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Bolivie: menace de coup d’Etat?

Anonyme, Lundi, Octobre 9, 2006 - 13:07

fab

Les annonces de coup d’Etat ("imminents" ou non) sont une constante en Bolivie. Cela dit, on peut dire que le moment que traverse ce pays andin, avec la "nationalisation" des hydrocarbures, une future réforme agraire et surtourt la tenue de l’Assemblée Constituante qui, comme l’impulse le MAS, menace sérieusement les dominations oligarchiques, blanches, en un mot néocoloniales (ou coloniales parce que les différences avec cette époque ne sont pas énormes) et ne va pas permettre les autonomies régionales, est un moment où les traditionnelles forces de réaction se concertent pour, comme d’habitude en Amérique latine, changer le cours de l’histoire. Nous reproduisons l’article de Heinz Dieterich, bien qu’ayant des doutes ou des réserves sur certains de ses propos. Après une défense inconditionnelle de Hugo Chavez, Dieterich, vole au secours d’un Evo Morales qui, pour différentes raisons, commet des erreurs politiques. Néanmoins, nous nous joignons à on appel : "Aujourd’hui, plus que jamais, la Révolution bolivienne a besoin de notre solidarité mondiale". Fab

LE PREMIER COUP D’ETAT CONTRE EVO MORALES EST PREVU POUR LE 11 OCTOBRE
Des sources de confiance du haut gouvernement bolivien, qui ont demandé l’anonymat, ont révélé que la première tentative de coup d’Etat contre Evo Morales est projetée pour ce mercredi 11 octobre. L’usage de francs-tireurs dans la massacre de Huanuni qui s’est soldée par dix-sept morts indique la participation des putschistes dans les troubles. Des militaires chilien seraient impliqués dans la conspiration.

1. A la recherche de durs Généraux
Il y a quelques semaines, des officiers de la police bolivienne ont contacté des généraux des Forces Armées de Bolivie (FAB), pour savoir leur disposition pour réaliser un coup d’État ensemble. De la même manière que dans le cas chilien avec le Général Constitutionaliste René Schneider et au Vénézuéla avec le Général Raúl Baduel, en Bolivie un des militaires clefs pour le succès de l’émeute, s’est refusé à participer et a informé le Président. Maintenant les préparatifs continuent sans lui. Et les annonces à la radio qui louent l’"armée patriotique qui a tué Che Guevara et la subversion" continuent.

Les militaires ne donnent jamais de coup d’État dans l’air, m’a dit il y a sept ans un ami, le Général Alberto Mueller Rojas, aujourd’hui membre de l’État-Major Présidentiel de Hugo Chavez. C’est cette logique dont on observe le développement actuellement en Bolivie. Tout un bloc conspiratif composé par différentes forces sociales et étatiques travaille de manière accélérée pour en finir avec le Président Evo Morales.

2. La conspiration institutionnelle
Les préfets (gouverneurs) des États énergétiques et séparatistes de Beni, Pando, Santa Cruz de la Sierra et Tarija, promeuvent la formation des dits "Comités Civils", qui sont les fers de lance de la subversion politique visible. Autant les préfets que les comités civiques sont entrés en franche révolte contre le gouvernement constitutionnel d’Evo Morales, en déclarant qu’ "ils n’honoreront pas la Constitution Politique de l’État qui émergera de l’Assemblée Constituante, dans le cas où celle-ci n’est pas approuvée dans tous ses articles par les deux tiers des votes" des constituants. Ils avertissent qu’ils avanceront dans les "autonomies départementales", si cette condition n’est pas respectée (1).

Ils comptent, bien sûr, sur le soutien de la Cour Suprême de Justice de la Nation ---autant réactionnaire et corrompue que ses autres homologues bourgeoises dans le monde--- qui fournit à l’insubordination l’apologie du délit.

Devant la récente déclaration de l’Assemblée Constituante, de se considérer "originaire, plénipotentiaire et fonctionnelle" c’est-à-dire non restreinte dans sa construction du nouvel État par le normes en vigueur, les magistrats soutiennent la position des préfets factieux. Ils estiment que selon le droit constitutionnel le pouvoir de l’Assemblée Constituante n’est pas "originaire-fondateur" mais "dérivé-réformateur" et, par conséquent, subordonné à la législation en vigueur qui exige les deux tiers des votes.

