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Cocaïne & politique au Québec (2e partie): Un tabou persistantAnonyme, Samedi, Octobre 22, 2005 - 17:33
B.A.L.
Dans cette deuxième partie de son dossier, le Bureau des affaires louches revient sur deux cas de politiciens cokés Gilles Baril et Jean-François Bertrand. Et pour compléter cette brochette, le B.A.L. vous réserve « un invité surprise ». COCAINE ET POLITIQUE AU QUÉBEC UN TABOU PERSISTANT Par le Bureau des Affaires Louches * C’est fascinant les découvertes qu’on peut parfois faire en ouvrant les pages d’un grand journal. Prenez la couverture médiatique dans l’affaire Boisclair. Dans un article signé par les journalistes Denis Lessard et Nicolas Saint-Pierre paru dans La Presse du 17 septembre, on pouvait lire cette curieuse petite phrase insérée discrètement dans le dernier paragraphe du texte : « Véritable fléau dans les cercles politiques durant les années 1980 et 1990, la cocaïne n’a pas souvent été publiquement évoquée. » (1) Et on pourrait rajouter : n’a pas souvent été évoquée par La Presse et les médias en général non plus ! Car l’article de La Presse ne fournit aucun autre détail, aucun nom, rien de plus que cette énigmatique petite phrase qui est propre à soulever bien des questions. Faut-il n’y voir qu’un cas d’inflation verbale venant de journalistes emportés par l’enthousiasme d’une surenchère médiatique généralisée ? Pas si l’on se fie à cette autre petite phrase toute aussi intrigante insérée dans un autre article de La Presse portant sur la cocaïne, cette fois-ci signé par le journaliste Nicolas Bérubé, paru trois jours plus tard. On pouvait alors y lire : « Drogue dure, drogue de party, elle circule pourtant depuis des années dans les milieux politiques et financiers. »(2) Et encore une fois, aucune autre précision n’est amenée. Comme s’il s’agissait là d’une banalité sur laquelle il était inutile de s’étendre. Au fait, vous saviez ça, vous, que la coke était devenu un « véritable fléau dans les cercles politiques » ? Un tel langage suggère que nous pourrions avoir affaire à un phénomène qui a pris des proportions quasi-épidémiques. Ça semble fou. Pourtant, c’est un quotidien réputé sérieux et ce sont des journalistes chevronnés qui nous font cette suggestion. En tout cas, si quelqu’un se doutait encore que les médias de masse en savent beaucoup plus qu’ils n’en disent, en voilà une confirmation des plus éclatantes. Se concentrant sur le cas Boisclair, aucun média n’a jugé bon d’offrir un dossier fouillé afin de tenter de brosser un portrait plus complet de la consommation de cocaïne en milieu politique québécois. C’est afin de pallier à cette lacune évidente que le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES vous invite à approfondir cette thématique dans la deuxième partie de son dossier « Cocaïne et politique au Québec ». Sur la scène politique québécoise, on ne recense que trois cas de politiciens cokés : celui de Gilles Baril, Jean-François Bertrand et enfin André Boisclair. Après avoir traité le cas Boisclair, le B.A.L. se penchera sur celui de MM. Baril et Bertrand. Et pour compléter cette brochette, le B.A.L. vous réserve « un invité surprise ». Il se trouve que les trois cas connus se rapportent tous à des élus du Parti québécois. Rien ne devrait pourtant laisser supposer que les députés de la mouvance souverainiste soient plus portés à se coker que ceux des autres partis. Après tout, la cocaïne transcende toute allégeance politique. D’ailleurs, il n’y a rien qui devrait nous empêcher de soupçonner qu’il se passe des choses semblables au sein des autres partis. Peut-être la différence tient-elle dans le fait que les concurrents du PQ lavent leur linge sale en famille ? Notons tout de même que M. Boisclair est le seul cas de confession forcée. Et, de toute évidence, la seule raison pour laquelle il a accepté de parler de sa consommation, c’est pour que les médias cessent d’en parler. D’ailleurs, s’il ne s’était pas présenté à la course à la chefferie, qui plus est avec si une importante longueur d’avance sur ses rivaux, il est plus que probable que le secret de M. Boisclair serait resté un secret. Les deux autres cas furent portés à la connaissance du public seulement à la suite d’aveux volontaires de la part des intéressés, MM. Baril et Bertrand. Aveux qui, jusqu’à un certain point, faisaient partie de leur thérapie et constituaient une étape de plus vers leur guérison. Dans l’affaire Boisclair, les membres du public ont été nombreux à voir dans l’intérêt médiatique sur sa consommation une atteinte au droit à la vie privée du candidat favori dans la course à la succession à M. Bernard Landry. Comme s’il fallait prendre pour acquis que la consommation de M. Boisclair relevait exclusivement du domaine de ses loisirs. Comme s’il ne pouvait exister aucun lien à faire entre la toxicomanie, la scène politique et la fonction de ministre. Or, les témoignages de MM. Gilles Baril et Jean-François Bertrand, que nous examinerons ci-dessous, suggèrent plutôt le contraire. Car eux, ils le font ce lien. Dans le premier cas, on parle d’un jeune politicien qui goutte à sa première ligne de coke le soir même de sa première élection en tant que député à l’Assemblée nationale. Dans le deuxième, on parle d’un député qui a sombré peu à peu dans les problèmes de consommation après sa nomination à un poste ministériel. Dans les deux cas, donc, la politique semble indissociablement reliée à leur descente aux enfers respectives. D’ailleurs, quand on prend la peine de lire sur les expériences de MM. Bertrand et Baril, il devient beaucoup moins évident de minimiser, comme l’a fait M. Boisclair, l’impact que peut avoir la consommation de coke sur un homme politique. En tout cas, l’argument sur la protection de la vie privée des politiciens ne tient plus lorsqu’on lit dans les journaux que la cocaïne est devenue un « véritable fléau » au sein de la classe politique. Dès lors, la question qui se pose est : le milieu politique est-il propice au développement de dépendance aux drogues et à l’alcool ? Chose certaine, s’il existe une drogue taillée sur mesure pour la classe politique, celle-ci s’appelle vraisemblablement cocaïne. Car ce n’est pas une dope qui assomme et qui rend légume dont on parle ici. C’est, au contraire, une dope qui allume. Dans un univers de compétition et de performance comme celui de la politique, la coke est un stimulant à pouvoir d’addiction qui élimine faim et fatigue, qui fournit l’illusion à celui qui en prend d’être au sommet de sa forme et supérieur intellectuellement ainsi que de pouvoir résoudre tous les problèmes possibles et impossibles. La sensation de puissance qu’elle procure ne peut que séduire ceux qui ont fait de l’exercice du pouvoir politique leur vocation professionnelle. Trois cas connus, qui s’étendent sur vingt ans de vie politique, ce n’est pas la mer à boire. Est-ce cela qu’on peut appeler un « véritable fléau » ? Combien en reste-t-il d’autres dont nous n’entendrons jamais parler ? Ainsi, M. Boisclair pourrait n’être que l’arbre qui cache la forêt. Ou, pour reprendre l’expression d’un