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les armes biologiques en France

Anonyme, Mardi, Décembre 20, 2005 - 15:58

A-infos

L'ignorance est une des bases du consentement.
Plus que jamais, nous avons besoin de radicalité,
c'est-à-dire d'aller à la racine des choses. Une
démarche indispensable pour mettre à jour ce qui
se trame en notre nom et pour effectuer les
changements nécessaires à une vie digne. Cela
dépend de chacun de nous, de notre capacité à
dépasser la résignation et propager l'information.

les armes biologiques en France

Lyon, Grenoble et les armes biologiques

Si l'on vous demande où se trouvent les armes nucléaires françaises, que
répondrez-vous ? Au plateau d'Albion, dans les sous-marins de l'île
Longue, sous les ailes des avions mirage. Et si l'on vous demande où se
trouvent les armes biologiques françaises ? Elles n'existent pas,
penserez-vous. Vous en êtes certains ? Elles sont peut-être quelque part
entre Lyon et Grenoble.

1 - Des laboratoires "sans risque zéro"

"Il est absolument impossible qu'un virus sorte par accident du
laboratoire. Le risque zéro n'existe pas, mais il reste purement
théorique."
Alain-Jean Georges, directeur du laboratoire Biomérieux, Lyon
(Acteurs de l'économie, janvier 2005)

États-Unis, octobre 2001. Une série de lettres
piégées à l'anthrax, bactérie qui provoque la
maladie du charbon, fait 5 morts. Un mois après
le 11 septembre, c'est l'affolement dans la
population. Évacuations de bâtiments,
décontaminations de centres postaux, traitements
préventifs de dizaines de milliers de personnesŠ
Pour la première fois, une puissance occidentale
est victime d'un attentat bioterroriste et prend
conscience de sa vulnérabilité.

Les auteurs de ces ''biocrimes'' ? Ils restent
inconnus. Mais un an après, l'enquête du FBI
situait "la source des envois d'anthrax à
l'intérieur de la communauté scientifique
spécialisée. [Š] le responsable de ces morts
avait participé ou participait toujours aux
programmes militaires de prévention contre les
armes bactériologiques. [Š] Les indices mènent
tous vers des matériaux développés dans le cadre
du programme de recherche américain sur les armes
biologiques". (Le Monde, 04/07/2002)

Au centre des soupçons, le centre militaire de
Fort Detrick, près de Washington. Plus exactement
le laboratoire P4 de l'USAMRIID, l'Institut de
recherche sur les maladies infectieuses de
l'armée américaine. Le terme P4 désigne les
laboratoires conçus pour manipuler des virus
généralement mortels, ne connaissant ni
traitement, ni vaccin, et se transmettant
facilement, notamment par aérosols. "Alors même
que l'USAMRIID participe à l'enquête sur les
lettres contaminées, il est également soupçonné
d'être la source potentielle du charbon - et
peut-être le repère du terroriste lui-même."
(Courrier international, 5/11 sept 2002)

Fort Detrick peut sembler loin de nous. Il paraît
plus proche quand on sait qu'il existe 7
laboratoires P4 dans le monde, dont un en France,
basé à Lyon. Bien plus proche quand on sait que
le seul laboratoire français spécialisé dans les
recherches biologiques militaires se trouve à La
Tronche, près de Grenoble.

Le laboratoire de la Tronche est relativement
connu. Il a été médiatisé par l'affolement suite
au 11 septembre 2001. Les puissances occidentales
redoutent alors une attaque bioterroriste à la
variole (1). Les États-Unis décident de vacciner
plusieurs millions de personnes. La France, qui a
cessé la vaccination obligatoire des Français en
1979 suite aux effets secondaires parfois
dangereux, constate son manque de vaccins
antivarioliques. Il s'agit de reconstituer les
stocks au plus vite. Le Centre de recherches du
service de santé des armées (CRSSA), en face du
CHU de Grenoble, sera réquisitionné. Fort de ses
300 personnes, de son laboratoire de virologie et
de ses 4,5 millions d'euros de budget annuel, il
est le seul en France à être spécialisé dans les
risques nucléaires, biologiques, chimiques. On
vit alors "les chercheurs du CRSSA sous les feux
de l'actualité" (Dauphiné Libéré, 17/10/2001).

Le laboratoire P4 "Jean-Mérieux" de Lyon est
beaucoup plus discret, "se méfiant pire que la
peste de la publicité." (Acteurs de l'économie,
janvier 2005). On comprend vite pourquoi. Rue
Tony Garnier, dans le 7ème arrondissement, on
manipule "les virus dangereux pour lesquels on ne
dispose ni de vaccin ni de traitement efficace,
comme ceux des fièvres hémorragiques Ebola, Lassa
et Marburg." (Le Monde, 24/10/2001). C'est "le
seul de cette importance en Europe, en raison
notamment de la présence d'une animalerie qui
permet des tests sur les rongeurs,
essentiellement, mais aussi quelques primates."
(Acteurs de l'économie, janvier 2005). Construit
en 1999 par la Fondation Mérieux (2) "sans appel
d'offre ni enquête préalable auprès des
riverains" (Science et Vie, nov 2000), il est
sous la responsabilité de l'Inserm, Institut
National de la santé et de la recherche médicale,
qui dépend des ministères de la santé et de la
recherche. 70 personnes y travaillent. Mais le
laboratoire P4 accueille aussi des chercheurs du
CNRS, de l'Université Lyon I, de l'école normale
supérieure, de l'Institut Pasteur, et bien sûr du
CRSSA de La Tronche. But officiel de ce projet de
10 millions d'euros ? Diagnostiquer les agents
pathogènes et s'en protéger.

