappé par un phénomène de combustion spontanée puisqu’on nous informe que les entrées « capitalisme », « idéologie » et accessoirement « esprit critique » ont disparu (c’est à se demander d’ailleurs s’il a déjà existé). Non, ce n’est pas être un journaliste de la Pravda ou de Radio Moscou que d’utiliser les mots « idéologie » et « capitalisme » dans un JT quotidien. Quand est-ce que les médias traditionnels cesseront une bonne fois pour toutes de proposer un bulletin de nouvelles digne d’un spot publicitaire pour Disneyland ? (répondant au joyeux triptyque : un peu de pathos cheap, du divertissement « gentil » et un encéphalogramme plat en sus) Le PSP, c’est le capitalisme triomphant qui se fout royalement de nos existences. 35 secondes en ouverture du sujet consacré à la promenade en vélo de Bush autour du lac de Montebello, c’est prendre les gens pour des cons. Ceux qui fraîchement sortis de leur école de journalisme (rattachée au département de communication, rapprochement troublant) s’offusquent en bons démocrates de voir des reportages quotidiens sur la santé de Fidel Castro dans les médias de la Havane ne voient absolument pas en quoi un sujet sur la forme physique de George W. Bush est obscène. Obscène quand on sait que dans le même temps, alors que monsieur pédalait en toute quiétude autour du petit bassin, des manifestants se faisaient gazer en bonne et due forme. L’arthrite de George W. Bush n’est pas trop avancée, donc tout va bien. Le journalisme militant a de l’avenir. Un militantisme profond qu’on pu aussi ressentir fortement quand le journaliste a cru bon de parler de « l’accueil très favorable » accordé au président mexicain, Felipe Calderon : on voit à l’image une dizaine d’employés du Château Montebello faire une haie d’honneur au clone exotique. Ce qui fait dire au journaliste : « Calderon accueilli en héros » (sic). Donc, si le petit personnel fait son boulot (on imagine bien que celui qui aurait eu la bonne idée d’amener une banderole anticapitaliste se serait fait « remercier » illico), c’est qu’il aime profondément le président mexicain et le PSP. (Je précise que TQS a fait encore mieux dans l’absurde lundi soir : pourquoi se faire chier à réaliser des entrevues avec des militants anarchistes présents sur place qui pourraient nous expliquer les motifs de leur action, quand on peut consacrer 30 secondes au témoignage troublant d’esprit critique du « cuisinier en chef » du restaurant du château de Montebello qui avoue être « très heureux » de préparer un banquet pour George W. Bush ? Il y a des cupcakes au cyanure qui se perdent.) Est-ce une lobotomie ou une purge que l’on doit envisager dans le cas des journalistes radio-canadiens (et autres pâles copies des médias privés) ? Du concept de « violence » Une fois le téléspectateur radio-canadien rassuré d’apprendre que ses congénères de l’Outaouais ont accueilli « comme il se doit » les « grands de ce monde », le journaliste radio-canadien lui présente ce qu’il attend avant tout : la preuve que les manifestants sont de méchants trouble-fêtes mal habillés. Certes, cette partie a été ponctuée par quelques témoignages éclairs de militants présents dans la manif. Certes. Mais, il est toujours frappant de constater l’utilisation du concept de « violence » faite par les médias traditionnels. Est appelée « violence » selon les journalistes, et dans le désordre : un militant en noir qui crie bien trop fort et perturbe le sommeil de mamie, un projectile lancé par un manifestant contre un « représentant des forces de l’ordre » surarmé qui pourrait le réduire en miettes en moins de deux, et plus globalement toute forme d’expression qui tendrait à remettre en cause les règles de la « bienséance ». Dans le même temps, un patron qui ferme une usine et licencie ses employés, ce n’est pas de la « violence », c’est de l’ « adaptation » ou de la « flexibilité ». Mourir chez soi parce qu’on ne peut se payer des soins à l’hôpital, pas de la « violence », un « manque d’initiatives personnelles pour s’en sortir ». J’attends le jour (candeur ?) où des journalistes vont enfin utiliser le terme de « violence structurelle » et de « violence symbolique » pour décrire des phénomènes qui contraignent l’individu à des choix impossibles. La « violence » spectaculaire (au sens visuel) des Black Blocs n’est-elle pas une contre-réponse légitime aux phénomènes de violence structurelle exercée par les représentants du statu quo, à savoir l’Etat et les entreprises ? Puisque les journalistes des médias traditionnels semblent particulièrement apprécier la « nuance » dans leurs propos, pourquoi n’appliquent-ils pas à leurs propres commentaires une méthode qui consisterait précisément à connaître toutes les « nuances », ou plutôt significations, du mot « violence » ? La « nuance » en général dans le journalisme traditionnel, c’est le garant du maintien du statu quo. Et en parlant de « nuance » en général, comment avoir une approche « nuancée » d’événements tel Montebello quand la réalité ne l’est pas ? Enfin, grâce à l’esprit « nuancé » des journalistes radio-canadiens entre autres, personne ne sera « froissé ». Le meilleur pour la fin : la parole de l’ « expert » Après le tricycle de George W. Bush dont on se fout, l’accueil en fanfare de Calderon dont on