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L’ouragan Katrina pratique une brèche dans les digues du capitalisme

Anonyme, Jeudi, Septembre 22, 2005 - 19:44

La faute ne revient pas seulement à l’administration Bush. Les coupures dans les infrastructures se multiplient depuis la dévaluation du dollar en 1971. Ce fut là le signal que le cycle global d’accumulation, réglé par la loi de la baisse tendancielle du taux de profit, avait mis fin à la vague de prospérité d’après-guerre.

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Déclaration du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire

Avec la froide précision d’un rayon laser, l’ouragan Katrina a ouvert toute une série de questions sur la nature de la société de classe contemporaine, la profondeur de la crise économique, la responsabilité du capitalisme dans la catastrophe écologique et aussi, le fait que la domination bourgeoise n’est ni aussi puissante, ni aussi permanente qu’on ne le croit généralement.

Une société de classe de plus en plus polarisée

L’ouragan Katrina a dévasté une zone aussi grande que le Royaume-Uni en s’étendant à
travers la Louisiane, le Mississippi et l’Alabama. Il a été prévu au moins dix jours avant d’arriver en vue de la côte tout juste à l’est de la Nouvelle-Orléans le lundi, 29 août. Il avait déjà enlevé la vie de neuf personnes en Floride le jeudi précédent. Les météorologues avaient prévu des ouragans de catégories 4 ou 5 depuis des années, mais rien n’avait été fait pour consolider les digues initialement conçues pour résister à des tempêtes de catégorie 3. Malgré le temps disponible et en dépit des ressources immenses de l’État états-unien, les plans d’évacuation ne consistaient en rien de plus qu’une directive émise le jour précédent, à l’effet de sortir de la Nouvelle-Orléans par automobile. Ce genre de brillante planification bourgeoise n’a pas tenu compte des quelques 100 000 habitants de la ville qui ne possédaient pas d’automobiles, qui n’avaient pas les moyens de se payer une chambre d’hôtel s’ils évacuaient et pour qui il n’y avait pas de plan fédéral d’urgence en vue de leur assurer de l’abri et de la nourriture. La police entassa environ 20 000 d’entre eux dans le Superdome et le Convention Center, où ils devaient attendre la fin de la tempête. Mais lorsque la digue le long du 17th Street canal céda, environ 80% de la ville fut inondée et ils furent bloqués sans nourriture, sans eau, sans médicaments, ni ressources sanitaires et furent attaqués, dilapidés, assassinés et violés par des criminels armés et des fous que des institutions avaient eu la délicatesse de libérer pour qu’ils puissent se joindre à eux. Les premiers comptes-rendus des médias ne firent aucune mention de tout cela. Ce qui les intéressait plutôt, c’étaient les milliards de dollars de dommages à la propriété et lorsque les gens furent obligés – d’abord avec la permission de la police – de prendre ce qu’ils pouvaient des magasins et des supermarchés dans le but de survivre, les médias condamnèrent le tout comme du vol et du gangstérisme.

Les premiers « secours » officiels (surtout de l’eau embouteillée) prirent quatre jours avant d’arriver, suivis de près par des milliers de troupes avec l’ordre de tirer à vue sur les pilleurs. Le message était très clair. Le rêve américain, ça veut dire que seul « l’individualisme farouche » est récompensé (avec des réductions d’impôts). Si vous êtes pauvre, vous êtes probablement un criminel et vous ne valez pas la peine d’être sauvé de toute façon. La pauvreté est une tare personnelle qui est punie (avec des coupures à l’aide sociale). Ces coupures, décidées tant par des gouvernements démocrates que républicains ont augmentées lors des 30 dernières années, à tel point que le nombre officiel des personnes définies comme étant pauvres a crû de 10% depuis 4 ans. Avec un taux de 28%, la Nouvelle-Orléans double la moyenne nationale en ce qui a trait au nombre de personnes vivant dans la pauvreté.

