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Guerre en Afghanistan: à bas le social-impérialismeEric Smith, Samedi, Novembre 11, 2006 - 19:07 (Analyses | Guerre / War)
Arsenal-express
Samedi le 28 octobre dernier avait lieu la journée pan-canadienne d'action contre l'occupation impérialiste en Afghanistan. Des rassemblements furent tenus dans près d'une trentaine de villes à travers le pays pour exiger le rappel des troupes canadiennes, qui participent désormais activement à la soi-disant "guerre au terrorisme" menée par l'impérialisme US. Au total, la participation aux manifestations organisées par différents groupes s'est toutefois avérée décevante, en partie à cause de la température exécrable ayant sévi sur tout l'est du pays. À Montréal, quelques centaines de personnes ont répondu à l'appel du collectif Échec à la guerre et du groupe anarchiste "Bloquez l'empire", qui avaient convoqué deux rassemblements séparés. À Québec, à peine une vingtaine de personnes ont bravé la pluie pour se diriger vers le consulat des États-Unis. À Toronto, les manifestantes et manifestants étaient au nombre de 350 ou 400, en incluant la cinquantaine de vendeurs de journaux trotskistes qui s'échangeaient publications et invectives, comme ils le font depuis des temps immémoriaux... Indépendamment des aléas de la température, il reste que l'opposition à la guerre en Afghanistan, dans laquelle le Canada est cette fois-ci directement impliqué, ne suscite pas le même niveau d'opposition que l'agression américaine en Irak il y a trois ans. Malgré un mouvement d'opinion somme toute assez solide contre la participation canadienne, le gouvernement Harper semble avoir réussi à nous faire avaler quelques couleuvres, ainsi que de pieux mensonges (le Canada intervient dans le cadre de la légalité internationale, il est là pour aider le peuple afghan et consolider la "démocratie naissante", etc.). Il faut dire qu'il est aidé, en cela, par les nombreuses illusions que charrient encore une bonne partie du mouvement anti-guerre et la gauche nationaliste canadienne. Ainsi, le Nouveau parti démocratique, très présent au rassemblement de Toronto (son chef Jack Layton y fut même l'orateur principal), en appelle désormais au maintien d'une certaine présence canadienne en Afghanistan, même si son récent congrès a voté à plus de 90% en faveur du rappel immédiat des troupes. Après avoir essuyé les foudres de ses adversaires et des éditorialistes bourgeois, Jack Layton a cru bon préciser que son parti ne souhaite en fait le retrait des troupes que de la seule région de Kandahar; celles-ci pourront être redéployées ailleurs au pays. Layton voudrait juste que le gouvernement Harper renoue avec l'approche "humanitaire" traditionnelle de l'impérialisme canadien. À Toronto, la majorité des pancartes distribuées par la coalition "Stop the War" (dirigée par les trotskistes du groupe International Socialists) affichaient ce slogan réactionnaire notoire: "Support Our Troops! Bring Them Home!" Quels "révolutionnaires" minables qui choisissent de se préoccuper du sort des occupants avant celui des populations qui subissent directement leurs sévices (car c'est bien de cela qu'il s'agit)! S'il n'y a rien de surprenant à voir la gauche réformiste enfourcher le cheval du social-chauvinisme et prétendre à la défense des "intérêts supérieurs" du Canada, il est toutefois consternant de voir certains courants anarchisants se désintéresser eux aussi du sort des peuples dominés par notre propre bourgeoisie, trop occupés qu'ils sont à se regarder le nombril. C'est ainsi qu'à Montréal, un petit groupe d'individus aux prétentions libertaires diffusait un feuillet à l'imagerie hautement "révolutionnaire" (en apparence), dans lequel on ne trouvait par contre pas un seul mot sur ce qui se passe actuellement en Afghanistan et sur l'ordre réactionnaire injuste que l'armée canadienne essaie de consolider, à coups de canons. Ce feuillet, non signé, s'en prenait à l'un des deux groupes à l'initiative des rassemblements en disant que ce qu'il faut, ce n'est pas seulement "bloquer l'empire", mais le "détruire". Les auteurs du tract affirment ne pas vouloir réduire l'empire à la "représentation simple de l'impérialisme" (allez donc savoir si les masses afghanes ou irakiennes la trouvent si "simple", la "représentation de l'impérialisme", lorsqu'elle s'abat sur elles sous la forme de bombardements!); l'empire, pour les auteurs du tract, ce n'est donc pas "seulement" cette "représentation simple": ce sont surtout "des dispositifs de domination qui sont autant à l'intérieur de nous qu'à l'extérieur" (nous soulignons). À ce concept pour le moins surprenant, digne d'un ouvrage de psycho-pop à cinq sous, les auteurs n'hésitent pas à ajouter qu'il faut aller jusqu'à s'insurger, "à chaque jour" (rien de moins!). Or qu'est-ce que l'insurrection, selon eux? Tenez-vous bien, ça va frapper fort: l'insurrection, c'est "l'acte de vivre en rupture guerrière contre l'Empire"; cela, "en mettant en commun tout ce que nous avons". Eh! ben dites donc. Toute cette phraséologie très "révolutionnaire" pour en arriver à ça: le retour aux communes hippies du début des années 1970! On va "détruire l'empire" en vivant en rupture avec le système, mais forcément à l'intérieur de lui, tout juste en marge... donc en le laissant intact, fondamentalement. Stephen Harper et la bourgeoisie militariste pourront se bidonner -- eux qui ne se formaliseront jamais de l'existence d'une commune autogérée dans un quelconque quartier de Montréal. Quant au peuple afghan, aux peuples d'Irak, de Palestine ou du Liban, il est loin d'être sûr que cet "acte de vivre" de la part de quelques individus qui peuvent se le permettre dans un pays riche comme le Canada, soit d'une quelconque utilité... Ce point de vue, d'une arriération politique inouïe (mais dont il faut avoir l'honnêteté de préciser qu'il est loin de représenter la totalité du milieu anarchiste montréalais), constitue une parfaite illustration de ce qu'écrivait le dirigeant du RCP,USA, Bob Avakian, dans un excellent article que nous avons traduit en français il y a deux ans (1): "Objectivement... le fait est que le point de vue anarchiste, dans un pays impérialiste, équivaut jusqu'à un certain point à un programme de 'communisation' (ou mise en commun) du butin amassé par l'impérialisme"; c'est le partage de la récolte (la "mise en commun de tout ce que nous avons") amassée par le pillage et la surexploitation des peuples du tiers-monde. Notre point de départ, quant à nous, ne s'arrêtera jamais à notre environnement immédiat: c'est l'intérêt des masses les plus opprimées, non seulement au Canada mais à l'échelle du monde entier (de "tout l'empire", dirions-nous). Et cet intérêt exige le déploiement d'une lutte frontale et directe contre l'impérialisme canadien et son État -- et non le repli sur nos acquis et notre "petite vie", fut-elle "communisante". (1) "L'État prolétarien et l'abolition des classes", Arsenal n° 2, mars 2004 (disponible sur notre site Web: http://www.pcr-rcpcanada.org/fr/?arsenal/2e). _____ Article paru dans Arsenal-express, nº 119, le 12 novembre 2006. Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation). Pour vous abonner: faites parvenir un courriel à
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