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Sommet du G8: intrigues vs résistance

Eric Smith, Lundi, Juin 18, 2007 - 13:19

Arsenal-express

(Traduit et adapté d'A World to Win News Service) Les États-Unis ont bien l'intention de maintenir leur règne absolu sur la planète; quant à elles, et bien qu'elles ne remettent aucunement cela en question, les sept autres puissances impérialistes dominantes tentent néanmoins de faire valoir leur propres intérêts anti-populaires: tel est le message principal qui ressort du sommet annuel du G8 qui vient d'avoir lieu à Heiligendamm, en Allemagne.

Le sommet du Groupe des Huit se veut une rencontre annuelle plus ou moins formelle lors de laquelle les leaders des "plus importantes démocraties industrialisées" peuvent échanger privément. En vérité, il s'agit essentiellement d'un conclave réunissant les puissances impérialistes dominantes -- celles qui se sont engraissées et s'engraissent encore grâce à l'exportation de capitaux et à la division du monde entre les pays dominants et dominés, de même qu'à l'exploitation des masses populaires sur leur propre territoire.

Même si, au départ (en 1975), le G8 a été mis sur pied d'abord et avant tout pour traiter des questions économiques et de commerce, les questions politiques ont fini par y occuper une place prépondérante, comme en témoigne le contenu des déclarations officielles qu'il rend publiques à chaque année. Depuis quelques années, le G8 est aussi devenu l'occasion d'un grand rassemblement des opposantes et opposants à la globalisation et de tous ceux et celles qui considèrent cette institution comme la source principale d'une bonne partie des souffrances que les peuples doivent endurer; le G8 représente en quelque sorte un concentré de tout ce qui va de travers dans l'actuelle organisation du monde.

Ceux, comme le chanteur Bono ou d'autres, qui affirment que le G8 devrait "arrêter de parler et se mettre à agir" devraient repenser à leur affaire. L'une des décisions les plus importantes ayant été prises au récent sommet mais qui est passée plutôt inaperçue montre bien les dangers que l'on court quand ces gens-là se décident à agir: les dirigeantEs du G8 ont en effet convenu de "prendre de nouvelles mesures appropriées" contre l'Iran si Téhéran refuse d'abandonner son programme d'enrichissement d'uranium, au grand plaisir de ceux que le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohamed El Baradei n'a pas hésité à qualifier de "nouveaux fous" - à savoir les membres de l'administration Bush qui souhaitent bombarder ce pays. Bien que rien n'ait officiellement transpiré des discussions qui ont eu lieu à huis clos à ce sujet, il n'en demeure pas moins qu'aucun des chefs d'État présents au sommet du G8 n'a daigné faire écho publiquement aux préoccupations exprimées par El Baradei: cela constitue, en soi, un bon indice de ce qui a pu se tramer.

La dispute entre les États-Unis et la Russie à propos du plan états-unien visant à installer un système antimissile tout près de la frontière russe est un autre indicateur des tumultes à venir. La Russie considère qu'elle a déjà fait pas mal de concessions aux États-Unis, notamment en ne s'opposant pas à l'installation de nouvelles bases militaires yankee en Asie centrale. Alors qu'elle s'attendait à un retour d'ascenseur, les États-Unis ont plutôt choisi d'étendre le rayonnement de l'OTAN jusqu'à la frontière russe. Le plan états-unien visant à installer un système antimissile en Pologne et en République tchèque constitue un acte d'agression dont la cible est non seulement la Russie mais l'Europe tout entière, dans la mesure où il exprime la volonté claire des États-Unis d'affirmer son hégémonie en matière militaire. Bien que les deux bases projetées ne constitueraient pas nécessairement, en soi, une énorme menace pour la Russie, elles le deviendraient assurément dès lors où elles seraient intégrées à un système antimissile plus global au cours des prochaines années, comme les États-Unis le projettent: dans l'éventualité d'une attaque nucléaire états-unienne, un tel système pourrait ensuite neutraliser aisément les missiles russes.