Et lorsque nous disons pauvres, les photos nous rappellent que cela veut surtout dire noirs. 140 années après l’abolition de l’esclavage, Katrina a pleinement exposé le profond niveau de ségrégation et de discrimination aux États-Unis. Les scènes de la Nouvelle-Orléans ressemblent à une répétition des inondations du Mississippi en 1927. Les digues furent alors délibérément fracturées près des zones peuplées de noirs pour éviter que les plantations blanches soient inondées. Les travailleurs noirs furent dirigés vers des camps de concentration sordides pour travailler à la consolidation des digues à proximité des plantations, tandis qu’on raconte que les propriétaires fuyaient sur un bateau à vapeur en chantant « Bye Bye Blackbird » aux noirs inondés. La défense de la propriété et la poursuite de profits prennent toujours la première place.

La crise économique

La tentative de résister à la baisse des taux de profits explique aussi la faillite depuis trente ans à entretenir les digues qui protègent cette cité sous le niveau de la mer. Les apologistes de la performance lamentable du gouvernement états-unien depuis la frappe de Katrina maintiennent que les ouragans sont des désastres naturels, un « acte divin » qui ne peut être contrecarré. Cependant, plusieurs commentateurs ont très pertinemment signalé que les politiques de l’administration Bush ont rendu la Nouvelle-Orléans plus vulnérable aux catastrophes naturelles. L’an dernier, le Louisiana Corp of Army Engineers avait proposé 18 milliards de travaux pour l’élargissement des canaux de drainage, la construction de stations de pompage et l’amélioration du système de digues pour pouvoir résister à un ouragan comme Katrina. Le budget du gouvernement pour 2006 propose plutôt de réduire les dépenses sur cette infrastructure sociale nécessaire à encore moins que son niveau actuel de 82 millions de dollars. En 2001, le budget était de 147 millions.

De plus, il y a eu la déréglementation. Cela a mené à la construction irresponsable de domiciles et de centres d’achats sur des marécages qui autrefois protégeaient la Nouvelle-Orléans de l’impact complet des inondations qui suivent les ouragans. Là aussi, c’est une pratique vieille de quelques décennies mais qui s’est accélérée ces dernières années, alors que la spéculation financière est devenue la plus récente méthode utilisée pour augmenter les taux de profits capitalistes.

Cependant, la faute ne revient pas seulement à l’administration Bush. Les coupures se multiplient depuis la dévaluation du dollar en 1971. Ce fut là le signal que le cycle global d’accumulation, réglé par la loi de la baisse tendancielle du taux de profit, avait mis fin à la vague de prospérité d’après-guerre. Les États-Unis ne pouvaient plus soutenir le programme de réarmement de la guerre froide tout en réinvestissant dans son infrastructure de base. Durant les années 70, le pays le plus riche de l’histoire tenta d’abord de s’extraire de la crise par une politique de dépenses, mais les conséquences en furent l’inflation et plus de chômage. C’est ainsi que débuta l’expérience néolibérale des allègements fiscaux pour les plus nantis qui a mené depuis les années 80, à des coupures massives par tous les partis au pouvoir et dans tous les secteurs sociaux. Pour donner un sens de proportion à ces coupures dans les dépenses sociales, l’Institute for Social Policies et Foreign Policy in Focus viennent de publier un rapport conjoint qui estime le coût de la guerre en Irak à 5, 6 milliards par mois!

En contraste à cette dépense pour la machine de guerre US, le niveau de profit chroniquement bas des dernières décennies a conduit le capital privé à ne plus investir dans l’infrastructure économique essentielle, notamment les raffineries de pétrole et les centrales électriques. Malgré l’obsession états-unienne de contrôler le plus possible les ressources pétrolières mondiales, pas une seule nouvelle raffinerie de pétrole n’a été construite depuis plus de trente ans. Les dommages causés par Katrina (la plupart permanents) aux 10% des capacités US de raffinage situées près du Golfe du Mexique ont fait plus pour miner l’approvisionnement en pétrole des États-Unis que toutes les actions de Saddam Hussein et Al-Qaeda – et ce sans compter le sérieux coup porté aux installations du port de la Nouvelle-Orléans qui, jusqu’au 29 août, représentait 60 000 emplois de la ville.

Ainsi, l’ouragan Katrina, une tempête de catégorie 4, balaya facilement des digues qui avaient été construites pour résister au mieux à des ouragans de catégorie 3. Ce faisant, il a aussi balayé le mythe que le capitalisme est la forme d’organisation sociale la plus élevée possible pour l’humanité.

