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L'écueil de l'éolien, le paysageviaub, Samedi, Juillet 29, 2006 - 23:25
Bernard Viau, Parti Vert
L'industrie éolienne persiste à ignorer son principal ennemi. Dans les prochains congrès de l’éolien aucune communication n’adresse le principal écueil des projets d’éoliennes, leur impact sur le paysage humain. Le projet de 134 éoliennes de Sky Power à Rivière-du-Loup semble s’être perdu en mer, emporté par une tempête de protestations qu’il a lui-même semée. Le promoteur a en effet sous-estimé l’importance des émotions humaines liées à une ressource naturelle pourtant simple, le paysage humain. Piètre consolation, il n’est pas le seul, la majorité des entreprises dans le domaine en font autant. L’industrie de l’éolien vit actuellement une croissance accélérée. L’organisme chargé de l’aviation civile américaine a reçu près de 2000 demandes d’autorisation pour des éoliennes en 2004, plus de 4000 en 2005 mais on en prévoit 10000 cette année. Plus de 235 compagnies s’occupent d’éolien. La technologie a bien évolué depuis 10 ans, les éoliennes sont maintenant des tours tellement gigantesques qu’on ne les photographie que de loin pour ne pas effrayer. La plus récente technologie est chinoise ; un institut de recherche a développé, conjointement avec l’industrie, un générateur éolien fonctionnant avec la lévitation magnétique ; on pourra désormais utiliser des vitesses de vent aussi faibles que 3 mètres seconde tout en augmentant les rendements de 20 %. On fait beaucoup de recherche pour l’industrie de l’énergie éolienne. Il suffit pourtant de consulter le programme du prochain congrès international de l’éolien pour constater qu’aucune communication scientifique n’adresse l’écueil le plus important pour l’acceptation d’un projet d’énergie éolienne, leur impact sur le paysage humain. La MRC de Rivière-du-Loup vient tout juste de refuser de changer son règlement de zonage pour accommoder le promoteur ontarien Sky Power. La MRC de l’Estrie a décidé de n’autoriser aucune éolienne sur son territoire pour conserver ses paysages. Un président local de l’UPA déclare et parle d’anarchie totale dans le dossier éolien. Le ministre des richesses naturelles refuse de parler d’anarchie mais ses bureaux sont situés plus haut que les plus hautes éoliennes ; la chose est donc compréhensible. Saviez-vous qu’on parle de près de 1,500 éoliennes dans le Bas du Fleuve pour les prochaines années ? Quels sont nos modèles de développement ? En juillet, les audiences du BAPE ont été particulièrement houleuses pour Sky Power à Rivière-du-Loup ; le commissaire en chef a failli perdre patience à plusieurs reprises devant les réponses évasives du promoteur. Apeuré, ce dernier a dû se payer une firme de relations publiques pour tenter de le piloter hors des eaux troubles mais rien n’y fit. Le projet est sur la glace et c’est la réputation de toute l’industrie de l’éolien qui souffrira de cette bévue. Les projets d’éoliennes en Gaspésie ont également rencontré de l’opposition, l’association touristique régionale de la Gaspésie demandant de concentrer les éoliennes dans un grand parc au lieu de les semer à tout vent sur le territoire. La remarque s’applique aussi à Sky Power pour son projet de Rivière-du-Loup. Si l’installation des parcs éoliens rencontre tant d’opposition, c’est que les promoteurs attaquent, sans le savoir, quelque chose de fondamental. Cet invisible structurant s’appelle le paysage humain. Il existe un conseil du paysage québécois et il a pondu en janvier 2000 une charte du paysage où on peut lire que le paysage est une ressource naturelle et qu’il incombe aux communautés d’intervenir pour le mettre en valeur et le protéger. La chose était théorique jusqu’à ce que le projet de Sky Power s’abîme pour avoir sous-estimé l’impact visuel des éoliennes. C’est quoi au juste l’impact visuel d’un paysage? Les réponses varient mais beaucoup s’entendent pour dire que le paysage est un bien collectif qu’on défendra viscéralement contre le développement sauvage. Une partie du problème des promoteurs de l’éolien réside dans l’absence d’une réelle cartographie du paysage. La qualité d’un paysage est, bien sûr, fonction de la géomorphologie mais elle est aussi dépendante de la densité de population résidente comme du trafic local ou touristique. Lorsqu’on planifie un projet d’éoliennes dans des zones habitées, il faut tenir compte des impacts visuels des éoliennes ; Sky Power vient de payer cher pour l’apprendre mais