camarade, la baleine qui cache le banc de piranhas. Le cas de Jean-François Bertrand « Avec le recul, quand on me demande de préciser le début de ma dépendance aux drogues, je retourne inévitablement à ce jour du 30 avril 1981, lorsque je devins ministre des Communications. Car c’est à ce moment-là que j’entrai dans la spirale de la consommation excessive de substances qui allait me mener, à partir de 1990, dans cinq centres de traitement différents pour suivre sept thérapies en l’espace de dix ans. » (3) Celui qui s’exprime ainsi est l’ancien ministre péquiste Jean-François Bertrand, député de Vanier de 1976 à 1985. M. Bertrand a d’abord été élu député à l’âge de 30 ans, puis fut nommé ministre à 34 ans. Et à 36 ans, il hérite de la fonction de leader parlementaire après la démission du ministre Claude Charron suite à son arrestation pour le vol d’une veste de cuir au magasin Eaton, en 1982. De son propre aveu, M. Bertrand a exercé son mandat ministériel « sous l’influence des médicaments et de l’alcool » Défait aux élections générales de décembre 1985, l’ex-ministre Bertrand allait par la suite sombrer dans la dépendance à la cocaïne à partir de 1988. « Pour moi, ça a commencé une fois par trois mois, puis une fois aux trois semaines, puis aux trois jours et en plus grande quantité à chaque fois », expliquait-il récemment au Journal de Montréal. Une nouvelle ère s’ouvrait dans la vie de M. Jean-François Bertrand. Mais celui-ci n’avait pas tiré un trait définitif sur la carrière politique pour autant. S’il n’a pas été élu depuis sa défaite de 1985, ce n’est pas faute de ne pas avoir essayé. En 2002, après plusieurs cures de désintoxication, il témoigna publiquement de son expérience dans diverses entrevues accordées aux médias. Et en 2003, il publia lui son propre livre, dont le titre,« Je suis un bum de bonne famille », fait référence au fait qu’il est le fils de l’ancien premier ministre du Québec, M. Jean-Jacques Bertrand, qui fut le dernier dirigeant de l’Union nationale de l’histoire du Québec à exercer cette fonction. Dans son bouquin autobiographique, M. Bertrand se montre généreux en détails croustillants. « Sauf à quelques rares et brèves interruptions, dont la plus longue n’a pas duré un an, j’ai consommé de la cocaïne pendant quatorze ans, soit de 1988 à 2002 », écrit-il. « Jamais seul. Toujours avec l’objet de mes fantasmes : un gars, à condition qu’il soit jeune et beau. » Il dit avoir englouti deux millions$ pour se « démolir sur tous les plans : physique, mental et moral ». Mais contrairement à bon nombre de toxicomanes, l’ex-ministre Bertrand n’a pas eu à cambrioler des bungalows, à faire des hold-up ou à vendre son cul pour trouver le pognon afin d’assouvir ses besoins en poudre. Lorsqu’il était trop défoncé pour se chercher un boulot, M. Bertrand avait le luxe de piger dans sa pension de député pour s’envoyer en l’air. Et ce, au frais de ses humbles contribuables, bien entendu. La confession spectaculaire de M. Bertrand a suscité une foule de réactions chez les médias. Dans son éditorial, M. J.-Jacques Samson du quotidien Le Soleil revenait sur un incident lors duquel le ministre Bertrand avait été convoqué par le ministre de la Justice de l’époque, M. Marc-André Bédard, qui l’avait mis en garde après avoir appris qu’il aurait consommé de la cocaïne en public dans un bar de l’avenue Cartier à Québec. « Le ministre de la Justice a-t-il fait son devoir ? », se demande M. Samson. « Il s’est contenté de couvrir son collègue plutôt que d’exiger sa démission, laissant du même coup celui-ci s’enfoncer dans ses brouillards artificiels. » (4) Durant l’été de 1988, celui où M. Bertrand dit avoir goûté pour la première fois à la cocaïne, M. Bertrand fut approché par le maire sortant de la Ville de Québec, M. Jean Pelletier, futur directeur de cabinet du leader libéral Jean Chrétien. M. Pelletier offre à Jean-François Bertrand de lui succéder comme chef du Progrès Civique, un parti d’affairistes qui détenait le pouvoir sans interruption depuis 1965 à l’hôtel de ville de Québec. M. Bertrand, qui était sur le point de publier un texte dans lequel il écartait son retour à la politique, était déchiré. Il prit finalement la décision de se présenter comme candidat du Progrès Civique à la mairie de Québec. Mais ce ne fut pas là un choix heureux. Voici comment M. Bertrand décrit la suite des choses : « Entre le jour de ma décision finale et définitive, soit le 8 mai 1989, et le jour de l’élection, le 5 novembre de la même année, je connus des crises d’angoisse à répétition et dut même être hospitalisé durant une nuit entière. Mon corps manifestait le profond malaise qu’il ressentait devant ce que je considère être une erreur de jugement. Durant ces six mois d’une trop longue campagne, j’avais souvent souhaité reculer, mais il était trop tard. » (5) Au début, M. Bertrand jouissait d’une large avance sur son plus proche adversaire, M. Jean-Paul L’Allier, un ancien ministre libéral qui fut lui aussi titulaire du portefeuille des Communications mais dans le gouvernement de Robert Bourassa. Toutefois, suite à une contre-performance du candidat Bertrand lors du débat télévisé des chefs, son adversaire, M. L’Allier, remporta la mairie par une majorité écrasante de 13 000 voix et près de 59% des suffrages. Depuis, M. L’Allier a régulièrement été réélu, jusqu’à cette année, où il renonça à renouveler son mandat à la mairie de Québec. Ironiquement, pour M. Bertrand, cette défaite fut accueillie par un grand soulagement. « Durant les six mois de la campagne, par prudence, j’avais cessé de consommer de la cocaïne » , écrit-il dans son livre. « Toutefois, dès le lendemain de ma défaite, je me hâtai de reprendre le temps perdu et me défonçai avec deux de mes amis. »(6) Seulement quarante jours après avoir mordu la poussière aux élections municipales, il quitte la direction du Progrès civique de Québec, en invoquant des « raisons personnelles » dont on peut aujourd’hui soupçonner la teneur exacte. Puis, en décembre 1992, M. Lucien Bouchard, alors chef du Bloc Québécois, courtise personnellement M. Bertrand pour qu’il accepte de se présenter à l’assemblée d’investiture de la circonscription de Québec-Est en vue de l’élection fédérale à venir. (7) Dans son livre, M. Bertrand revient sur cette rencontre qui se déroula au Château Frontenac. Il reproduit cet échange qu’il a eu avec M. Bouchard : « Monsieur Bouchard, il faut que vous sachiez que j’ai des problèmes d’alcool et de drogue. J’ai suivi une thérapie en 1990. Depuis, j’ai rechuté mais, en ce moment, ça va mieux. » « Monsieur Bertrand, j’apprécie que vous preniez les devants pour m’en parler », lui a alors répondu M. Bouchard. « C’est tout à votre honneur. J’étais au courant de vos difficultés et je comptais bien vous poser quelques questions à ce sujet. Sachez que, dans la mesure où vous persistez dans vos efforts, vous pourrez toujours compter sur mon appui. »(8) Ainsi, M. Bouchard n’était donc pas sans ignorer les problèmes de consommation de celui qu’il voulait recruter comme candidat bloquiste. Un signe de plus que les vices de tout un chacun ne sont