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Comment l'Amérique se créa son image

Anonyme, Lundi, Août 7, 2006 - 08:33

ruby bird

L'Amérique avec toute son influence et les fantasmes que ce continent projette. Plutôt l'Amérique du Nord. Continuellement dans l'actualité, toujours du mauvais côté politiquement, on se pose bien des questions sur que faire face à sa politique impérialiste. Les mot "Démocratie" et "Frontière" sont analysés ci-dessous à travers des textes universitaires.

------------LE MOT « DEMOCRACY » AUX Etats-Unis de 1780 à 1856
C.I.E.R.E.C. – Travaux LXXXVI (Publications de l’Université de Saint-Étienne)
Par Bertlinde Laniel

Ce livre est passionnant et très vivement recommandé. Le terme démocratie est extrêmement bien détaillé dans toute sa symbolique, son historique et son usage politique. Je me suis attardée, pour ma part, à un chapitre précis qui est extrêmement révélateur et sujet à polémiques surtout depuis le 11 septembre 2001. Beaucoup d’ouvrages ont été écrit dessus et celui-là est assez bon. J’en ai tiré de courts passages afin de donner un aperçu de la qualité de travail offert.

Le Début du Messianisme Américain :

« Dès le début, les Américains attribuent des valeurs uniques et des qualités spécifiques à leur expérience politique. Ils sont convaincus que leur forme de régime représente un développement unique de l’histoire humaine et que l’expérience de la nouvelle nation intéresse l’humanité toute entière car elle lui apporte la promesse de l’avenir. Jefferson appelle le régime américain « the world’s best hope ». »

« Dès le début, l’Amérique se veut à l’avant-garde de l’histoire et les Américains se considèrent les messagers du progrès, le premier peuple à ouvrir des perspectives d’un meilleur ordre du monde se basant sur la raison, sur plus de liberté individuelle et sur une plus grande égalité politique des citoyens. Dès le début encore, l’Amérique se présente donc comme un laboratoire du futur. »

« La conscience nationale des Américains ne se basait et ne se base donc pas seulement sur la conviction d’être différents des autres mais aussi sur la confiance assurée de servir de fanal aux autres nations qui tôt ou tard suivront inexorablement leur exemple car c’est ainsi que le veut la logique de l’histoire….La vertu spécifique des Etats-Unis et la qualité hautement morale de la civilisation américaine sont définies par contraste avec les maux qui ravagent l’Europe. »

« Un des thèmes dominants dans la rhétorique patriotique est celui de la nouveauté, de vigueur et de la jeunesse de l’Amérique…..La nation américaine est appelée à un avenir grandiose car l’Amérique est le lieu où se réaliseront les desseins divins. Les discours patriotiques de l’époque sont tout imprégnés de phraséologie providentielle.…..Les patriotes américains confondent alors facilement l’avènement du millénium, c’est-à-dire du retour du Christ et de la venue de son règne avec l’avenir et la gloire des Etats-Unis. »

« Le régime politique américain se trouve valorisé par son association au thème du progrès. Ici se dessine déjà l’interprétation dynamique de la démocratie ; c’est ce qu’on appellera à la fin du 19ème siècle « The march of democracy »……Les Américains considèrent en général l’histoire avant la révolution américaine comme un processus évolutif dont la civilisation américaine est l’aboutissement…….L’attitude selon laquelle « new » et « better » sont des synonymes s’inscrit dans cette même tradition de confiance en l’avenir et de foi dans le progrès, c’est-à-dire dans l’évolution de la civilisation américaine vers un terme idéal, en accord avec la devise per aspera ad astra que la jeune république s’est donnée elle-même. »

« Le Nouveau Monde est donc politiquement, socialement, économiquement et surtout moralement supérieur à l’Europe. Les autres peuples ne partagent pas les conditions de simplicité vertueuse et de bonheur qui existent aux Etats-Unis……La liberté américaine est ici opposée à l’oppression religieuse et économique qui sévit en Europe. »

« Selon la mythologie américaine qui commence à se construire dès la révolution, c’est la Providence divine qui a choisi l’Amérique, continent jeune et vide, c’est-à-dire débarrassé du poids du passé et de ses traditions, pour servir de refuge à tous ceux qui veulent fuir l’oppression sous ses formes les plus diverses. C’est encore la Providence divine qui a imposé aux Américains la lourde responsabilité de servir d’inspiration à l’humanité et de l’éclairer de son phare puissant. »

