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SIXIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE (EZLN)Franko, Samedi, Juillet 9, 2005 - 13:49
Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)
Voici notre parole simple qui voudrait arriver au cœur des gens comme nous humbles et simples, mais, tout comme nous aussi, rebelles et dignes. Voici notre parole simple pour raconter le chemin que nous avons parcouru et où nous en sommes aujourd’hui ; pour expliquer comment nous voyons le monde et notre pays ; pour dire ce que nous pensons faire et comment nous pensons le faire, et pour inviter d’autres à faire le chemin avec nous dans quelque chose de très grand qui s’appelle le Mexique et dans quelque chose de plus grand encore que l’on nomme le monde. Voici notre parole simple pour faire savoir à tous les cœurs honnêtes et nobles ce que nous voulons au Mexique et dans le monde. Voici notre parole simple, parce que c’est notre volonté d’appeler ceux qui sont comme nous et de nous unir à eux, partout où ils vivent et où ils luttent. ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE (EZLN). MEXIQUE. SIXIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE. Voici notre parole simple qui voudrait arriver au cœur des gens comme nous humbles et simples, mais, tout comme nous aussi, rebelles et dignes. Voici notre parole simple pour raconter le chemin que nous avons parcouru et où nous en sommes aujourd’hui ; pour expliquer comment nous voyons le monde et notre pays ; pour dire ce que nous pensons faire et comment nous pensons le faire, et pour inviter d’autres à faire chemin avec nous dans quelque chose de très grand qui s’appelle le Mexique et dans quelque chose de plus grand encore que l’on nomme le monde. Voici notre parole simple pour faire savoir à tous les cœurs honnêtes et nobles ce que nous voulons au Mexique et dans le monde. Voici notre parole simple, parce que c’est notre volonté d’appeler ceux qui sont comme nous et de nous unir à eux, partout où ils vivent et où ils luttent. I. CE QUE NOUS SOMMES Nous sommes les zapatistes de l’EZLN. On nous appelle aussi les "néo-zapatistes". Bien, alors nous, les zapatistes de l’EZLN, nous avons pris les armes en janvier 1994 parce que nous avons trouvé qu’il y en avait assez de tout ce mal que faisaient les puissants, qui ne font que nous humilier, nous voler, nous jeter en prison et nous tuer, sans que rien de ce que l’on puisse dire ne change rien. C’est pour cela que nous avons dit "¡Ya Basta !" Ça suffit, maintenant ! Pour dire que nous ne permettrons plus qu’ils nous diminuent et nous traitent pire que des animaux. Et alors nous avons aussi dit que nous voulions la démocratie, la liberté et la justice pour tous les Mexicains, même si nous nous sommes surtout occupés des peuples indiens. Parce qu’il se trouve que nous autres de l’EZLN nous sommes presque tous des indigènes d’ici, du Chiapas, mais que nous ne voulons pas lutter uniquement pour notre propre bien ou uniquement pour le bien des indigènes du Chiapas ou uniquement pour les peuples indiens du Mexique : nous voulons lutter tous ensemble avec tous les gens humbles et simple comme nous et qui sont dans le besoin et subissent l’exploitation et le vol de la part des riches et de leur mauvais gouvernement, ici dans notre Mexique et dans d’autres pays du monde. Et alors, notre petite histoire, c’est que nous en avons eu assez de l’exploitation que nous faisaient subir les puissants et que nous nous sommes organisés pour nous défendre et pour nous battre pour la justice. Au début, nous n’étions pas beaucoup, quelques-uns seulement à aller d’un côté et de l’autre, à parler et à écouter d’autres comme nous. Nous avons fait ça pendant de nombreuses années et nous l’avons fait en secret, sans faire de bruit. C’est-à-dire que nous avons rassemblé nos forces en silence. Nous avons passé dix ans comme ça et après nous avons grandi et vite nous avons été des milliers. Alors nous nous sommes bien préparés, avec la politique et avec des armes, et, soudainement, quand les riches étaient en pleine fête de nouvel an, nous sommes tombés sur