L'annonce faite par le roi Gyanendra vendredi, selon laquelle il se disait prêt à "rendre le pouvoir exécutif au peuple", a été unanimement rejetée par l'alliance des sept partis d'opposition et par le Parti communiste du Népal (maoïste), qui soutient et participe au soulèvement populaire qui se déroule actuellement au Népal pour exiger la fin de la monarchie et l'établissement d'une république démocratique. Les manifestations se poursuivent donc partout à travers le pays, contrairement aux vœux de l'Inde et des grandes puissances impérialistes (dont le Canada) qui croyaient que cette annonce allait suffire à dissiper le mouvement actuel.

La veille, au moins trois personnes avaient été tuées et une quarantaine d'autres grièvement blessées lorsque la police avait ouvert le feu contre des milliers de manifestantEs, dans ce que la presse a qualifié de "jeudi sanglant à Katmandou". Le régime royal, contre lequel la population népalaise se bat depuis maintenant plus de 15 jours, avait décrété un couvre-feu total et ordonné aux forces de sécurité de tirer à vue sur "quiconque violera le couvre-feu". Cela n'a pas empêché de 200 000 à 300 000 manifestantes et manifestants de converger vers la capitale.

Au même moment, les grandes puissances étrangères qui dominent le Népal se livraient à un intense ballet diplomatique, pour "aider le roi à trouver une solution honorable" au conflit actuel. C'est cette "solution" qui a été annoncée par le roi dans son allocution de vendredi.

Celui-ci s'est dit prêt à rétablir le parlement, et il a demandé aux sept partis d'opposition de lui suggérer le nom d'un éventuel premier ministre. Essentiellement, cette "proclamation royale" n'aurait pour effet que de rétablir le statu quo qui prévalait avant le coup de force perpétré par le monarque le 1er février 2005.

Cette nouvelle a tout de suite été reprise et présentée par la presse internationale comme une "capitulation" de la part du roi. Le porte-parole du Département d'État des États-Unis, Sean McCormack, a publié un communiqué triomphant, dans lequel il a notamment pressé les sept partis de répondre favorablement à l'appel de Gyanendra. Le ministre canadien des Affaires étrangères, Peter MacKay, a cru bon ajouter son grain de sel, affirmant que "le Canada espère que ce geste contribuera à mettre fin à l'agitation politique et à la violence des dernières semaines". Le gouvernement Harper est même allé jusqu'à exhorter les sept partis à "collaborer avec le roi".

Mais le président du parti du Congrès népalais démocratique, Sher Bahadur Deuba -- pourtant réputé proche de l'impérialisme US -- a remis les pendules à l'heure, en rappelant que lui-même avait déjà été nommé premier ministre à deux reprises et qu'à chaque fois, le roi avait fini par invoquer ses prérogatives constitutionnelles pour le destituer... Ce que Gyanendra propose, ce n'est pas de remettre le pouvoir au peuple, mais de conserver l'intégralité des pouvoirs entre ses mains, avec un parlement de façade qu'il pourra autoriser ou démettre, selon son bon vouloir.

Dans les minutes qui ont suivi l'allocution du roi, des milliers de manifestantes et de manifestants ont de nouveau pris la rue dans tout le pays, pour condamner cette nouvelle tricherie et exiger de l'alliance des sept partis qu'elle la rejette purement et simplement.

Samedi, les membres de l'alliance se sont enfin réunis et ils ont unanimement appelé à poursuivre le mouvement. Dans un communiqué publié au terme de cette rencontre, les partis ont affirmé que dans l'état actuel des choses, "toute proposition n'incluant pas l'élection d'une assemblée constituante est inacceptable". Le secrétaire général de l'Union des marxistes-léninistes (le parti révisionniste) a précisé que "la seule solution possible passe par l'acceptation des revendications formulées dans l'entente en douze points conclue avec les rebelles maoïstes".

De leur côté, les maoïstes, profitant du fait que les forces de sécurité en ont plein leurs bottes à Katmandou, multiplient les assemblées populaires dans les bases d'appui de la guérilla, à travers les campagnes du pays. Réagissant à l'annonce faite par le roi, le président du PCN(maoïste), le camarade Prachanda, a déclaré que "la supposée proclamation royale n'a aucune valeur ni signification": "Respectant pleinement la grande initiative du peuple népalais, notre Parti rejette avec mépris cette conspiration de la part des éléments féodaux et réaffirme sa détermination à poursuivre le combat jusqu'à ce que le peuple retrouve sa souveraineté et que se tiennent des élections pour une assemblée constituante."

Des milliers de personnes ont donc continué à manifester toute la journée samedi; un imposant cortège s'est notamment approché à moins d'un kilomètre du palais royal où se terre le monarque féodal, avant de rebrousser chemin sous les balles de caoutchouc tirées par les membres de la garde rapprochée de Gyanendra. Selon l'agence Reuters, "les manifestants, qui brandissaient des drapeaux rouges, incendiaient des pneus et jetaient des branches, des débris divers et des roches en travers des rues pour paralyser la circulation. De la fumée s'élevait ici et là. À peine dispersés par les militaires, les manifestants se regroupaient." En outre, toutes les communications mobiles ont été interrompues dans la capitale.

Le prochain grand rendez-vous aura lieu mardi, alors que l'alliance des sept partis appelle les masses népalaises à prendre carrément d'assaut le quartier situé à l'intérieur du périphérique (le Ring Road), où est situé le Palais royal.

Dans une entrevue télévisée diffusée il y a quelques semaines par la BBC World, à une question portant sur l'avenir du roi, le camarade Prachanda avait répondu: "Cet individu n'a aucun avenir au Népal. Ou bien il devra s'exiler, ou bien il sera exécuté par le tribunal populaire." Le moment où cet autocrate fasciste devra rendre des comptes au peuple népalais se rapproche de jour en jour.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 96, le 23 avril 2006.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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