Le fait que l'hôpital Sacré Cœur de Montréal signera sous peu un accord avec la clinique privée Rockland MD pour que celle-ci puisse effectuer un certain nombre d'opérations chirurgicales normalement dévolues à l'hôpital, a de quoi inquiéter. Voilà une autre intrusion majeure du privé dans notre réseau de santé. Une chose que le ministre Couillard s'est empressé de sanctionner comme étant une excellente nouvelle. Mais fallait-il vraiment se surprendre qu'il agisse ainsi ? Gageons d'ailleurs que le ministère de la santé était dans le coup dès le début. Fait à noter: aucun appel d'offre ne fut effectué avant que cette entente soit finalement annoncée ...

On ne peut qu'espérer que cette nouvelle annonce contribuera à faire ressortir l'absolue urgence de relancer la bataille pour mieux protéger le réseau public de santé. Peut-être serait-il temps également de ressortir l'idée d'exiger que le Québec se soustrait (clause nonobstant) au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulis. On se rappellera que c'est suite à ce jugement que le gouvernement libéral commença à ouvrir toutes grandes les portes du privé dans la santé.

On pourrait tout autant profiter de l'occasion pour exiger que le gouvernement Charest mette une fois pour toutes ses culottes afin que le vieux contentieux entourant la non reconnaissance des diplômes chez les professionnels d'origine immigrante, ayant fait leurs études à l'étranger, soit enfin réglé. Cela n'a juste pas d'allure qu'on continue ainsi à avoir autant de professionnels de la santé, tout à fait aptes à oeuvrer dans ce domaine, mais qui sont justement incapables de se trouver un travail dans ce secteur, soit disant parce que leur diplôme ne serait pas adéquat, pendant que tout le monde reconnaît qu'il y a un manque criant de personnel qualifié.

Dans le cadre de la nouvelle entente annoncée avec la clinique Rockland, celle-ci fournira le bloc opératoire - au moins deux salles par jour - en plus de l'équipement et du personnel infirmier (tiens, tiens, ...). Par contre, ce seront des chirurgiens de Sacré Coeur qui procéderont aux interventions. Ils seront soumis aux mêmes règles et critères de qualité qu'à l'hôpital, nous assure-t-on. Mais là n'est pas l'enjeu.

Le fait qu'il y ait de plus en plus de cliniques privées, telle la clinique Rockland, qui drainent donc un nombre croissant d'infirmières et d'infirmiers dans un contexte où le réseau public manque justement cruellement de telles professionnels, pourrait surprendre mais cela fait en fait partie d'une situation de plus en plus absurde. Le pire, c'est que le gouvernement libéral de Jean Charest, non seulement laisse faire, mais finit même par encourager une telle situation.

Prenons l'exemple de Sacré Coeur. À cet hôpital, il manque cruellement d'infirmières et l'hôpital a donc été obligé de fermer des salles et de reporter des opérations. Que fait-il alors ? Il signe une entente avec une clinique privée, c'est à dire ceux-là même qui, en embauchant plus d'infirmières, contribuent eux-mêmes à aggraver la situation et à empirer la pénurie de personnel. Mais ces cliniques sont en bout de ligne les grands gagnants d'une telle situation parce qu'elles pourront désormais compter sur un surcroît de revenus découlant de cette entente. Leur équipements pourront servir pendant plus longtemps, à chaque semaine, ce qui rentabilisera d'autant plus les investissements faits par la clinique, ce qui devrait en même temps lui permettre d'embaucher encore plus d'infirmières, ce qui par ricochet ne pourra que faire empirer encore plus l'état des lieux dans le réseau public. On n'en sort pas...

Le fait que les patients n'auront pas à payer ne changent quand rien quant au coeur du problème. D'autant que rien ne prouve que cela restera ainsi longtemps.

On se rappellera que la clinique Rockland et deux autres cliniques s'étaient déjà fait rabrouer, il n'y a pas si longtemps encore, par la Régie de l'assurance maladie du Québec pour avoir facturé illégalement certains frais accessoires aux patients.

L'entente de partenariat n'est pas encore officiellement signée que déjà, le président et chef de la direction de Rockland MD, le Dr Fernand Taras, souligne que des projets similaires pourraient voir le jour.

"La clinique se trouve à l'intérieur du secteur du centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Montagne. Il serait très heureux qu'on ait une vocation pour aider ce CSSS et les établissements qui s'y trouvent", a lancé le Dr Taras. La déclaration est rapportée dans un article publié ce matin même dans le journal La Presse.

Des démarches ont déjà été entreprises auprès d'autres hôpitaux, mais les discussions sont restées informelles jusqu'à présent.

Entre temps, à Sacré Coeur, le bloc opératoire de 12 salles ne fonctionne jamais à plein régime, faute de personnel infirmier suffisant. Une pénurie qui ne semble pas toucher les cliniques privées de façon aussi aiguë, souligne lui-même le journal La Presse. À l'hôpital, les patients attendent leur tour durant des mois, pendant que les chirurgiens du département opèrent à peine une journée, parfois moins, par semaine.

L'entente devrait être conclue au début de l'automne. Plus d'un millier de patients du Sacré Coeur pourraient être opérés annuellement à la clinique Rockland.

La Loi sur la santé et les services sociaux permet ce type de partenariat, mais la plupart des ententes se limitaient jusqu'à maintenant à des services de résonance magnétique. Le gouvernement entend aller plus loin avec la loi 33, aurait souligné une attachée du ministre Couillard, en réaction à l'annonce de l'entente prochaine entre Sacré Coeur et cette fameuse clinique Rockland.