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Après les présidentielles françaises, mine de rien, l’«Europe militaire» (2)De ço qui calt, Dimanche, Avril 8, 2007 - 12:10
De ço qui calt ?
Plus que deux semaines avant le premier tour des élections présidentielles françaises. Les candidats continuent pour l’essentiel à ne rien dire, pendant que les médias bombardent les citoyens avec des tonnes d’ « informations » et d’ « analyses » bidon cherchant à faire croire le contraire. Les électeurs ont droit à des brochures « grand public » avec des généralités ou, au maximum, à quelques exposés très fragmentaires et sommaires. De temps à autre, une enquête met en évidence le mécontentement général devant ce qui apparaît comme le « flou » ou la « mauvaise qualité » de l’actuelle campagne électorale. Mais en réalité, ce n’est pas nouveau. Les « choses sérieuses », c’est toujours pour après les élections et ne se débattent pas devant les citoyens. Rien d’étonnant à ce qu’on reste sans vraiment savoir, par exemple, « ce qui est prévu » dans les domaines nucléaire et militaire, ou au sujet de ce que les politiques appellent pudiquement la « construction européenne ». Ce qui paraît certain, c’est qu’après les présidentielles françaises « tout ira très vite » et sans trop nous demander notre avis. L’Europe militaire étant, dans les petits papiers des milieux d’affaires, une composante essentielle du dispositif de « sécurité énergétique » planétaire en perspective. Suite de mon article du 25 mars : « Après les présidentielles françaises, mine de rien, l’ « Europe militaire » (1) » Un important rapport présenté à cette réunion circule déjà dans sa version « pré-publication » : celui de John Deutch, diffusé sur un site d’information et recherche juridiques hébergé par l’Université de Pittsburgh. Mis en ligne en annexe à un article de Joe Shaulis du 20 mars, ledit rapport, intitulé : « Priority Energy Security Issues », porte un cachet du Massachusetts Institute of Technology où enseigne Deutsch. Ce dernier apparaît dans la liste des membres de la Trilatérale comme : « John M. Deutch, Institute Professor, Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, MA; former Director of Central Intelligence; former U.S. Deputy Secretary of Defense ». Il fut, en effet, directeur de la CIA et de la « National Intelligence » en tant que « Director of Central Intelligence » en 1995-96, après avoir été Sous-Secrétaire de Défense US en 1994-95. La thématique abordée dans le rapport est l’un des principaux domaines de compétence de John Deutch, comme on peut le constater sur son site universitaire. Le rapport de John Deutch se termine avec cette conclusion : « I have discussed four energy security issues. Here are summary conclusions about what should be done about each. (1) To mitigate the effects of oil and gas important dependence we must begin the process of a transition away from a petroleum based economy and recognize the inevitable dependence on petroleum until that transition is accomplished; (2) To reduce the growing vulnerability of the energy infrastructure calls for greater cooperation for Trilateral countries and others involved in international energy markets; (3) Both developed and developing economies need to curb CO2 and other greenhouse gas emissions to avoid the adverse consequences of climate change or face the prospect of active engineering of the globe’s climate; (3) the need for encouraging expanded use of nuclear power means that new measures must be adopted to reduce the increase in proliferation risk that would result from the spread of dangerous fuel cycle services: enrichment and reprocessing. We justifiably should be concerned that the world is not making sufficient progress on these issues. One possibility is that the world will continue to muddle and make the inevitable adjustments. Another possibility is that a severe crisis will change the attitude of the public and its leaders about what needs to be done. I am uncomfortable with either of these possibilities because I believe each will involve much higher economic and social cost than is necessary. A much better option is to manage the significant social, technical, and economic aspects of the energy transitions the world will undergo. I hope that the Trilateral Commission, both as an organization and as individuals, will strive to make progress on these energy issues