se fout tout autant et la tenue vestimentaire des anarchistes, vient le temps de l’invité pas très surprise convié par Céline Galipeau. Oui, parce que vous comprenez, Céline a bien appris cette structure rhétorique très simple enseignée dans les grandes écoles de ce pays : thèse/antithèse/synthèse. Donc, après Bush content et les anars gazés « pas gentils », le « spécialiste de la question » arrive en studio. On peut affirmer sans crainte que ce fut un moment grandiose : Guy Lachapelle, professeur de science politique à l’université Concordia va vous rassurer pendant 3 minutes quant à votre avenir que certains d’entre vous pouvaient encore estimer médiocre. Non, le PSP c’est bien « en fait ». Comme ses amis journalistes, Guy Lachapelle a bien retenu sa leçon : « commence toujours par une petite phrase lyrique, qui ramollit le cerveau et laisse la personne totalement désarmée et avide de réconfort ». Guy a donc commencé ses propos par un superbe « après les événements tragiques du 11 septembre ». Eh oui, pas mal, forcément, Guy sachant très bien que 80% des gens (optimisme) peuvent se laisser berner assez facilement sur le sujet, quelle meilleure façon d’introduire un « éclaircissement sur le PSP » que de rappeler à ses compatriotes qu’ils vivent dans un climat d’insécurité totale ? Comment le téléspectateur pourrait-il déconstruire l’intitulé même du sommet quand on lui sert un discours pro-sécuritaire ? En gros : « ça va mal, beaucoup d’insécurité hein ? Nous avons justement ce qu’il vous faut : un Partenariat pour la…Sécurité (et en plus !) la Prospérité ». On se serait cru dans un clip publicitaire diffusé à 3 heures du matin sur TVA pour un aspirateur/robot mixer/congélateur. Produits qui s’appellent invariablement « l’enchanteur de vie », « le facilitateur d’existence », bref personne n’est fondamentalement contre le fait de se faciliter la vie. C’est un peu la même chose avec Guy Lachapelle et sa présentation du PSP. « Il y a le mot sécurité et prospérité, et c’est ce qu’ils veulent ». Guy Lachapelle a même jugé bon de rappeler que « grâce au PSP », il y aurait une « harmonisation » des dispositifs en matière de santé. « Harmoniser », cela veut dire privatiser le système de santé (entre autres), mais ça, Guy Lachapelle, dans un grand moment d’absence, a oublié de préciser. Quand Céline Galipeau s’est hasardée à lui poser une question sur le « déficit démocratique » entourant le PSP, Guy Lachapelle, expert de la stratégie d’évitement et du capitalisme édulcoré, lui a répondu sur un ton rassurant que, en gros, les trois Etats se dotaient je cite « d’institutions communes qui règleront nos différends ». En effet, Harper, Bush et Calderon vont mettre tout le monde « d’accord » de facto puisqu’il n’y a pas de débat au parlement et que les voix des anti-PSP sont rendues inaudibles dans les médias traditionnels. L’entrevue aurait pu donc avoir pour sous-titre « Tout va très bien, Madame la marquise ». Partie de campagne Après l’avènement de la « droite décomplexée » à l’arrivée au pouvoir de Sarkozy en France, la consolidation du capitalisme mondial décomplexé. Aujourd’hui, les dirigeants du continent nord-américain ne se cachent même plus quand il s’agit de renforcer le primat des intérêts économiques sur les droits humains. Avant, on essayait d’assurer la légitimité des décisions prises par une minorité en les confiant aux représentations nationales (le temps où la pièce « Simulacre de démocratie représentative » jouait encore), aujourd’hui, pourquoi s’emmerder alors que l’on peut se réunir à trois dans un château, aux frais de la princesse, pour satisfaire, dans un échange de bons procédés, les intérêts d’entreprises cotées en bourse ? Bien que les journalistes aient particulièrement aimé la formule « derrière des portes closes » pour qualifier le processus décisionnel adopté par Harper, Bush et Calderon (certes, oui, mais c’est assez faible pour parler de cette farce de Montebello), nous avons pu néanmoins obtenir un compte-rendu assez détaillé des échanges de nos trois amis pendant leur « pause cigares entre connards » : « Je t’ouvre le marché nord-américain à coup de réglementations minute, tu me construis la clôture qui permettra à cette gang de sous-fifres mexicains de s’empaler gratis près du Rio Grande. » ou « Je fais de la sécurité un « enjeu » national ; avec mes amis rédacteurs en chef et « experts », je crée un climat d’insécurité permanent, ainsi je peux contrôler tous les faits et gestes des millions de blaireaux qui ont voté pour moi –ils se sentent rassurés et protégés-, mais comme ils leur reste un fond –très juteux- de sentiment d’insécurité, tu leur vends tes burgers bourrés de gras trans pour qu’ils puissent mener une vie gastrique et cérébrale molle. » Parce que, finalement, qu’est ce que le sommet de Montebello, si ce n’est une représentation à échelle réduite du système capitaliste lui-même ? Des valets qui servent des seigneurs et montrent (sont obligés) de montrer leur contentement aux messagers du roi ; des seigneurs, qui, une fois repus, rotent de plaisir en songeant aux bénéfices qu’ils vont engranger dans un climat de « franche camaraderie ». La servitude volontaire a assez duré. Asphyxions les bouffons.
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