Pour la sécurité du laboratoire, tout semble
avoir été pensé : "badge à présenter, code
confidentiel à composer, plusieurs sas à
franchir, scaphandre à enfiler." (Le Monde,
24/10/2001). "L'air est changé 25 fois par heure
et passe par trois filtre 'absolus' avant d'être
rejetés dans l'environnement" (Acteurs de
l'économie, janvier 2005). L'animalerie est sans
issue de secours "afin de parer à toute
éventualité - y compris une action de commando
anti-vivisection." "Tous les utilisateurs ont
reçu un entraînement au stress" explique Thierry
Valet, responsable de la sécurité (Acteurs de
l'économie, janvier 2005). "Les dimensions
infimes des virus -certains mesurent moins de 50
nanomètres de diamètre- imposent des précautions
extrêmes. Ils peuvent filtrer à travers le béton
ou le caoutchouc, mais les nouveaux matériaux
synthétiques et les scaphandres issus de la
technologie nucléaire permettent aujourd'hui de
relever le défi." (Science et Vie, nov 2000).
Bref, une machinerie de haute précision. "Il ne
peut y avoir de laisser-aller. L'idée de vétusté,
même relative, est à exclure. Un outil comme
celui-ci nécessite un entretien parfait, comme un
avion." souligne le Professeur Girard, directeur
du département de virologie de l'Institut Pasteur
et co-responsable des activités du P4. (Science
et Vie, nov 2000) Au moins, est-ce efficace ? "Il
est absolument impossible qu'un virus sorte par
accident du laboratoire. Le risque zéro n'existe
pas, mais il reste purement théorique." souligne
le directeur Alain-Jean Georges (Acteurs de
l'économie, janvier 2005).

"Le risque zéro n'existe pas"Š Les mots ont un
sens que les lyonnais apprécieront. Alain-Jean
Georges a sans doute oublié qu'un risque ne se
mesure pas à sa probabilité, aussi infime
soit-elle, mais à ses conséquences, ces "virus
dangereux pour lesquels on ne dispose ni de
vaccin ni de traitement efficace."

Et les vols, sont-ils à craindre ? "Quant à
l'éventualité d'un 'casse' à des fins
terroristes, il est possible mais peu probable,
le laboratoire n'abritant que de petites
quantités de germes, insuffisantes dans la
perspective d'une action malveillante." (Acteurs
de l'économie, janvier 2005) A partir de combien
de sujets touchés considère-t-on qu'une action
est « malveillante » ? De plus, c'est oublier que
la multiplication des germes est à la portée de
tout laboratoire bien équipé, le plus important
étant de récupérer la souche originelleŠ En 1998,
des journalistes de Sciences et avenir ont fait
un test : peut-on voler des éléments pathogènes
de l'Institut pasteur ? "Très facilement, ils se
sont retrouvés devant un réfrigérateur non
verrouillé contenant des fioles de toxines
botuliniques" [La plus mortelle des toxines
connues] (Sciences et avenir, nov 2001) Réponse
de l'Institut à l'époque : "Même dans un bâtiment
ultraprotégé, le problème se poserait. Si un
terroriste veut récupérer une souche, il se fera
passer pour un étudiant." (Sciences et avenir,
nov 2001) Guère rassurant quand on lit que "Le P4
Jean Mérieux a une vocation de laboratoire
d'accueil pour des équipes extérieures."
(BIOFUTUR, octobre 2004)

Mais continuons notre liste des menaces pesant
sur le laboratoire P4 de Lyon, c'est-à-dire sur
nous. Les attaques terroristes sont-elles prévues
? "Bien des scénarios ont été passés en revue, du
tir de bazooka auquel la structure peut résister
jusqu'à l'irruption d'un commando". (Le Monde,
24/10/2001). Et en cas d'avion qui s'écrase, en
cas de bombe ? "Aucune parade ne semble avoir été
envisagée en ce qui concerne les effets
dévastateurs d'un éventuel attentat à la voiture
piégée." (Science et Vie, nov 2000) "La nuit, les
camionnettes circulent dans l'enceinte pour
livrer le laboratoire d'analyses médicales
mitoyen. Il est vrai qu'il y a beaucoup de
va-et-vient et qu'on ne peut pas tout
surveiller.", admet le professeur Girard (Science
et Vie, nov 2000). Mais le préfet du Rhône tient
à nous rassurer : "Dans l'hypothèse (peu
probable) d'une agression de type explosif
entraînant une rupture massive du confinement,
les virus seraient tous détruits car ces derniers
ne supportent pas des températures supérieures à
50 degrés". (Science et Vie, nov 2000)

Nous voilà moins optimistes quand, quelques
lignes plus loin, le même article nous apprend
que "le chauffage à 50 degrés des virus [pour
leur destruction] n'est efficace que s'il est
prolongé pendant au moins trente minutes." Le
préfet du Rhône semble être au courant, puisqu'il
a classé ce laboratoire P4 comme "un point
sensible au plan militaire." Sa sécurité "relève
d'une commission nationale de hauts gradés qui
[Š] a donné son aval dans un document classé
''confidentiel Défense''. (Science et Vie, nov
2000)

On peut être optimiste, faire confiance aux
autorités et se dire que les risques sont
infimes. Pourtant, il ressort de cette brève
présentation que les laboratoires P4 Biomérieux
de Lyon et P3 du CRSSA de la Tronche sont
vulnérables aux vols, aux attentats, aux fuites
des savoir-faire et aux accidents. Les
conséquences peuvent être sans précédent.

2 - L'horreur scientifique

"Les OGM, ça sert aussi à faire la guerre."
(Le Monde, 19/01/2002).

Lyon et Grenoble n'abritent pas seulement deux
laboratoires "sans risque zéro". Ces villes sont
également le fer de lance européen des bio et
nanotechnologies (3).

En Isère, 7000 personnes travaillent dans les
biotechnologies. Premier centre de recherche
technologique en Rhône-Alpes : le Commissariat à
l'Energie Atomique (CEA) de Grenoble. Celui-ci
regroupe 3000 personnes, dont autant de
biologistes que de physiciens (La menace,
bioterrorisme : la guerre à venir, Dominique
Leglu, Laffont, 2002). Ce chiffre doublera avec
l'ouverture en juin 2006 de Minatec, pôle de
nanotechnologies cofondé par le CEA et l'Institut
National Polytechnique de Grenoble (INPG). 4500
professeurs, chercheurs, ingénieurs, étudiants,
pour 169 millions d'euros d'investissements, dont
75% publics. Minatec devrait être lui-même
accompagné de Biopolis, structure visant à
développer la liaison recherche-industrie autour
des biotechnologies. Citons également le
"Génopole" (630 chercheurs) et le "Cancéropôle"
(1700 chercheurs), deux structures récentes
spécialisées dans la génomique (connaissance des
gènes) ou la protéomique (connaissance des
protéines).