On n'en est pas pour autant revenu à l'époque de la guerre froide, lorsque la menace d'une guerre nucléaire était réelle et palpable; néanmoins, ceux et celles qui ne comprennent pas pourquoi la Russie s'est insurgée contre l'intention des États-Unis d'installer des missiles à sa frontière n'ont qu'à se rappeler comment ce pays avait réagi en 1963 lorsque l'URSS d'alors avait osé envoyer une poignée de missiles à Cuba! Cette récente décision annoncée par l'administration Bush vise essentiellement à s'assurer que la Russie ne s'écartera pas du modèle de domination actuellement imposé par les États-Unis sur la scène internationale. Elle est également liée à la question iranienne - non pas dans le sens où ces systèmes seraient d'une quelconque utilité contre des missiles iraniens appréhendés mais toujours inexistants (on notera d'ailleurs que les États-Unis ont accueilli froidement la proposition faite par le président russe Vladimir Poutine à l'effet d'installer une base militaire conjointe près de la frontière iranienne), mais justement parce que c'est la Russie qui s'est avérée jusqu'à maintenant le principal frein à une éventuelle offensive militaire états-unienne contre l'Iran.

Cela dit, c'est la question du réchauffement climatique qui était officiellement le principal point à l'ordre du jour du sommet du G8. Lorsque la chancelière allemande Angela Merkel a tenté d'obtenir un accord prévoyant l'atteinte de cibles obligatoires en termes de réduction des émissions de gaz carbonique, l'entourage de George W. Bush lui a clairement laissé savoir qu'elle franchissait là une "ligne rouge" et que les États-Unis n'accepteraient jamais que la communauté internationale impose quelque limite que ce soit à leur développement économique -- pas plus qu'ils n'ont jamais accepté aucune ingérence de la part de l'ONU quant à leur "droit" d'envahir les pays qu'ils veulent. Même si le président américain a récemment cessé de prétendre que le réchauffement de la planète reste encore à prouver (comme la théorie de l'évolution!), l'annonce faite en plein cœur du sommet à l'effet que Washington mettra fin à son programme de surveillance environnementale par satellite témoigne de la volonté de son gouvernement de poursuivre sa guerre contre une approche scientifique des questions liées à l'environnement. Cette récente décision affectera grandement la recherche sur les changements climatiques. Tout ce que Merkel a pu obtenir de Bush au sommet du G8, c'est l'assurance que les États-Unis vont "étudier sérieusement" ses propositions. L'intransigeance du président américain à ce sujet a laissé ses homologues pantois.

Des experts en environnement tel Joerg Feddern de Greenpeace considèrent que les objectifs mis de l'avant par Angela Merkel -- à savoir de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 -- ne sont pas encore à la hauteur du problème. Et encore là, il y a de bonnes raisons de douter des véritables intentions des puissances européennes. Globalement, l'Union européenne a d'ailleurs failli à atteindre les objectifs encore plus limités qui avaient été fixés dans le cadre du protocole de Kyoto. L'Allemagne, pour une, s'est assurée que le calcul des exigences lui soit favorable, en excluant notamment les effets de l'utilisation du charbon des statistiques en matière de pollution. De sérieux doutes ont également été exprimés quant à la véracité des résultats apparemment positifs présentés par le Royaume-Uni. En fin de compte, la seule mesure concrète que le sommet du G8 a accepté de prendre fut de décider de convoquer une autre ronde de négociations avant la fin de cette année à Bali, en Indonésie, avec l'objectif d'en arriver à une nouvelle entente d'ici l'année 2009. Cela constitue, en soi, une honteuse admission du fait qu'une fois de plus, rien n'a été accompli en matière de changements climatiques, sauf un écran de fumée.