un secret pour personne à l’intérieur du petit milieu politique québécois. Mais, en mars 1993, M. Bertrand fit connaître sa décision de passer son tour. Lors d’un entretien avec le journaliste Gilles Boivin du quotidien Le Soleil, M. Bertrand avait d’ailleurs refusé d’élaborer sur les motifs qui l’ont amené à renoncer à retourner à la politique active. (9) C’est encore dans son livre qu’on apprend ce qui se cachait derrière sa décision. Se référant à son tête-à-tête avec M. Bouchard, il écrit : « Quelques semaines après cette rencontre, m’enlisant encore davantage, incapable de mettre fin à ma consommation régulière, je décidai de ne pas retourner en politique et de ne pas mécontenter un homme qui m’avait accordé toute sa confiance. »(10) Puis, dans un article de M. Mario Fontaine paru dans La Presse en décembre 1994, on apprenait que le nom de M. Bertrand avait refait surface comme candidat possible du Bloc Québécois pour une élection partielle dans le comté de Brome-Missisquoi. (11) Encore une fois, c’est M. Bouchard, devenu chef de l’Opposition officielle à la Chambre des communes, qui fait la cour à M. Bertrand. « J’étais en période de réflexion quand j’ai rencontré Lucien Bouchard, le président et le vice-président du parti le 26 novembre au conseil général du Bloc au Mont-Sainte-Anne », confiait M. Bertrand à un journaliste du Soleil. « Il m’a demandé d’en arriver rapidement à une décision. » Pourtant, quelques semaines plus tôt, la candidature de M. Bertrand semblait encore loin d’être prise pour acquis. En effet, le journaliste Fontaine notait que « M. Bertrand n’avait pas donné signe de vie au Bloc durant des semaines, ce qui l’avait mis à froid avec les responsables du recrutement. » Fait à souligner, le comté de Brome-Missisquoi avait été représenté jusqu’à tout récemment par nulle autre que la mère de M. Bertrand, Mme Gabrielle Giroux-Bertrand, qui fut députée à la Chambre des Communes pour le Parti conservateur de 1984 à 1993. Plus inusité encore, pendant que le BQ sollicitait Jean-François Bertrand, le Parti conservateur, alors dirigé par M. Jean Charest, approcha la fille de Mme Giroux-Bertrand, Louise. Ancienne chef de cabinet du ministre conservateur Benoît Bouchard, Mme Louise Bertrand envisageait de faire le saut en politique. Mal lui a pris, car son frère Jean-François avait lui aussi les yeux rivés sur le même comté ! Trop de Bertrand pour un seul comté ? Dans un article signé par le journaliste Michel Vastel, Le Soleil parle de la « chicane de famille Bertrand ». Comme l’écrit M. Vastel, « une lutte fratricide, au sens propre du terme, était impensable, surtout qu’il s’agit de reprendre un comté représenté pendant neuf ans par leur mère ». (12) Il fallait donc qu’un des deux Bertrand accepte de se sacrifier au nom de l’unité familiale. Et ce fut Mme Louise Bertrand qui se désista, au profit du « coké de la famille », son frère Jean-François ! De tous les éléments qui l’ont fait pencher en faveur d’un retour en politique, M. Bertrand fut particulièrement inspiré par la détermination avec laquelle M. Bouchard affronta la terrible bactérie mangeuse de chaire qui était en train de lui dévorer la jambe. Toujours en convalescence, M. Bouchard n’avait pas pu participer à l’élection partielle. Toutefois, dans une lettre signée de sa main et acheminée à tous les électeurs du comté de Brome-Missisquoi, M. Bouchard mettait tout son poids dans la balance pour aider le candidat Bertrand. En voici un extrait : « Je vous demande d’aider le Bloc québécois à poursuivre son travail à Ottawa et à conserver au comté de Brome-Missisquoi un député de l’opposition officielle en la personne de Jean-François Bertrand. Il a ses origines chez vous et, au-delà de ses origines, Jean-François Bertrand a le talent d’un vrai député. En fier batailleur, je le vois déjà interpellant le gouvernement en Chambre des communes et exiger des réponses satisfaisantes pour ses électeurs et électrices. J’ai besoin de Jean-François à Ottawa, tout comme vous avez besoin d’un excellent député. » (13) Dans son livre, M. Bertrand écrit qu’il s’était abstenu « de toute consommation pendant quatre mois ». L’élection partielle du 13 février 1995 fut finalement remportée par le candidat libéral fédéral, M. Denis Paradis, frère d’un vétéran député libéral sur la scène provinciale, M. Pierre Paradis. Le libéral Paradis a obtenu 51% des voix, soit 3308 votes de plus que M. Bertrand, qui recueilli 42% des suffrages. Malgré tout, il faut croire que M. Bouchard tenait à tout prix à inclure M. Bertrand dans son entourage puisqu’il annonçait, à peine quelques semaines plus tard, soit le 2 mars 1995, qu’il nommait ce dernier pour agir comme conseiller politique dans son cabinet de chef de l’Opposition officielle, à Ottawa. (14) M. Bertrand s’était ainsi vu confier des fonctions hautement stratégiques puisqu’il devait notamment s’occuper « de stratégie référendaire et des relations entre le Bloc québécois et le gouvernement péquiste de Jacques Parizeau ». Le journaliste Joël Bellavance, de l’agence Presse Canadienne, notait d’ailleurs que M. Bertrand avait récemment été aperçu à plusieurs reprises dans les couloirs du Parlement. Le fait que le mandat de M. Bertrand ne dura que quelques mois ne veut pas dire grand chose en soi. Après tout, dans les semaines suivant le référendum, M. Bouchard quittait la chefferie du Bloc pour aller remplacer M. Jacques Parizeau à la tête du gouvernement québécois. M. Bertrand ne l’a tout simplement pas suivi à Québec. Curieusement, dans son livre autobiographique, M. Bertrand passe sous silence sa nomination pour le moins prestigieuse au cabinet du chef de l’Opposition à Ottawa. Peut-être en était-il mieux ainsi ? M. Bertrand a toujours soutenu qu’il ne touchait pas à la coke lorsqu’il était en campagne électorale. À moins d’une preuve du contraire, il faut prendre pour acquis qu’il dit la vérité. Toutefois, force est de constater qu’après sa défaite à la partielle de février 1995, M. Bertrand n’était plus en campagne. Et il n’était plus en campagne non plus lorsque M. Bouchard fait de lui son conseiller politique. Dès lors, une question se pose : M. Bertrand était-il sur la poudre lorsqu’il prodiguait ses conseils éclairés au chef du Bloc ? La possibilité est d’autant plus vraisemblable quand on sait que, de l’aveu de M. Bertrand, sur une période de dix ans, qui inclut son passage au cabinet de M. Bouchard, il passa le plus clair de son temps à se geler la fraise. Voici ce qu’il écrit à ce sujet : « Mises bout à bout, mes sept thérapies totalisent une année complète. Mises bout à bout, mes périodes d’abstinence totalisent deux ans. Mises bout à bout, mes rechutes totalisent le reste : sept ans ! » (15) M. Bouchard qui, comme nous l’avons vu plus tôt, était au parfum des problèmes de consommation de M. Bertrand, a-t-il fait preuve d’une indulgence désinvolte, voire d’inconscience pure, en s’acharnant à s’assurer la présence de M. Bertrand à ses côtés ? Ne craignait-il pas que cette situation à risque puisse être exploitée par ses adversaires fédéralistes à quelques mois seulement du deuxième référendum