Minatec, Biopolis, Génopole, CancéropoleŠ Inutile
de préciser que toutes ces installations sont
copieusement financées par les collectivités
locales, le conseil général de l'Isère et le
conseil régional Rhône-Alpes. "Ici, les élus ont
été vaccinés à la high-tech. Cela permet
d'avancer plus vite et d'éviter de se poser des
questions métaphysiques." nous explique François
Brottes, député PS du Grésivaudan, maire de
Crolles (Le Monde, 17/04/02).

Mais voilà, le "high tech" a son revers. Les bio
et nano sont des technologies dites « duales » :
elles peuvent être utilisées autant pour des
applications civiles que militaires.

Un exemple ? La manipulation des gènes. Le
dossier "bioterrorisme" du magazine BIOFUTUR
d'octobre 2004 est riche d'enseignements. Voici
ce qu'affirment Patrice Binder, médecin chef au
service de santé des armées, et André Ménez,
chercheur au CEA : "Les micro-organismes
génétiquement modifiés sont une source
potentielle d'agents biologiques pour des
terroristes." Et nos chercheurs de dresser une
"liste non exhaustive des propriétés qui
pourraient être recherchées" : "micro-organismes
anodins transformés pour lui faire produire une
toxine bactérienne, animale (scorpion), végétale
(ricine)", "micro-organismes résistant aux
antibiotiques (antiviraux), aux vaccins
classiques", "micro-organismes exprimant des
antigènes déjouant les systèmes de détection ou
de diagnostic standart". Et oui, "Les OGM, ça
sert aussi à faire la guerre." (Le Monde,
19/01/2002). On peut "insérer les gènes de la
toxine du choléra dans le génome de bactéries
coliformes. Pas de détection possible avec de
simples analyses biologiques." "On peut prendre
aussi le virus du rhume, y incorporer une portion
de gène d'une toxine de scorpion, par exemple, et
en faire quelque chose de plus dangereux que le
banal coryza." (Sciences et avenir, nov 2001) ou
encore "greffer des éléments du virus du sida
dans le virus de la grippe" (Le Monde,
15/07/2002).

De la science-fiction ? Pas vraiment. La revue
scientifique Vaccine nous apprend qu'en décembre
1997, des savants russes ont modifié
génétiquement une souche de maladie du charbon de
façon à la rendre insensible aux vaccins
existants contre cette bactérie. "Le génie
génétique permet maintenant, en manipulant le
génome des agents classiques de la guerre
biologique -peste, maladie du charbon, tularémie,
etc.- de les rendre beaucoup plus dangereux
qu'ils ne le sont déjà." (Le Monde, 19/01/02) Et
dans ce domaine, l'imagination est sans limite.
Découvrez les armes ''ethniques'' ! "introduire
un virus ''silencieux'' dans le génome d'une
population donnée, virus qui serait réveillé
ultérieurement par un signal chimique. [Š]
L'idée, explique David Sourdive, un spécialiste
français de l'étude des génomes, est de réaliser
une arme ciblée sur une population choisie et
préalablement ''marquée'' par un virus." (Le
Monde, 19/01/02) On imagine l'intérêt militaire
d'une telle applicationŠ

Un second exemple de biotechnologie duale ? Les
microbiologistes s'intéressent aux peptides, des
molécules encore plus petites que les protéines.
Dans l'organisme, elles régulent la production
d'autres molécules, par exemple les hormones. De
ce fait, elles jouent un rôle dans le sommeil,
l'humeur ou les émotions. Le contrôle des
peptides pourrait constituer des armes
biologiques "incapacitantes", c'est-à-dire
neutralisant l'adversaire sans le détruire
totalement. Les recherches sont abondantes dans
ce domaine, notamment "au CEA (Direction des
sciences du vivant) où l'on travaille au clonage
et à la synthèse de gènes produisant ces toxines
d'un nouveau genre, afin d'apprendre à s'en
prémunir." (Dominique Leglu, opus cité) Seulement
à s'en prémunir ?

Dernière illustration : la création ex nihilo de
virus. La revue Science explique comment, en
juillet 2002, des chercheurs du département de
génétique moléculaire et de microbiologie de New
York ont réalisé la synthèse chimique de l'ADN du
virus de la polio, "à partir de séquences d'ADN
achetées par correspondance et d'une formule
chimique trouvée sur Internet." (Libération,
03/10/2002) Or "Si l'on peut créer -ou recréer-
par synthèse un virus comme celui de la
poliomyélite, rien n'interdit d'imaginer que
d'autres constructions de formes de vie à partir
d'éléments inertes sont possibles." (Le Monde,
15/07/2002) Pourquoi pas la variole, la peste
bubonique, l'EbolaŠ

Nous pourrions allonger cette liste des horreurs
biotechnologiques. Comme le résume si bien un
expert de la délégation générale de l'armement :
"En fait, il n'y a rien en biologie qui ne soit
transposable sur le plan militaire." (Le Monde,
19/01/2002)

Et les militaires ne s'y trompent pas,
semble-t-il. Ils sont présents dans tous les
projets bio et nanotechnologiques Rhône-Alpin. Le
CEA et la DGA sont partenaires de Minatec. Le CEA
est également le fer de lance des projets de
recherche ''Nanobio'' (voir partie 3) et
''Legiorisk'', un programme de prévention des
légionnelles et du bioterrorisme (Les Échos,
09/02/05). Le CRSSA est impliqué dans le
laboratoire P4 de Lyon. L'armée est au conseil
d'administration de l'association pour le
développement des biotechnologies à Grenoble
(ADEBAG), qui porte le projet Biopolis. C'est
bien simple, l'armée est partout. Est-ce pour
défendre la Paix ?

