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Politique étrangère canadienne

mihelich, Jeudi, Décembre 14, 2006 - 23:10

GIO

Le point de vue du Groupe Internationaliste Ouvrier sur la politique extérieure canadienne - y-inclu ses variantes "oppositionnelles"...

Les nouvelles offensives de l’impérialisme canadien

La crise mondiale impose des politiques toujours plus audacieuses

Le Canada est fréquemment mais erronément dépeint comme un pays pacifique et modéré, des développements récents dans la politique extérieure et intérieure de l’État canadien éclairent sa nature impérialiste et son attitude de plus en plus agressive. Tandis que l’Irak reste le centre d’attention de l’opinion publique mondiale, le Canada, en étroite alliance avec d’autres prétendus pays modérés tels que la France, l’Allemagne et l’Italie mènent discrètement une guerre impérialiste en Afghanistan. (1) Le 17 mai, dans un vote précipité au Parlement, le gouvernement minoritaire conservateur a présenté avec succès une motion visant à étendre l’intervention militaire canadienne dans ce pays au moins jusqu’en l’an 2009. (2)

Les forces canadiennes en Afghanistan ont graduellement quitté la sécurité relative de Kaboul et ses 2300 soldats se sont principalement redéployées à travers la région sud autour de Kandahar et sont maintenant engagés dans des affrontements sérieux avec les Talibans. Conséquemment, les pertes canadiennes sont en hausse. Le simulacre de « maintien de la paix » ne joue à peu près plus car même les documents officiels divulguent que « l’aide et le développement » ne représente que 20% des coûts totaux de la mission. De plus, la réalité est que ce 20% restant est utilisé pour soudoyer les seigneurs de guerre locaux et soutenir le régime fantoche de l’ancien employé d’Unocal, Hamid Karzaï. En 2008, le Canada prendra le commandement de l’ensemble des forces d’occupation. La plupart des observateurs croient que l’engagement militaire canadien devrait s’intensifier dans ce que le Premier ministre Harper nomme la « guerre contre la terreur ». Reprenant le discours belliqueux de son homologue beaucoup plus puissant, le Président américain George W. Bush, Harper a juré que ses troupes sont là pour rester jusqu’à une conclusion victorieuse : « we will not cut and run ». Mais, tout comme pour les autres puissances impérialistes impliquées, l’intervention canadienne en Afghanistan n’a rien à voir avec une « guerre contre la terreur » ou encore la promotion de droits humains fondamentaux. Elle est motivée par l’avarice et des intérêts. Le gouvernement canadien a conclu des ententes énormes au Kazakhstan, au Turkménistan et dans le reste de cette région en vue d’acheter des milliards de mètres cubes de gaz naturel et des millions de baril de pétrole qu’il espère pouvoir un jour pouvoir acheminer grâce à un éventuel pipeline Trans-Afghan, si seulement l’opposition locale pouvait être étouffée. L’ancien Premier ministre Chrétien avait effectué plusieurs visites officielles dans la région et des entreprises canadiennes ont bon nombre d’initiatives d’affaires en cours. L’impérialisme, pas un humanisme rose-bonbon est le fondement réel de le l’opération militaire canadienne. Les vrais objectifs sont de permettre aux entreprises canadiennes de faire de l’argent, tout en garantissant l’approvisionnement de ressources énergétiques de plus en plus rares.

La pression politique et militaire canadienne fut aussi un facteur important dans le renversement du Président haïtien Jean-Bertrand Aristide en 2004. La clique corrompue d’Aristide ne paraissait pas suffisamment efficace et asservie à ses maîtres impérialistes et les efforts du gouvernement canadien et de ses agences furent décisifs lors de l’opération de déstabilisation qui mena au coup d’État. En l’occurrence, l’impérialisme canadien utilisa tous ses outils traditionnels dans le but d’atteindre ses objectifs. Cinq cent cinquante soldats, incluant l’unité d’élite Joint Task Force II, accomplirent l’aspect militaire de l’opération. L’assistance et les prêts furent gelés et le financement provenant des prétendues Organisations non gouvernementales ne fut accordé qu’à des agences locales accommodantes. Les ONG canadiennes, se réclamant la plupart du temps d’une forme de tiers-mondisme « progressiste » et étroitement associé aux forces sociale-démocrates et aux centrales syndicales québécoises et canadiennes, furent mobilisées pour jouer un rôle actif dans la déstabilisation et par la suite, la justification du coup. Le Centre international de solidarité ouvrière, Rights and Democracy, l’Association québécoise des organismes de coopération internationale et Alternatives sont tous coupables de dévouement obséquieux dans la poursuite des objectifs impérialistes de leur gouvernement. Le Canada maintient cette poursuite de ses objectifs aujourd’hui, par l’envoi de son contingent de policiers, par la présence médiatique influente de Radio-Canada et même par sa Gouverneure-générale, l’ex-gauchiste Michaëlle Jean. Évidemment, tout comme en Afghanistan, la politique extérieure canadienne se couvre de prétentions humanitaires sous la forme de sa doctrine « Responsability to protect ». Cependant, son seul but est de protéger ses intérêts économiques et stratégiques, même dans un pays aussi pauvre et dévasté qu’Haïti.