sur la souveraineté ? Ce n’est pas là le seul problème potentiel que pouvait soulever la présence d’un coké au Bloc. Peut-être plus que tout autre parti fédéral, le Bloc a rapidement fait de la lutte au crime organisé, plus particulièrement celle contre les clubs de motards criminalisés, l’un de ses principaux chevaux de bataille à Ottawa. Rappelons que c’est un député du Bloc qui avait déposé une pétition demandant l’adoption d’une loi antigang. Et c’est encore un député du Bloc qui reçut la protection de la GRC pour avoir fait l’objet de menaces après avoir dénoncé les activités des narcotrafiquants de sa région. Il faut comprendre qu’à l’époque, certains quartiers de Montréal étaient devenus de véritables champs de batailles pour les membres et les sympathisants des Hells Angels et des Rock Machine qui se disputaient violemment le contrôle du très lucratif marché de la drogue. M. Bouchard avait donc pris un sérieux risque politique sans en avoir apparemment mesurer les implications possibles en soutenant la candidature d’un politicien cocaïnomane qui, comme tout bon junkie, pouvait rechuter n’importe quand. M. Bertrand aurait pu se faire bêtement arrêter à la sortie d’un point de vente de drogue, comme cela est arrivé, ce printemps dernier, au procureur de la couronne Me Michel Grenier, qui, par une curieuse coïncidence, s’occupait des dossiers de stupéfiants (!) au palais de justice de Québec. (16) Si un conseiller politique du chef du parti se faisait arrêter de la sorte, avec quelle crédibilité le Bloc aurait-il pu alors accuser les libéraux fédéraux de faire preuve de mollesse en matière de lutte au crime organisé ? En définitive, M. Bouchard peut donc se compter chanceux que M. Bertrand ait perdu l’élection partielle de Brome-Missisquoi. Le cas de Gilles Baril M. Gilles Baril est assurément le premier politicien québécois à avoir brisé le tabou sur la consommation de cocaïne en milieu politique. En ce sens, il fit figure de pionnier. En 1991, VLB éditeur publie son livre, une autobiographie, intitulée « Tu ne sera plus jamais seul », dans lequel M. Baril confesse son passé de cocaïnomane tout en livrant un regard introspectif sur ses propres faiblesses. À l’instar de M. Bertrand, les problèmes de toxicomanie de M. Baril semblent être intimement liés à sa carrière politique. En effet, M. Baril raconte dans son livre qu’il a sniffé sa première ligne de coke lorsqu’il remporta sa première élection et devint député du comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, le 13 avril 1981, à l’âge de seulement 24 ans. Celui que l’on surnommait alors « Ti-Cul Baril » venait d’accomplir tout un exploit en détrônant un poids lourd de la politique provinciale, le créditiste Camil Samson. M. Baril incarnait alors le prototype du jeune politicien dévoré par l’ambition, celui qui est convaincu d’être destiné à remplir un rôle important dans l’histoire québécoise. Comme plusieurs députés d’arrière-banc, M. Baril se voyait faire son entrée au Conseil des ministres. Mais la porte du gouvernement lui restera fermée. Le « high » de la victoire laissera progressivement place à des sentiments beaucoup plus amers. Le premier ministre René Lévesque choisira un autre jeune député, beaucoup plus discipliné que lui, pour être son porte-parole jeunesse, M. Jean-Pierre Charbonneau. C’est dans ces circonstances que le député Baril se rapproche de M. Bernard Landry, qui fait alors de lui son adjoint parlementaire. C’est le début d’une longue amitié, qui s’étira sur une quinzaine d’années. En attendant, le jeune député s’enfonce toujours plus profondément dans la dope. En l’espace de deux ans, écrit M. Baril, « je passais lentement—mais combien sûrement—du stade de consommateur occasionnel d’alcool ou de cocaïne, à celui de consommateur régulier. (…) De celui qui ne consommait de la cocaïne qu’en dilettante, parce que ça faisait bien dans les salons, j’en suis arrivé à celui qui travaillait pour la coke, et qui sniffait pour travailler. » (17) Confirmant l’ampleur du « fléau » qu’évoquaient les journalistes de La Presse, M. Baril mentionne aussi qu’il avait trouvé, à l’Assemblée nationale, quelques collègues pour être ses partenaires dans ses trips de poudre. « Mais je ne suis pas le seul à en consommer », peut-on lire. « Je me souviens de m’être retrouvé avec d’autres députés pour sniffer quelques lignes. » (18) C’est à cette époque que M. Baril et son ami Sylvain Vaugeois prennent la tête d’un groupe appelé les « Conspirateurs de l’an 2000 », qui publia un manifeste du même nom sur leur vision de la société québécoise. Outre MM. Baril et Vaugeois, le groupe incluait des personnalités telles que M. Camille Laurin, dit le « père de la loi 101 », M. Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil, M. Jacques Languirand, animateur à Radio-Canada, ainsi que M. Michel Champagne, qui sera élu député du Parti conservateur par la suite. Ce groupe était directement inspiré par Mme Marilyn Ferguson, auteure californienne d’ouvrages best-sellers tels que « Les Enfants du Verseau », « La Révolution du Cerveau » et, évidemment, « La Conspiration de l’an 2000 »… Pionnière du mouvement Nouvel-Âge, Mme Ferguson, qui est aussi une bonne amie de celui qui se fait appeler « le père du LSD », M. Thimoty Leary, parle d’une « révolution chimique » dans le cerveau comme étant « la seule révolution à faire », écrit M. Baril. Au cours de l’été de 1983, MM. Baril, Vaugeois et M. Jean Couture s’étaient d’ailleurs rendus en Californie, où ils passèrent trois jours en compagnie de Mme Ferguson. C’est à cette occasion qu’elle fait découvrir à ses visiteurs québécois « cette drogue magique qu’on appelle le MDMA », le fameux esctasy. M. Baril résume ainsi son trip : « Nous sombrons littéralement dans l’extase, rien de moins. »(19) « C’était un foireux, comme on l’était tous à l’époque », dira de lui M. François Houle, un ami de longue date qui était alors un leader dans le mouvement étudiant. De moins en moins motivé par la politique, M. Baril en vient à frayer avec le milieu artistique montréalais, délaissant peu à peu son travail au bureau de comté de Rouyn. En 1984, le député Baril s’était même brièvement lancé dans la chanson, enregistrant un disque 45 tours du nom de « Rock’n Rêve ». (20) Parmi ses plus proches amis dans le show-business, on compte le chanteur Claude Dubois, un co-Conspirateur de l’an 2000 qui montera le voir à Rouyn sur sa Harley. En 1981, le même Dubois avait été déclaré coupable de trafic d’héroïne et de possession de cocaïne et d’héroïne au terme d’un procès devant jury et avait été condamné à 22 mois d’emprisonnement. (21) (En fait, M. Dubois passa deux mois en prison et purgea le reste de sa sentence au centre de désintoxication Le Portage. Il avait été défendu par l’avocat Serge Ménard, futur ministre de la sécurité publique. Notons aussi que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Jean-Noël Lavoie, dont la fille, Martine, était alors la copine et compagne de vie du chanteur, s’était porté garant pour un montant de 10 000$ lors de la remise en liberté de M. Dubois. Député libéral du comté de Laval