Les chercheurs sont parfaitement conscients de la
dualité des bio et nanotechnologies. Des mises en
garde apparaissent régulièrement dans leurs
publications. Ainsi, selon Dominique
Raymond-Vidal : "Les scientifiques doivent être
avertis des risques de détournement de leur
recherche et ils doivent conduire leurs projets
selon des règles d'éthique rigoureuses."
(BIOFUTUR, octobre 2004).

Et la population, doit-elle être avertie ? Quant
aux "règles d'éthique rigoureuses", qui les
établit ? Qui les contrôle ?

Notre chercheur grenoblois du CRSSA n'a sans
doute pas lu les articles de son collègue du CEA
: "Les gènes de la plupart des micro-organismes
(virus, bactériesŠ) sont manipulés ou transférés
dans le cadre de recherches agroalimentaires,
industrielles et surtout en santé humaine,
animale ou végétale tout à fait légitimes. Mais
les connaissances ainsi acquises ont un caractère
dual qui ne peut être occulté." (BIOFUTUR,
octobre 2004) Autrement dit, les biotechnologies
sont dispersées à tout vent, dans l'industrie et
l'agriculture. Ce qui n'empêche pas les mêmes
chercheurs de réclamer un "débat éthique", "un
contrôle scientifique et réglementaire" pour
"éviter que ces constructions ne soient source de
prolifération" de "technologies et de
savoir-faire". (BIOFUTUR, octobre 2004). Autant
de belles déclarations d'intentions reprises
allègrement par Le Monde, Libération, les revues
spécialisées, etc.

Mais si les risques des bio et nano-recherches
font l'unanimité, personne ne remet en question
la recherche elle-même. Celle-ci est toujours
présentée comme humaniste et désintéressée (4).
Un refrain bien résumé par Patrice Binder et
André Ménez, du CEA : "Si les biotechnologies
sont développées pour le bien de l'humanité, on
ne peut exclure, a priori, la possibilité de
détournements de ces intentions louables."
(BIOFUTUR, octobre 2004). Ah, si les méchants
voulaient bien ne pas s'emparer de nos gentilles
découvertesŠ On tombe des nues devant la (fausse)
naïveté de ces grands scientifiques. Comme si "un
siècle de progrès sans merci" (film, Jean Druon,
2001) n'avait pas mis en évidence que toute
technologie est, tôt ou tard, utilisée de la pire
manière qui soit. Comme l'ont expliqué Jacques
Ellul (Le système technicien, Le cherche-midi,
2004), Ivan Illich (La convivialité, Fayard,
2004) ou Gunther Anders (Obsolescence de l'homme,
Encyclopédie des nuisances, 2001), il n'y a pas
une "bonne" recherche qui serait "mal" utilisée.
Il y a une recherche, et il importe que
l'humanité décide si oui ou non elle est prête à
en assumer toutes les conséquences possibles.

Mais, au CEA, lit-on Ellul, Illich ou Anders ? En
tout cas, on affirme que "les biotechnologies
sont développées pour le bien de l'humanité". Le
bien de l'humanité ?

Aujourd'hui, selon des ouvrages publiés
récemment, deux français sur trois meurent du
cancer, dont 80 à 90 % résultent de la
dégradation de notre environnement. (Le Monde,
14/02/04 ; Ces maladies créées par l'Homme, D.
Belpomme, Albin Michel, 2004 ; La société
cancérigène, G. Barbier et A. Farrachi, La
Martinière, 2004). Les bio et nanotechnologies
seront sans doute très utiles pour créer des
"mini-pompes à insuline", des "mini-caméras
pilules", des implants oculaires et auditifs, et
autres prothèses palliatives. Mais pourrait-on
plutôt s'attaquer à la source de nos maux : les
rejets chimiques et radioactifs dans l'Isère,
ceux de CFC, de dioxines des incinérateurs qui
pullulent en Rhône-Alpes, les pesticides, les
additifs agro-alimentaires ? Ce serait sans doute
trop demander. En effet, pourquoi s'attaquer aux
causes des pollutions et des maladies, lorsque la
tentative de fabrication de remèdes et de
substituts dopent la croissance économique ?

3 - Biodéfense, la fuite en avant

"pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle,
il faudra probablement recourir à la persuasion
et à la réglementation en démontrant l'apport de
ces technologies à la sérénité des populations et
en minimisant la gêne occasionnée".
(Livre bleu, propositions des industries
électroniques et numériques, GIXEL, juillet 2004)

Sommes-nous les seuls à être effrayés par les
nouvelles armes biologiques que rendent possibles
bio et nanotechnologies ? Pas si sûr. Le
bioterrorisme constitue une préoccupation
croissante des autorités occidentales. En France,
"Depuis 1996, les fonds gouvernements [sic]
dédiés à la recherche contre les armes
biologiques ne cessent d'augmenter. Le budget
français est encore faible [3 millions d'euros]
mais il devrait tripler l'année prochaine."
(L'Usine Nouvelle, octobre 2001) Aux États-Unis,
3,5 milliards de dollars ont été dépensés en 2003
pour la lutte contre le bioterrorisme, et 5,6
milliards de dollars seront dépensés d'ici 2014 à
l'achat, au stockage et à la recherche de vaccins
pour lutter contre d'éventuelles attaques
chimiques ou bactériologiques. (Journal belge
Metro, 04/10/2005)

C'est que les ''bioarmes'' semblent
particulièrement adaptées aux actions
terroristes. Alors qu'une bombe nucléaire
nécessite de grosses infrastructures et des
budgets colossaux, les armes biologiques sont les
"armes du pauvre." (Le Monde, 11/09/2002). "Il
est possible de monter un laboratoire biologique
de pointe et de le rendre opérationnel avec 10
000 dollars d'équipements achetés dans le
commerce, le tout abrité dans une pièce de 4 m
sur 5." (Jeremy Rifkin, Le Monde, 06/10/2001). Or
"un petit laboratoire sommairement équipé
pourrait suffire à confectionner de manière
artisanale et très discrète une arme biologique
efficace" (Que sais-je ? Les armes biologiques,
Patrice Binder, Olivier Lepick, PUF, 2001). En
1999, le Pentagone lance le programme "Bacchus".
Il s'agit de vérifier la faisabilité de
construire une petite usine d'armes biologiques à
partir de matériels disponibles dans le commerce.
Le programme répond par l'affirmative. (Dominique
Leglu, déjà cité)