Afin d’atteindre ces objectifs impérialistes, les conservateurs sont en voie de consolider et d’accélérer une transformation importante des forces armées, un processus qui avait débuté sous le précédent gouvernement libéral. (3) Treize milles soldats de plus doivent être enrôlés. Des ressources importantes sont en train d’être attribuées pour convertir l’armée actuelle en une force de déploiement rapide, utilisant de l’équipement blindé léger, capable d’intervenir partout sur la planète. À la fin juin, l’État a annoncé l’achat de plus de 15 milliards de dollars de nouvel équipement incluant trois nouveaux navires, quinze hélicoptères Chinook, quinze avions de transport Hercules, quatre avions super cargo Boeing C-17 et 2300 véhicules militaires. Les trois nouvelles acquisitions navales doivent aussi avoir la capacité de fonctionner comme brise-glaces pour leur permettre de naviguer dans des conditions arctiques. La fonte rapide de la glace dans l’Arctique canadien transformera tout probablement le passage du Nord-Ouest en une voie de navigation internationale d’ici quinze ans. Cela mènera sans doute plusieurs pays à mettre en cause la souveraineté canadienne dans cette région immense, riche et d’une très grande importance stratégique. (4) Un de ces pays sera bien sûr les États-Unis, malgré le Pacte arctique extrêmement limité qu’ils ont conclu avec le Canada en 1988. Comme l’histoire nous l’a appris, l’unité entre impérialistes est toujours relative et leur rivalité sur le long terme, absolue. Ces navires sont donc aussi destinés à d’éventuelles opérations militaires de défense du territoire national. Depuis des années, des politiciens de tous acabits rabâchent la nécessité pour les forces canadiennes de faire du rattrapage. Pourtant, il n’y avait pas de raison criante de le faire puisque le rapport du Polaris Institute pour l’an 2005, déclare que le Canada était déjà le 7ème plus grand investisseur militaire parmi les 26 pays membres de l’OTAN. Il était aussi le 15ème plus important investisseur militaire dans le monde et a probablement gagné un rang ou deux depuis ce temps. L’emphase croissante sur les dépenses militaires et les nouvelles orientations stratégiques qui les justifient sont des manifestations d’une politique extérieure plus agressive.

Sur le front domestique, l’État utilise les manœuvres d’intimidation habituelles pour mobiliser « l’opinion publique » en soutien à cette nouvelle politique extérieure plus agressive. Le 2 juin, une opération policière massive arrêta quinze musulmans, pour la plupart de très jeunes hommes qui furent accusés, avec deux autres hommes déjà sous verrous, d’avoir planifié des attaques terroristes contre diverses cibles dont la Bourse de Toronto, Radio-Canada et le Parlement canadien, où ils devaient y décapiter ni plus ni moins que le Premier ministre Harper. Bien sûr, nous n’avons évidemment pas les moyens de vérifier le fondement de ces accusations. En effet, le terrorisme est une réalité politique importante de notre époque. Cependant, les atrocités terroristes comme l’attaque du 11 septembre 2001 et les attentats de Londres et de Madrid fournissent un prétexte idéal aux classes possédantes des pays métropolitains de renforcer les mesures répressives de leurs appareils d’État et mobiliser les populations derrière les machinations belliqueuses de leurs bourgeoisies nationales. C’est exactement ce qui c’est passé dans ce cas. Au mois de mai, un sondage national révélait que 54% des Canadiens s’opposaient à l’aventure canadienne en Afghanistan, alors que seulement 40% la soutenaient. Trois jours après les arrestations et suite à l’énorme frénésie médiatique qui en découla, un nouveau sondage réalisé par la même maison trouvait que 48% des Canadiens soutenaient dorénavant l’intervention et que seulement 44% s’y opposaient! Pendant ce temps, les 17 de Toronto, dont 5 ont moins de 18 ans, restent incarcérés dans des conditions d’abus légal, physique et psychologique sans précédent du genre en cours à Guantanamo. De plus, le bras judiciaire de l’État a ordonné une interdiction totale de publication des comptes-rendus de la cour. Il s’avère maintenant que le groupe avait été infiltré par au moins un agent du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Cette information suffit d’elle-même pour sérieusement mettre en doute la véracité du rapport policier. Il y a moins de deux ans, 19 jeunes hommes du Sud-est asiatique furent arrêtés à Toronto et les médias publièrent toutes sortes d’histoires invraisemblables à l’effet qu’il étaient de dangereux terroristes qui planifiaient de faire sauter la Tour du CN et la centrale nucléaire de Pickering à proximité. Mais toute l’affaire n’était qu’un coup monté. Il n’y a pas eu de procès. Avant cela, un certain Youssef Mouammar, un dirigeant islamiste radical autoproclamé, avait émis un communiqué à propos d’une attaque imminente au gaz sarin dans le métro de Montréal. Il avait aussi posté des lettres menaçantes à des juges et à d’autres individus (voir La Presse du 20 juin, page A-3). Mouammar étaient en réalité un agent canadien-français du SCRS dont le vrai nom était Gilles Brault. Avant son travail d’agent-provocateur dans le milieu musulman, Brault avait tenté de faire le même boulot ignoble dans des cercles autochtones et gauchistes. Mais ces faits troublants, qui alimentent un scepticisme justifié, n’empêchent en rien les politiciens, les politiciennes et l’essentiel de la presse de se servir de la carte de la peur, et il n’y a pas de doute qu’ils et elles continueront à s’en servir à l’avenir.