pratiquement sans interruption de 1960 à 1981, M. Lavoie devint par la suite président-fondateur du centre pour toxicomanes La Maisonnée de Laval.) Lorsqu’il est battu aux élections de 1985, M. Baril liquide tout ce qu’il possède et part pour l’Amérique Latine. Il visite la Colombie, l’Équateur et le Pérou, et son voyage s’éternise. « Et si ce n’était de la coke—de sa qualité et de son prix—je repartirais », écrit-il dans son livre. M. Baril passera en tout huit mois à faire le party dans les pays de cordillère des Andes. À Lima, au Pérou, il entre—à titre de visiteur—dans la prison de Lurigancho, qui avait défrayé les manchettes au Québec lorsqu’une série d’articles parus dans Le Journal de Québec avait exposé le sort peu enviable fait aux prisonniers originaires du Québec. M. Paul Chrétien, le neveu de l’ex-premier ministre canadien Jean Chrétien, fut sans conteste le prisonnier Québécois le plus célèbre de Lurigancho, où il fut détenu, entre 1978 et 1981, après qu’il se soit fait prendre avec une quantité de cocaïne suffisante pour justifier des accusations de narco-trafic. (22) De retour au Québec, M. Baril compléta sa cure de désintoxication, fin 1986. Depuis, il n’a plus jamais rechuté. Par contre, M. Baril replongea en politique à l’occasion des élections provinciales de 1989. Mais il est battu dans le comté de Bourget par seulement 132 votes. L’année suivante, il décroche le poste de directeur général au centre de désintoxication Pavillon du Nouveau Point de Vue, où il avait suivi sa cure. Et, en janvier 1991, M. Baril décide de dévoiler publiquement son passé de cocaïnomane à l’émission Le Match de la vie, animée par un ancien collègue péquiste, M. Claude Charron. Toutefois, cette confession publique n’est pas allée sans porter ombrage à sa carrière politique, comme il l’écrit dans son livre : « C’est ainsi que j’ai été obligé, quelques semaines après la diffusion du Match de la vie, d’abandonner l’idée de poser ma candidature dans le comté de Bourget à la prochaine élection. L’exécutif du comté n’a pas accepté cette confession publique : “Tu ne passeras pas la prochaine élection après ça…�?, m’a-t-on dit clairement. “T’aurais dû garder ça secret…�?, “T’aurais dû cacher ça…�?, “Ça ne regarde personne…�? » (23) Il a joué franc-jeu et l’exécutif de son parti le condamne. C’est le prix à payer pour avoir brisé un tabou très sensible, celui de la consommation de drogue dans les cercles politiques. Qu’à cela ne tienne, lors des élections provinciales de 1994, M. Baril se présente tout de même sous la bannière du Parti québécois, cette fois-ci dans le comté de Berthier, où il est élu, contredisant ainsi l’exécutif de Bourget qui voyait en lui un politicien fini. Après avoir été réélu lors des élections suivantes, en 1998, qu’il accède, par la petite porte, au Conseil des ministres. Mais c’est vraiment au début de 2001, lorsque M. Bernard Landry succède à M. Lucien Bouchard au poste de premier ministre, que M. Baril commence vraiment à prendre du galon. Fidèle lieutenant et homme de confiance de M. Landry, M. Baril connaîtra une ascension spectaculaire durant laquelle il deviendra brièvement un des gros canons du régime avant de mettre fin à sa carrière dans le déshonneur, un an plus tard. M. Landry le nomme tout d’abord ministre d’État aux Régions, ministre de l’Industrie et du Commerce et ministre responsable du Loisir et du Sport, le 8 mars 2001. Parallèlement à cela, M. Baril hérite également de la responsabilité de l’organisation électorale du Parti Québécois. Voilà une situation qui le place potentiellement dans une situation de conflit d’intérêt permanent. Car M. Baril se retrouve à la fois à la tête de deux ministères (Industrie, Régions), qui sont tous deux de gros distributeurs en subventions, tout en devant assurer la victoire du PQ aux prochaines élections. « Le mariage de ces responsabilités est toujours suspect », écrira plus tard à ce sujet l’éditorialiste J-Jacques Samson. Mais il se trouvait toutefois des gens pour prétendre qu’à cause, justement, de la victoire personnelle de M. Baril sur ses vieux démons, celui-ci saura garder la tête haute et éviter de se ramasser dans le pétrin. L’ancien ministre libéral Yvon Picotte, qui avait succédé à M. Baril à la tête du Pavillon du Nouveau Point de Vue, était de ceux-là. « Avec tout ce qu’il a traversé, je dirais maintenant qu’il sera le ministre le plus fiable pour Bernard Landry. Quand on change ainsi de mode de vie, qu’on opte pour une rigoureuse honnêteté, on sait qu’on ne peut plus être “phony�?... bluffer les gens », a déclaré M. Picotte peu après la nomination de M. Baril au sein du gouvernement Landry.« Il vérifie, il contre-vérifie, il est déterminé à ne pas faire de gaffes », avait aussi confié un aparatchik politique au journaliste Denis Lessard de La Presse. (24) Néanmoins, ces précautions se révéleront nettement insuffisantes. Car, en janvier 2002, La Presse publie une série d’articles exposant les liens embarrassants entre M. Baril et une firme de consultants appelé Oxygène 9. Le quotidien avait entre autres révélé que M. Baril s’était rendu au Mexique avec son ami lobbyiste André Desroches, dont la firme Oxygène 9 avait largement profité de ses relations étroites avec le régime péquiste. (25) M. Desroches était payé par des entreprises privées pour préparer leur dossier en vue d’obtenir une aide financière de la société d’État Investissement Québec. Ainsi, la firme Oxygène 9 toucha des sommes importantes pour avoir agit comme intermédiaire lors de l’octroi de subventions pour des événements tel que le Festival de Jazz, le Festival Juste pour Rire, le Carnaval de Québec et le Grand Prix de Trois-Rivières. Or, M. Desroches fut un organisateur politique de M. Baril dans le comté de Berthier jusqu’en 1998. Mais la relation entre les deux hommes ne s’arrête pas là. Car M. Baril se trouve aussi à être le « parrain de sobriété » de M. Desroches, après avoir aidé ce dernier à vaincre son problème de toxicomanie lors d’une thérapie au Pavillon du Nouveau Point de Vue. (26) Créé en février 1999, Oxygène 9 compte parmi ses fondateurs un certain Jean-René Gagnon, une personnalité de la famille libérale qui avait été associée à des affaires louches durant les années ’70 à l’occasion des travaux de la légendaire Commission d’enquête sur le crime organisé (CECO). À l’époque du régime de M. Bourassa, M. Gagnon avait exercé la fonction de chef de cabinet de M. Pierre Laporte, l’ancien vice-premier ministre qui a péri durant la Crise d’Octobre. (27) Durant l’été de 1973, M. Gagnon s’était retrouvé au centre d’un scandale exposant les liens occultes qui avaient existé entre l’organisation politique de M. Laporte et des membres de la mafia de Montréal. On apprenait alors que M. Gagnon avait servi de liaison entre M. Laporte et un caïd du clan Cotroni, M. Frank Dasti, durant la course à la chefferie du Parti libéral du Québec, lors de laquelle M. Laporte s’était porté candidat, ainsi que lors des élections générales d’avril 1970, que remportèrent les libéraux. M. Dasti, qui sera plus tard condamné à 20 ans d’emprisonnement aux États-Unis