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Roland Simon à la quête du Graal, de « l’Ultra-gauche »…Comment « dépasser » une terra incognita?Anonyme, Samedi, Décembre 9, 2006 - 10:40 (Analyses | Politiques & classes sociales | Resistance & Activism | Syndicats/Unions - Travail/Labor) J’ai sous les yeux deux brochures sur « L’ultra-gauche » qui ont pour but de « faire une présentation historique et théorique de ce courant politique méconnu », nous dit-on (1). Ces brochures sont la retranscription partielle d’exposés faits par Roland Simon. Ces derniers avaient également pour but de s’interroger sur « ses expériences et son héritage théorique » et de savoir s’il est « à dépasser ». … Les deux brochures se veulent être un travail fidèle d’historiens pour ne pas dire de scientifiques. À l’arrivée nous sommes, pour le moins devant un travail de prétentieux et, pour le pire, devant un travail dogmatique qui n’ose pas l’avouer. Simon nous assène des « vérités » qu’il croit telles et nous apporte des jugements péremptoires sur la base d’à-peu-près et de grossières erreurs historiques (2) sur lesquelles il ne devrait pas se tromper puisqu’il cite en références bibliographiques les bons textes. Ses erreurs sont fondamentalement théoriques comme le montre le travail de Robert Camoin (3). Quelle méthode utiliser ? Dans mes travaux historiques sur les gauches : Gauche italienne (thèses universitaires); Brochures du CCI sur la Gauche Communiste de France ou sur la Gauche communiste belge (à compte d’auteur), j’ai toujours écrit en surtitre « contribution à l’histoire de… ». Pourquoi? Parce que je n’ai pas la prétention d’avoir épuisé la question historique. Mais surtout parce que j’ai fait œuvre politique c’est pourquoi sur certaines questions en discussion au sein de la gauche communiste, nous menons des polémiques avec RC, le BIPR ou le PCI… Par contre, Roland Simon qui possède une vision non dialectique de l’histoire et idéaliste de type petite bourgeoisie, en traitant de l’histoire de la Gauche communiste de façon simpliste et a historique en ne voyant que le blanc ou le noir. Il ne constate qu’une succession de faits, et de groupes. Et, par exemple, il traite de la Gauche communiste italienne comme d’un seul bloc là où il y avait et il y a toujours eu, des discussions et des débats en son sein. Comme la société, les organisations communistes sont traversées par le combat de classe. L’histoire est contradictoire; il existe également un combat dans les organisations communistes. En étant simpliste, il est ensuite facile de décréter que « l’Ultra-gauche … ne peut tenter de réaliser ses intentions que par des actes qui les contrarient constamment. Ce territoire théorique est une ‘névrose’. » En un mot, elle se trouve hors de l’histoire, ne rend pas comte de la réalité et ne peut-être que névrosée… Un peu de sérieux! L’ultra-gauche n’est déjà pas une catégorie, ensuite elle n’existe pas et enfin les groupes politiques révolutionnaires cités ont vécu ou vivent dans l’histoire concrète et ne s’en séparent pas. Il n’y a que les staliniens ou les trotskistes, c’est-à-dire les bourgeois qui croient pouvoir « faire » l’histoire et ont la prétention de la faire de façon pseudo scientifique ou désincarnée c’est-à-dire avec une vision purement idéologique et, en réalité inventée. Par contre, les marxistes ne cherchent qu’à transformer la société en utilisant l’intelligence qu’ils possèdent des dynamiques et des situations qui y sont contenues. Ils savent que les groupes politiques qui les ont précédés ne sont que la longue chaîne d’un combat titanesque qui les dépasse. Ils se servent l’histoire du passé pour en tirer les leçons dans leurs luttes présentes. Qu’est ce que l’Ultra-gauche? Est-ce un ornithorynque? Nous n’avons pas été présenté… Après 68, tout un tas d’intellectuels prétentieux ont accompli leur « renaissance » en politique. Mais, c’était trop pour leur prétention; ils ne « pouvaient pas passer sous les fourches caudines du mouvement ouvrier et accepter de n’avoir rien inventé. Leurs idées « nouvelles » étaient en fait depuis très longtemps celles de la Gauche communiste (GC). C’était trop. Alors, l’on a inventé un nouveau concept : celui d’ultra gauche pour pouvoir occulter la Gauche communiste et dire, immédiatement après, que ses idées étaient « vieillottes », « racornies » et qu’il fallait les « dépoussiérer ». Il était clair pour ces