le promoteur n’était pas fautif, il n’a été qu’ignorant. En économie, nous mesurons la valeur des choses en fonction de leur rendement potentiel et du profit qu’on peut en tirer, il est donc normal que les financiers de l’éolien n’arrivent pas à comprendre la valeur d’un, paysage ! Sky Power n’a fourni, pour son projet, que des mosaïques de photographies avec des éoliennes jouets sur fond de ciel bleu. Elles sont localisées aux endroits exacts où une carte de la qualité visuelle aurait indiqué des valeurs élevées de paysage, bref on a déclenché une tempête d’émotions aussi prévisible qu’un orage en juillet. Les éoliennes auraient dû être localisées loin du fleuve et des bonnes terres agricoles sur les hauteurs en arrière des principaux villages, sur des terres à sapin loin des regards des résidents comme des touristes ; les éoliennes auraient dû être groupées dans un parc autant pour des raisons d’économie que d’esthétique. Il serait maintenant souhaitable que les conseils d’administration mettent la responsabilité sociale à l’ordre du jour de leurs réunions ; la chose serait payante car, si nous prenons l’exemple de Sky Power, des milliers d’heures de travail ont été perdues, inutilement. Cependant, n’enterrez pas trop vite le projet d’éoliennes de Rivière-du-Loup car la partie est loin d’être terminée. Ne nous a-t-on pas promis de belles retombées économiques avec le développement de l’éolien ? On estime que 70 % des coûts d’une éolienne vont pour la turbine. Le Québec n’en produit pas. On estime que 20 % des coûts vont à la construction. Localement nous ne fournirons que le gravier et le sable. Reste 10 % qui vont pour les frais légaux et comptables des firmes de Toronto. Les promoteurs ne parlent des retombées économiques que pour remplir les exigences du BAPE. La vérité est que l’industrie de l’éolien ne rapporte presque rien au Québec actuellement. Plusieurs intervenants dont les MRC demandent au gouvernement d’intervenir pour encadrer le développement de l’éolien. Comment le faire dans un contexte de développement durable ? Quels modèles utiliser ? Il faut supporter et aider financièrement le développement d’une industrie éolienne québécoise. Nous avons le technocentre éolien, le groupe éolien de l’UQAR, les compagnies 3CI, LM Glasfiber, Cemta et Ohméga pour ne nommer que les acteurs du Bas du Fleuve et de la Gaspésie. Aidons cette industrie nouvelle par le biais de subventions et de crédits d’impôts appropriés. Étendons les programmes existants. Le gouvernement fédéral donnait des crédits de production de 1 sous du kWh produit dans les parcs éoliens. Ces crédits ÉPÉE, le gouvernement Harper ne les a pas encore reconduits, ce qui explique également l’attitude de Sky Power dans le dossier de Rivière-du-Loup. Aux États-Unis, ils sont de 1.9 sous ajustés à l’inflation. Il y a aussi les certificats d’énergie renouvelable, – les CREs - qui valent autour de 2 sous et sont des titres négociables. Les autorités des marchés financiers aimeraient créer une bourse pour ces titres mais de mauvaises langues parmi les écolos les appellent des permis de polluer car les industries lourdes pourraient les acheter pour rencontrer leurs quotas d’émissions de gaz à effets de serre. Les éventuels règlements sur l’éolien devraient inclure l’obligation de regrouper les éoliennes dans des parcs. On devrait prévoir une indemnisation standard pour les municipalités en compensation des dommages aux infrastructures routières, également une clause pour compenser les interférences électromagnétiques pour les résidents. Il faudrait des types de contrats standards pour les agriculteurs. Aux États-Unis, les cultivateurs reçoivent entre 3000 et 5000 dollars par éolienne. Dernier point à considérer, un encadrement de l’industrie éolienne devrait obliger l’usage d’une carte de la qualité des paysages pour déterminer l’emplacement des parcs d’éoliennes. En tant que gestionnaires responsables, il est de notre devoir de s’assurer que le développement de l’éolien au Québec ne ressemble plus à une curée de requins ou de piranhas. N’oublions pas non plus que ces tours gigantesques, une fois installées, resteront dans le paysage longtemps ; en fait, elles y seront encore lorsque les décideurs d’aujourd’hui seront en centre d’hébergement. La gestion des paysages de l’éolien exige des intervenants d’aujourd’hui d’avoir une vision de 30 ans. Nos politiciens sont élus pour 4 ans ; sont-ils capables d’une telle vision ?
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