dans une affaire de narco-trafic, était alors perçu comme une source de financement prometteuse par les organisateurs politiques du clan Laporte, incluant M. Gagnon. Lors du remaniement ministériel du 30 janvier 2002, M. Landry confie à M. Baril les fonctions de ministre d’État aux Ressources naturelles et aux Régions, ministre des Ressources naturelles et ministre responsable du développement du Nord québécois. Puis, à la surprise générale, M. Baril démissionne brusquement de toutes ses fonctions ministérielles le 12 février 2002. Pleurant à chaudes larmes devant les caméras, M. Baril déclare ne plus être capable de supporter la pression médiatique. Il démissionne ensuite de son siège de député de Berthier le 12 mai suivant. Un mois plus tard, il est nommé directeur du bureau d’Hydro-Québec International à Santiago, au Chili. Depuis, il fit peu parler de lui. Mais cette affaire ne sera que la première d’une série de révélations sur les liens entre le gouvernement péquiste et les « amis du régime ». Des affaires qui puaient le trafic d’influence à plein nez, et qui contribueront à discréditer le PQ auprès d’une partie de l’électorat. Les médias parlaient alors d’un gouvernement en crise. Le cas de Sylvain Vaugeois L’ex-homme d’affaires Sylvain Vaugeois était un autre de ces « amis du régime » péquiste qui allait se retrouver sur la sellette au cours du printemps 2002. Président-fondateur du Groupe Vaugeois, il fut un personnage des plus colorés qui acquérra une certaine notoriété dans le monde des affaires et de la politique québécoise. Capitaliste sans complexes, flambeur flamboyant, excentrique excessif, emberlificoteur de première et manipulateur de métier, M. Vaugeois était un être suffisant et allergique à la fausse modestie. Un flyé ? Oui. Sa machine à idée semblait rouler à pleine vapeur sans jamais s’arrêter. Pendant longtemps, M. Vaugeois a baigné comme un poisson dans l’eau dans les milieux politiques. De 1978 à 1985, il travailla comme attaché politique sous le gouvernement de M. René Lévesque et se retrouve tour à tour aux cabinets de Marc-André Bédard, Jean-François Bertrand, Camille Laurin et de Michel Clair. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec le jeune député Baril. Compagnon de trips de ce dernier, et auteur du manifeste des « Conspirateurs de l’an 2000 », Sylvain Vaugeois joua un rôle crucial lors de certains moments-clé de la vie de Gilles Baril. Rappelons qu’ils étaient ensembles lorsqu’ils ont fait l’essai de l’ecstasy, en Californie, en 1983. Et, en novembre 1986, lorsqu’il se sent incapable de continuer son train de vie de toxicomane, c’est à Sylvain Vaugeois que Gilles Baril téléphone pour demander de l’aide. C’est encore M. Vaugeois qui trouve une place à son ami Baril dans une maison de désintoxication. Puis, lorsque, une fois désintoxiqué, M. Baril est à la recherche d’un débouché intéressant sur le marché du travail, il sollicite à nouveau l’assistance de son ami Sylvain Vaugeois qui, cette fois-ci, avec le concours de Bernard Landry, va l’aider à obtenir un boulot de consultant chez le groupe Promexpo. Et c’est encore Sylvain Vaugeois qui faufile le manuscrit du livre de M. Baril à M. Pierre Migneault, de VLB Éditeur. M. Vaugeois a aussi participé au sauvetage du centre du Nouveau Point de vue, menacé de fermeture au milieu des années ’80. Plus tard, en 1991, il met sur pied une campagne d’information contre l’alcool et les drogues. Mais contrairement à M. Baril, M. Vaugeois n’a pas fait une croix définitive sur la cocaïne. À l’inverse, comme nous le verrons plus tard, c’est plutôt la cocaïne qui fit une croix sur lui. Portrait d’un businessmen à la fois influent et sous influence. C’est vers la fin des années ’80 que Sylvain Vaugeois fonde le Groupe Vaugeois, une société de conseillers en « gestion stratégique » spécialisée dans la conception, la réalisation et la gestion de projets économiques de grande envergure. Il se fait alors le promoteur enthousiaste de divers projets aussi ambitieux que controversés. Parmi ceux-ci, on compte la création d’un régime d’épargne-santé, appelé RAVIES (pour Régime d’assurance vie et santé), un abri fiscal destiné à obtenir des soins privés qui ne sont pas couverts par le gouvernement, ou encore à court-circuiter les listes d’attentes en se faisant opérer dans une clinique privée. M. Vaugeois avait aussi caressé le projet de faire construire, au coût de 500 millions$, un grand hôpital privé de 2000 chambres à Mirabel afin d’y soigner des patients étrangers suffisamment fortunés pour être en mesure d’assumer eux-mêmes les coûts de l’intervention. Sa plus grande réalisation est sans contredit la création de la Cité du Multimédia, dont il fut le principal artisan. Toutefois, pour arriver à cette fin, M. Vaugeois eu recours à des méthodes de persuasion des plus discutables. Ainsi, c’est en faisant miroiter des subventions, qui étaient alors du domaine de l’hypothétique, que M. Vaugeois avait réussi à convaincre le géant des jeux multimédia Ubisoft de venir s’installer à Montréal, en 1997, et d’y créer 550 emplois. Grand parleur, M. Vaugeois avait le tour pour vendre sa salade. « Pour commencer, nous avons cru qu’il représentait le gouvernement du Québec! », dit Mme Sabine Hamelin, la vice-présidente responsable des activités d’Ubisoft à Montréal. Or, à Québec même, les fonctionnaires responsables du dossier se montraient plutôt défavorables à l’idée. (28) Mais il n’était dans la nature de M. Vaugeois de se laisser abattre par les résistances que ses idées suscitaient invariablement. S’ensuit alors un chantage entre M. Vaugeois et le gouvernement lors duquel Ubisoft menace de faire marche arrière, privant ainsi l’économie montréalaise des 550 emplois promis. Une bruyante campagne de presse, et un peu de tordage de bras en coulisse, finiront par porter fruit. Après plusieurs rencontres avec M. Landry, et les ministres fédéraux Martin Cauchon et Pierre Pettigrew, la Cité du Multimédia voit le jour, en 1998. Pour chaque emploi créé, le gouvernement offre de généreux crédits d’impôts pouvant atteindre 25 000$ par année, représentant 60% du salaire, pour les emplois créés avant 1999, et 40% après pour ceux créés après 1999. Le concept fera l’objet de vives critiques de toutes parts. On reprocha notamment au gouvernement de consacrer des millions$ à subventionner des emplois qui existent déjà dans l’industrie locale du multimédia, ce qui constitue un cadeau à des entreprises en bonne santé financière. « Non seulement les emplois n’ont pas nécessairement à être nouvellement créés, mais les entreprises bénéficiant du programme ne sont pas tenues de créer les emplois annoncés », dénonce M. Stéphane Labrèche dans un article paru dans le magazine Les Affaires. (29) Par la suite, le Groupe Vaugeois récidiva avec l’idée de la Cité du commerce électronique (25 000 emplois et 15 milliards$ d’investissements en dix ans), pour laquelle M. Vaugeois envisageait la construction d’une « Tour du millénaire » de 57 étages. En 2000, il disait vouloir se porter acquéreur du quotidien Le Devoir. Mais, en 2002, alors que le gouvernement péquiste