Le "consensus sur l'Afrique" annoncé lors du sommet ne fut lui aussi qu'une frauduleuse opération de relations publiques. Les dirigeants du G8 se sont vantés en disant qu'ils allaient consacrer plus de 60 milliards de dollars à différentes mesures visant à enrayer le SIDA, la malaria et la tuberculose sur le continent africain. Sauf que de cette somme, au moins 50 milliards avaient déjà été promis et annoncés il y a deux ans lors du sommet du G8 tenu à Gleneagles, qui portait principalement sur l'Afrique. Il s'est avéré que depuis ce temps, moins du tiers de cet engagement a réellement été engagé; et là, on a repris essentiellement le même engagement, quoique aucun pays n'ait annoncé de nouvelles mesures spécifiques! La porte-parole du groupe Physicians for Human Rights, basé aux États-Unis, a révélé que sur le terrain, aucun progrès n'avait été enregistré, sinon quelque progrès insignifiant, vers l'atteinte des objectifs fixés au sommet de Gleneagles, qui prévoyaient que les programmes de prévention et de traitement du SIDA devaient être généralisés sur tout le continent d'ici l'année 2010. Au sommet de Heiligendamm, on ne s'est même pas donné la peine de réitérer cet objectif, ne serait-ce que pour la galerie. Pire encore, les leaders du G8 ont convenu de renforcer leurs législations nationales respectives sur la propriété intellectuelle, ce qui compromettra la production des médicaments génériques moins coûteux dont dépendent les populations des pays pauvres.

La porte-parole du groupe de médecins a conclu en disant que le communiqué final du sommet du G8 ne représente qu'une "liste de vœux pieux qui n'aidera en rien à sauver des vies". Même le chanteur et musicien Bono qui, tout comme son pote Bob Geldof, semble considérer que le G8 ne fait pas partie du problème mais de la solution, s'est vu contraint de dénoncer la déclaration finale du G8 à propos de l'Afrique en disant qu'il s'agissait d'un texte "délibérément fallacieux". Geldof a ajouté que "tout cela n'est pas sérieux, ce n'est qu'une farce". L'organisation Worlds AIDS Campaign, basée aux Pays-Bas, n'a pas hésité quant à elle à qualifier le sommet de Heiligendamm de "gigantesque pas en arrière".

Un sommet illégitime, confronté par des dizaines de milliers de personnes!

Du 2 au 8 août, malgré les interdictions nombreuses et le déploiement de 16 000 flics spécialement équipés et entraînés pour empêcher toute manifestation, des milliers de personnes ont réussi à perturber le sommet du G8. Estimé de façon conservatrice à environ 80 000, le nombre de participantes et participants au premier rassemblement (celui du 2 juin) en a fait la plus grande manifestation à se tenir en Allemagne depuis le déclenchement de la guerre contre l'Irak il y a quatre ans.

Plusieurs slogans et bannières dénonçaient le caractère "illégitime" du G8. Bien que les points de vue des manifestantEs étaient de toute évidence fort diversifiés quant à ce qu'il faut faire et à la possibilité d'une alternative socialiste à la globalisation impérialiste, le sentiment était très largement partagé à l'effet qu'il est totalement injuste et immoral que les dirigeants d'une poignée de pays riches décident du sort de la planète et des populations qui y vivent. Contrairement au dernier sommet du G8 où une mobilisation populaire avait été possible (celui de 2005 en Écosse), une bonne partie des manifestantEs sont venuEs avec l'idée de confronter les autorités de façon militante. À quelques reprises, les trois principales voies d'accès au sommet d'Heiligendamm ont d'ailleurs été bloquées, ce qui a occasionné toutes sortes de problèmes aux responsables du sommet.

La forte répression exercée par la police au cours des deux premiers jours (plus de 500 arrestations, jumelées à la condamnation d'au moins six personnes à une peine de 10 mois de prison fermes par un tribunal d'exception!) n'a pas affecté la vigueur des manifestations qui se sont poursuivies toute la semaine.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 143, le 17 juin 2007.
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