3. La conspiration sociale
Les comités civils disposent disposent du financement de secteurs patronaux et la collaboration de hauts officiers de la police, des colonels par exemple. Leurs actes sont enflés et promulgués par les médias privés, plusieurs fois avec les patrons de la propagande fasciste qui s’emploient au Vénézuéla contre le gouvernement de Hugo Chavez. Certains des plus importants médias sont aux mains de magnats capitalistes avec de forts investissements agricoles dans les provinces séparatistes et qui craignent la réforme agricole du gouvernement.

Au niveau social, les associations de parents ---en général réactionniares et contrôlées par l’Église en Amérique latine--- en alliance avec secteurs du magistère et les collèges et universités privées promeuvent des grèves, des blocages et des manifestations contre le gouvernement. Des secteurs énergétiques essaient de générer un manque de diesel et d’essence, afin de produire un malaise dans la population.

4. Le modèle du Chili
Comme au Chili, les transporteurs ont la fonction de casser l’économie et la paix publique avec une grève nationale, convoqué pour mercredi de la semaine prochaine, dans l’intention de faire confluer tous les secteurs anti-gouvernementaux dans un grand front de déstabilisation. Ayant comme rèfèrence la grève subversive des transporteurs chiliens contre Salvador Allende (1972). financée par la CIA étasuniènne, Evo Morales a qualifié il y a trois jours la grève bolivienne de grève "idéologique" : "C’est la lutte du pouvoir", a dit le leader populaire et a expliqué ce qui est en jeu : "ou les groupes ’gamonales’ (l’élite), ou les mouvements populaires".

Il a entièrement raison, comme le révèlent les documents du Church Committee (1976) et les récentes mémoires du leader militaire de l’organisation fasciste chilienne "Patria y Libertad", Roberto Thieme, sur sa collaboration subversive avec la Marine de Guerre et les transporteurs chiliens dans la destruction du gouvernement de l’Unité Populaire.

5. Le prix politique de Huanuni
En profitant de l’affrontement armé entre partisans du coopérativisme et mineurs salariés à Huanuni, qui a fait autour de quinze mort et plus de cent blessé, la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) et la Centrale Départementale Régionale (COR) de El Alto se déplacent dangereusement vers ce front de déstabilisation et antagonique au gouvernement, tandis que la Fédération Nationale des Mineurs Coopératisvistes (Fencomin) a rompu son alliance politique avec le Mouvement au Socialisme (MAS), le parti de gouvernement.

Le conflit de Huanuni est d’origine économique. Il s’est produit en raison de la tentative d’environ quatre mille coopérativistes de la Fencomin, clientèle du Ministre des Mines Walter Villarroel, de s’approprier l’exploitation de la mine d’étain la plus riche de Bolivie, Posokoni, en expulsant de manière violente environ mille mineurs salariés de l’entreprise étatique COMIBOL.

La Fencomin est une organisation petite-bourgeoise prédatrice qui sous les faibles gouvernements de Carlos Mesa et de Rodríguez Veltzé s’est convertie en un pouvoir économique et politique expansionniste et anti-éthique. Déjà en mai et juin 2004, elle a pris les mines de Caracoles et de Colquiri, en expulsant par la force les mineurs étatiques et leurs familles.

Le gouvernement d’Evo a été surpris par la violence à Hunani (2). Et devant l’alternative de tuer des mineurs avec les Forces Armées, d’une part, ou d’être accusé de "négligence" et "d’absence de l’Etat" d’autre part, 30 heures de réponse énergétique se sont écoulées, qui se sont transformées en bonace politique et de propagande pour la droite. Celle-ci a profité au maximum de son hégémonie dans les médias et, de manière très semblable à la manipulation médiatique durant les jours du coup d’Etat au Vénézuéla (2002), elle a frappé sans cesse le gouvernement.

6. La Phalange internationale
En Bolivie, on suit minutieusement le manuel de la subversion étasuniène américaine. La machine factieuse est lubrifiée par l’argent, des patrons de propagande et une programmation politico-paramilitaire par l’impérialisme étasunien qui après le 11 septembre 2001 a placé Evo Morales comme terroriste sur la liste noire qu’utilisent les forces de sécurité.

Les complices de l’Union Européenne et des transantionales énergétiques complètent la phalange subversive. "BP-Tony", Premier Ministre britannique et agent politique de la British Petroleum, a incité les entreprises énergétiques du Royaume-Uni de ne pas investir dans le gaz de la Bolivie.