est accablé de révélations embarrassantes portant sur ses liens avec les « amis du régime », M. Vaugeois se retrouve à son tour sur la sellette. Après l’affaire Baril-Desroches, le public a maintenant droit à l’affaire Landry-Vaugeois. C’est le journaliste Michel David du Devoir qui part le bal en révélant que le programme endossé par M. Landry, à l’époque où il était aux Finances, permettait au Groupe Vaugeois d’encaisser des ristournes pouvant atteindre jusqu’à 10% de la valeur du crédit d’impôt octroyé pour chaque emploi créé dans la Cité du multimédia. (30) Ainsi, pour le seul contrat signé avec la firme Tecsys, les projections de revenus du Groupe Vaugeois étaient de l’ordre de 7,4 millions$ pour la période 1998-2008. En extrapolant à la dizaine d’entreprises mises sous contrat, on arrive à une bagatelle de plusieurs dizaines de millions$. Deux jours plus tard, La Presse révélait à son tour que M. Landry avait agit comme consultant pour le compte de M. Vaugeois à l’époque où le chef péquiste était professeur à l’UQAM. À l’été 1994, soit quelques mois à peine avant les élections qui allait lui permettre de revenir à l'Assemblée nationale comme ministre du gouvernement Parizeau, M. Landry avait obtenu pour M. Vaugeois un rendez-vous avec M. Claude Béland, alors président du Mouvement Desjardins. (31) À l’époque, M. Vaugeois avait réussi à intéresser la compagnie d’assurance La Laurentienne pour son projet de RAVIES. Lorsque La Laurentienne fut achetée par le Mouvement Desjardins, celui-ci était peu chaud à l’idée. Refusant d’être laissé pour compte, M. Vaugeois avait alors réclamé 500 000$ d’honoraires comme consultant. Après le tête-à-tête entre MM. Béland et Vaugeois, ce dernier avait obtenu environ la moitié de la somme qu’il revendiquait. M. Jacques Wilkins, directeur des communications au cabinet du premier ministre, confirma que M. Landry avait alors été rémunéré par le Groupe Vaugeois « pour permettre le règlement d’un différend entre M. Vaugeois et Desjardins ». Mais ce n’est pas tout. Toujours avant les élections de 1994, M. Landry avait également participé à la conception du projet RAVIES en aidant à rédiger un document. Une fois devenu ministre, M. Landry avait aiguillé M. Vaugeois vers son collègue au ministère de la Santé, M. Jean Rochon, qui, lui aussi, accueilla le projet avec tiédeur. Lorsque M. Landry accède aux Finances, au début de 1996, les rapports entre les deux hommes vont se poursuivre de plus belle. M. Luc Berlinguette, vice-président finances du Groupe Vaugeois, déclara à La Presse qu’à l’époque, M. Vaugeois « parle environ deux fois par mois à M. Landry par téléphone ». M. Vaugeois avait même poussé l’audace jusqu’à louer un hélicoptère à Montréal pour amener des clients potentiels directement sur le terrain de la résidence ancestrale de M. Landry, à Verchères. Seul le mauvais temps avait empêché le pilote de se poser. « M. Landry n’avait pas l’air de trouver ça drôle », se rappelle M. Berlinguette. Mais les connexions du bouillant promoteur dans le monde de la politique ne s’arrêtent pas à la famille péquiste. Vaugeois-le-vantard se plaisait à citer parmi ses collaborateurs l’ex-premier ministre Brian Mulroney (qui se défend d’être un « collaborateur », mais qui l’aidera néanmoins à ouvrir quelques portes au niveau international) et M. Christopher Patten, le dernier gouverneur britannique de Hong Kong. (32) De plus, M. Vaugeois se présente à qui veut l’entendre comme étant « un camarade de jeunesse » de l’actuel premier ministre du Québec, M. Jean Charest, une affirmation qu’a toutefois formellement niée le principal intéressé. M. Vaugeois se vantait aussi d’avoir rencontré M. Paul Martin Jr., alors ministre des Finances, pour essayer de lui vendre son projet de RAVIES. Enfin, c’est encore M. Vaugeois qui était derrière la visite du premier ministre Jean Chrétien aux locaux montréalais de Ubisoft, en juillet 1999. On l’aura deviné, malgré ses entrées au Parti Québécois, M. Vaugeois n’est pas du genre à arborer un tatouage de la fleur du lys sur sa poitrine. Que le client soit Ottawa ou qu’il soit Québec, le business prime, c’est les affaires avant tout ! Même que M. Vaugeois comptait parmi ses amis M. Jacques Corriveau, propriétaire de la firme Pluri Design, qui s’était scandaleusement enrichi de plusieurs millions$ avec l’argent du programme des commandites. (33) Avec des fréquentations aussi peu recommandables, comment alors s’étonner que le nom de M. Sylvain Vaugeois soit apparu lors des audiences de la fameuse Commission Gomery ? C’est en effet ce qui est arrivé lors du témoignage du M. Roger Collet, un ancien haut fonctionnaire qui fut directeur exécutif du Bureau d’information du Canada (BIC) de 1996 à 1998. (34) On apprenait alors qu’en 1996, le BIC avait accepté de verser 1 million$ au Groupe Everest afin de financer un projet de campagne de publicité radiophonique portant sur la « Nouvelle Économie » qui avait été proposée par Adpac, une compagnie dont M. Vaugeois était le propriétaire. « Monsieur Sylvain Vaugeois était l’individu qui négociait avec nous, oui », déclara sans détour M. Collet. Le nom de l’animateur de cette campagne radiophonique nous réserve une autre surprise. En effet, il s’agit de nul autre que M. Yvon Picotte, que nous avions déjà mentionné précédemment, et qui est aujourd’hui président de l’Action Démocratique du Québec. Durant son interrogatoire, Me Bernard Roy, procureur de la Commission, avait exhibé au témoin Collet un document dans lequel Adpac cherchait à convaincre le BIC de la bonne affaire qu’il faisait en retenant ses services. « Si le gouvernement fédéral abandonne sa place, », lit-on, « le gouvernement du Québec occupera toute la place, réservée jusqu’ici à ADPAC. Nos diffuseurs nous le confirment. Ils sont sujets à des pressions constantes. » M. Collet dira lui-même qu’il considérait que la façon de procéder de la compagnie Adpac était « un peu comme du chantage ». Chose certaine, les copains péquistes de M. Vaugeois ne devaient pas été très fiers de lui lorsqu’ils ont vu ça. Bien entendu, la controverse du printemps 2002 n’a rien fait pour ralentir les ardeurs du promoteur. Quelques mois après, M. Vaugeois faisait la promotion d’un projet de train à lévitation magnétique, le Maglev, qui relierait Montréal à New York en 90 minutes. Puis, comme on dit, M. Vaugeois a frappé un mur. Il est mort subitement, le 23 août 2003, à l’âge de 46 ans. Dans un communiqué de presse, le Groupe Vaugeois parlait pudiquement d’un « arrêt cardiaque ». M. Vaugeois fut alors salué comme étant un « entrepreneur visionnaire », par M. Bernard Landry, et fut qualifié d’« homme exceptionnel », par l’ex-maire montréalais Pierre Bourque. (35) Au moment de sa mort, M. Vaugeois venait de convaincre la société immobilière américaine Hines d’investir dans un luxueux projet de « Vacances Santé » de 200 millions$ autour du lac Mékinac, en Mauricie, comprenant la construction de 830 unités résidentielles et de trois auberges totalisant 200 chambres. Ce n’est qu’en janvier 2005 que la lumière sera faite sur les circonstances exactes du décès de M. Vaugeois. Au