leurs villes et nous avons réussi à les prendre, et nous leur avons montré bien clairement que nous étions là, qu’ils allaient devoir tenir compte de nous. Et alors les riches ont eu une grosse frayeur et ils nous ont envoyé leurs grandes armées pour en finir avec nous. Ils ont fait comme ils font toujours quand les exploités se rebellent, ils envoient quelqu’un en finir avec eux. Mais ils n’ont pas pu le faire avec nous, parce que nous nous sommes très bien préparés avant la guerre et nous nous sommes faits forts dans nos montagnes. Et leurs soldats nous cherchaient partout et nous jetaient leurs bombes et nous tiraient dessus. Et ils ont même commencé à se dire qu’il fallait tuer une fois pour toutes tous les indigènes parce qu’il n’y avait pas moyen de savoir qui était zapatiste et qui ne l’était pas. Et nous à courir et à nous battre, à combattre et à courir, comme l’avaient fait nos ancêtres avant nous. Sans nous rendre, sans nous faire céder, sans nous vaincre. Et voilà que les gens des villes sont sortis dans les rues et ont commencé à demander en criant que la guerre s’arrête. Et alors nous avons arrêté notre guerre et nous les avons écoutés, ces frères et ces sœurs de la ville qui nous disaient d’essayer d’arriver à un arrangement, c’est-à-dire à un accord avec ceux du mauvais gouvernement pour trouver une solution sans massacre. Et alors nous avons fait ce que nous disaient les gens, parce que ces gens, c’est ce que nous appelons "le peuple", c’est-à-dire le peuple mexicain. Alors nous avons mis de côté le feu et nous avons fait parler la parole. Et voilà que ceux du gouvernement ont dit qu’ils allaient bien se comporter et allaient dialoguer et faire des accords et les respecter. Et nous, nous avons dit que c’était bien, d’accord, mais nous avons aussi pensé que c’était bien aussi de connaître ces gens qui étaient descendus dans la rue pour arrêter la guerre. Alors, tout en dialoguant avec ceux du mauvais gouvernement, nous avons aussi parlé avec ces personnes et nous avons vu que la plupart étaient des gens humbles et simples comme nous, et que nous comprenions bien pourquoi nous luttions tous les deux, c’est-à-dire eux et nous. Alors nous avons appelé ces gens "société civile", parce que la plupart n’appartenaient pas à des partis politiques et que c’était des gens du commun, comme nous, des gens humbles et simples. Mais ceux du mauvais gouvernement ne voulaient pas d’un bon arrangement, ce n’était qu’une de leurs feintes de dire qu’ils allaient parler et trouver un accord. Pendant ce temps-là, ils se préparaient à nous attaquer pour nous éliminer définitivement. Et alors plusieurs fois ils nous ont attaqués, mais sans arriver à nous vaincre parce que nous avons su bien résister et que beaucoup de gens dans le monde entier se sont mobilisés. Et alors ceux du mauvais gouvernement se sont dit que le problème, c’était que beaucoup de gens voyaient ce qui se passait avec l’EZLN et alors ils ont décidé de commencer à faire comme s’il ne se passait rien. Et pendant ce temps-là, ils nous encerclaient, c’est-à-dire qu’ils nous mettaient le siège, et ils ont commencé à attendre que les gens, comme nos montagnes sont isolées, oublient parce que le territoire zapatiste est loin. Et régulièrement ceux du mauvais gouvernement essayaient leurs trucs et essayaient de nous tromper ou de nous attaquer, comme en février 1995 quand une grande quantité de troupes a voulu nous repousser mais n’est pas parvenu à nous vaincre. Parce que nous n’étions pas seuls, comme ils l’ont dit après coup, et que beaucoup de gens nous ont soutenus et que nous avons bien résisté. Alors, ceux du mauvais gouvernement ont dû passer des accords avec l’EZLN et ces accords, ce sont les "Accords de San Andrés", parce que "San Andrés" est le nom de la commune où ont été signés ces accords. Et dans ces pourparlers nous n’étions pas tout seuls à parler avec ceux du mauvais gouvernement, nous avions invité beaucoup de gens et d’organisations qui étaient ou sont engagés dans la lutte pour les peuples indiens du Mexique. Et tous avaient leur mot à dire et tous ensemble nous nous