Ce que Tony Blair fait dans dans l’obscurité du 10 Downing Street, la transnationale brésilienne-internationale, Petrobras, le fait avec une transparence obscène. Administrée, de fait, par les banquiers de Wall Street et de la City de Londres, elle a déployé une attitude prédatrice et néocoloniale face à la Bolivie et les autres pays latino-américains, qui fait pâlir la conduite de certaines autres transnationales occidentales. Comme pour Repsol, et auparavant la vénézuélienne PdVSA, c’est essentiellement une façade pour la pénétration de la pétrocratie et du capital financier anglo-américain, avec une politique néocoloniale impitoyable qui requiert d’urgence l’organisation d’un boycott de tous ses produits dans toute l’Amérique latine, , pour casser sa chauvino-impériale technocratie parasitaire et, aussi, pour renforcer Lula.

La disparition forcée de Jorge Julio Lopez en Argentine met de nouveau en évidence une vérité abominable que l’opinion publique latino-américaine ne veut pas entendre et, encore moins, reconnaître : que le pouvoir de l’oligarchie créole est toujours intact dans toute Amérique du Sud. Et que, comme je l’ai écrit dans un article antérieur, il n’a pas été touché ni se sera sérieusement touché par les gouvernements du développement de la région.

Une partie essentielle de ce pouvoir, ce sont les militaires et les réseaux continentaux du terrorisme d’État de Washington, qui dans beaucoup de cas sont ceux de l’"Opération Condor". La récente tentative d’assassinat du Président Chavez dans la province de Zulia, , dans lequel le sicaire a réussi à s’échapper en Colombie, tout comme la participation de militaires chiliens dans des réunions de conspirateurs boliviens, met en évidence ce scénario.

Le Chili a, naturellement, un intérêt vital de maintenir l’approvisionnement du gaz bolivien à bas prix (3), intérêt menacé, comme dans le cas de Petrobras et de Repsol, par la politique de Evo de récupérer les conditions de commercialisation des hydrocarbures nationaux.

7. Avorter le coup d’État
Tous veulent déplacer l’ "Indien" Evo qui perturbe les affaires, tout comme le "Noir" Chavez au Vénézuéla. Pour Chavez, après le coup d’Etat militaire raté, le moyen de "changement" sélectionné est le poison ou l’accident. En Bolivie, les ’gamonales’ (l’élite) et ses parrains impériaux sont d’acord sur le fait qu’un coup d’Etat militaire pourrait être le moyen adécuat. Seulement un coup d’Etat militaire, comme le dit l’ami Mueller Rojas, ne peut pas se faire dans le "vide". Ce que nous voyons en Bolivie est la tentative de la droite mondiale, de remplir ce vide.

Mais, le coup d’Etat militaire est comme le cambriolage de banque : il est seulement un succès s’il conserve le moment de la surprise. Les boliviens subversifs ont perdu ce moment. C’est un devoir éthique de divulger leur projet de coup d’Etat de la manière la plus ample possible, pour l’avorter.

Aujourd’hui, plus que jamais, la Révolution bolivienne a besoin de notre solidarité mondiale.

NOTES :

1- Il faut dire que cette question de l’Assemblée Constituante constitue une erreur politique de la part de Evo Morales. En effet, lors de la négociation de la Loi de convocation à celle-ci, Evo a céder à l’exigence de la droite bolivienne d’approuver les modifications de la Constituion aux deux-tiers des votes. Le fait de changer maintenant les "règles du jeu" donne du grain à moudre à la droite qui pousse des alertes à l’autoritarisme. Ceci dit, sans ce "prétexte", l’oligarchie bolivienne trouverait autre chose. (NdT).

2- On ne peut pas dire que le gouvernement ait été surpris par la violence du conflit,violence qui a été annoncée à plusieurs reprises dans les mois précédents. Nous écrivions le 30 juillet dernier : "Mais le conflit le plus important et qui menace de se terminer en violences est celui des mineurs sindicalisés (de l’entreprise nationale des mines) avec les coopérativistes. Ces derniers demandent l’incorporation de 4800 d’entre eux dans le mine la plus importante d’Oruro. Devant la négative du gouvernement et le refus des sindicalistes, ils ont fixé un ultimatum pour prendre la mine. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet". (NdT).

3- La Bolivie ayant un différend très important avec le Chili (une sortie maritime), l’approvisionnement de ce dernier est assuré par l’Argentine, dans un subtil jeu de import-export. Dernièrement, la Bolivie a élevé son prix de vente du gaz à l’Argentine, qui a évidemment répercuté cette hausse au Chili. (NdT).

Heinz Dieterich, rebelion.org, 08 octobre 2006. Traduction : Fab, sant...@no-log.org



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