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Donner son vieil ordinateur pour les pays du SudAnonyme, Dimanche, Août 13, 2006 - 11:53
Mathieu Lepage
En 1998, 37 % des foyers québécois étaient munis d’ordinateurs , ce chiffre s’élevait à 68 % en 2003 , soit le double en seulement 5 ans. Les progrès rapides liés aux nouvelles technologies de l’information entraînent une baisse des coûts de production du matériel informatique, une accélération exponentielle de la désuétude dudit matériel ainsi qu’une saturation du marché local de l’usager. En 1997, la durée de vie moyenne d’un appareil au Canada était de 3,5 ans . La tendance mondiale en 2004 était de 2 à 3 ans . Auteur : Mathieu Lepage L'augmentation de l’utilisation informatique induit une pollution conséquente et croissante à laquelle nous devons trouver des solutions. L’une de ces solutions consiste à réutiliser les ordinateurs jugés désuets dans les pays du monde numérique développés pour en faire profiter les pays en développement. La pollution issue des déchets informatiques La consommation florissante de technologies informatisées génère son lot de conséquences environnementales, lequel se fait sentir de manière de plus en plus alarmante. « En occident, les modèles évoluent si vite que l'année prochaine 300 millions de micro-ordinateurs partiront à la poubelle aux Etats-Unis. » Pourtant, 82 % du poids d’un ordinateur serait recyclable. Bien que certaines normes environnementales commencent à poindre au niveau de la production matérielle, les systèmes informatiques restent conçus avec un souci écologique que l’on pourrait qualifier de nul. Or, même dans les cas où ils sont bien enfouis, ce qui n’est pas toujours le cas, ces systèmes ne demeurent pas sans risque. En 2005 seulement, 170 491 tonnes de matériel lié aux technologies de l’information et de la communication auront été jugées désuets au Canada : 67 324 tonnes seront éliminées, 47 791 tonnes réutilisées, 11 948 entreposées et 43 428 recyclées. Compte tenu de la composition d’un ordinateur et de son écran, toute matière non réutilisée ou non recyclée présente certains dangers puisqu’ils sont faits à 25 % de verre ; 23 % de plastique ; 20 % de métaux ferreux ; 14 % d’aluminium ; 7 % de cuivre ; 6 % de plomb ; 3 % de métaux précieux (nickel, manganèse, cobalt, baryum, étain, argent, antimoine, chrome, cadmium, sélénium, mercure, arsenic, etc.); et 2 % de Zinc. Bien que les quantités de plomb, de mercure et de cadmium semblent infimes, elles n’en demeurent pas moins potentiellement néfastes pour la santé humaine. Le plomb, par exemple, s’attaque au système nerveux, aux reins et au sang et peut mener au cancer ou provoquer des troubles moteurs et intellectuels . L’oxyde de plomb contenu dans les tubes cathodiques des écrans d’ordinateurs doit aussi être considéré car avec le temps, bien qu’enfoui, il risque de se répandre jusqu’à des cours d’eau potable ou jusqu’à la nappe phréatique . En outre, si on les incinère, les vapeurs ainsi que les cendres de plomb se propageront dans l’atmosphère (ce qui est le cas en Chine et en Inde où les plus démunis tentent de récupérer certains métaux précieux afin de les revendre). Pour ce qui est du plastique, on serait porté à croire qu’il peut être recyclé sans problème, ce qui n’est malheureusement pas le cas. En effet, les producteurs de matériel informatique, peu soucieux de l’environnement et pour des raisons économiques, ont opté pour des produits intégrant plusieurs types de plastiques (résines), ce qui rend difficile le recyclage. La réutilisation plutôt que le recyclage Le recyclage s’effectue en séparant les composantes pour obtenir des matériaux bruts, ce qui détruit définitivement les puces, les semi-conducteurs et les composantes électroniques qui demandent une quantité importante d’énergie à fabriquer. C’est pourquoi il est préférable, dans la mesure du possible, d’offrir une seconde vie à ces ordinateurs. « Nous devons aller au-delà du simple recyclage et nous intéresser au marché de l´occasion, à la réparation, etc. Mieux vaut améliorer sa machine ou la revendre : cela économise 5 à 20 fois plus d´énergie que le recyclage ». Seulement pour sa fabrication, un ordinateur nécessite 1,8 tonnes de matériaux, soit 240 kilogrammes de combustibles fossiles, 22 kilogrammes de produits chimiques et 1500 litres d’eau . En énergie fossile seulement, l’ordinateur consomme donc dix fois son poids, alors que la production d’un réfrigérateur ou d’une voiture consomme une fois ou deux son poids. «Et plus il est petit et léger, plus il faut d'or noir pour le façonner. Une puce de 2 grammes exige 1,6 kg d'énergie fossile pour sa fabrication, soit 600 fois son poids. » Cet aspect, qui à lui seul justifie la primauté de la réutilisation sur le