Or, une fois le virus ou la toxine
''militarisés'', c'est-à-dire rendus efficaces,
il suffit d'une bouche d'aération et c'est
l'hécatombe." Un attentat bioterroriste peut
[également] avoir pour vecteur un moyen de
transport (avion, métro, busŠ), le réseau d'eau
potable, des produits alimentaires, ou encore le
circuit postal. Bref, la vulnérabilité est
totale." (Le Monde, 03/03/05)

Les parades ? Le plan BIOTOX, activé par le
gouvernement français depuis octobre 2001, donne
le ton. Ses objectifs : "renforcement de la
détection des attaques, de la décontamination et
de la production d'antidotes." (L'usine nouvelle,
oct 2001) Ce n'est pas pour rien que "la
production d'antidotes" est le dernier de la
liste. Face à un virus OGM de type inconnu, il
n'existera pas d'antidotes. Ni de vaccins. "Les
experts estiment qu'il faut trois à quatre ans
pour militariser un agent infectieux de virulence
augmentée ou résistant au traitement, alors qu'il
faut dix à 15 ans pour développer un vaccin
efficace autorisé par les agences de
médicaments." (Dominique Raymond-Vidal, CRSSA,
BIOFUTUR, octobre 2004) De plus, il est
impossible de vacciner toute la population sur
tous les agents infectieux potentiels du
bioterrorisme. Sans compter qu'un vaccin doit
être administré plusieurs jours ou semaines avant
l'exposition, c'est-à-dire généralement trop
tard. En attendant, on peut toujours mettre du
chlore dans l'eau potable : "Le programme Biotox
a changé le goût de l'eau. Pour neutraliser une
éventuelle contamination des réseaux par la
Toxine Botulique [la plus mortelle], les
distributeurs ont reçu pour consigne d'augmenter
la chloration de l'eau à 0,3 mg par litre, pour
atteindre 0,1 mg par litre au robinet.
(Libération, 11/03/03) Pour rappel, « L'eau
chlorée est cancérigène » (Dauphiné Libéré,
19/04/02 ; voir également le site de l'Agence de
Santé Publique du Canada, www.phac-aspc.gc.ca).

Oublions donc la "production d'antidotes."
Restent le "renforcement de la détection des
attaques" et la "décontamination". Comme pour les
attaques nucléaires, il s'agira de détecter les
bioattaques, décréter l'état d'urgence, confiner
les populations, décontaminer la zone, compter
les survivantsŠ Mais auparavant, surveiller la
population, traquer le terroriste, ficher les
opposants politiques, ceux qui comme l'auteur
présumé de l'attentat à l'anthrax aux États-Unis
ont un "grief envers la société" (New York Times,
23/06/2002).

Et si certains s'y opposent ? "La sécurité est
très souvent vécue dans nos sociétés
démocratiques comme une atteinte aux libertés
individuelles. Il faut donc faire accepter par la
population les technologies utilisées et parmi
celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et
les contrôles. [Š] pour faire accepter les
technologies de surveillance et de contrôle, il
faudra probablement recourir à la persuasion et à
la réglementation en démontrant l'apport de ces
technologies à la sérénité des populations et en
minimisant la gêne occasionnée". Telle est la
proposition du GIXEL (5), lobby dont fait partie
le CEA-Léti de Grenoble (Livre bleu, propositions
des industries électroniques et numériques,
GIXEL, juillet 2004). On comprend l'intérêt du
CEA-Léti pour le tout-sécuritaire. Car, en ce
domaine, les nanotechnologies ouvrent des
perspectives inimaginables : puces sous-cutanées,
nano-caméras, traceursŠ Contre les risques
générés par le "high tech", produisons davantage
de "high tech" ! "La science et la technologie
sont devenues les meilleures alliées de la
police. Neuro-sciences, imagerie cérébrale,
techniques d'identification high tech, armes
neutralisantes et non plus mortelles : dans le
secret des laboratoires se trame activement
l'avenir de la lutte contre la criminalité."
(Science et vie, octobre 2002) Reste à définir ce
que le mot "criminalité" recouvreŠ

Les bioarmes rejoignent en cela le lobby
nucléaire. En mars 2005, Interpol organise à Lyon
une conférence internationale intitulée "Prévenir
le bioterrorisme". Le Ministre de l'Intérieur
Dominique de Villepin (5bis), présente son projet
: créer une base de données internationales sur
le modèle de l'AIEA (Agence Internationale de
l'Energie Atomique) qui comporterait "une
cartographie des laboratoires sensibles, un
réseau d'alerte pour les vols, les disparitions
et les transactions suspectes de produits
sensibles, ainsi qu'une liste de groupes ou
d'individus faisant l'objet d'une vigilance
accrue, parce qu'ils ont tenté de s'approprier
des agents sensibles." Le ministre de l'intérieur
a également "préconisé des efforts de
'sécurisation accrue' des laboratoires
spécialisés dans ce domaine." (Le Monde,
03/03/05).

