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L’Afghanistan: Qui a politisé le conflit à outrance?Anonyme, Jeudi, Juillet 19, 2007 - 14:32 (Analyses | Guerre / War)
Normand Beadet
Rappelez-vous de l’élection de Stephen Harper il y a un peu plus d’un an. Dès les premières semaines de son investiture, le geste du premier Ministre fut une visite surprise et éclair des troupe canadiennes à Kandahar. Le message était lancé, la mission de guerre en Afghanistan serait la composante centrale de la politique extérieure de son gouvernement. L’auteur est membre fondateur du Centre de ressources sur la non-violence et représentant de l’organisme au regroupement « Échec à la guerre ». Rappelez-vous de l’élection de Stephen Harper il y a un peu plus d’un an. Dès les premières semaines de son investiture, le geste du premier Ministre fut une visite surprise et éclair des troupe canadiennes à Kandahar. Le message était lancé, la mission de guerre en Afghanistan serait la composante centrale de la politique extérieure de son gouvernement. Puis, les mécanismes visant à consolider les assises de cette politique ont été soigneusement agencés. Rapidement, à la grande joie des militaires, le nouveau premier ministre a nommé un ancien militaire, et ex-lobbyiste des entreprises militaires, comme ministre de la Défense, Gordon O’Connors. À peine six mois de règne franchis, le gouvernement Harper minoritaire met en branle le plus vaste programme d’acquisition de système d’armes des dernières décennies. Le gouvernement met en branle sa politique économique et engage les contribuables canadiens dans des dépenses sur quinze ans, l’achat de vraisemblablement plus de 20 milliards en nouveaux équipements militaires. Les militaires adulent ce nouveau gouvernement visionnaire qui a enfin compris leurs besoins, la vérificatrice générale du Canada enquête déjà sur la transparence du processus d’adjudication de contrats. Les ministres conservateurs ne se sont pas gênés pour utiliser sur toutes les tribunes la mission offensive en Afghanistan pour justifier leurs actes, incluant les achats de nouveaux équipements de transport, et surtout le matériel offensif. Réalisant que le départ à la retraite des militaires, « boomers », pourrait nuire aux effectifs disponibles pour ses missions militaires, le Ministère de la défense lance la plus imposante campagne de recrutement de militaire de l’histoire canadienne. Le recrutement de près de 50 000 nouveaux militaires sera nécessaire pour maintenir et accroître de 25 000 les effectifs. Encore une fois, la mission en Afghanistan inspire la campagne de recrutement. La publicité télévisée visant les jeunes présente la guerre, comme un simple jeu vidéo. La cruelle réalité de la guerre en rattrapera quelques uns une fois en sol Afghan. Depuis maintenant deux mois, pour pallier à la chute de la popularité de son gouvernement, le premier ministre a mis en opération sa machine distributrice à contrats militaires. Comme si cette militarisation évidente de la politique canadienne ne suffisait pas, le général Rick Hillier, le commandant de notre armée, s’est mis à faire de régulières et incendiaires déclarations politiques. Au début de l’été, il en a rajouté en mobilisant ses troupes dans une vaste campagne pour convaincre la population du bien fondé de la mission militaire. En démocratie, les militaires ne doivent pas faire de politique, pourtant ici on ne se gêne pas.. Tout comme le Gouvernement Bush en Irak, au grand plaisir des militaires canadiens, le Gouvernement conservateur a mis la campagne offensive en Afghanistan au cœur de ses politiques extérieures, économiques et de défenses. Comment peut-il toujours, avec sérieux, accuser les opposants de faire de la récupération politique? Ce contexte de guerre sert maintenant à bâillonner l’action politique des citoyens et de l’opposition. Les organismes qui s’opposent à cette militarisation à outrance de la société canadienne se font immédiatement accuser de politiser le débat. En s’opposant à la politique conservatrice ils deviennent des irresponsables, des lâches, des opportunistes et des peureux inconscients qui mettent la vie des soldats en danger. Toutes les actions des organismes de paix deviennent des provocations face aux courageux militaires qui risquent leur vie pour la « bonne cause », faire la guerre dans l’historique guêpier d’Afghanistan. Dans de multiples circonstances, les organismes sont critiqués avec virulence pour s’être exprimés. S’approcher d’une