recyclage, ne présente en fait qu’une seule des deux facettes de la récupération informatique, qui offre par ailleurs des possibilités intéressantes aux groupes d’individus qui peuvent en être les heureux bénéficiaires. Les bénéfices de la réutilisation des TIC dans les pays en développement Ce qui peut nous sembler désuet à prime à bord, particulièrement dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication, peut très souvent, en réalité, servir pour des personnes dont les besoins, toujours très relatifs, ne sont pas nécessairement du même ordre. La grande majorité de ce matériel informatique, auquel a été apposé l’étiquette « déchet », est encore fonctionnelle et il suffirait, pour en augmenter la durée de vie, d’établir certaines structures favorisant une réutilisation locale ou extérieure prolongée. Les avantages que peuvent en retirer les plus défavorisés sont considérables et il est du devoir de tout citoyen d’encourager ce processus de récupération. Grâce aux technologies informatiques, les pays du Sud peuvent se développer, celles-ci étant profitables à l’éducation, à une meilleure compétitivité économique et, conséquemment, à l’acquisition d’une plus grande autonomie par rapport au pays du Nord. Le fossé ne tend malheureusement pas à se réduire entre les pays développés et ceux en développement. On parle de fracture numérique pour décrire les inégalités d'accès aux technologies informatisées, notamment en faisant allusion à l’écart entre les « sociétés de l’information » (qui succèdent aux sociétés industrielles) et les sociétés issues des pays défavorisés. Plusieurs facteurs sont en cause et tenter d’isoler l’ampleur relative de chacun est un projet laborieux. Actuellement, la croissance mondiale de la population n’aide en rien à l’atteinte d’une éducation de qualité pour tous. En 2000, environ 56 % des habitants des pays en développement n’avaient pas l’âge de travailler, alors qu’on estime ce pourcentage à 31,2 % pour les pays industrialisés. En 2025, dans le monde, il y aura près de 100 millions d’enfants dépourvus de scolarisation. « La proportion élevée de jeunes des pays en développement se traduit par une augmentation de la demande d’enseignants qualifiés. Les pays en développement ont besoin d’adopter des mesures pour conserver les étudiants dans le système d’éducation ou pour leur offrir des emplois, leur donnant des possibilités d’apprentissage efficace, et, sur ce front, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) peuvent leur venir en aide. » Les TIC présentent donc une réponse viable aux problèmes liés à la déscolarisation, mais s’avèrent également propices à la résolution d’autres problèmes inhérents aux sociétés sous-développées. Toute « société du savoir » a besoin de professionnels, pourvus de compétences spécialisées et d’une formation générale, ainsi que d’un certain nombre de techniciens : une population adéquatement éduquée et compétente représente la condition-clé favorable à un développement établi sur une utilisation efficace des TIC. Sur le plan politique, les TIC peuvent grandement améliorer le dialogue entre les populations et leurs gouvernements en favorisant une plus grande transparence. L’accessibilité aux TIC « réduit de façon spectaculaire les coûts liés à l’information du public et à la sollicitation de réponses à des initiatives particulières, du moins dans les pays où les citoyens ont accès au réseau à un prix abordable. » Puisqu’elles aident à la diffusion et à l’accès à l’information, à regrouper les individus autour d’idées communes, à la délibération de tous sur les choix politiques et sur d’autres sujets, les TIC représentent également des outils encourageant les processus démocratiques. Dans les secteurs privés et publics, elles avantagent la réorganisation de l’administration interne par une réduction des coûts d’administration. Des outils propres à ces technologies, tels que les bases de données et les outils de simulation et de modélisation, aident aux prises de décisions relevant de la planification, de la gestion et du développement. Le domaine du transport aussi peut être optimisé, notamment grâce à la télématique de pointe qui résout certains problèmes environnementaux d’embouteillage, de pollution et de consommation des ressources tout en améliorant la sécurité routière. Dans le secteur de la santé, ce sont les communications entre les professionnels qui sont possiblement accrues (échanges des dossiers des patients, mises à jour sur les nouveautés en sciences médicales, etc.), ce qui se traduit par des économies de temps et d’argent non négligeables. En science, « les chercheurs des pays en développement ont besoin d’avoir plus facilement accès à de l’information à jour sur les sciences et la technologie et de pouvoir