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Sarkozy, opium du « peuple français de gauche » : 1 – La « grande illusion » royalisteDe ço qui calt, Mardi, Mai 15, 2007 - 10:06 (Analyses | Democratie | Elections & partis | Globalisation | Imperialism | Politiques & classes sociales | Repression)
De ço qui calt ?
Toutes les voitures brûlées de France et de Navarre n’ont pas empêché l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République Française. Elles semblent plutôt avoir produit l’effet contraire. Et pendant que, depuis des mois, on entend parler de « fascisme » à propos du nouveau président, le système capitaliste et impérialiste a cessé d’exister dans le vocabulaire de la « gauche », de la « gauche de la gauche », de la « gauche toute »... Il en est de même d’une mémoire politique que l’on fait tout pour effacer à l’approche de chaque possible « alternance ». Telles ont été les « performances » de l’indigente campagne électorale que le pays vient de subir, et celle des législatives s’annonce du même tonneau. L’histoire politique de la France d’après-guerre est pleine de mystifications et de grands contresens consensuels que, de façon générale, on se garde bien de dénoncer. On entendait déjà le mot « fascisme » il y a quatre décennies, à propos de De Gaulle ou de Pompidou. Mais nombre de ceux qui s’exprimaient de la sorte n’hésitaient pas à voter pour un candidat aux présidentielles comme François Mitterrand qui bénéficiait du soutien de l’extrême-droite. Mitterrand avait été ministre pendant la guerre d’Algérie et comptait avec le soutien des anciens partisans de l’Algérie Française sur des bases antigaullistes, précisément parce que De Gaulle avait accordé l’indépendance à l’Algérie et réprimé le coup d’Etat d’Alger. Alors que Mitterrand avait même été témoin de la défense au procès de Raoul Salan et des autres officiers putschistes en 1962. Depuis 1965, François Mitterrand était le candidat du « tout sauf De Gaulle et le gaullisme », et les vaillants canards dits « progressistes » furent soudain frappés d’amnésie chronique à propos de ce « politique de gauche » qui avait publiquement défendu le Maréchal Pétain pendant son procès. Un procès qui, d’après Mitterrand, ne pouvait pas être valablement dissocié de celui de la IIIème République (Front Populaire compris), qu’il tenait pour véritable responsable de ce qui s’était produit. Le futur président « de gauche » de la République Française écrivait le 18 juillet 1945 : « Puisque nous en sommes aux explications, nous attendons celles de M. Daladier, qui ne manquera pas de nous exposer son plan de réarmement, et celles de M. Pierre Cot, qui doit avoir des aperçus intéressants sur l’efficacité de l’aviation moderne » (Cité dans « La main droite de Dieu », d’E. Faux, T. Legrand et G. Perez, Seuil 1994). Le 11 février 1957, le militant communiste Ferdinand Yveton disait avant d’être guillotiné : « Je vais mourir, mais l’Algérie sera indépendante ». Il était accusé d’avoir placé une bombe de faible puissance dans un local désaffecté d’une usine de gaz d’Alger. La veille, la grâce lui avait été refusée après un procès au cours duquel « on n’avait laissé aucune chance à la défense ». Le 10 février, le Président de la République René Coty et le Garde des Sceaux François Mitterrand avaient voté la mort. (Source : « La main droite de Dieu »). L’exécution de Ferdinand Yveton en 1957 n’a pas empêché le Parti Communiste de soutenir à cinq reprises (1965 – 69 – 74 – 81 - 88), et en même temps que l’extrême-droite, la candidature de Mitterrand à la Présidence de la République. Mais, 48 ans après la mort d’Yveton, la « gauche » est allée beaucoup plus loin par son silence sur la réhabilitation du colonialisme que comportait la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». A propos du paragraphe prévoyant que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit » (article 4), Wikipédia écrit : « La gauche ne s'était pas opposée au texte, lors des débats parlementaires un député communiste avait même fait l'éloge de « l'œuvre accomplie en des terres ingrates » ». En effet, le débat du 10 février 2005 met en évidence que, même si les partis de « gauche » ont refusé de voter la loi, les motifs invoqués sont étrangers à la question de la réhabilitation du passé colonial. Ségolène Royal était députée depuis 2002 et l’a donc été tout au long de la préparation de cette loi pro-coloniale, mais elle ne semble pas être particulièrement intervenue à ce sujet. Ce n’est qu’en février 2007, en pleine campagne électorale, que son équipe prendra via Jack Lang une position nette, après une déclaration de François Hollande lors d’une visite quasi officielle à Alger en juillet 2006 et une interview de Ségolène Royal fin juin 2006 s’intéressant surtout à « toutes celles et ceux qui la composent » [la France] « et qui ont souffert... parce qu'ils étaient engagés avec leurs convictions ». Mais qui peut croire aux promesses et prises de position des périodes électorales, a fortiori si elles font suite à la colère franchement exprimée en 2005 par les institutions algériennes ? Royal n’a d’ailleurs pas pourfendu Sarkozy sur la question coloniale ou l’histoire de la France lors de leur débat télévisé. Elle a même surenchéri sur le nucléaire iranien. On aurait pu espérer naïvement que, dès 2004-2005, la fille d’un lieutenant-colonel et petite-fille d’un général, née dans une base militaire coloniale, qu’était et reste la future candidate « socialiste » aux présidentielles, s’intéresserait particulièrement au débat sur la question coloniale et adopterait une attitude très claire sur la loi en cours de discussion. Tel ne semble pas avoir été le cas à l’époque. Il a fallu des actions d’enseignants et de chercheurs, ainsi que des protestations de responsables de pays africains, pour qu’en novembre 2005 le Parti Socialiste propose des modifications de la loi du 23 février 2005 et, en décembre, Jacques Chirac entreprenne de supprimer le paragraphe cité plus haut qui n’est que l’un des éléments litigieux de la loi. Ségolène Royal était déjà chargée de mission de François Mitterrand lorsque ce dernier a promulgué la loi du 3 décembre 1982 opérant la réhabilitation professionnelle des putschistes d’Alger. Elle l’a été officiellement en 1982-88, pendant la période de la promotion de Le Pen et du Front National par l’Elysée, de la « rigueur », de l’ « austérité », de la casse sociale, de l’affaire du Rainbow Warrior...
