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Affaire Covassi : Quand la Suisse couvre ses services secrets par des mensonges d’Etat

Anonyme, Jeudi, Mai 31, 2007 - 03:49

Michel Lepertuis

Depuis février 2006, un ex-agent des services secrets suisses (SAP, Service d’analyse et de prévention, fedpol) accuse ses anciens employeurs de lui avoir donner l’ordre d’impliquer Hani Ramadan avec des groupes terroristes, de sorte à éliminer ce dernier de la scène politique suisse.

Après une enquête de 14 mois, la Délégation des Commissions de gestion, organe de contrôle des services de secrets suisse, vient de publier un rapport qui se voudrait être sans réplique.

La version de la Délégation, aggravée plutôt qu’améliorée par cent retouches successives qui se contredisent mutuellement, et que, dans la précipitation, tous les commentateurs se sont fait un devoir d’admettre en public, n’est pas un seul instant crédible. Son intention n’est d’ailleurs pas d’être crue, mais de couvrir avec la plus grande force possible la réalité des faits.

L’enquête menée par la DélCdG n’a été qu’une entreprise de désinformation visant à sauver la face du Service d’analyse et de prévention (SAP), et nous allons, point par point, en faire la démonstration.

1. Premier exemple de contradiction évidente

L’enquête de la Délégation des Commissions de gestion (ci-après DélCdG) se base :

1. Sur les documents que les différents services sécuritaires ont été contraints de lui fournir.

2. Sur les témoignages des fonctionnaires appartenant à ces services lors de leur audition devant la DélCdG.

Les premiers contredisent à chaque fois les seconds. Il faut comprendre que les documents fournis par le SAP ont été rédigés alors que Claude Covassi était en opération, soit entre décembre 2003 et février 2006 ; et que les témoignages des fonctionnaires avec lesquels il collaborait ont été collectés par la DélCdG après qu’elle ait commencé ses travaux, soit à partir du 13 mars 2006.

Prenons un exemple à partir de documents fournis par le SAP figurant dans le rapport de la DélCdG :

« La source est bien placée. Elle recueille des informations importantes et vérifiables. » (page 23)

Lors des auditions devant la DélCdG, c’est un tout autre portrait qui est brossé de Claude Covassi :

« Les informations communiquées par Claude Covassi s’avèrent irrégulières dans leur rythme et peu fiables dans leur contenu ; sur le plan du renseignement, elles furent jugées plutôt maigres. » (page 45)

Des contradictions de ce genre, il y en a à chaque page du rapport que présente la DélCdG, et nous allons maintenant poursuivre en les classant par genre .

2. Claude Covassi s’est-il converti à l’Islam sur ordre du SAP ?

Les auditions du SAP par la DélCdG indiquent que ce service n’aurait pas pu demander à Claude Covassi de se convertir à l’Islam (p.18). Cette version, revue et corrigée pour l’enquête parlementaire, est contredite par une note de l’inspecteur François datée du 24 mars 2004 :

« Nous lui avons assigné des objectifs précis. Il s’agit, dans un premier temps, et comme objectif essentiel, de se laisser convertir et embrigader par les musulmans qu’il fréquente, en particulier par des intellectuels comme Hani Ramadan» (page 18).

Claude Covassi s’est converti au Centre islamique le 30 avril 2004, soit un peu plus d’un mois après qu’on lui ait assigné comme objectif précis et essentiel de se « laisser convertir ».

3. Claude Covassi s’est-il rendu en Syrie à la demande du SAP ?

Lors de leur audition devant la DélCdG, le commissaire Antoine et l’inspecteur François ont indiqué que le SAP n’avait pas donné pour mission à Claude Covassi de se rendre en Syrie. Selon eux, le déplacement en Syrie était d’ordre privé.

Le rapport du Conseiller d’Etat Laurent Moutinot, Chef du Département de justice et police du canton de Genève, vient pourtant contredire cette version des faits :

« Deux ou trois réunions, à des dates non précisées, ont eu lieu à Genève entre le commissaire Antoine, l’inspecteur François et Claude Covassi avant le départ de ce dernier pour la Syrie. Lors de ces rencontres, il aurait été question de déterminer les sites que l’informateur pourrait visiter. » (page 43)

L’inspecteur François confirme d’ailleurs le rapport du Conseiller d’Etat genevois :

« Plusieurs réunions ont lieu à Genève entre le commissaire Antoine, l’inspecteur François et Claude Covassi avant le départ de ce dernier pour la Syrie. » (page 21)

Le SAP voudrait-il nous faire croire que c’est pour un « déplacement privé » qu’il aurait fourni à Claude Covassi « un rapport de service de renseignement étranger » (p. 47), à savoir celui des services secrets libanais qui relatait les préparatifs au djihad de J. et Y. depuis Genève ?

