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Après les présidentielles françaises, mine de rien, l’ « Europe militaire » (3)De ço qui calt, Dimanche, Juin 24, 2007 - 13:51 (Analyses | Democratie | Droits / Rights / Derecho | Elections & partis | Globalisation | Imperialism | Repression)
De ço qui calt ?
Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et les autres représentants des Etats de l’Union Européenne sont parvenus sans trop de difficultés, à Bruxelles, à un accord sur la poursuite de la mise en place d’un Etat européen, superpuissance militaire comprise. Un mois et demi après les élections présidentielles françaises, et moins d’une semaine après les législatives, le tour est joué. Avant cette réunion, Nicolas Sarkozy avait consulté notamment l’opposition « majoritaire » représentée par François Hollande, qui a acquiescé sur l’essentiel malgré un rappel de la « dimension économique et sociale », et l’opposition Royal qui a même surenchéri évoquant la « mini-ambition pour l’Europe » du Traité à l’étude. Sarkozy n’avait aucune raison de s’attendre à des difficultés avec des dirigeants qui, comme lui, avaient soutenu à fond le Traité Constitutionnel Européen (TCE) lors du référendum de 2005. Quant à la « gauche de la gauche », elle s’est montrée plutôt discrète. Aussitôt après la réunion de Bruxelles, le Président de la République Française a évoqué la nécessité, de son point de vue : a) d’une « politique industrielle européenne » ; b) de ne pas « dupliquer les programmes » militaires en France par rapport aux programmes européens ; c) d’une « fondation scientifique européenne » qui « rassemblera les moyens » de la recherche publique. Un programme très conséquent et cohérent de mise en place accélérée de la superpuissance européenne, y compris sur le plan militaire. Avec le soutien du « centre » et de la « gauche », Nicolas Sarkozy prépare, sans trop faire de bruit, le transfert à l’Union Européenne d’importants moyens et compétences de l’Etat français dans les domaines industriel, militaire et de la recherche. Suite de mes articles du 25 mars (1) et du 8 avril (2). Voir également mon article du 2 juin « Sarkozy, Royal, Kouchner, Bayrou, les « gauches » et l’euronationalisme consensuel ». Sur le site du Parti Communiste, un article du 21 juin noie passablement le poisson. Un lecteur écrit : « Les manifestations de la gauche ont eu raison du funeste projet de CPE. Mais voici, née au forceps dans la nuit bruxelloise, la CPECPE (Charte Prescrite Envers et Contre les Peuples Européene). Sarkozy prétend imposer la ratification de la France par voie parlementaire pour effacer le résultat du référendum de mai 2005. Voila une provocation qui devrait unir toute la gauche dans une grande manifestation de la volonté populaire. Sinon c'est à désespérer de la gauche ». Ce lecteur commet, à mon sens, plusieurs erreurs. D’abord, les mobilisations contre le Contrat Première Embauche n’ont pas été le fait de « la gauche », mais d’un mouvement que la « gauche » a cherché à contrôler et qu’elle a empêché d’aller jusqu’au bout contre le Contrat Nouvelles Embauches (CNE). C’est d’ailleurs un ancien directeur de cabinet de la Garde des Sceaux Marylise Lebranchu, devenue en 2005 une ouiste de choc, qui en octobre 2005 avait demandé et obtenu, en tant que commissaire du gouvernement au Conseil d’Etat, le rejet du recours des centrales syndicales contre le CNE. Ensuite, les dirigeants de la « gauche » avaient été très majoritairement en faveur du TCE en 2005. A commencer par Ségolène Royal et François Hollande. Le NON au référendum a été un « accident de parcours » mais, dès le lendemain, « il avait été décidé » de faire passer la même stratégie par d’autres moyens. Le CNE a fait partie de cette opération, et les mobilisations anti-CPE de l’année dernière ont fini par l’épargner. « Un peu de casse » du Code du Travail français, était-ce de nature à vraiment déranger la « gauche » ouiste ? Enfin, si on s’en tient à la propagande des dernières présidentielles et législatives françaises, Sarkozy n’a fait qu’appliquer un programme qui faisait l’unanimité parmi les « candidats influents », y compris au sein de la « gauche de la gauche » où personne ne mettait en cause l’idée d’un Etat européen fort. La seule revendication de façade étant le « volet social », mais sans contester le principe de la création de la superpuissance européenne conforme aux exigences de l’oligarchie financière. Quant à Marie-George Buffet, également reçue par Sarkozy, elle s’était bornée à réclamer un nouveau référendum et « du social », mais sans dénoncer la nature même du projet d’un grand Etat européen que le Parti Communiste Français (PCF) ne conteste plus. Les mots d’ordre dits « antilibéraux » semblent s’être substitués à l’analyse de fond de la politique du système capitaliste et impérialiste et de la stratégie globale des milieux financiers. Le « social » devient alors une sorte de charité. Sainte Marie-George des Pauvrets dit en somme aux citoyens qu’il vaut mieux laisser aux financiers et aux multinationales le petit plaisir de décider du découpage du monde, et se concentrer sur le « social ». L’important, d’après ce type de discours, serait de pouvoir tous manger, et à chacun son buffet. La politique française « de gauche » se trouve ainsi de retour à Jean Chrisostome. Sauf que le Chrysostome vécut il y a plus de seize siècles et mourut en exil sans une retraite de député ou de ministre. Pourtant, dès le 23 juin, Nicolas Sarkozy a été très clair sur un certain nombre de principes qu’il considère comme des implications du nouveau projet de Traité européen. Notamment : 1. Une « vraie politique industrielle européenne », prétendument au nom de la « politique de la concurrence » et qui devrait s’opposer à « une approche idéologique qui fait de la concurrence une fin en soi ». C’est donc le « marché européen protecteur ». On remarquera d’emblée que ce marché de 500 millions de personnes pour l’Union Européene, et de plus de huit-cents millions pour le Conseil de l’Europe, est aussi un grand « marché de la main d’œuvre ». Et Jacques Delors a estimé qu’un éventuel SMIC européen ne devrait pas être le même pour tous mais « proportionnel au niveau de développement de chaque pays ». Les délocalisations au sein même de l’Union Européenne se poursuivront, donc. Comme vers d’autres continents, car le principe n’a pas été mis en cause. 