Mais surveiller la population ne suffira pas. Tôt
ou tard, une attaque bioterroriste peut survenir.
Or, sans moyens de détection, une ''bioattaque''
ne peut être identifiée qu'après l'apparition de
nombreux cas d'une pathologie. La vitesse de
contagion peut être telle que chaque heure compte
(BIOFUTUR, octobre 2004). Il faut donc détecter
l'attaque avant même l'apparition des premiers
symptômes chez la population. Problème : les
méthodes actuelles (comptage lasers de
particules, analyseurs d'air, électrophorèseŠ)
sont peu fiables. Mais les bionanotechniciens
proposent leur "antidote" : les biopuces, "des
capteurs pour détecter [Š] la présence d'agents
pathogènes (accidentels ou délibérés) dans l'eau,
l'air, la chaîne alimentaire." (Le Projet
NanoBio. CEA Grenoble-UJF. 20/02/03) A Grenoble,
le CEA et BioMérieux ont leur propre filiale
spécialisée dans les biopuces : Apibio, dirigée
par Marc Cuzin, ancien de l'INP de Grenoble et
ancien du CEA. Apibio a déjà mis au point des
kits d'analyse pour l'agro-alimentaire (détection
de bactéries, de salmonelles, d'OGM) et travaille
sur des kits adaptés aux secteurs industriels et
militaires. Dans le même domaine, citons
également la société américaine Affymétrix, qui
collabore avec le laboratoire Biomérieux et la
Direction Générale de l'Armement (D. Leglu, opus
cité, Sciences et vie décembre 2001). Enfin,
depuis 2002, le CEA de Grenoble a lancé le projet
''Nanobio'', dont l'un des objectifs est la mise
au point de biopuces. (6)

C'est qu'il n'y a pas seulement les armes
biologiques qu'il va falloir apprendre à
détecter. "Des installations industrielles,
chimiques ou médicales, des laboratoires
pharmaceutiques ou des centres de recherche
biologique ont été recensés comme étant des
sources de contamination et de toxicité
potentielles, à l'instar du site AZF de Toulouse
dont l'explosion fit, en septembre 2001, trente
morts. Ces installations se multiplient avec
l'industrialisation croissante des villes et de
leur périphérie. Le danger ne viendrait plus
seulement de défaillances dans la sécurité, la
manipulation, le stockage ou le transport de ces
produits dangereux. Les dites installations
peuvent devenir la cible d'actes de malveillance
ou d'agressions pour frapper les esprits et
atteindre dans leur chair les populations
voisines." (Le Monde, 20/12/02). Triste nouvelle
: entre Lyon et Grenoble, ces installations sont
légion. Zone chimique de Pont-de-Claix, Rhodia,
Atofina, Eurotungstène, le CEA, ST Micro, Soitec,
Memscap, etc. avec leurs stocks de gaz liquides,
de fluor, de sulfates, leurs consommations d'eau,
leurs pollutions et déchets. Est révélateur, à
cet égard, le transfert de phosgène (7) de la
zone chimique de Toulouse, à celle de Grenoble.

Va-t-on remettre en cause l'industrialisation, la
croissance, la ruée vers le "high tech" ?
Imaginer la décroissance (8) ? Pourquoi
s'attaquer aux rejets de gaz carbonique qui
asphyxient Lyon et Grenoble quand des biocapteurs
peuvent nous alerter des pics de pollution (9) ?
Pourquoi donner du grain à la volaille, de
l'herbe au bétail, quand la traçabilité nous
permet de savoir de quel animal exactement nous
aurons contracté l'encéphalite spongiforme ?
Pourquoi supprimer les pesticides de nos champs,
l'amiante de nos constructions, le benzène de nos
industries, le chlore de nos robinets, les
additifs de nos aliments, quand une biopuce nous
préviendra en temps réel du développement de nos
cancers ?

4 - Grenoble et Lyon, centres de recherche en bioattaque ?

"la montée en puissance du bioterrorisme attire
l'attention sur un phénomène tout aussi
préoccupant : l'exploitation par certains Etats
des progrès de la biologie moléculaire
pour créer de nouvelles armes de guerre."
(La Recherche, décembre 2001)

Les recherches étatiques sur les armes
biologiques ne datent pas d'aujourd'hui. Dans les
années 30, le Japon construit "l'unité 731", un
centre de recherche qui expérimente des armes
biologiques. 150 bâtiments, 3000 scientifiques et
techniciens, plusieurs milliers de
prisonniers-cobayes. Charbon, peste, choléraŠ
"entre 1932 et 1945, au moins dix mille
prisonniers sont morts de ces infections
expérimentales ou ont été exécutés après
l'expérimentation." Les armes ainsi créées seront
utilisées contre la Chine pendant la seconde
guerre mondiale. (D. Leglu, déjà cité).

Dans les années 40, le Royaume-Uni produit 5
millions de paquets imprégnés de bacille du
Charbon, à larguer au-dessus de l'Allemagne. Ce
ne sera jamais fait. En revanche, des bombes
biologiques seront testées sur l'île de Gruinard,
au large de l'Ecosse. Cette île restera
contaminée pendant 40 ans. (D. Leglu, déjà cité)

Jusqu'en 1992, l'URSS travaillait activement aux
armes biologiques. Le complexe
militaro-industriel "Biopreparat" regroupait plus
de 60 000 personnes autour d'un vaste programme
de recherche. Des missiles intercontinentaux
chargés de la bacille de la peste et du virus de
la variole ont été mis au point. Des souches de
charbon transgénique et autres hybrides ont été
inventés. En 1979, l'usine militaire de Svlerdosk
explose. Un nuage contaminé par la bacille du
charbon se répand dans le village voisin. Au
moins un millier de morts. (Biosecur, Bioterror,
Ken Alibek, 2004)

Et les États-Unis ? Dès 1940, le centre de Fort
Detrick se consacre aux armes biologiques. Il
peut compter sur le savoir-faire des experts
japonais de l'unité 731, exfiltrés aux États-Unis
après la guerre. 5000 bombes remplis du bacille
de charbon sont mises au point. De nombreux
agents pathogènes sont militarisés : la
tularémie, la toxine botulinique, la brucellose,
la fièvre Q, la rouille des céréalesŠ Les
États-Unis sont accusés d'avoir utilisé des
bioarmes lors de la guerre de Corée, et de
l'avoir prévu pour Cuba. Jusqu'en 1968, l'armée
américaine pratique également des "expériences de
largage de bactéries inoffensives au-dessus de
certaines grandes villes", pour "connaître le
comportement et le degré de résistance de leurs
agents pathogènes dans des conditions 'normales'
d'emploi." (D. Leglu, déjà cité)