in the years ahead, appreciating that energy and security issues are not divisible, and I look forward to promising assessment at future meetings. » (fin de citation) Tel que je comprends le texte, la répétition d’un index (3) n’est pas forcément une coquille. L’auteur a pu vouloir montrer le caractère inséparable, dans son optique, des points qui y sont évoqués. La question essentielle résidant sans doute dans l’existence, vu par Deutch, d’un certain consensus sur une nécessité objective de recourir à l’énergie nucléaire à l’échelle planétaire pour supprimer au maximum les émissions des gaz d’effet de serre. En même temps, une telle politique posera, d’après cet auteur, de très sérieux problèmes de « sécurité ». Comme l’article de Joe Shaulis du 20 mars, celui de l’International Herald Tribune du 19 mars évoque clairement le premier de ces deux points du rapport, mais reste moins explicite sur celui concernant la « sécurité nucléaire ». Il fait également état d’un rapport de la présidente du directoire d’Areva, la française Anne Lauvergeon, à la même réunion. Ce deuxième rapport semble être allé encore plus résolument dans le sens du nucléaire. Si, soi-disant pour éviter une catastrophe climatique, les milieux d’affaires choisissent de favoriser l’énergie nucléaire à l’échelle planétaire, qui « veillera à la sécurité mondiale » ? On comprend aisément que, dans leur esprit, une telle opération doit s’accompagner de la mise sous tutelle de la planète entière par une « super-gendarmerie ». Une perspective que j’avais déjà évoquée, indépendamment du nucléaire et des questions écologiques, dans mon article du 25 mars. A la fin de ses conclusions, Deutch profite bien de l’occasion pour souligner que, dans son esprit, les questions d’énergie et de sécurité « ne sont pas séparables ». Les problèmes liés au réchauffement de la planète peuvent, suivant cette logique nucléaro-sécuritaire, fournir un alibi en or aux milieux financiers pour instaurer, en toute « bonne conscience » apparente et au milieu d’applaudissements « bien-pensants », la « gouvernance mondiale » musclée dont ils rêvent depuis les années 1970, voire même depuis bien avant. Une véritable dictature planétaire de l’oligarchie, avec le slogan passe-partout « sauvons la planète » et, de surcroît, la réhabilitation du nucléaire devenu « propre » ou en tout cas « moins polluant ». Qui dit mieux, pour « nos » banquiers et « nos » PDGs de multinationales ? Si le discours sur le « nucléaire moindre mal » n’est pas nouveau, son couplage avec un certain type de propagande sur le « danger écologique imminent » et avec le lobbying sur l’ « ordre mondial » sécuritaire est une donnée plus récente « intelligemment » introduite. Au vieux discours sur la « liberté », qui avait du mal à passer, on substitue une intox analogue au nom de la « planète » et de l’ « écologie ». Excellentes causes, nul n’en doute. Sauf que la liberté l’était également, mais la réalité était autre... Pour mener à terme ce programme de flicage et de répression à l’échelle planétaire, il faut de toute urgence un deuxième « gardien », l’Europe militaire, aux côtés du gendarme US déjà en exercice et qui semble avoir beaucoup de mal à « faire son travail ». Naturellement, qui dit gendarmerie mondiale dit contrôle politique et économique de la planète. Quant à la « consommation » des classes populaires... Pas besoin de faire un dessin sur l’ensemble de ce qu’on nous prépare. Ni de se demander pour quelle raison l’actuelle campagne présidentielle française n’aborde les questions écologiques que très superficiellement, pourquoi les programmes « grand public » des candidats sont si sommaires et indigents. Comme si le peuple était fait d’ignares, et comme s’il était superflu d’en dire plus... On saisit mieux, dans ce contexte, le contenu de la Déclaration de Berlin adoptée par les vingt-sept Etats de l’union Européenne le dimanche 25 mars, dans laquelle la mise en place d’un Etat européen est présentée comme allant de soi et répondant à une nécessité urgente. De même que le sens des propositions de François Bayrou sur la « défense » déjà citées, réclamant une priorité pour la « défense européenne », la « recherche militaire », l’ « observation », le « renseignement »... ainsi que la pleine intégration sans réserves de la France dans l’OTAN. Pareil pour l’appel, dans le discours de Bayrou du 22 juin 2006, à « la