sommes mis d’accord sur ce que nous allions dire à ceux du mauvais gouvernement. C’est comme ça que s’est passé le dialogue, il n’y avait pas que les zapatistes tout seuls d’un côté et ceux du mauvais gouvernement de l’autre, avec les zapatistes il y avait les peuples indiens du Mexique et ceux qui les soutiennent. Et alors dans ces accords ceux du mauvais gouvernement ont dit qu’ils allaient reconnaître les droits des peuples indiens du Mexique et respecter leur culture, et qu’ils allaient le mettre dans une loi dans la Constitution. Mais après avoir signé, ceux du mauvais gouvernement ont fait comme s’ils avaient oublié et beaucoup d’années ont passé et les accords ne sont toujours pas respectés. Au contraire, le gouvernement a attaqué les indigènes pour leur faire abandonner la lutte, comme le 22 décembre 1997. Ce jour-là, Zedillo a fait tuer 45 hommes, femmes, anciens et enfants, dans le hameau de Chiapas qui s’appelle ACTEAL. Un tel crime ne s’oublie pas facilement, mais c’est aussi une preuve de comment ceux du mauvais gouvernement n’hésitent pas un instant à attaquer et à assassiner ceux qui se rebellent contre l’injustice. Et pendant tout ce temps-là, les zapatistes s’obstinaient par tous les moyens à faire respecter les accords et à résister dans les montagnes du Sud-Est mexicain. Et alors nous avons commencé à parler avec d’autres peuples indiens du Mexique et avec les organisations qu’ils avaient et nous avons passé un accord avec eux pour lutter tous ensemble pour la même chose, pour la reconnaissance des droits et de la culture indigènes. Et là aussi, beaucoup de gens du monde entier nous ont soutenus, et des personnes très respectées dont la parole est très grande parce que ce sont de grands intellectuels, de grands artistes et de grands scientifiques du Mexique et du monde entier. Nous avons aussi fait des rencontres internationales, c’est-à-dire que nous nous sommes réunis pour discuter avec des gens venus d’Amérique, d’Asie, d’Europe, d’Afrique et d’Océanie, et que nous avons pu connaître leurs luttes et leur façon de faire, et nous les avons appelées des rencontres "intergalactiques" pour rigoler mais aussi parce que nous avions invité les gens des autres planètes, mais on dirait qu’ils ne sont pas venus ou alors qu’ils sont venus mais qu’ils ne l’ont pas montré. Mais rien à faire, ceux du mauvais gouvernement ne respectaient pas les accords, alors nous avons décidé de parler avec beaucoup de Mexicains pour avoir leur soutien. Alors d’abord, en 1997, nous avons organisé une marche jusqu’à Mexico qui s’est appelée la "Marche des 1111", parce qu’il y avait un compañero et une compañera pour chaque village zapatiste, mais le gouvernement n’a pas réagi. Après, en 1999, nous avons organisé dans tout le pays une consultation et on a pu voir que la majorité étaient d’accord avec les exigences des peuples indiens, mais ceux du mauvais gouvernement n’ont pas non plus réagi. Et en dernier, en 2001, nous avons organisé ce qui s’est appelé la "Marche pour la dignité indigène" qui a reçu le soutien de millions de Mexicains et de gens d’autres pays et qui est même arrivée là où sont les députés et les sénateurs, c’est-à-dire au Congrès de l’Union, pour exiger la reconnaissance des indigènes mexicains. Mais pas moyen, les hommes politiques du parti du PRI, du parti du PAN et du parti du PRD se sont mis d’accord entre eux pour ne pas reconnaître les droits et la culture indigènes. Ça s’est passé en avril 2001 et à cette occasion les hommes politiques ont montré clairement qu’ils n’ont pas un gramme de décence et que ce sont des crapules qui ne pensent qu’à gagner de l’argent malhonnête, en mauvais gouvernants qu’ils sont. Il ne faudra surtout pas l’oublier, parce que vous verrez qu’ils seront capables de dire qu’ils vont reconnaître les droits indigènes, mais ce n’est qu’un mensonge qu’ils emploieront pour que l’on vote pour eux, parce qu’ils ont déjà eu leur chance et qu’ils n’ont pas tenu parole. Alors, à ce moment-là, nous avons compris que le dialogue et la négociation avec ceux du mauvais gouvernement du Mexique n’avaient servi à