communiquer avec d’autres chercheurs. Les services de réseau, y compris le courrier électronique et la téléinformatique multimédia, qui relient entre eux de nombreux chercheurs des pays industrialisés, jouent un rôle vital et il faudrait y intégrer les chercheurs des pays en développement. » Finalement, dans le secteur de l’éducation, les TIC offrent de multiples applications. Parmi les avantages qui en découlent, l’apprentissage assisté par ordinateur représente une méthode utilisée dans un nombre de plus en plus important de programmes d’enseignement et cela, autant pour la formation en classe qu’à distance. Un support ponctuel, adapté au pays et ne créant pas de dépendance Il est essentiel de garder à l’esprit que le transfert technologique dont il est ici question ne vise qu’à permettre l'atteinte d'un seuil de développement à partir duquel les localités des pays du Sud pourront prendre les choses en main et se développer de manière autonome. Il est essentiel d’agir en favorisant une indépendance à l’égard des pays industrialisés plutôt que l’inverse. Ce sont des outils qui leurs sont offerts, et cela doit être fait sachant la chose temporaire et transitoire vers l’atteinte d’un autre plateau économique, dans des délais qui devraient être les plus brefs possibles. Il faut également adapter autant que possible ces outils, principalement au niveau de l’ergonomie logicielle, de manière à respecter les cadres culturel, social et économique dans lesquels ils s’insèrent. En ce sens, « toute stratégie efficace doit inclure la création d’une capacité pour évaluer les forces et les faiblesses de diverses solutions matérielles et logicielles et pour choisir des applications particulières en accord avec les priorités de développement. » L’élaboration d’applications logicielles tenant compte des différents besoins de chacun des pays défavorisés doit alors être optimale : « une fois que les stratégies et les politiques en matière de TIC seront en place, un investissement limité dans les capacités humaines et techniques pourrait avoir un effet catalyseur durable dans les pays en développement au chapitre de la pauvreté, de l’inégalité entre les genres et de l’environnement. » Cependant, en ce qui à trait au transfert technologique, plusieurs critiques sont apportées relativement au « manque évident de fonds pour appuyer les initiatives d’intégration des TIC à l’éducation de masse » . C’est ici qu’interviennent certains organismes d’aide au développement durable des pays du Sud en agissant comme intermédiaires entre ces derniers et les pays du Nord. C’est le cas de Micro-Recyc-Coopération , une organisation située au Canada qui recueille des ordinateurs usagés et des accessoires informatiques auprès de la population et des entreprises canadiennes afin de leur donner une seconde vie dans les pays pauvres. Ainsi, l’organisme encourage un geste, voire un réflexe, de récupération qui engagera la transmission sociale de valeurs liées à l’éducation et à la conscientisation dans un cadre de développement socioéconomique durable et, conséquemment, respectueux de l’environnement. Considérant le fait que les problèmes de pollution électronique occasionnés par une utilisation outrancière des technologies informatiques seraient considérablement atténués par un transfert dudit matériel vers certaines régions sous-développées de notre planète, il devient alors capital de réaliser le pouvoir que chacun détient en tant que membre actif de la société, au quotidien, à travers chacune de ses décisions : choix de consommation, choix du commerce où s’effectue l’achat, considération du contexte d’origine de l’objet acquis, nécessité de l’achat, choix de réutilisation, choix de recyclage, choix politiques, tentatives d’influencer autrui vers des choix réfléchis, etc. Ce sera donc par la prise de connaissance, puis de conscience et finalement par l’intermédiaire des mises en application qui en découlent que les différents acteurs de la société pourront intervenir adéquatement afin de minimiser les effets néfastes de la pollution informatique, maximiser les profits sociaux et ainsi respecter le cadre du développement durable. Afin de mener à bien ces projets sociaux, il faudra donc renverser la vapeur en reprenant le contrôle du train de l’économie, qui consomme plus et toujours plus, s’accélérant sans cesse sans savoir s’il finira par dérailler et quand cela se produira. Espérons que les nombreux passagers se trouvant à son bord sauront convaincre les quelques conducteurs du wagon de tête d’immobiliser ce train ou, du moins, de ralentir sa cadence avant que cela ne se produise. Auteur : Pour en savoir plus : EDIT (Mic. Lessard du CMAQ)
site de l'organisme de recyclage informatique
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