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Les gens de Oaxaca nous interpellent (synthèse d’une conf. à Québec)Michael Lessard..., Jeudi, Avril 26, 2007 - 22:02 (Reportage ind. / Ind. news report | Aboriginal Nations | Democratie | Droits / Rights / Derecho | Media | Religion | Repression | Résistance mexicaine | Solidarite internationale) Synthèse personnelle d’une conférence à Québec par une représentante des peuples de Oaxaca en lutte pour leurs droits démocratiques (17 avril 2007). Sommaire - Mme Dolores Villalobos Cuamatz, au nom du réseau des communautés indigènes qu’elle représente, juge que la répression appliquée à Oaxaca était une guerre contre les gens de tout âge. Au moins 10,000 soldats et policiers, appuyés par des blindés, ont forcé les gens de Oaxaca au Mexique à quitter leurs lieux de protestation et à libérer les stations de radio vers la fin de l’année 2006. Mme Dolores Villalobos Cuamatz, au nom du réseau des communautés indigènes qu’elle représente, juge que la répression appliquée à Oaxaca était une guerre contre les gens de tout âge. La quasi totalité de la société civile –soit une coalition de plus de 400 communautés et organismes réunis au sein de l’APPO ( Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca )—, exige une démocratie moins corrompue et plus légitime. L’État du Mexique a certes « pacifié » agressivement les gens, mais ces communautés et regroupements sociaux n’ont aucunement l’intention d’abandonner leur lutte démocratique. On comprendra que l’APPO exige aussi la fin de la répression, dont le retour des gens prisonniers et « disparus ». Tout comme sa consoeur (décédées récemment; nous en parlons plus loin) et son confrère venus nous rencontrer à Québec en novembre 2006, Dolores Villalobos Cuamatz fait une tournée au Canada et au Québec pour témoigner des souffrances des peuples de Oaxaca qui, non seulement endurent une pauvreté dans des régions pourtant riches en ressources, mais en plus subissent la répression directe. Elle parle au nom du Conseil indigène populaire d’Oaxaca - 'Ricardo Flores Magón' (CIPO-RFM), qui regroupe plusieurs peuples indigènes reconnus pour leur organisation très démocratique et non violente. Elle représente ces peuples sur le Conseil de l’APPO. Cette porte-parole, très leader et respectée de Oaxaca, dénonce les menaces et les enlèvements subis par les leaders sociaux qui appuient l’APPO. Elle dénonce particulièrement l’absence totale de justice (aucune enquête et encore moins d’accusation formelle) lorsque des crimes graves, dont l’assassinat, sont commis contre des personnes qui critiquent le pouvoir. Malgré l’ampleur du mouvement et de la répression, on rapporte 23 décès connus, sauf qu’il y a un nombre inconnu de personnes « disparues » et de nombreuses plaintes de brutalité systématique et de crimes graves dont le viol de militantes. Puis-je rappeler que si ces viols se révèlent être une tactique organisée de répression, cela se nommerait alors un crime contre l’humanité. Le soulèvement non violent de la société s’est produit lorsque le gouverneur a décidé de réprimer violemment la grève des enseignant-es de Oaxaca en 2006. À preuve, rappelons que Brad Will, un jeune reporteur indépendant et solidaire, a été assassiné en public par des hommes de main du gouverneur. « L’APPO est une alliance ou coalition créée dans l’esprit qu’il ne faut pas accepter qu’une partie de notre société soit violée dans ses droits fondamentaux. La revendication qui nous unie, c’est le départ du gouverneur », résume Mme Villalobos Cuamatz. Ce dernier est jugé corrompu, illégitime et violent. Les peuples de Oaxaca estiment que le gouverneur en place, Ulises Ruiz Ortiz, a été élu par des fraudes électorales et donc qu’il n’est pas légitime. Les Mexicain-nes s’insurgent aussi contre la corruption extrême du système politique.
Au sein de l’APPO, le CIPO-RFM propose qu’il y ait création permanente d’assemblées populaires, donc l’instauration d’une culture de démocratie participative ou directe. Le pouvoir décisionnel des communautés indigènes en question fonctionne justement par des assemblées populaires. Les personnes élues par une assemblée populaire sont réellement au service des gens, car elles exécutent les décisions et solutions adoptées par l’assemblée. Ainsi, être élu-e, c’est recevoir une charge ou un mandat obligatoire. Mme Villalobos Cuamatz estime que ce fonctionnement implique d’apprendre à choisir ce qui est bénéfique pour les gens et non seulement pour soi. Une culture du profit personnel ou de l’égoïsme peut nuire au bon fonctionnement de telles assemblées démocratiques populaires. Elle résume par l’affirmation que les communautés du CIPO-RFM préfèrent ne pas jouer les jeux du pouvoir et du capitalisme : « nous voulons agir à la base, avec les gens ». Selon Mme Villalobos Cuamatz, « c’est depuis le soulèvement très connu des communautés du Chiapas, en 1994, que les autres gens du Mexique et du monde ont réalisé que nous [les peuples indigènes] existions ». Jadis, la répression contre les communautés indigènes était ignorée par les agences gouvernementales et même la population mexicaine, mais désormais les peuples sont unis et solidaires. Les peuples de Oaxaca, en particulier, ont appris qu’il fallait agir et non attendre que le gouvernement –ou tout autre leader— intervienne. Pour Mme Villalobos Cuamatz, la démocratie se définit par les faits et gestes des gens et non par une politique officielle. La démocratie serait donc la participation ou l’initiative du monde. Le CIPO-RFM revendique le droit démocratique de ne pas se faire imposer les désirs des élites riches du monde. Ces élites veulent imposer du blé génétiquement modifié et exproprier les terres de milliers de familles pour construire un gigantesque corridor industriel à travers l’Amérique centrale, soit le Plan Puebla-Panama.