Un désastre peu naturel

En décembre 2001, la Federal Emergency Management Agency (FEMA) a avancé qu’un ouragan frappant la Nouvelle-Orléans était l’un des trois scénarios de désastres les plus probables aux États-Unis et que 25 000 morts pourraient en résulter. En 1965, l’ouragan Betsy avait laissé la ville sous huit pieds d’eau mais, comme nous l’avons vu, cela n’a mis fin ni aux budgets annuels faméliques pour les projets d’amélioration de l’infrastructure de base, ni à la construction sur les marécages par les promoteurs immobiliers.

La FEMA fut conçue à l’origine pour faire face aux désastres naturels mais depuis le 11 septembre 2001, elle a vu son rôle diminué et elle est devenue une autre agence dominée par la « guerre contre le terrorisme ». La FEMA de la Louisiane avait mené un exercice l’an dernier pour étudier comment réagir en cas d’ouragan frappant la Nouvelle Orléans. Elle avait conclu que des autobus spéciaux devraient être nolisés pour la population sans auto et que des sanctuaires comme le Superdome devraient être approvisionnés à l’avance avec de l’eau, de la nourriture et des installations sanitaires supplémentaires. Rien de cela n’a eu lieu. De toute évidence, l’incompétence a joué un rôle, mais l’État US est aussi victime de sa propre propagande arrogante qui dicte que le réchauffement climatique est une vue de l’esprit et que même si le phénomène existait, les États-Unis n’y seraient pour rien.

Tous les gouvernements états-uniens représentent les intérêts du grand capital US, mais dans cette époque où l’impérialisme américain se sent plus menacé que jamais, le gouvernement Bush le fait de façon encore plus particulière que ses prédécesseurs. Non seulement Bush a-t-il refusé de signer l’Accord de Kyoto (aussi insatisfaisant fut-il pour assurer la survie de la planète) mais il a même refusé de reconnaître la réalité même du réchauffement climatique (au Sommet de Gleneagles). Au Congrès, le Parti Républicain mène présentement une chasse aux sorcières contre les scientifiques ayant publié des études démontrant que les émissions de gaz causent le réchauffement climatique. Et pourtant, le nombre d’ouragans, qui sont un produit du changement climatique, continue d’augmenter. Cette année, trois fois plus d’ouragans que la normale sont prévus dans les Caraïbes et dans le Golfe du Mexique. Katrina démontre qu’ils croissent aussi en intensité. La gestion des suites de Katrina a fait la preuve que la classe dominante du pays capitaliste le plus puissant de la planète opte pour les profits plutôt que l’avenir de l’humanité. Cette classe et le système qui l’a créée constituent la plus grande menace à l’existence de l’humanité.

Une brèche dans le système?

Au grand embarras de la presse bourgeoise, la débâcle dans le Sud des États-Unis a témoigné de façon éclatante que c’est le capitalisme lui-même qui est responsable de la plus grande part de la mort, de la destruction et de l’écroulement sociétal qui ont accompagné cette catastrophe « naturelle ». L’État le plus riche du monde, le défenseur autoproclamé de la démocratie et des droits humains, n’aurait pu établir plus clairement comment sa défense du profit et de la propriété privée est en contradiction avec le sort de la majorité de ses citoyens et citoyennes, pour qui il n’éprouve qu’une indifférence impitoyable. Katerina et ses conséquences dramatiques ont mis à nu le mythe que la main invisible du marché capitaliste puisse façonner une forme rationnelle d’organisation sociale. Rien n’est plus loin de la vérité. La troublante réalité est que des désastres « naturels » plus nombreux et plus terribles sont à prévoir. L’idée que le capitalisme mondial, déchaîné et déchiré par la crise, puisse être réformé et transformé en un système bienfaisant, socialement responsable et salubre est un rêve utopique. La meilleure chose qui puisse émerger du désastre de l’ouragan Katrina est la reconnaissance, ne serait-ce que par une partie de ceux et de celles qui espèrent un monde meilleur, que le capitalisme est non-viable et qu’il doit être renversé. Il n’y a qu’une seule alternative : l’organisation d’une communauté mondiale organisée pour produire directement les besoins de la société. Une fois de plus, le capitalisme pose clairement le problème. Socialisme ou barbarie. Il n’y a pas de troisième voie.

Le BIPR, le 6 septembre 2005

Groupe Internationaliste Ouvrier, section canadienne du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire

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www.ibrp.org

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