« J. et Y. prennent un vol Genève-Budapest-Istanbul, avec l’intention de continuer sur Damas par la route. Le même soir, Claude Covassi s’envole pour Damas. » (page 21)

« À son retour de Syrie, Claude Covassi a été questionné longuement par le commissaire Antoine et l’inspecteur François » (p. 44).

Pour ce débriefing, Claude Covassi a consigné deux rapports à l’attention du SAP, dont l’un évoque « la problématique des filières irakiennes » (p. 44). Ce qui est encore confirmé en page 51 : « le SAP a chargé Claude Covassi de rédiger un rapport sur son voyage en Syrie. »

Quoiqu’en dise le commissaire Antoine, et malgré ses « pertes de mémoires » (page 21) bien opportunes, tout démontre que le déplacement de Claude Covassi en Syrie était une mission approuvée par le SAP.

4. L’opération qui visait le Centre islamique était-elle une opération d’infiltration ?

Claude Covassi a collaboré en qualité d’agent provocateur avec la Brigade des stupéfiants de la Police genevoise jusqu’en décembre 2003. Il s’est fait approcher par le SAP au début 2004, quelques semaines après le succès d’une opération de la police genevoise qui visait à piéger les gendarmes Knecht et Larpin, dont la hiérarchie voulait se débarrasser.

Claude Covassi n’avait, à cette époque, jamais mis les pieds dans une mosquée, ne côtoyait pas de musulmans ni n’avait jamais rencontré aucun membre de la famille Ramadan. Comment donc imaginer qu’il puisse devenir l’informateur d’un millieu dont il ne connaissait rien.

La notion d’informateur est floue, et le droit fédéral ne la définit pas. Par contre, la pratique démontre qu’un informateur est une personne qui, de son propre chef ou parce qu’elle a été approchée par des services sécuritaires, donne des informations sur un milieu avec lequel elle est déjà familiarisée. Pour ce qui concerne les mosquées et Centres islamique en Suisse, il s’agit généralement de délinquants d’origine maghrébine en situation irrégulière sur lesquels la police exerce un chantage afin d’obtenir des informations. De surcroît, un informateur, ce n’est pas quelqu’un qu’on envoie en mission en Syrie et en « Afrique ».

On comprend bien qu’il est peu plausible de « fabriquer » un informateur à partir d’un individu qui devrait apprendre la culture, la langue et les réseaux du milieu sur lequel il devra investiguer, car cela risquerait de prendre plusieurs d’années avant qu’il soit rentable en termes de renseignements.

Claude Covassi a été recruté par le SAP sur ses qualités « d’agent provocateur ». Entre janvier et avril 2004, plusieurs séances préparatoires avec l’inspecteur François et le commissaire Antoine lui permettent, en fonction de leurs indications et de ses compétences, de mettre au point une stratégie d’approche du Centre Islamique ainsi que la construction d’une « légende » (biographie expliquant son intérêt soudain pour l’Islam). Pour cela, l’inspecteur Antoine lui a fourni un certain nombre « d’informations officielles classifiées » (page 47), notamment le profil psychologique de Hani Ramadan, qui était la cible principale de l’opération. Ce que confirme une note du 24 mars 2004 rédigée par l’inspecteur François : « Nous lui avons assigné des objectifs précis. Il s’agit dans un premier temps, et comme objectif essentiel, de se laisser convertir et embrigader par les musulmans qu’il fréquente, en particulier par des intellectuels tels que Hani Ramadan » (p. 18)

Ce que confirme le commissaire Antoine dans un rapport daté du 7 juin 2004 : Il est « primordial de saisir cette opportunité unique de pouvoir approcher et contrôler d’une certaine manière l’un des responsables les plus influents dans le domaine du fondamentalisme islamique en Suisse, petit-fils du fondateur du mouvement islamiste radical des Frères musulmans. » (p. 19).

Tout, dans le mode opératoire de la préparation de cette opération, révèle qu’il s’agissait bel et bien d’une mission d’infiltration dont le but était de contrôler Hani Ramadan.

Les preuves enregistrées existent-elles ?

Claude Covassi était en possession d’un « dispositif technique permettant des échanges sécurisés d’informations » (page 24). Il s’agit en fait d’un logiciel informatique permettant de crypter des documents texte, audio et vidéo, dans une photographie. Cela permet, en outre, de dissimuler en permanence toutes les informations confidentielles stockées dans un ordinateur portable, de sorte qu’aucune de ces informations ne puisse être perdue au cas où l’ordinateur portable viendrait à être dérobé ou égaré.

Pour sa première audition en décembre 2006, la DéldCdG avait exigé de Claude Covassi une procédure très stricte. Il était question de déposer l’intégralité des preuves qu’il détenait pour que, dans un premier temps, elles soient analysées. Les questions des parlementaires à Claude Covassi devaient intervenir après qu’ils aient pris connaissance des preuves.