Dans la même coopérative café-bar de Québec (L’AgitéE), Mme Asunción et son confrère Pedro étaient venus au nom du CIPO-RFM donner une conférence en novembre dernier (2006). Une personne a demandé à Mme Villalobos Cuamatz s’il était vrai que Asunción était décédée. En répondant, elle a tenté en vain de contenir ses larmes et l’émotion. Mme Villalobos Cuamatz nous partage que Asunción souffrait de malnutrition et qu’elle lutta pour sa survie en vendant des babioles aux touristes, tout en militant corps et âme pour son peuple. Asunción vivait beaucoup d’angoisse dans cette lutte ardue pour tenter d’obtenir un minimum de ressources pour sa communauté. Elle décéda d’une embolie. « Non, ce n’est pas une balle d’arme à feu qui l’a tuée, ce sont plutôt les injustices extrêmes. Il faut s’unir, peuples d’ici et d’ailleurs, pour vaincre et donner une vie décente à tout le monde ! »
Une personne issue de Premières nations au Québec a posé la question Mme Villalobos Cuamatz répondit :
Il est réjouissant d’ailleurs de savoir que plusieurs contacts et rencontres se sont faits entre les Premières nations du Canada et les peuples indigènes de Oaxaca. Je n’ai personnellement aucun espoir que M. Harper exprimera une solidarité avec les peuples et les mouvements sociaux de l’APPO –vu les liens étroits entre M. Harper et l’aristocratie internationale et vu sa vision pyramidale de la démocratie. Cela importe peu, car ce sont les nations du Canada et du Québec qui vont agir, envers et contre nos médias commerciaux, pour aider les peuples à créer une démocratie digne de ce mot. Les leaders politiques et religieux se taisent Certains leaders de syndicats universitaires et des écoles, et de la santé, ont quitté l’APPO. L’Archevêque catholique à Oaxaca, quant à lui, n’aurait jamais appuyé les demandes de l’APPO (cette dernière demande le départ du gouverneur, la fin de la répression et la libération des personnes arrêtées lors des manifestations). Évidemment, parmi les syndicats qui ont quitté, bon nombre de membres et bien des Chrétien-nes continuent d’appuyer les peuples de Oaxaca. Étrangement, même si la crise à Oaxaca était intense durant les élections, il semblerait qu’aucun parti politique mexicain n’ait osé en parler. Les médias de masse à Québec en disent quoi ? Lorsque j’ai fait des appels aux médias de masse de Québec, pour tenter sans succès de fixer des entrevues, la plupart étaient néanmoins sympathiques et parfois même intéressés. J’aimerais d’ailleurs remercier la répondante de Global-TV à Québec qui a fait preuve d’ouverture d’esprit et d’empathie, mais aussi la radio CION-FM (chrétienne) qui a annoncé la conférence à plusieurs reprises. Par contre, puis-je mentionner que TQS était plutôt antipathique ? À ma question « Puis-je vous dire une phrase sur la situation ? », le monsieur des nouvelles m’a répondu sèchement « Non. On n’a pas le temps de couvrir ça ». Impossible de lui dire même une phrase pour essayer vainement de lui expliquer qu’il s’agit d’une lutte admirable de plusieurs peuples unis qui luttent pour leurs droits démocratiques… Les mouvements internationalistes vont bouger L’organisme communautaire pour lequel je travaille va partager cette lettre à plusieurs communautés chrétiennes. Je suis convaincu qu’elles sont à l’écoute et vont, tôt ou tard, exprimer leur solidarité. Je ne porte aucun espoir vis-à-vis des gouvernements et des médias du « prêt-à-penser », toutefois permettez-moi de conclure avec une anecdote qui pourrait interpeller une partie de la chrétienté, mais aussi celles et ceux qui sont critiques de celle-ci. Lors de l’événement annuel du regroupement d’éducation populaire à Québec, je distribuais des biscuits chinois avec des messages particuliers : une personne est tombée sur un message affirmant Quand on aime, on est révolté. Elle me répondit que, en tant que Chrétienne, elle n’était pas d’accord qu’il fallait être révolté. Ce que je voulais dire est : si on regarde la cruauté et la violence du monde, avec le cœur ouvert aux autres, on sera nécessairement révolté. M’enfin, elle a raison, d’une certaine manière : Jésus ne perdrait pas son temps à être révolté contre les médias, il serait plutôt à Oaxaca avec les gens ou même en Irak; tout comme plusieurs étaient au Chiapas. Il y déjà bien des jeunes occidentaux qui observent à Oaxaca et de nombreuses autres personnes y seront sous peu. Les élites pourront nous forcer à nous adapter ou même tenter de nous déformer, mais rien ne pourra arrêter ce mouvement du monde. - Michaël Lessard
Dossier spécial du CMAQ (Indymedia-Québec) sur Oaxaca
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