Bon nombre de commentateurs expliquent ces développements par la récente élection d’un gouvernement minoritaire conservateur à Ottawa. Le nouveau gouvernement est accusé de céder aux pressions américaines. Le gouvernement libéral précédent n’avait-il pas refusé de participer au fiasco irakien? Affirmer cela, c’est oublier commodément que tandis qu’ils étaient au pouvoir, les libéraux ont fait leur part dans la seconde guerre d’Irak en aidant à réduire l’effort que l’armée américaine aurait dû mettre sur le front afghan et en envoyant la marine protéger les navires américains dans le Golfe persique alors qu’ils lançaient leurs missiles sur Bagdad. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, toutes les mesures relativement plus dures et plus agressives du gouvernement canadien avaient essentiellement été initiées sous l’administration plus « autonome » et plus « progressiste » des libéraux. Ces mesures sont d’ailleurs soutenues pour l’essentiel par tous les partis parlementaires à Ottawa. La récente guerre au Liban (dont nous traitons ailleurs dans ce numéro) nous a d’ailleurs donné encore un autre exemple de ce durcissement dans la continuité de l’impérialisme canadien; le Parti Libéral n’arrivant même pas à maintenir une cohésion interne minimale dans sa « posture » d’opposition parlementaire. Les partis mineurs aboient un peu plus pour des raisons partisanes mais aussi parce qu’ils savent très bien qu’ils n’auront pas à gouverner. Le capitalisme canadien, secoué comme tous les autres par la crise tout à fait réel du système capitaliste, doit assurer ses intérêts nationaux et internationaux dans un monde toujours plus instable et compétitif. Il n’y a pas de raison de croire qu’il s’agisse là d’un phénomène passager; encore moins de suggérer que c’est une politique qui peut être renversée par des singeries parlementaires. Au contraire, c’est un signe des temps qui n’augure rien de bon pour les travailleurs et les travailleuses d’ici comme de partout ailleurs dans le monde.

Le Groupe Internationaliste Ouvrier

(1) Les récentes pertes de militaires canadiens ont cependant commencé à dévoiler le véritable contenu de cette opération « humanitaire ».
(2) Même s’il y a eu une faible opposition formelle quant à la manière dont cette motion fut adoptée, tous les partis représentés au Parlement soutiennent de fait l’agression canadienne en Afghanistan, y inclus les libéraux et les nationalistes « de gauche » du Bloc Québécois. La récente motion adoptée par le NPD lors de son congrès ne s’attaque en fait qu’à la forme de l’intervention militaire dans ce pays.
(3) Ceux-ci avaient déjà accordé un montant supplémentaire de 12,8 milliards de dollars aux forces armées dans leur dernier budget, avec l’appui du NPD.
(4) L’État favorise déjà le développement de ses Rangers canadiens (desquels 80% sont des Inuits) pour faire respecter politiquement et militairement l’autorité canadienne sur ce gigantesque territoire nordique.

Mihelich


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