rien. C’est-à-dire que ce n’est pas la peine de discuter avec les hommes politiques, parce que ni leur cœur ni leurs paroles ne sont droits, ils sont tordus et ils ne font que mentir en disant qu’ils vont respecter des accords. Et ce jour-là, quand les hommes politiques du PRI, du PAN et du PRD ont approuvé une loi qui ne vaut rien, ils ont tué et enterré le dialogue et ils ont montré clairement que ça ne leur fait rien de faire des accords et de signer, parce qu’ils n’ont pas de parole. Alors nous n’avons plus cherché à avoir de contact avec les pouvoirs fédéraux parce que nous avons compris que le dialogue et la négociation avaient échoué à cause de ces partis politiques. Nous avons compris que pour eux, le sang, la mort, la souffrance, les mobilisations, les consultations, les efforts, les déclarations nationales et internationales, les rencontres, les accords, les signatures, les engagements, rien ne compte. La classe politique n’a donc pas seulement claqué la porte, une fois de plus, aux nez des peuples indiens, elle a aussi frappé un coup mortel à une solution pacifique, dialoguée et négociée à la guerre. Et il ne faut pas croire qu’elle respectera les accords qu’elle passera avec qui que ce soit d’autre. Il suffit de voir de ce qui nous est arrivé pour comprendre la leçon. Alors, après avoir vu tout ça se passer, nous nous sommes mis à penser avec notre cœur à ce que nous allions pouvoir faire. Et la première chose que nous avons vue, c’est que notre cœur n’est plus le même qu’avant, quand nous avons commencé notre lutte, mais qu’il est plus grand parce que nous avons pénétré dans le cœur de beaucoup de gens bons. Et nous avons aussi vu que notre cœur est un peu plus meurtri, un peu plus blessé qu’avant. Ce n’est pas à cause de la tromperie de ceux du mauvais gouvernement, c’est parce que quand nous avons touché le cœur de ces autres gens, nous avons aussi touché leur douleur. Comme si nous nous étions regardés dans un miroir. II. OÙ NOUS EN SOMMES MAINTENANT Alors, en zapatistes que nous sommes, nous avons pensé qu’il ne suffisait pas de cesser de dialoguer avec le gouvernement, mais qu’il fallait poursuivre notre lutte malgré ces parasites jean-foutre que sont les hommes politiques. L’EZLN a donc décidé de respecter, tout seul et de son côté ("unilatéralement" quoi, comme on dit, parce que c’est seulement d’un côté), les Accords de San Andrés en ce qui concerne les droits et la culture indigènes. Pendant quatre ans, de la mi-2001 à la mi-2005, nous nous sommes consacrés à ça, et à d’autres choses que nous vous raconterons aussi. Bien. Alors, allons-y d’abord avec les communes autonomes rebelles zapatistes, la forme d’organisation que les communautés ont choisie pour gouverner et se gouverner, pour être plus fortes. Cette forme de gouvernement autonome n’a pas été miraculeusement inventée par l’EZLN, elle vient de plusieurs siècles de résistance indigène et de l’expérience zapatiste et c’est un peu l’auto-organisation des communautés. C’est-à-dire que ce n’est pas comme si quelqu’un de l’extérieur venait gouverner, ce sont les villages eux-mêmes qui décident, parmi eux, qui et comment on gouverne, et ceux qui n’obéissent pas sont renvoyés. Si la personne qui commande n’obéit pas à la communauté, on la blâme, elle perd son mandat d’autorité et une autre prend sa place. Mais nous nous sommes rendu compte que les communes autonomes n’étaient pas toutes sur le même plan. Il y en avait qui allaient plus loin et bénéficiaient de plus de soutien de la société civile, et d’autres qui étaient plus délaissées. Il fallait donc encore s’organiser pour qu’il y ait plus d’égalité. Et nous avons aussi pu constater que l’EZLN, avec son côté politico-militaire, intervenait dans les décisions qui revenaient aux autorités démocratiques "civiles", comme on dit. Le problème était que la partie politico-militaire de l’EZLN n’est pas démocratique, parce que c’est une armée, et nous avons trouvé que ce n’était pas correct que le militaire soit en haut et le démocratique en bas, parce qu’il ne faut pas que ce qui est démocratique se décide militairement, sinon le