confiance entre les administrations des pays, et les services de renseignement ». Ou ce paragraphe, dans le même discours, à propos notamment du nucléaire : « si certains pays dangereux en ont [des armes de destruction massive] , le moins qu’on puisse dire est en tout cas que les grands pays, et en premier lieu les Etats-Unis, en ont mille fois plus, et c'est une sous-estimation. La question n'est pas tant celle des armes que celle des détenteurs des armes, de la personnalité de ceux qui les détiennent, de leur caractère stable ou instable. Le droit d'ingérence se lit à l'aune de cette stabilité ou instabilité, qui pourraient être analysés par la communauté internationale... ». C’est bien, en effet, de contrôle politique et économique qu’il s’agit. La super-gendarmerie planétaire et ses tutelles seront juges du régime politique interne de chaque pays, ainsi que de sa politique étrangère et énergétique. C’est à cette fin, que l’Europe militaire est devenue indispensable aux lobbies de la grande finance. J’avais déjà rappelé, dans mon article du 25 mars, que la Commission Trilatérale préconise depuis plus de trois décennies une gouvernance mondiale capitaliste et impérialiste à trois composantes (Amérique du Nord, Europe, puissances de l’Asie) et que la mise en place d’une superpuissance européenne correspond bien à cette stratégie dans l’actuelle situation internationale. Quant aux articles que le journal des milieux d’affaires qu’est La Tribune a consacrés à l’Europe militaire, jusqu’à l’intitulé : « La défense européenne, le grand chantier de l'avenir », doit-on s’en étonner ? Investir dans cette filière est bien plus intéressant, pour riches et super-riches, que la « consommation du bas peuple ». Et si des populations sont décimées dans les pays dits « pauvres », ce sera la faute au « climat », pas au capitalisme ni à l’impérialisme. De même, d’après les « bien-pensants », ce ne seraient pas le système social, la pollution industrielle due à l’avidité de profits, la militarisation et les guerres impérialistes... qui ont été à l’origine des dérèglements climatiques, mais la « consommation » du peuple. Ce peuple qui, nous laisse-t-on entendre, ne pense qu’à se nourrir et à se chauffer. Tel risque d’être le catéchisme capitaliste mondialisé du XXI siècle, au stade ultime de l’impérialisme, avec des moyens militaires conséquents à l’appui. Et si on laisse faire, dans quelques décennies on « enseignera » aux enfants que « le problème du XX siècle, c’était que les gens mangeaient et dépensaient trop ». Les guerres mondiales, le fascisme, le nazisme, l’impérialisme de cette période, le colonialisme... passeront dans le domaine des archives. Si on veut « sauver la planète », il ne faut pas semble-t-il « diviser le peuple » avec les « théories sociales », la « lutte des classes », les « histoires passées »... Il y aura même peut-être, dans tous les pays sous contrôle, des gouvernements dits d’ « union nationale ». Enfin, alors que l’Europe militaire nous prépare d’importantes dépenses budgétaires et énergétiques, on remarquera que le point « Energie » du « Pacte écologique » proposé par Nicolas Hulot, tel qu’il est exposé sur la Toile, ne dit strictement rien sur le nucléaire. Il se borne à évoquer une nécessité d’ « organiser la baisse de la consommation » d’énergie, avec la remarque finale : « A ceux qui considèrent que la gestion d’une baisse de la consommation énergétique s’avèrerait antisociale, faut-il rappeler que rien ne serait plus inéquitable que le chaos que nous risquons ? ». Il s’agit donc bien d’adopter des mesures antisociales, quoi qu’en dise la propagande électorale. Et on reste sans savoir quel usage sera fait du nucléaire. EDF, qui est l’un des « partenaires fondateurs » de la Fondation Nicolas Hulot, le sait peut-être. Sources : Le lien du rapport de John Deutch a été donné dans le texte, mais je le répète explicitement ici : http://jurist.law.pitt.edu/pdf/trilateralcommissionpaper.pdf Les rapports « trilatéraux » de John Deutsch, Anne Lauvergeon et Widhyawan Prawiraatmadja, en format .doc et toujours dans leurs versions « pré-publication », sont accessibles à l’adresse : http://www.box.net/shared/lumu4yt80h fournie dans: http://greenlefts.blogspot.com/2007/03/trilateral-commission-future-energy.html, sur un site australien intitulé de « gauche écologiste ». |
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