Coup d'arrêt en 1969 : le président Nixon
s'engage à mettre fin aux programmes militaires
de Fort Detrick : "Les États-Unis limiteront
leurs recherches biologiques à des mesures
défensives." (Germes, Miller, Engelberg et Broad,
Fayard, 2001)

Seulement des mesures défensives ? Il est permis
d'en douter. Certains de ces programmes dits de
"biodéfense" ont un caractère très "bioffensif".
Ainsi, de 1997 à 2000, la CIA lance le projet
"Clear Vision". Objectif : recréer et tester une
réplique des petites bombes bactériologiques
élaborées par l'URSS dans les années 80. Autre
exemple : dans les années 90, le Pentagone charge
la firme Battelle de créer une version
"améliorée" (OGM) du bacille du charbon. Objectif
officiel : vérifier l'efficience du vaccin mis au
point pour l'armée américaine. (D. Leglu, déjà
cité)

Pourtant, les États-Unis sont signataires du
traité international de 1972, ratifié par 143
États, interdisant la production, le stockage et
l'utilisation d'armes biologiques. Ceci dit, "Le
traité comportait de nombreuses lacunes. [Š] il
n'établissait aucun critère de distinction entre
les travaux offensifs et défensifs [Š] et
n'envisageait pas le moindre mécanisme
d'application et de contrôle." (Germes, opus
cité) En 2001, ces lacunes ont tenté d'être
comblées par un projet de protocole de
vérification, élaboré à Genève. Proposition
rejetée par Washnington qui "se réserve de
protéger son industrie et ses programmes de
défense." (Libération, 22/08/2001) De quoi
alimenter toutes les suspicions.

Et la France ? Sa position vis-à-vis des armes
chimiques a de quoi nous inquiéter. En mars 1988,
le premier ministre Jacques Chirac déclarait "que
la France se devait d'avoir un stock minimal
d'armes chimiques à des fins purement
dissuasives." (Le Monde, 11/09/2002) Selon le
Monde Diplomatique de décembre 1999, la France
effectuait en 1987 des recherches sur les armes
chimiques "binaires" : deux produits inoffensifs
s'ils sont séparés, mortels s'ils sont mélangés.
Recherches stoppées en 1990 semble-t-il (selon
Claude Meyer, ex Commandant de l'école de Défense
NBC -nucléaire, biologique et chimique- et Alain
Jouan, médecin militaire du CRSSA, lors d'un café
"Science et guerre" à Lyon). Et les armes
biologiques ? En novembre 2002, le Washington
Post publie une enquête du FBI affirmant que la
France possède des souches non déclarées du virus
de la variole. Une révélation prestement et
fermement démentie par le ministère de la
défense. (Libération, 07/11/02)

Ne soyons pas naïfs. Les armes biologiques
passionnent l'armée. Comment ne pas être "fasciné
par une arme de destruction massive si peu chère
comparée aux armes chimiques ou à la bombe
atomique" (Germes, opus cité), par ces bio et
nanotechnologies capables de créer des armes
"ethniques", "incapacitantes" ? Pourquoi s'en
priver, au moins à titre dissuasif ? C'est ce que
sous-entend le magazine La Recherche de décembre
2001 : "la montée en puissance du bioterrorisme
attire l'attention sur un phénomène tout aussi
préoccupant : l'exploitation par certains États
des progrès de la biologie moléculaire pour créer
de nouvelles armes de guerre." Puis La recherche
fait le lien avec les biocapteurs : " On peut
raisonnablement commencer à réfléchir [Š] à une
puce à ADN capable de reconnaître dans un
échantillon donné toutes les séquences connues
codant pour des agents pathogènes ; qu'il
s'agisse ou non d'un agent génétiquement modifié,
le repérage d'une seule séquence à risques
suffirait à donner l'alerte. " Autrement dit, les
États vont créer des capteurs capables de
reconnaître les agents pathogènes hybrides qu'ils
auront fabriquéŠ

En France, qui d'autre que le laboratoire P4 de
Lyon pourrait créer ces "nouvelles armes de
guerre" pour éventuellement les confier à des
groupes défendant nos intérêts ? Cette
éventualité est sous-entendue par Michel-Jean
Allary, expert en biochimie du SGDN (Secrétariat
général de la défense nationale) : "depuis
quelques années, la prolifération chimique et/ou
biologique semble évoluer d'une réalité étatique
vers une composante terroriste. [Š] Cette
prolifération est à la portée de groupes
organisés. Ils peuvent être soutenus
scientifiquement et financièrement par des États,
cela présente l'avantage pour ces derniers d'être
moins décelables." (D. Leglu, déjà cité). On se
souvient de la liaison CIA/Ben LadenŠ

5 - Criminalité scientifique : tolérance zéro

" Vous en savez déjà suffisamment. Moi aussi.
Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut.
Ce qui nous manque, c'est le courage de comprendre ce que nous savons et
d'en tirer les conséquences."
(Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes, Le serpent à plumes, 1998)

Résumons :

1. Lyon et Grenoble abritent deux laboratoires
militaro-industriels vulnérables aux attentats,
aux vols, aux accidents, aux fuites de
savoir-faire.

2. Lyon et Grenoble sont également le pôle
européen de développement des bio et
nanotechnologies. Or ces technologies sont
duales, elles "servent aussi à faire la guerre".

3. L'armée est présente dans tous ces projets.
Officiellement, elle ne s'intéresse qu'aux
programmes de "biodéfense". C'est oublier qu'il y
a trente ans, le programme nucléaire offensif se
masquait aussi derrière ses applications civiles
(Dominique Lorentz, Affaires atomiques, Les
arènes, 2001 ; Bruno Barillot, Le complexe
nucléaire, CDRPC, 2005). Quand on lit que "les
armes biologiques pourraient bien jouer au XXIème
siècle le rôle des armes nucléaires au XXe"
(Libération, 22/08/2001), comment ne pas imaginer
que le même jeu macabre se rejoue, à notre insu,
entre Lyon et Grenoble ?