D’après l’ouvrage « La femme fatale », d’E. Bacqué et A. Chemin, Albin Michel 2007, Ségolène Royal travaillait avec François Mitterrand (via Jacques Attali) depuis 1980, date à laquelle François Hollande est devenu conseiller du futur président. Elle a préparé en 1981 le Sommet des chefs d’Etat des pays industrialisés. Dans la période précédant les dernières présidentielles, les références de la part de Ségolène Royal à l’ « héritage de François Mitterrand », à la « lignée mitterrandienne »... ont été fréquentes. Or, la loi du 3 décembre 1982 fut le résultat de contacts entre l’entourage de Mitterrand et celui de Raoul Salan juste avant les présidentielles de 1981. Wikipédia écrit sur Raoul Salan qu’ Sauf rebondissement inattendu, il n’y aura pas, en 2007, de buffet Royal à l’Elysée. C’est à Nicolas Sarkozy et, si les législatives confirment la tendance, à une sorte d’ « UMP élargie », que restera confiée la gestion du système capitaliste et de l’impérialisme français. Cela ne fait aucune réelle différence par rapport à ce qui peut encore se produire, en théorie, si la « gauche » obtient une majorité de députés. Les « alternances », on les connaît depuis 1981 et, déjà à l’époque, l’expérience de l’après-guerre avait été trop vite oubliée. Depuis le temps, on aurait dû comprendre que ce ne sont pas les « politiques » qui font la politique, mais bien les commis de la grande finance et des lobbies industriels. Avec ou sans vacances à Malte. Les classiques du mouvement ouvrier du XIX siècle le savaient déjà. D’ailleurs, Marx parlait d’opium du peuple à propos de la religion, parce qu’elle constitue une « conscience inversée du monde » véhiculant un « bonheur illusoire ». Pour Marx, « exiger [du peuple] qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions ». Mais la déification ségoléniste et le sacre du printemps du chantage au « tout sauf Sarkozy » pour imposer les votes Royal et « de gauche », sont-ils autre chose que ce type d’aliénation dénoncée par Marx ? On dirait que la « gauche » et ses alliés ne peuvent plus exister politiquement sans l’épouvantail Sarkozy. Face à ce démon cornu se dressent l’archange Ségolène-la-moins mauvaise, assistée par les anges Buffet-la-ministre, Bové-le-radical, grand ingénieur du courant alternatif, Besancenot-le-prolétaire-de-la-télé et Arlette-la-finalement-raisonnable. Peu importe que « Ségo et Sarko » aient défendu pour l’essentiel la même politique, clairement capitaliste et impérialiste. L’heure n’est pas au raisonnement, mais à l’opportunisme qui voudrait faire croire à la viabilité de la recherche d’un capitalisme « à visage moins inhumain », et honni soit qui pense à une simple bagarre pour les bonnes places. Même si c’est une évidence que dix ans sans être au gouvernement, ça peut être très mauvais pour la « gauche » aux planques. Mais le ciel va-t-il s’écrouler sur la tête des Français, si demain la « gauche » a moins accès aux réseaux d’influence et à des postes de « grand serviteur de l’Etat » ? Déjà dans les années 1980, après avoir organisé avec succès la promotion du Front National, Mitterrand avait mis en place un « antifascisme » dont le rôle essentiel était de nous expliquer qu’il fallait bien se contenter du capitalisme pour ne pas tomber sous une « dictature ». Et, dans le « moins mauvais des systèmes », il fallait choisir les politiciens les « moins méchants » : à savoir, ceux de la « gauche ». Une chaîne d’épouvantails qui a assez bien fonctionné pendant deux décennies. Pourtant, lors des présidentielles de 2007, les glaives sacrés de la sainte alliance n’ont pas pu refouler au fond de l’enfer le « grand satan Sarko ». L’agneau égorgé, mille fois sacrifié, que sont les électeurs français, les a abandonnés. Apocalypse not yet ? Mais des fidèles clament vengeance contre la « France acquise au sarkozisme » qui, semble-t-il, aurait dû « choisir » le royalisme. Quant au droit de refuser de choisir l’un ou l’autre, il est dénié aux Français par la simple équation : « abstention = Sarko ». On lit déjà, sur des sites prétendument « progressistes », que nombre d’électeurs seraient des vieux gagas et réacs. Merci pour les retraités : ce genre de commentaires en disent long sur la « valeur » humaine et politique de ceux qui les répandent. Peut-être que, tout compte fait, ceux que l’on traite de vieux gagas et réacs n’ont pas oublié qu’à la tête d’un gouvernement dont faisaient partie Dames Buffet, Royal et Voynet, le « socialiste » Lionel Jospin a signé en 2002, ensemble avec Jacques Chirac, les « accords européens » de Barcelone faisant notamment la peau aux retraites. Des accords que Raffarin et ses potes ont par la suite appliqués avec grand zèle. Comme ils ont entrepris d’appliquer avec une joie évidente la LOLF et plusieurs autres dispositions du gouvernement Jospin où étaient ministres de nombreuses vedettes de la « gauche » actuelle. Peut-être aussi que les « vieux gagas » connaissent un peu mieux les antécédents du « centre » et de la « gauche » qu’on a cherché à leur vendre, l’historique des partis dits « socialiste » et « communiste », de l’UDF... Ou qu’ils ont gardé un souvenir du « centriste » Raymond Barre, du « socialiste » François Mitterrand... Que l’ouvrage « La main droite de Dieu », sur les rapports entre Mitterrand et l’extrême-droite, a également réveillé chez eux des souvenirs. Il se pourrait bien qu’ils en aient trop vu, et trop vécu, pour se laisser entraîner par les « je me fous du passé » que piaffent les poussins du ségolénisme. Des poussins dont certains pourraient bien avoir des dents plus longues qu’ils n’en ont l’air. Comme cela s’avéra être le cas après 1981. C’est vrai, en tout cas, que les Buffet, Bové, Besancenot, Laguiller... ne semblaient plus avoir grand-chose à cirer de la question du capitalisme et de l’impérialisme, lorsqu’ils ont appelé à voter pour la représentante pure et dure du système en place qu’est Ségolène Royal. Les « vieux gagas » font, si ça se trouve, partie d’une génération qui lisait ces classiques du mouvement ouvrier aujourd’hui oubliés. Des lectures qui aujourd’hui ne sont pas à la mode. Mais le MEDEF, lui, semble bien connaître les classiques et avoir appris ce qu’est cette lutte des classes dont les « grands syndicats des travailleurs » ne parlent plus. Les classiques du XIX siècle estimaient, notamment, qu’un citoyen ne peut pas être libre sans étudier et analyser l’histoire. L’oligarchie l’a bien compris qui, pour ses besoins à elle, n’a jamais cessé de se doter de légions d’historiens, d’intellectuels, d’ « analystes »... à son service. Les super-riches ne se foutent pas du passé, loin de là. Ils laissent ce discours aux chansons dites « populaires ». Pour eux, moins le « bas peuple » se souviendra du passé, mieux cela vaudra. Nous devons rester ignares comme le prêchaient Voltaire et la plupart des « philosophes » du XVIII siècle. Montesquieu estimait que « le bas-peuple est le tyran le plus insolent qu'on puisse avoir ». Mieux vaut donc, pour « nos élites », qu’on s’agite sans savoir où on va. Voltaire écrivait aussi : « On demande ensuite si un peuple d’athées peut subsister; il me semble qu’il faut distinguer entre le peuple proprement dit, et une société de philosophes au-dessus du peuple. Il est très vrai que par tout pays la populace a besoin du plus grand frein, et que si Bayle avait eu seulement cinq à six cents paysans à gouverner, il n’aurait pas manqué de leur annoncer un Dieu rémunérateur et vengeur. Mais Bayle n’en aurait pas parlé aux épicuriens, qui étaient des gens riches, amoureux du repos, cultivant toutes les vertus sociales, et surtout l’amitié, fuyant l’embarras et le danger des affaires publiques, menant enfin une vie commode et innocente ». De ce point de vue, nous assistons à une campagne électorale parfaitement voltairienne. Qu’il y ait des élections, ce n’est d’ailleurs « pas grave » pour le système, car à la fin des courses elles opposent toujours des membres de ses appareils politiques.
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