|
Il faut criminaliser la propagande haineuse contre les femmesAnonyme, Mercredi, Juin 27, 2007 - 22:53
Jacques Brodeur, Micheline Carrier, Mireille Audet
Le Canada amenderait le Code criminel canadien pour répondre aux attentes de Hollywood, mais refuserait d’y ajouter un simple mot pour criminaliser la propagande haineuse contre les femmes ? Le 22 avril 2007, lorsque les partis libéral, néodémocrate et bloquiste ont voulu modifier le Code criminel canadien pour ajouter le mot «genre» au paragraphe sur la propagande haineuse, les Conservateurs ont été les seuls à refuser. Et voilà que 5 semaines plus tard, les mêmes Conservateurs demandent aux Communes de modifier le Code criminel pour répondre aux demandes de Hollywood ? Les producteurs de films auraient-ils droit à une justice refusée aux femmes canadiennes ? Les Conservateurs fédéraux veulent amender le Code criminel afin de répondre aux réclamations de l’industrie cinématographique. Hollywood réclame en effet que le Canada interdise l’enregistrement vidéo de films lors des projections en salle. Curieusement, l’annonce survient moins de 6 semaines après que les Conservateurs aient refusé d’amender le même Code criminel pour y ajouter un mot, un seul: genre. En effet, le 22 avril dernier, tous les partis fédéraux ont appuyé la motion du député libéral Wrzesnewskyj demandant l’accord unanime de la Chambre des communes pour étudier le projet de loi C-254 qui aurait pu rendre criminelle la propagande haineuse contre les femmes. Les Conservateurs ont été les seuls à s’y opposer. En septembre 2003, le député Svend Robinson avait pourtant obtenu l’accord des autres partis pour amender le même Code et ajouter les mots «orientation sexuelle» au paragraphe interdisant la propagande haineuse. Depuis plus de trois ans, jusqu’à la fin de mai 2007, une question se posait déjà: Pourquoi refuser à 15 millions de Canadiennes une protection accordée à la minorité homosexuelle? Aujourd’hui, une nouvelle question surgit: Pourquoi accorder à des producteurs de films une protection de leur intérêts commerciaux tout en continuant de refuser aux Canadiennes une protection contre la propagande haineuse? En janvier 2007, une Coalition a vu le jour en Ontario pour réclamer, notamment, l’interdiction de la propagande haineuse contre les femmes. Cette coalition réunit des commissaires d’école (school trustees), des directeurs d’école, des syndicats d’enseignant-es, des conseils étudiants, des représentant-es des parents ainsi que le Service de police de Toronto. La Fédération ontarienne des enseignant-es du secondaire, le «Parents Television Council» et l’Association des Commissions scolaires publiques de l’Ontario ont appuyé publiquement le projet de loi C-254. Propagande haineuse étatsunienne Les rappeurs misogynes n’ont pas inventé la violence, ils ont simplement trouvé un filon payant comme en fait foi un article publié par la CSQ en 2001. «En saupoudrant ses chansons de messages haineux contre les femmes, le rappeur Eminem a attiré un certain public et fait gonfler les caisses enregistreuses des marchands de disques. Lorsqu’il se donne en spectacle, Eminem soulève les foules en vociférant: «Ma chienne, je t’étranglerai la prochaine fois que je te f… ». Dans «Kim», Eminem menace de saigner sa femme. «You were supposed to love me, now bleed bitch bleed.» (Tu devais m’aimer, alors saigne, salope, saigne). Dans «Kill You», il annonce qu’il exterminera ces « vile, venomous, vomital bitches. Shut up, slut, you’re causing too much chaos» (assez dégoûtant pour ne pas être traduit). Un chanteur peut-il impunément faire la promotion de la haine contre les femmes ? Le Code criminel canadien a déjà servi à arrêter des gens pour bien moins. Et on a blâmé un certain doc Mailloux pour bien moins. Si, dans les mêmes chansons, on avait remplacé le mot femme (ou salope, c’est synonyme selon Eminem) par juif ou par sale nègre, la compagnie de disques aurait rapidement été forcée de se rétracter. Haine contre les femmes, objet de culte Eminem, Marilyn Manson, Snoop Dog et Fifty Cent tirent profit d’une propagande haineuse qui mérite d’être bannie de nos écoles, de nos foyers et de nos médias. Censure? Il est peut-être temps de constater que l’emploi de la violence verbale est elle-même le fruit de la censure exercée par des compagnies de disques