« La mission de la démocratie américaine de libérer le monde de l’oppression des tyrans est une version sécularisée de la mission imposée aux chrétiens de sauver le monde du règne de Satan. L’Amérique représente ainsi dès le début de la République un idéal spirituel indissolublement lié à un régime politique…..L’idée d’être un peuple élu, thème issu de la tradition judéo-chrétienne, a joué un rôle capital dans le développement de la conscience nationale des Américains. A cette idée se rattache le thème récurrent de la « Nouvelle Canaan » et de la « Nouvelle Jérusalem ». Comme le fait remarquer Elise Marienstras, « dans ce processus intellectuel qui situe l’Amérique dans une histoire providentielle, la référence aux Hébreux est devenue une figure de style banal ». L’idée selon laquelle le « Nouveau Monde » est une terre promise dans laquelle la première édition de l’humanité se trouve révisée et corrigée, devient un leitmotiv de l’époque. »

« La notion d’élection et de destin providentiel qui est la base de l’identification entre les Américains et les Hébreux provient, bien sûr, de la tradition puritaine. C’est au moment de la Révolution que ces idées religieuses subirent une réinterprétation laïque et politique…..L’Amérique se persuade donc très tôt qu’elle n’existe pas pour elle-même mais pour le bonheur de l’humanité…..Se considérant comme les messagers du progrès et de la volonté divine, les Jean-Baptiste du millenium démocratique, les Américains déploient assez rapidement un intense messianisme idéologique. »

« Cette conception messianique active fournira à maintes reprises un commode écran de fumée idéaliste au mouvements d’expansion américaine….rapidement, la formule « Manifest Destiny » ne justifiait pas uniquement l’empire des Etats-Unis sur la plus grande partie du continent nord-américain mais aussi l’hégémonie des idées américaines sur le monde entier et surtout là où les Américains avaient des intérêts commerciaux……La conviction que la cause de la liberté est la cause de l’Amérique et que la cause de l’Amérique est la cause de l’humanité toute entière se retrouve d’un bout à l’autre de l’éventail politique américaine et cela tout au long de l’histoire américaine….. »

« C’est ainsi que la Déclaration d’Indépendance acquiert une portée symbolique, émotionnelle, voire mythique dépassant largement la signification de ses propos et qu’elle transforme au cours du 19ème siècle l’expérience démocratique en tradition démocratique. »

------------ASPECTS DE LA CIVILISATION ANGLO-SAXONNE
Travaux VI – Centre Interdisciplinaire d’Etude et de Recherche sur l’expression Contemporaine (Université de Saint-Étienne)

Il y a un sujet qui est assez intéressant et qui explique beaucoup dans la conception territoriale des Américains face à leur environnement autant géographique, social, économique que culturel. C’est un critère que l’on ne retient que peu mais qui est pourtant très parlant. Donc, le chapitre que j’ai retenu et dont j’ai tiré quelques courts extraits est :

La Frontière américaine au 19ème siècle : de l’Histoire au Mythe :
Par Jean Demanuelli (février 1973)

«La notion américaine de Frontière couvre un champ si vaste et peut être étudiée de points de vue si différents qu’il est difficile d’en donner, en quelques minutes, une idée précise qui ne soit pas partielle…..Pour un Américain le terme « Frontier » désigne une réalité qui se trouve –ou s’est trouvé à une certaine époque – à l’intérieur du pays. Le sens de base évoquant tout de même l’idée d’une démarcation……On voit aussi qu’étudier la frontière revient à étudier l’histoire du peuplement du continent nord-américain, peuplement plutôt que colonisation…..L’originalité de l’expérience américaine, de ce point de vue, est d’avoir fait au 19ème siècle l’économie d’une colonisation, si ce n’est peut-être celle de l’Indien, et d’avoir substitué au type européen du colon, relié à la métropole de manière plus ou moins factice, le type américain du pionnier, colonisateur de son propre pays. »