contraire : c’est-à-dire en haut le politico-démocratique qui commande et en bas le militaire qui obéit. Et peut-être même que c’est encore mieux rien en haut et tout bien plat, sans militaire, et c’est pour ça que les zapatistes s’étaient fait soldats, pour qu’il n’y ait pas de soldats. Alors, pour essayer de résoudre ce problème, nous avons commencé à séparer ce qui est politico-militaire de ce qui concerne les formes d’organisation autonomes et démocratiques des communautés zapatistes. Comme ça, les actions et les décisions qu’effectuait et prenait avant l’EZLN ont été passées petit à petit aux autorités démocratiquement élues dans les villages. Ça a l’air tout simple quand on le dit mais, dans la pratique, c’est beaucoup plus difficile. Parce que pendant des années, nous nous sommes préparés à faire la guerre et puis, après, il y a eu la guerre elle-même, et on finit par s’habituer à l’organisation politico-militaire. Mais même si ça a été difficile, c’est ce que nous avons fait, parce que ce que nous disons nous le faisons. Sinon, à quoi servirait de dire quelque chose, si après on ne le fait pas. C’est comme ça que nous avons créé les Conseils de bon gouvernement, en août 2003, et avec eux nous avons continué notre propre apprentissage et appris à exercer le "commander en obéissant". Depuis, et jusqu’à la mi-2005, la direction de l’EZLN n’est plus intervenue avec ses ordres dans les affaires des civils, mais elle a accompagné et appuyé les autorités démocratiquement élues par les communautés, sans oublier de vérifier que l’on informe correctement la société civile mexicaine et internationale des aides reçues et de ce à quoi elles ont servi. Et maintenant, nous passons le travail de vigilance du bon gouvernement aux bases de soutien zapatistes, avec des mandats temporaires et rotatifs, pour que tous et toutes apprennent et puissent effectuer ce travail. Parce que nous autres, nous pensons qu’un peuple qui ne contrôle pas ses dirigeants est condamné à être leur esclave et que nous luttons pour être libres, par pour changer de maître tous les six ans. Pendant les quatre dernières années, l’EZLN a aussi passé aux Conseils de bon gouvernement et aux Communes rebelles autonomes les aides et les contacts au Mexique et dans le monde entier, que nous avons obtenus tout au long des années de guerre et de résistance. Mais en même temps, l’EZLN a aussi mis en place un réseau d’aide économique et politique qui permette aux communautés zapatistes d’avancer avec moins de difficultés dans la construction de leur autonomie et d’améliorer leurs conditions de vie. Ce n’est pas encore assez, mais c’est beaucoup plus que ce qu’il y avait avant notre soulèvement, en janvier 1994. Si vous prenez une de ces études que font les gouvernements, vous verrez que les seules communautés indigènes qui ont amélioré leurs conditions de vie, c’est-à-dire la santé, l’éducation, l’alimentation, le logement, ce sont celles qui sont en "territoire zapatiste", comme nous disons pour parler de là où sont nos villages. Tout ça a été possible grâce aux progrès effectués dans les communautés zapatistes et grâce au très grand soutien que nous avons reçu de personnes bonnes et nobles, "les sociétés civiles", comme nous les appelons, et de leurs organisations, du monde entier. C’est comme si toutes ces personnes avaient fait du "Un autre monde est possible" une réalité, mais dans les faits, pas dans des discours. Et alors les communautés ont beaucoup été de l’avant. Maintenant, il y a toujours plus de compañeros, hommes et femmes, qui apprennent à être gouvernement. Et, même si c’est petit à petit, il y a de plus en plus de femmes qui ont ces responsabilités. Mais on manque encore beaucoup de respect envers ces compañeras et il faut qu’elles participent plus aux responsabilités de la lutte. Et puis, avec les conseils de bon gouvernement, la coordination entre les communes autonomes s’est aussi beaucoup amélliorée, et aussi la résolution de problèmes avec d’autres organisations et avec les autorités "officielles". Et puis les projets dans les communautés aussi se sont beaucoup améliorés, et