intellectuels que la social-démocratie ou le stalinisme était dépassé et contre révolutionnaire. Il restait la Gauche communiste. Mais cette dernière possède une histoire, elle se rattache au mouvement ouvrier et au combat critique mené par les courants de « gauche » au sein de la 3ième Internationale. Voici toute la différence qui existe entre un courant ouvrier qui se réclame de toute une continuité politique et les intellectuels « modernistes » qui croient avoir tout inventé, le jour de leur éveil à la politique qui ne veulent surtout pas se rattacher à l’histoire du mouvement ouvrier. En tant que petits bourgeois, ils manifestent une grande prétention car ils croient tout connaître et avoir tout vu. Ils nous rétorquaient en 68… Et alors? On peut bien posséder des idées neuves et justes. C’est bien là le problème. Nous ne cherchons pas ici à faire de longs développements sur la question, il suffit de faire uniquement un très rapide bilan des courants dits « ultra-gauches » qui n’ont pas souhaité se rattacher aux Gauches communistes dans les années 60 pour comprendre l’inanité de ces individus. Où sont-ils aujourd’hui ? Que sont-ils devenus ? Par contre, les groupes de la Gauche communiste qui ont une longue histoire et qui ont mené un combat obstiné et patient pour comprendre la défaite de la révolution russe et pour défendre les positions révolutionnaires, sont encore et toujours présents sur la scène de l’histoire. Ils existent toujours et, c’est encore plus vrai pour les groupes se réclamant de la Gauche communiste italienne. On trouve parmi ces groupes, le Parti Communiste Internationaliste (PCint), le Parti Communiste International (PCI) et même le Courant Communiste International (4) (CCI) qui sont toujours des acteurs de l’histoire au sein de la classe ouvrière. Par contre, que sont devenus, par exemple, les Situationnistes et leur descendance « prositus » ? Avec beaucoup de prétention, ils traitaient les Gauches communistes comme de vieilles barbes traînant avec eux de vieilles idées réchauffées. Leur habitude était de se croire les seuls révolutionnaires parce que possédant des idées neuves et s’arrogeant le droit de parler « du nouveau mouvement ouvrier ». C’est ainsi qu’ils rejetaient « poubelles de l’histoire », les courants révolutionnaires et notamment ceux qui ont su développer de façon critique la théorie révolutionnaire malgré la réaction stalinienne. Un exemple de cette outrecuidance, nous direz-vous ? « Malgré leur très grand intérêt historique et programmatique, les conseils ouvriers du passé sont évidemment des expériences insuffisantes. (…) Nous n’avons d’aucune façon à nous y ranger; mais à la déranger, dès à présent. (…) Ce ne sont pas tant les situationnistes qui sont conseillistes, ce sont les conseils qui auront à être situationnistes. » (5) Nous n’avons pas la prétention d’inventer l’histoire ou d’être des innovateurs sociaux. Nous, contrairement aux Situationnistes, nous ne connaissons que la méthode historique pour tirer des leçons ainsi que la réalité de la classe ouvrière avec sa lutte comme moyen de développer la théorie du prolétariat. À notre connaissance, il n’y a pas eu d’expériences plus avancées plus avancées que la révolution russe pour amener de nouvelles expériences sur les conseils ouvriers et pour en tirer des leçons. Toute autre vision qui voudrait en faire l’impasse, ne pourrait que procéder de l’idéalisme. L’idéalisme se caractérise par des élucubrations sur une question. Ici, on nous dit, par exemple, « les conseils auront à être situationnistes. » Personne ne peut dire comment se déroulera la lutte de classe au-delà des conseils ouvriers et surtout lui donner des injonctions comme : les conseils doivent être ceci ou cela et se comporter « en situationnistes ». L’histoire nous a appris que les conseils ouvriers seront souverains, qu’ils sont la forme du nouveau pouvoir politique de la classe ouvrière et qu’ils imposeront leur pouvoir sur la bourgeoisie en détruisant son État. Voilà ce que les marxistes et la Gauche communiste ont tiré comme leçons de la révolution russe. Grâce à notre arme historique c’est uniquement à ce qui pouvait être tiré concrètement des faits réels. La Gauche communiste sait que demain les conseils repartiront de la classe ouvrière et qu’ils répondront aux nécessités de la lutte de classe au moment où la classe ouvrière les fera à nouveau surgir. Rolland Simon nous refait le