« Au 17ème et 18ème siècle, alors qu les monts Alleghanies marquent la limite occidentale de la pénétration vers l’intérieur, l’Amérique est constituée des seuls états maritimes de la côte Est : elle est alors, à proprement parler, la frontière de l’Europe, en ce sens qu’elle en est un avant-poste…..Peu à peu cependant, les germes étrangers au sol américain prenant racine, la jeune nation va tourner le dos à l’Europe et entrer dans une phase de repli sur elle-même, une phase d’américanisation rapide, durant laquelle elle s’occupera au long d’un siècle de peupler son vaste territoire. »

« une fois le continent maîtrisé, nous retrouvons le pays vers 1895 prêt à s’intéresser à nouveau aux questions de politique internationale et à tenter de résoudre le problème des relations entre régime démocratique et tendances impérialistes. Le temps de la frontière intérieure, indigène, est alors révolu ; l’expansion déborde les limites du pays et choisit d’aller coloniser Porto-Rico, Cuba et les îles Hawaï…..A l’origine avant-poste de l’Europe, la frontière, à mesure que s’américanisent les habitants, devient la limite occidentale des Etats américains de l’Est, et tire son importance en tant que principe explicatif de l’histoire de l’opposition entre l’Est et l’Ouest du pays. »

« Au cours de la période révolutionnaire se forme l’idée que la vocation du continent nord-américain est avant tout agricole, que les terres de l’Ouest peuvent être le berceau d’une communauté agraire indépendante, que l’Américain idéal, enfin, est le fermier, l’homme à qui la terre donne de quoi vivre et que le contact permanent avec la nature garde bon et vertueux…..Il est incontestable que l’aimant le plus puissant qui attirait l’émigrant vers la frontière était le capital constitué par la propriété terrienne. La preuve en est fournie par la rapidité avec laquelle les plaines qui s’étendent jusqu’au Mississipi furent exploitées, et parallèlement par la lenteur avec laquelle furent peuplées les grandes plaines arides du centre….. »

« L’avance de la frontière correspondait à l’apparition de problèmes nouveaux qui exigeaient une législation nouvelle au Gouvernement fédéral ; ceux qui avaient en main les destinées de la nation étaient à l’Est et les demandes de l’Ouest allaient dans le sens d’une plus grande liberté, d’une plus grande indépendance dans la recherche de réponses aux questions qui lui étaient propres. Dans la première moitié du 19ème siècle, l’Ouest, avant le Sud, faillit faire sécession……il est difficile de concilier l’apport de la frontière à la démocratie américaine avec cet individualisme exacerbé qui, au même titre que la propension à se substituer à la justice légale trop lente, trop lointaine, constitue une des caractéristiques majeures du pionnier. »

« Longtemps les commentateurs ne paraissent pas conscients de la contradiction qui est au cœur de cette dualité ; c’est à la grande littérature américaine du 19ème siècle que revient le mérite d’avoir mis à jour et exploité le paradoxe : si l’Amérique par sa frontière semblait pouvoir donner à l’homme tout ce dont il avait rêvé jusqu’alors, par cette même frontière elle menaçait de détruire une grande partie des progrès qu’il avait déjà accomplis…….Il apparut bientôt clairement, en effet, qu’on ne pouvait connaître certaines aventures au sein des forêts sans abandonner nombre des habitudes acquises et développées au sein de la civilisation……. Cette dichotomie s’intègre dans le schéma très nettement manichéen de la pensée américaine et donne lieu à deux attitudes opposées selon que l’on situe le bien à l’Est de la frontière, c’est-à-dire dans la civilisation, ou à l’Ouest, c’est-à-dire dans la nature. »

« Faire reculer la frontière devient ainsi la destinée manifeste de l’Amérique, qui est d’annexer des territoires au nom de la civilisation en marche et de repousser les limites du sauvage. Si au contraire, on privilégie la nature, c’est l’Ouest sauvage qui se trouve paré de toutes les séductions…….Les textes son innombrables qui traitent la frontière comme métaphore véhiculant les notion de renaissance, de purification, de retour aux sources, quelle que soit la nature de celles-ci……..Comme il est d’usage en mythologie, plus s’éloigne la possibilité de vivre le mythe, plus ce dernier se charge d’affectivité et plus il s’enracine dans les consciences. »
« Au 20ème siècle, le mythe survit et avec lui le mot « frontier », bien qu’ait disparu la réalité historique qu’il avait d’abord désignée……La notion de frontière comme ailleurs tend à supplanter la notion de frontière comme projet audacieux. »

Journaliste Indépendante


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