manifestation militaire, même dans un contexte où elle sert directement à promouvoir la mission afghane est un manque de respect envers les militaires. Ils ne font que leur travail. Par respect pour les familles, les opposants doivent éviter de s’exprimer tant au moment du départ des militaires, qu’au moment de la mort des soldats, surtout au moment de l’arrivée des cercueils et lors des cérémonies funèbres. Toutes ces vitrines qui sont maintenant pratiquement quotidiennes doivent servir aux multiples deuils des familles, et sert, bien sûr, à mousser le sens du devoir des soldats. Toute action d’opposition pourrait être accusé de détournement d’un moment sacré à des fins de politique partisane. Le comble de l’absurde survient les rares fois que des portes parole d’organismes d’opposition à la guerre sont invités à des émissions publiques. Un départ, un mort ou une funérailles s’est toujours déroulé dans la période rapprochée. Les animateurs se sentent obligés de se confondre en excuses envers le public, et soulignent avec conviction le fait qu’ils n’ont pas le choix, objectivité oblige, ils doivent donner l’autre point de vue! Les gens ne sont pas des idiots, 70% de la population québécoise s’oppose à cette guerre. Ceux qui y voient un pacifisme historique me semblent avoir une vision bien réductrice de la réalité. Les gens sont écœurés de se faire manipuler comme des imbéciles. Les québécois ont la chance d’être bien branché sur la pluralité politique européenne et constatent le manque flagrant d’objectivité de nos organes de presse. Le Canada a sombré dans l’univers de la propagande politique orwellienne. La guerre est juste, les pacifistes sont la véritable menace. Compte tenu de l’importance politique des enjeux pour le gouvernement conservateur, la machine à propagande risque de véritablement s’emballer au cours des prochains mois. Remarquez bien, Radio-Canada n’invite à peu près plus que des commentateurs qui sont d’anciens militaires. Parfois, ils invitent des chercheur associés à des centres de recherches financés par le ministère de la défense pour commenter les événements. Les grands média salivent en anticipant les contrats de publicité (appels d’offre, recrutement et annonces) d’entreprises de haute technologie qui obtiendront de juteux contrats militaires. La campagne électorale fédérale qui arrive à grands pas sera truffée d’annonces d’énormes contrats pour les industries de haute technologie. Tous seront plus alléchants les uns que les autres pour les entreprises québécoises. Nous verrons la politique dans ce qu’elle a de plus sale et inhumaine. Par peur, ou par simple opportunisme, nos politiciens feront campagne en manipulant la vérité sur fond de sondages, d’argent pour l’économie et de mort de jeunes soldats. Les politiciens, les média et bientôt les militaires écoperont de cette profonde dérive démocratique qu’ils ont créé de toutes pièces. Plusieurs n’ont pas réalisé qu’en 2007, à l’ère d’internet l’information circule à la vitesse grand « V ». Quiconque est soucieux de consulter la version « non officielle » des faits, peut le faire. Évacuer complètement de l’information les enjeux géo-stratégiques de l’Asie Centrale, l’influence de plusieurs puissance régionales et mondiales dans le conflit, et prétendre que les gens opposés à la guerre sont des ignorants, mal informés, est pure arrogance de politiciens démagogue. Loin d’être claire et limpide, l’engagement en Afghanistan s’apparente de plus en plus à un véritable guêpier politique duquel le gouvernement Harper tentera difficilement de s’extirper à coups de milliards. L’élection du gouvernement conservateur était perçu par les militaires comme une véritable bouée de sauvetage après des décennies de missions diplomatico-militaires onusiennes qui leur répugnaient. L’ère Harper pourrait bientôt s’avérer, pour eux aussi, un long et pénible calvaire politique. Une pénible commission Gomery qui se poursuivra sur des décennies, impliquera des montants en fonds publics plus de cent fois supérieurs à la tristement célèbre Commission, puis des poursuites relatives aux mensonges ayant entraînés la mort de jeunes canadiens et la torture de prisonniers afghan. Une histoire d’horreur qui pourrait déstabiliser le pays. La politisation à outrance de ce conflit s’avèrera un véritable cauchemar pour les contribuables canadiens et le dernier clou dans le cercueil politique de dangereux politiciens opportunistes à l’excès.
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