coup des situationnistes plus de 35 ans après. Il nous ressert des plats faisandés alors qu’il est parfaitement au courant de cette histoire puisqu’il n’est pas un jeunot en politique comme le montre Robert Camoin. Il a été en 68 un acteur important au sein des groupes de la Gauche communiste. Aujourd’hui, il affirme, par exemple, la « faillite » des solutions économiques proposées par les « dogmatiques marxistes ». Et, « au-delà de l’affirmation du prolétariat, c’est toute la théorie du prolétariat qui est à reformuler » (Fondement d’une théorie critique de la révolution). Par opposition à ce charabias « moderniste », nous définissons la Gauche communiste comme un courant historique bien précis, celui de la gauche de la 3ième Internationale. Ainsi, en tant que courant de gauche du mouvement ouvrier, il a pu exister et se maintenir qu’en s’y rattachant fortement tout en faisant sa critique politique. La notion de continuité organique d’avec le mouvement ouvrier du passé est fondamentale pour bien comprendre la notion de Gauche communiste. Tous les partis communistes, à leur naissance, possédaient des courants opportunistes, centristes et aussi de gauche. Deux des principaux courants de gauche ont traversé le XX° siècle : celui qui se rattache à la Gauche italienne et celui qui se rattache à la Gauche communiste germano-hollandaise. La gauche italienne dont les premiers pas remontent avant la guerre de 1914, est à l‘origine de la création du PCI en 1921 à Livourne qu’elle dirige jusqu’à son exclusion. Elle n’est malheureusement connue que par son principal animateur : Amadeo Bordiga. La Gauche germano-hollandaise est identifiée à ses principaux théoriciens qui étaient déjà reconnus sous la 2ième Internationale : Pannekoek et Gorter. Elle est aussi identifiée à travers le KAPD (Parti communiste ouvrier d’Allemagne) qui était, à sa naissance, aussi important, en nombre, que le Parti communiste officiel (KPD). Les deux courants ont été critiqués par Lénine dans son ouvrage maintenant fameux : La maladie infantile du communisme, le gauchisme. Ces deux Gauches qu’il ne faut toutefois pas confondre politiquement ont eu une postérité théorique et politique très importante. Leur apport théorique et critique est fondamental pour le mouvement ouvrier moderne : sur la question du capitalisme d’État en URSS; sur la question de l’État dans la phase de transition au communisme; sur la question des conseils ouvriers; sur la question nationale;sur la question syndicale; sur la question organisationnelle; sur la question parlementaire et électorale et enfin sur la question économique. En résumé comment peut-on caractériser un groupe politique appartenant à la Gauche communiste ? Il doit mettre en œuvre trois caractéristiques : 2/ se rattacher au combat des Fractions de gauche de la 3ième Internationale et assumer un lien organique avec ces dernières notamment se concevoir explicitement comme un continuateur des Gauches communistes italiennes ou germano hollandaise. 3/ se reconnaître d’une façon critique du programme de la 3ième Internationale par opposition au trotskisme qui reprend intégralement les quatre premiers congrès de l’IC. Si l’on prend l’exemple de la Gauche communiste italienne, cette dernière se rattache uniquement et de façon critique aux deux premiers congrès de l’IC. Sur la base de cette définition : est-ce que la revue Noir et rouge ou les situationnismes appartiennent à la Gauche communiste ? La réponse tombe sous le sens de n’importe quel imbécile venu. C’est : NON ! En conclusion de ce qui précède, l’ultra-gauche n’existe pas sinon dans la tête de quelques théoriciens à l’esprit embrumé. Elle n’a aucune consistance réelle. C’est une construction purement intellectuelle voire idéologique pour le pire des cas comme nous le montrerons. Il faut dénoncer la tendance petite bourgeoise à créer des catégories. En ce qui concerne le bordiguisme, par exemple, les membres de la gauche italienne se sont toujours bagarrés contre la création de ce terme. Ils ont écrit sur le sujet pour affirmer qu’il n’existait pas (cf. article de Bilan n°2- 1933, Pas de bordiguisme). « De même qu’après 1929 il n’était plus possible de confondre Bordiga avec Trotski, après 1943, il n’était plus possible de confondre la Gauche communiste Italienne avec le bordiguisme; mais nos tireurs d’élite ne s’en sont guère souciés. |
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