Pourtant, le 12 décembre 2006, les choses se passent différemment, à la grande stupéfaction de Claude Covassi et de son avocat, Me Razi Abderrahim, comme le relate le procès-verbal produit par la DélCdG :

« Me Abderrahim : La DélCdG pourrait-elle prendre connaissance des documents fournis par Monsieur Covassi pour pouvoir lui poser des questions complémentaires ? Ces documents sont importants. »

« Hofmann : Nous ne pouvons pas consulter ces documents maintenant. Nous les consulterons le plus rapidement possible et nous ferons savoir très vite si nous avons d’autres questions en rapport avec eux. » (page 5)

Lorsqu’il se trouvait en Egypte, en juin 2005, Claude Covassi a fait parvenir un certain nombre de documents cryptés à M. Philippe Schwab, secrétaire des Commissions de Gestion. Ce dernier, le jour de la première audition de Claude Covassi devant la DélCdG, a confirmé qu’il était en possession d’un logiciel de cryptage similaire et qu’il avait été en mesure de transcrire les documents reçus de Claude Covassi.

Lors de la deuxième audition de Claude Covassi, le 16 janvier 2007, la DélCdG indique qu’il ne lui a pas été possible de décrypter les documents remis par Claude Covassi. Un ordinateur portable et un logiciel sont mis à disposition de Claude Covassi. Très vite, ce dernier indique qu’il s’agit d’une version antérieure du logiciel de cryptage qu’on lui avait remis, comme le relate le procès-verbal produit par la DélCdG :

« On a ici une configuration du logiciel qui permet simplement de cacher du texte à l’intérieur d’une photo […] Cette évolution du logiciel ne permet pas de cacher un document sonore. » (page 4.)

Maître Razi Abderrahim, excédé, proteste alors :

« Je suis quand même surpris que l’on ne puisse pas faire venir quelqu’un qui soit capable de décrypter ces documents. J’ai cru comprendre qu’on avait un spécialiste ici dans la salle. Le SRS doit avoir à disposition le logiciel en question. Donc, il me semble que c’est une chose qu’il faudrait faire. » (page 9)

Hans Hofmann, le Président de la DélCdG, lui répond :

« C’est ce que nous allons faire. Nous allons nous adresser au SRS pour qu’il nous décrypte cela. » (page 9)

Malgré cet engagement, ce n’est pas au SRS que la DélCdG communiquera les documents cryptés présentés par Claude Covassi, mais à l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne).

Dans ses conclusions, la DélCdG indique que les spécialistes de l’EPFL n’ont trouvé « aucune trace d’un quelconque enregistrement » (page 50). Le rapport de l’école polytechnique précise cependant un autre résultat : « Nous ne pouvons pas exclure la présence d’un message qui serait distribué dans plusieurs régions de l’image et qui pourrait ainsi échapper à notre test statistique. » (page 64)

Conclusions

La DélCdG, dans son rapport, voudrait faire croire que Claude Covassi, seul, aurait manipulé quatre services sécuritaires et l’ensemble des médias, suisses et étrangers, qui ont écrit des articles sur cette affaire. La DélCdG demeure pourtant incapable d’indiquer l’ombre d’un mobile qui aurait poussé Claude Covassi à agir de la sorte. Si cette version était exacte, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de sa logique, demander la condamnation du prétendu manipulateur ?

Nous venons de passer en revue les principaux points contestables du rapport présenté par la DélCdG. Il en retourne :

1. Que la conversion à l’Islam de Claude Covassi était bien un objectif de l’opération du SAP

2. Que le déplacement de Claude Covassi en Syrie était une mission commanditée par le SAP

3. Que l’opération qui visait le Centre islamique était bien une opération d’infiltration, dont l’objectif prioritaire était de contrôler Hani Ramadan.

4. Que la DélCdG n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de décrypter les preuves fournies par Claude Covassi

La DélCdG voudrait, par la publication de son rapport, mettre un terme définitif à toute cette affaire et blanchir les services secrets des accusations de Claude Covassi.

Entre-temps, il est fort probable que le SAP fasse l’objet d’une inculpation par le Ministère Public de la Confédération, suite à la plainte déposée par Hani Ramadan. Nul doute qu’il sera moins aisé pour le SAP de livrer des mensonges sous le couvert du secret et de l’anonymat, comme cela a été le cas avec la DélCdG.

Mercredi 30 mai 2006, Claude Covassi, par l’intermédiaire de son conseil, Maître Razi Abderrahim, a pris toutes les dispositions nécessaires afin de saisir les autorités pénales d’une plainte pour diffamation suite aux nombreuses contrevérités contenue dans le rapport de la DélCdG, ainsi que pour mise en danger

Michel Lepertuis
Article de LA Times


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