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Manifeste pour un Québec lucide: le patronat et la droite révolutionnaire?

Anonyme, Jeudi, Octobre 20, 2005 - 19:20

Victorien Pilote

Toute l’attention qu’on accorde au vieux discours de droite contenu dans le manifeste des pseudo-penseurs qui signent ce bien triste document me hérisse le poil au plus haut point. Qu’on m’indique où se cache les idées révolutionnaires qu’on prétend y trouver ! J’y vois bien la promotion de certains intérêts, mais ce ne sont certainement pas les nôtres. Pourquoi nous demande-t-on encore de choisir entre le remboursement de la dette publique ou le maintien des programmes sociaux ?

Pour ma part, je pense que l’intérêt de mes enfants est bien mieux servi par la solidarité qui s’inscrit à travers l’existence de programmes sociaux qui assurent un minimum de dignité et de services à l’ensemble de la population que par le remboursement irresponsable d’un endettement qui, soi-disant, pèserait trop lourd sur leurs épaules. Les gens, nombreux, qui ne font même pas partie de la classe moyenne, ont des préoccupations bien plus immédiates et immensément plus concrètes : ça s’appelle " la survie " et, malheureusement, on ne peut pas remettre ça à plus tard ! Pas un seul des signataires de ce manifeste ne sait et ne saura jamais ce que ça signifie réellement. Sans vouloir nier l’existence d’un problème, la question du règlement de la dette publique est un sport pour millionnaires.

Mais puisqu’il en est question, parlons-en : Ce problème n’a-il qu’une solution comme on voudrait nous le faire croire ? Si les richesses étaient mieux réparties et que les contributions des citoyens étaient fonction de leurs moyens respectifs, trouverait-on le fardeau aussi lourd ? Je ne m’inquiète pas beaucoup du sort des enfants de Lucien Bouchard qui ont eu l’extrême avantage de se développer dans un milieu stimulant (un des nombreux avantages de la richesse !), mais le destin de milliers d’autres qui n’ont pas eu cette chance est beaucoup moins enviable. Le véritable nœud du problème est le suivant : On exige de ceux qui n’ont rien, et qui donc, tirent bien peu de privilèges de leur appartenance à cette société, une contribution totalement démesurée. Les " penseurs ", à l’évidence bien éclairés, qui co-signent le document prétendent éduquer ces citoyens à ce qui relèverait de leur responsabilité. Big deal ! J’ose espérer que les gens se rendront bien vite compte que les rédacteurs cherchent en fait à justifier leur propre turpitude et, peut être, à soulager leur conscience troublée, en se désolidarisant des gens plus vulnérables. En fait, ils ne font pas mieux que de consacrer une fois de plus des notions payantes pour leur caste : la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Ce discours n’est pas seulement démagogique, il est intensément individualiste, proprement immoral et fondamentalement antisocial. Bon Dieu, Allah et les autres, préservez-moi de la lucidité ! Les mesures proposées, que ce soit l’augmentation des tarifs des services publiques comme l’électricité ou la mise en place d’une fiscalité de plus en plus régressive en augmentant les taxes à la consommation plutôt qu’en répartissant mieux l’assiette des contributions via l’impôt sur le revenu, sont proprement scandaleuses. Même en admettant l’ampleur du problème de la dette et ses impacts sur le développement de la société, pourquoi n’examine-t-on jamais les solutions qui ne remettent pas en cause notre solidarité sociale et notamment le devoir que nous avons de soutenir les moins nantis ? On ne fera pourtant jamais croire à personne qu’il n’y a pas d’argent à récupérer dans les paradis fiscaux, dans les fiducies familiales ou de revenus, dans les dépenses " d’affaires " des sociétés, dans l’impôt reporté, dans les subventions et prêts consentis aux entreprises Bougon qui se livrent au chantage à l’emploi, dans l’absence de redevance sur l’exploitation de certaines de nos ressources communes, dans les transactions mobilières (qui ne sont actuellement pas imposées), dans les exemptions d’impôt sur le profit, dans le déséquilibre fiscal et dans toute une panoplie de mesures et d’avantages qu’on accorde à l’industrie et au monde de la finance sous prétexte de ne pas nuire à leur compétitivité dans un contexte de mondialisation.

On sonne l’alarme pour le bien des générations futures nous dit-on, mais comment le niveau de vie de la personne dont la seule richesse est l’existence de mesures sociales pourrait-il encore diminué ? La solidarité sociale est un choix éthique dans une société. Ce choix découle de valeurs humaines qui nous distingues, qui nous sont chers et, qu’heureusement, bien peu de gens remettent en question. Ce choix, comme nous le savons tous, comporte un coût. Le hic, c’est que ce coût est, pour l’heure, en grande partie assumé par une seule couche de la population ; la classe dite moyenne, alors que d’autres y participent bien peu. Quand on examine les rentrées fiscales qui forment le budget de l’État, on a tôt fait de remarquer l’écart grandissant dans les contributions respectives des entreprises et des individus. Ces derniers fournissant une portion de plus en plus importante de l’assiette. Pense-t-on vraiment régler cette injustice flagrante en donnant un caractère toujours plus régressif à notre régime fiscal ?

Les rédacteurs de ce torchon, qui aurait pu s’intituler " plate-forme de l’ADQ ", ont-ils vraiment réfléchis à l’avenir de nos enfants ou, plutôt, aux moyens qu’il faut mettre en place pour que la classe qu’ils représentent puisse toujours continuer à jouir des privilèges qui leur appartiennent actuellement ? Il n’y a qu’à recenser les " solutions " qu’ils envisagent pour deviner la réponse.

Quoi qu’il en soit, on voit nettement qu’ils n’ont jamais côtoyé la pauvreté et qu’ils n’ont donc aucune idée concrète de ses conséquences. Puisque, de toute façon, pour la majorité des gens, un pauvre est une personne qui gagne à peine un peu moins de 35000 $ par an, qui pourrait les renseigner sur ce " concept " ? Pourtant, beaucoup de gens tentent de survivre avec aussi peu que 6600$ par an (c’est le niveau de l’aide sociale). J’en parle en connaissance de cause puisque c’est actuellement mon cas et que, même dans mes rêves les plus fous, moi qui suis pourtant bien éduqué, le seuil des 35 000$ n’est jamais apparu ! Mon record se situant à 25000$.

Dans le régime actuel, pour bien des gens pauvres et démunis, la seule richesse tiendra toujours dans l’existence de ces mesures qui rendent la vie un peu plus supportable et l’espoir possible pour leurs enfants. La solution aux questions réelles qui sont soulevées dans le manifeste se trouve donc dans la sauvegarde et l’extension de ces mesures sociales et fiscales qui réduisent les inégalités, favorisent l’éducation ou, tout simplement, … nourrissent. Si c’est trop demandé, que les trois partis de droite du Québec qui ont applaudi l’encyclique de Lucien et Cie disent clairement à ces gens qu’ils ne sont pas des citoyens ! Mais, peut-être, assisterons-nous alors à une VÉRITABLE révolution ?

L'auteur de ce texte est pauvre, artiste peintre, ex-avocat, travailleur communautaire en recherche d’emploi, père de 2 enfants et membre de l’UFP



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