4. Nos sociétés sont vulnérables aux risques
biologiques. L'Etat s'appuie sur cette
vulnérabilité pour justifier la course
technologique vers le "tout-sécuritaire"
(biométrie) ou la "détection des attaques"
(biopuces).

Cela se passe ici, chez nous.
Ce sont des ingénieurs, des chercheurs, des
techniciens qui habitent près de Lyon ou de
Grenoble, qui font leur marché le week-end, ont
des enfants, une maison, des loisirs.

Les lecteurs d'Hannah Arendt savent ce qu'est la
"banalité du mal". Les auteurs de Germes (opus
cité) décrivent Bill Patrick, un spécialiste du
programme des armes biologiques de Fort Detrick :
"Ses souvenirs, tueries d'animaux, infections
d'êtres humains, découvertes de nouveaux
instruments de mort, ne le tourmentaient pas.
Tout cela, à ses yeux, relevait de l'opiniâtreté
militaire, de la dissuasion nécessaire, de la
sauvegarde des forces nationales. ''A l'époque,
l'objectif était de résoudre le problème, non
d'ergoter sur les ramifications philosophiques de
ce que nous étions en train de faire, nous
dit-il. Le vendredi, quand nous plaisantions,
assis en rond, ce n'était pas pour dire : "Nous
avons l'obligation morale de réduire ceci ou cela
!" mais : "Comment allons-nous augmenter la
concentration ?" On ne reliait jamais notre
activité à des gens''."

Y-a-t-il des Bill Patrick entre Lyon et Grenoble, et combien sont-ils ?

Nous voulons connaître tous les impacts sociaux
et environnementaux des bio et nanotechnologies.
Nous voulons savoir tout ce qui se trame en notre
nom, de Lyon à Grenoble. Existe-t-il des
programmes militaires d'armes biologiques menés
au P4 de Lyon, au CEA de Grenoble et au CRSSA de
La Tronche ?

Nous voulons que cesse cette course folle dans
les bio et nanotechnologies, dont on sait
qu'elles sont par essence proliférantes, duales,
mortifères. Nous ne voulons plus d'une science
orientée par les applications militaires et
industrielles. Nous voulons une science orientée
par le bien commun.

Si justice il y a, les scientifiques qui
aujourd'hui collaborent aux programmes de
technologies duales (civiles ET militaires),
devront un jour répondre de leurs actes et
assumer la culpabilité des crimes commis grâce à
leurs travaux.

Nous ne voulons pas entendre parler des arguments
du type "si c'est pas nous, d'autres le feront",
encore moins du chantage à l'emploi. Pour nous,
nos enfants et nos petits-enfants, pour nos amis
et les enfants de nos amis, nous voulons
connaître et que soit connus les risques de toute
recherche.

L'ignorance est une des bases du consentement.
Plus que jamais, nous avons besoin de radicalité,
c'est-à-dire d'aller à la racine des choses. Une
démarche indispensable pour mettre à jour ce qui
se trame en notre nom et pour effectuer les
changements nécessaires à une vie digne. Cela
dépend de chacun de nous, de notre capacité à
dépasser la résignation et propager l'information.

Lyon, octobre 2005

Service Civil Lyonnais
secily(a)no-log.org

Copyleft
Diffusion massivement encouragée

NOTES :

1. Les symptômes de la variole sont de fortes
fièvres accompagnées d'éruptions de pustules
ulcéreuses. La contagion se fait par voie
aérienne et par contact des plaies. Le taux de
mortalité est élevé, car aucun traitement n'est
absolument efficace. Il existe cependant un
vaccin.

2. Le patron de la société BioMérieux est Alain
Mérieux, un ami intime de Jacques Chirac et de
Charles Millon, ancien ministre de la Défense
(1995-1997).

3. Le terme nanotechnologies désigne des
technologies permettant de manipuler des matières
vivantes ou inertes à des échelles du nanomètre
-milliardième de mètre.

4. En 2004, le quart du budget de la recherche
publique était consacré aux recherches
militaires, soit 3,7 milliards d'euros (source :
ministère des Finances).

5. Le GIXEL est un lobby qui rassemble une
cinquantaine d'industries de l'électronique dont
le CEA-LETI, EADS, THALES, 3M. Retrouvez
l'incroyable Livre bleu sur http://www.gixel.fr

5bis. Dominique de Villepin est rompu aux
"mensonges d'Etat", comme l'explique Patrick de
Saint Exupéry dans L'inavouable, La France au
Rwanda, Les arènes, 2004.

6. Lire à ce sujet le texte Guerre
bactériologique disponible sur le site de pièces
et main d'oeuvre
http://www.piecesetmaindoeuvre.com

7. Le phosgène sert à la fabrication
d'herbicides, de pesticides et de mousse pour
l'industrie automobile.

8. cf. La décroissance, le journal de la joie de
vivre, bimensuel édité à Lyon par l'association
Casseurs de Pub (http://www.decroissance.org)

9. En 2003, Grenoble a enregistré 60 jours de
"pics" de pollution atmosphérique. Les 305 autres
jours de l'année, l'air était seulement pollué
(Libération, 24-25/04/04).

BIBLIOGRAPHIE

Les armes biologiques, Que sais-je ? Patrice Binder, Olivier Lepick, PUF,
2001 La menace, bioterrorisme : la guerre à venir, Dominique Leglu,
Laffont, 2002 Germes, les armes biologiques et la nouvelle
guerre secrète, Miller, Engelberg et Broad,
Fayard, 2001
La guerre des germes, Ken Alibek, Presses de la cité, 2000
L'arme biologique, Henri Hubert Mollaret, Plon, 2002

Le système technicien, Jacques Ellul, Le cherche-midi, 2004
La convivialité, Ivan Illich, fayard, 2004
Obsolescence de l'homme, Gunther Anders, Encyclopédie des nuisances, 2001
Affaires atomiques, Dominique Lorentz, Les arènes, 2001
Le complexe nucléaire, Bruno Barillot, CDRPC, 2005
La société cancérigène, G. Barbier et A. Farrachi, La Martinière, 2004 Ces
maladies créées par l'Homme, D. Belpomme, Albin Michel, 2004

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