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Des mouflons et des hommes

assid, Samedi, Juillet 16, 2005 - 17:05

Assid

Au Maroc la paysannerie connait non seulement des problèmes économiques et sociaux graves mais elle est victime aussi parfois d'abus de pouvoirs qui chechent à l'extirper de ses espaces vitaux et lui faire perdre le peu de dignité qui lui reste .

"Une paysannerie se détruit facilement, elle est impossible à reconstruire"
Louis Malassis

Il y a une année,Les paysans des Ait Slimane de la montagne Tassamit de Beni Mellal au Maroc menaient une vie simple et difficile d’une époque non moins difficile avec son lot d’injustices, de frustrations et de petits bonheurs en attendant des jours meilleurs ; quand survient un malheur plus grand : La réalisation par les pouvoirs publics sur leur territoire d’une réserve. Un grillage autour de 66 hectares du domaine public forestier sur lequel on veut mettre quelques mouflons à manchettes, pour contribuer à sauvegarder cette espèce en danger d’extinction et du coup protéger la forêt et développer le tourisme ! Cette situation soulève un tollé général dans l’opinion publique de la région. De prime abord rien qui mérite tout ce charivari.
En réalité, il y a anguille sous roche. Tout d’abord il y a son coût financier élevé : plus de 38.000 Dh/hectare (Allocation de 2550. 000 Dh du budget de la région à cette réserve, officiellement de 66 hectares .Le coût humain et social quant à lui, est exorbitant, puisque plusieurs familles vont perdre des revenus et des journées de travail tirés de l’usage de cet espace (pacage, travail et valorisation du palmier nain par les femmes, ramassage des branches...) sans parler de le ré-enclavement des villageois. En outre comment peut on prétendre protéger la forêt de cette commune, quand on sait que cette réserve ne représente qu’epsilon pour cent des 137.00 hectares de son patrimoine sylvestre. Et pourquoi les responsables ont-ils opté pour ce lieu précisément ?
Ensuite de quel développement de tourisme parle t-on ? Du tourisme local, national ou international ? Concernant le tourisme local et national plusieurs promoteurs se seraient vus refuser le droit d’investir sur le circuit touristique d’Ain Asserdoune - Tassamit . Nos autorités ont elles la nostalgie du capitalisme d’Etat ou simplement ce beau circuit est aussi "prédestiné" que la réserve ? Quant au touriste international, il faut plus qu’un grillage et quelques mouflons pour l’accrocher. En réalité cette réalisation est destinée au loisir de la chasse des autorités locales et de leurs amis tous braconniers tout acabit!
Enfin, comment peut on réussir un développement rural intégré dont parle le responsable régional des eaux et forêt, quand la population concernée non seulement ne participe pas à ce projet mais pour lequel aussi, elle n’a pas été consultée. Pis encore, l’homme passera au second plan devant la bête. Celle-ci jouira de la priorité dans le peu de ressources aquifères du site alors que les femmes doivent contourner pendant toute une journée la réserve pour aller chercher l’eau à dos d’ânes .En langage de gouvernance, c’est le degré zéro de l’implication des citoyens à la mise en œuvre d’un projet sur leur territoire.
Il faut l’avouer, malgré les deux reportages de la chaîne de télévision 2M, sans l’association Asidd(association pour l’intégration et le développement durable)qui construit une école près du site en question, les conséquences sociales et humaines de la réalisation de cette réserve nous auraient passées sous le nez. Grâce à son président, que les journalistes de la région ont invité à un point de presse, nous nous sommes rendus compte, in situ, de l’ampleur des dégâts que les paroles rassurantes du président de la commune n’arrivent pas à occulter. Exactions, menaces, violations de domicile, amendes, pénalités et débris de plomb de cartouches de chasse sont les "indemnités" des autorités aux populations concernées. Ce drame unanimement ressenti par les montagnards de Tassamit est résumé par les mots de l’un d’entre eux dont les autorités ont séquestré le mulet en pleine période de labour en guise de représailles : « Devant cette situation, il nous reste plus qu’à nous cacher les visages et aller vers le feu ou vers la mer ». La honte ! Celle de quitter son terroir ancestral et d’aller au feu des bidonvilles vers lequel les hauts responsables souhaitent les envoyer e et la mer des Harragas(candidats clandestins à l'émigration vers sur des barques de fortune) comme recours ultime pour leurs enfants . Encore faut il que ces paysans déshérités aient comme ceux des plaines des lopin de terre à vendre pour payer des places à leurs enfants, sur ces pateras de la méditerrannée .
Aujourd’hui malgré plusieurs articles dans la presse régionale et nationale dénonçant cet état de fait, trois femmes sont poursuivies en justice pour delit"de destruction des biens de l'Etat" en ciselant le grillage de la réserve pour aller chercher de l’eau . Le journaliste président de l’association Assid fait face quant à lui à deux procès ( voir Maroc : la presse régionale écrasée) .
Cependant, cette population amazighe (berbère)
qui a vécu dans cette montagne depuis des siècles et des siècles , fait preuve d’un courage et d’une résistance dignes de sa simplicité et de sa bonté, parce elle sait, par l’histoire ,que cette réserve disparaîtra car elle est imposée contre sa volonté par des responsables mégalomanes qui ne pensent qu’à assouvir leurs désirs cynégétiques .

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