et de chaînes spécialisées (telles que MTV, MuchMusic ou Musique Plus) prêtes à tout pour mousser les ventes. Des personnes que personne n'a élues sélectionnent ce que des chanteurs vont enseigner à nos jeunes. Sans la censure exercée par ces médias, ces chanteurs gratteraient encore leur guitare au fond d’un garage. En leur remettant des Grammys, l’industrie honore des gens qui méritent qu’on leur interdise l’entrée chez nous et qu’on leur retire le micro. Misogynie importée au Québec Depuis le milieu des années 1990, date où cette vague de misogynie a envahi le marché, le Québec espérait que ses enfants ne comprennent jamais les paroles de ces chansons haineuses. Mais un jour, un Québécois a flairé le filon. Le 2 mai 2006, la sexologue québécoise Jocelyne Robert dénonçait la propagande haineuse de ces rappeurs qui font «l’apologie de la violence sexuelle, prônent la misogynie et la suprématie mâle, incitent les garçons à la haine des filles et les filles à la haine d’elles-mêmes et à la soumission aux garçons.» Le titre de la chanson "Une plotte c't'une plotte" résume bien cette propagande. Et que dire des paroles de "God bless the topless": Des représentants de l’industrie et des porte-parole des Francofolies ont trouvé la chose amusante et se sont portés à sa défense. Code criminel inopérant En 2001, Immigration Canada avait tenté d’interdire l’entrée d’Eminem au Canada mais avait conclu que le code criminel ne lui conférait pas ce pouvoir. Un gérant de salle avait justifié le spectacle: «Nous respectons la liberté d’expression». Certains ont l’accommodement raisonnable facile quand les femmes sont ciblées. Comment justifier la préséance à la liberté d’expression d’un individu qui utilise la misogynie pour vendre des albums, au détriment du sentiment de sécurité d’une majorité visible. Le public de ce type de rappeur est composé de jeunes enclins à croire que la grossièreté et la misogynie sont des marques d’audace alors que c’est tout le contraire. La haine, le mépris et la discrimination contre les femmes sont un héritage millénaire qu’il a fallu des siècles pour mâter. Tout accommodement avec des rappeurs qui utilisent la propagande haineuse pour attirer et influencer des jeunes n’a rien de raisonnable. Cohérence politique ? Alors qu’il était Procureur de l’Ontario, l’actuel ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, avait tenté d’interdire l’entrée d’Eminem au Canada. Il écrivait à la Ministre Anne McLellan : «Nous continuerons de demander au gouvernement fédéral d'inclure le "genre" à la définition des "groupes identifiables".» Dans une lettre à Valerie Smith, initiatrice de la campagne pour interdire l’accès d’Eminem au Skydome de Toronto, il écrivait: «Il nous faut des outils pour traduire devant les tribunaux ceux qui propagent la haine. Le temps est venu pour le gouvernement fédéral de fournir les outils (amendements au code criminel) nous permettant d’entamer des poursuites contre ceux qui font la promotion de la haine contre les femmes. Le public a droit à la sécurité.» Or, le 22 avril 2007, lorsque les partis libéral, néodémocrate et bloquiste ont voulu modifier le Code criminel canadien pour ajouter le mot «genre» au paragraphe sur la propagande haineuse, l’honorable Flaherty et les membres de son parti ont refusé. Et voilà que 5 semaines plus tard, les mêmes Conservateurs demandent aux Communes de modifier le Code criminel pour répondre aux demandes de Hollywood ? Faut-il conclure que des producteurs de films auront droit à une justice refusée aux femmes canadiennes ? Nous invitons le public à écrire au ministre fédéral de la Justice, M. Rob Nicholson, pour lui demander de criminaliser la propagande haineuse contre les femmes, en envoyant copie à son député.
JBrodeur@edupax.org
|
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ceci est un média alternatif de publication ouverte. Le collectif CMAQ, qui gère la validation des contributions sur le Indymedia-Québec, n'endosse aucunement les propos et ne juge pas de la véracité des informations. Ce sont les commentaires des Internautes, comme vous, qui servent à évaluer la qualité de l'information. Nous avons néanmoins une
Politique éditoriale
, qui essentiellement demande que les contributions portent sur une question d'émancipation et ne proviennent pas de médias commerciaux.
|