terme d’une enquête qui dura un an et demi, la coroner Candice Tremblay a conclut que le décès de M. Vaugeois était attribuable à une « présence de cocaïne en dose létale dans le sang », c’est-à-dire en quantité suffisante pour entraîner la mort. (36) Bref, M. Vaugeois est mort d’une overdose de coke. Et, pour couronner le tout, son cadavre fut découvert dans une chambre louée à l’heure de l’Auberge 1082, un hôtel où logeait un club échangiste dans le quartier Rosemont, à Montréal. Voilà une fin bien peu glorieuse pour un promoteur qui a fait le commerce de ses idées de grandeur durant la majeure partie de sa vie professionnelle. Si une aussi grande présence de cocaïne a été détectée dans son sang, cela ne peut que signifier que l’une de ces deux choses : soit il était devenu un consommateur régulier qui en était rendu à augmenter ses doses pour que la coke continue à le faire tripper ; ou soit M. Vaugeois ne touchait pas, ou plus, à la coke avec pour conséquence que cela nous placerait possiblement en présence d’un meurtre déguisé en overdose de drogue. En ce qui concerne cette deuxième hypothèse, seule la présence constante à ses côtés d’un type au physique d’armoire à glace qui lui servait de chauffeur, mais qui aurait facilement pu être mépris pour un garde du corps, pouvait laisser imaginer que M. Vaugeois aurait pu avoir des ennemis capables de faire porter un risque sérieux à son intégrité personnelle. Or, dans tout ce qui a pu être écrit dans la presse écrite sur M. Vaugeois, le B.A.L. n’a trouvé aucun élément d’information pouvant accréditer la théorie de la mort suspecte. Le rapport de la coroner Tremblay, qui conclut à une mort accidentelle, ne supporte pas une telle hypothèse non plus. Ce qui laisse la première hypothèse, celle voulant que M. Vaugeois ait carburé à la cocaïne de son vivant. Sylvain Vaugeois, un coké ? Un coké, oui, mais pas n’importe lequel. Il fut un coké qui, pendant un moment, avait l’oreille des politiciens les plus puissants à Québec et à Ottawa. Cette révélation-choc s’est toutefois heurtée à un mur de silence. Toutes ces honorables personnalités qui, à sa mort, ne tarissaient pas d’éloges, se sont soudainement retrouvées sans voix lorsque la cause exacte du décès de M. Vaugeois devint connue du public. Dans les médias écrits, M. Jean-Marc Beaudoin, du Nouvelliste, fut le seul à avoir commenté cette controverse. Dans un texte publié le 29 janvier 2005, M. Beaudoin était tout d’abord revenu sur une chronique qu’il avait signée près de trois ans plus tôt. En voici un extrait : Avec ses cheveux gominés lissés vers l’arrière, sa grosse moustache poivre et sel, ses épais sourcils, son sourire carnassier, sa Rolex (ou quelque chose d’au moins aussi cher) au poignet, ses complets rayés, son teint basané et un étalage étudié, mais délibéré de richesses clinquantes, Sylvain Vaugeois a décidément les airs d’un riche latino. “D’un narco-trafiquant�?, me persiflera quelqu’un. Avec tout le mystère qui entoure son apparente fortune, l’homme prête le flanc à toutes les rumeurs, y compris celle-là. J’avais écrit cela au printemps 2002. Six mois plus tard, il m’avait appelé pour me rencontrer, la voix un peu grognarde. Il était arrivé au NOUVELLISTE à bord d’une BMW de la série 700, escorté par son chauffeur, un colosse, croate d’origine, qui ne disait jamais un mot. “Tu as dit que j’étais un narco-trafiquant�?, m’avait-il lancé d’entrée de jeu, en se donnant un air menaçant. Je lui avais répondu que je ne l’avais pas qualifié de narco-trafiquant, mais plutôt écrit qu’il en avait la tête. “J’aurais pu te poursuivre�?, me répliqua-t-il. Je lui ai alors envoyé un beau sourire : “Si tu avais pu me poursuivre, tu l’aurais fait. C’est que tu n’avais pas de prise pour le faire.�? S’il n’en faisait pas le trafic, on sait aujourd’hui qu’il en consommait de grosses quantités. C’est peut-être pour cela qu’il avait mal réagi à la description de narco-trafiquant latino que j’en avais fait à l'époque. J’avais touché sans le vouloir un aspect caché de sa personnalité. (37) Exception faite du texte de M. Beaudoin, les médias ont vite fait d’enterrer l’affaire. Tabou oblige… Cette révélation nous permet néanmoins de regarder sous un éclairage différent certains des agissements assez singuliers du personnage Vaugeois. « Il pouvait m’appeler à trois heures le matin pour me demander ce que je pensais de telle ou telle affaire », se rappelait l’ex-député conservateur Michel Champagne, qui avait été des « Conspirateurs de l’an 2000 ». « Il n’était pas évident à suivre », ajouta-t-il. M. Yvon Picotte a également confié avoir été réveillé à trois heures du matin par un Sylvain Vaugeois qui était tout excité par une nouvelle trouvaille. Même son de cloche du côté du maire de Trois-Rivières, M. Lucien Mongrain. « Il arrivait qu’il m’appelle à six heures du matin pour me dire qu’il venait de lui passer une idée par la tête ! » Avec sa mort, on peut aujourd’hui soupçonner qu’il y avait un ingrédient secret qui le tenait réveillé la nuit. (38) Certains se demanderont peut-être si les circonstances entourant la mort de M. Vaugeois sont vraiment une information d’intérêt public. Elles le sont dans la mesure où elles nous permettent de mieux cerner ce personnage particulier qui avait fini par devenir public et influent. Elles le sont ne serait-ce qu’en raison du fait que M. Vaugeois s’était fait le porte-parole d’une campagne anti-drogue en 1991. D’ailleurs, ce n’était sans doute pas le fruit du hasard si cette campagne s’appelait « Jamais seul », tandis que le livre de M. Baril, dont il s’était fait le promoteur, portait le titre « Tu ne sera plus jamais seul ». On pourrait mettre notre main au feu qu’il s’agissait-là d’un concept signé Vaugeois. Bref, c’est un peu comme il avait traité la lutte anti-drogue comme un autre produit de plus dont il se faisait le promoteur. On peut aujourd’hui mieux saisir le sens de ses paroles, lorsqu’il déclarait au journaliste René Vézina de la revue Commerce : « Je ne me suis pas embarqué là-dedans par vertu. Il fallait que j’aide d’autres personnes à se rétablir. » Il avait fait de la Santé un de ses principaux produits de vente. Mais derrière son discours pro-Santé se cachait un homme adepte d’un poison toxique notoire : la cocaïne. On peut d’ores et déjà présumer que la consommation de drogues entre MM. Vaugeois et Baril ne s’était pas limitée à un petit trip d’ecstasy en Californie, en 1983. On peut même certainement prendre pour acquis que M. Vaugeois faisait partie du petit « cercle des sniffeux » de M. Baril. L’un en est sorti. L’autre y est resté. On ne saura sans doute jamais quel rôle la dope a-t-elle jouée, si elle en a jouée un, dans le processus créatif de M. Vaugeois. En mourrant prématurément, M. Vaugeois emporta vraisemblablement avec lui un certain nombre de secrets. Pour contacter le BAL : bure...@yahoo.ca * Le Bureau des Affaires Louches (BAL) est un organisme indépendant et non-partisan Sources : (1) La Presse, « Boisclair embarrassé », par Denis Lessard et Nicolas Saint-Pierre, 17 septembre 2005.
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