2. Une nouvelle politique militaire, caractérisée dès à présent par une « remise à plat » des programmes militaires français, y compris ceux déjà engagés dont le nouveau président s’est interrogé sur les « modalités de définition et de pilotage ». Sarkozy a critiqué l’actuel projet de loi de programmation militaire et, comme Bayrou pendant la campagne présidentielle, estimé que la République Française « ne peut se payer le luxe » de « dupliquer » les programmes par rapport à ceux de l’Union Européenne qui finance « cinq programmes de missiles sol-air, trois programmes d'avions de combat, six programmes de sous-marins d'attaque et plus d'une vingtaine de programmes de blindés ». L’Europe militaire est donc bien en marche. Sarkozy ne compte pas faire des économies sur le budget militaire français, mais en transférer une partie croissante aux instances européennes. Ce qui, au passage, contribuera au renforcement de l’OTAN, comme l’appelle Bayrou des ses vœux. 3. Transfert à l’Union Européenne des moyens de la recherche publique française. Sarkozy a ouvertement souhaité la création d'une « fondation scientifique européenne », qui « rassemblera les moyens et les allouera aux meilleures équipes du continent ». Au même moment, des inquiétudes sur un éventuel transfert en bloc des chercheurs du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et d’autres organismes français analogues, en direction des universités, ont commencé à s’exprimer. Des organisations syndicales craignent « la mort annoncée des organismes de recherche » transformés en simples « agences de moyens », dans un schéma où « le ministère définit les orientations de la recherche, l’ ANR (Agence Nationale de la Recherche récemment créée) finance les projets, l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, également de création récente) en est la caution, les organismes de recherche structurent les équipements et organisent l’apport en personnel ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs) et les Universités disposent les enseignants-chercheurs et les chercheurs dans ces orientations ». Mais la véritable stratégie annoncée par Nicolas Sarkozy pourrait être beaucoup plus simple : supprimer le CNRS et d’autres établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) pour en transférer les moyens à l’Union Européenne, en même temps que les moyens destinés à l’Europe militaire et ceux éventuellement consacrés à la « nouvelle politique industrielle ». Car, dans l’ensemble, les trois domaines n’ont jamais été séparés dans les Etats impérialistes modernes. Les politiques industrielle et militaire forment un binôme classique, et la recherche dite « publique » n’a jamais été disjointe de la stratégie industrielle et militaire malgré son indépendance de façade. Avec le « bonus », en l’espèce, que le transfert des moyens de l’Etat français vers l’Union Européenne permettra de délocaliser de nombreuses activités vers les « paradis » salariaux et sociaux qui ne manquent pas au sein de cette Union. Rien de très original. Une entreprise brésilienne comme AVIBRAS fabrique déjà des lanceurs de missiles sans que le niveau de vie des Brésiliens se soit pour autant amélioré. De même, les délocalisations d’activités de recherche et de haute technologie vers des pays avec de très bas salaires sont devenues monnaie courante. Autant de questions sur lesquelles la « gauche » et la « gauche de la gauche » gardent, à peu de chose près, le silence. Et sur lesquelles un consensus dans les grandes lignes existait depuis le début entre Sarkozy, Royal et Bayrou en faveur de la mise en place à tout prix de la superpuissance européenne. Ni l’Europe militaire, ni celle du dumping social, ni la casse de la recherche française, n’auront été particulièrement le fait de la « politique de Sarkozy ». Au printemps 2005, la grande majorité des scientifiques influents de toutes tendances politiques, y compris parmi ceux qui manifestaient dans la rue, s’étaient prononcés en faveur du projet de Traité Constitutionnel Européen. Dans la recherche, les véritables perdants de l’opération seront les chercheurs « de base » et les jeunes qui attendent un emploi scientifique. Pas les « notables » et les lobbystes, quelle que soit leur couleur politique. Il en sera de même dans l’ensemble des secteurs stratégiques qui risquent de subir le même sort que les établissements de recherche. Rien qui n’ait pas été prévu depuis une trentaine d’années et qui n’ait pas été soigneusement préparé par l’ensemble des gouvernements qui se sont succédés en France et dans les pays voisins. La seule nouvelle donne étant la disparition, en 1991, de l’Union Soviétique et l’abrogation du Pacte de Varsovie la même année. Ce à quoi il convient d’ajouter l’urgence générée par les difficultés que rencontre actuellement la super-puissance US et qui exigent, pour la défense des intérêts des grands lobbies du capitalisme, l’arrivée rapide sur la scène internationale d’un deuxième gendarme mondial. Quel en sera le prix pour les « petits européens » qui, se croyant très puissants, agitent le drapeau bleu – étoilé ?
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