la répartition des projets et des aides de la société civile du monde entier : la santé et l’éducation ont été beaucoup améliorées, même s’il y a encore beaucoup de chemin à faire avant d’arriver à ce qu’il devrait y avoir ; pareil avec le logement et l’alimentation, et dans certaines zones le problème de la terre va beaucoup mieux parce qu’on a réparti les terres récupérées aux grands propriétaires, mais il y a des zones où on manque terriblement des terres à cultiver. Et puis le soutien de la société civile mexicaine et internationale s’est beaucoup amélioré, parce que, avant, les gens allaient là où ça leur plaisait le plus, mais maintenant les conseils de bon gouvernement les orientent vers les endroits où il y en a le plus besoin. Pour les mêmes raisons, partout il y a toujours plus de compañeros, hommes et femmes, qui apprennent à entrer en contact avec des personnes venues d’ailleurs au Mexique et dans le monde. Ils apprennent à respecter et à exiger le respect, ils apprennent qu’il y a de nombreux mondes et que tous ont leur place, leur temps et leur façon de faire, et qu’il faut tous et toutes se respecter mutuellement. Alors nous, les zapatistes de l’EZLN, nous avons consacré tout ce temps à notre force principale : aux communautés qui nous appuient. Et il faut dire que la situation s’est bien améliorée un peu, comme quoi on ne peut pas dire que l’organisation et la lutte zapatiste n’ont servi à rien mais plutôt que, même si on en finit avec nous, notre lutte aura bel et bien servi à quelque chose. Mais il n’y a pas que les communautés zapatistes qui ont progressé. L’EZLN aussi. Parce que ce qui s’est passé pendant tout ce temps, c’est que des nouvelles générations ont renouvelé toute notre organisation. Un peu comme si elles lui avaient redonné des forces. Les commandants et les commandantes, qui étaient déjà majeurs au début de notre soulèvement, en 1994, possèdent maintenant la sagesse de ce qu’ils ont appris dans une guerre et dans un dialogue de douze ans avec des milliers de femmes et d’hommes du monde entier. Les membres du CCRI, la direction politico-organisationnelle zapatiste, conseillent et orientent les nouvelles personnes qui entrent dans notre lutte et celles qui vont occuper des postes de dirigeant. Il y déjà longtemps que "les comités" (comme nous appelons ceux du CCRI) préparent toute une nouvelle génération de commandants et de commandantes pour qu’ils apprennent les tâches de direction et d’organisation et commencent, après une période d’instruction et d’essai, à les assumer. Et il se trouve aussi que nos insurgés et insurgées, nos miliciens et miliciennes, nos responsables locaux et régionaux et nos bases de soutien, qui étaient jeunes quand nous avons pris les armes, sont devenus des femmes et des hommes, des combattants vétérans et des leaders naturels dans leurs unités et dans leurs communautés. Et ceux qui n’étaient que des enfants ce fameux 1er janvier 1994 sont maintenant des jeunes qui ont grandi dans la résistance et qui ont été formés dans la digne rébellion menée par leurs aînés au long de ces douze années de guerre. Ces jeunes ont une formation politique, technique et culturelle que n’avaient pas ceux et celles qui ont commencé le mouvement zapatiste. Ces jeunes viennent grossir aujourd’hui, et toujours plus, aussi bien nos troupes que les postes de direction de notre organisation. Et puis, finalement, nous avons tous pu assister aux tromperies de la classe politique mexicaine et aux ravages destructeurs qu’ils ont perpétrés dans notre patrie. Et nous avons vu les grandes injustices et les massacres que produit la mondialisation néolibérale dans le monde entier. Mais nous parlerons de cela plus tard. L’EZLN a donc résisté de cette manière à douze ans de guerre et d’attaques militaires, politiques, idéologiques et économiques, à douze ans de siège, de harcèlement et de persécutions, et ils n’ont pas pu nous vaincre, nous ne nous sommes pas rendus ou vendus et nous avons avancé. Des compañeros d’autres lieux sont entrés dans notre lutte et, au lieu de nous affaiblir au long de tant d’années, nous sommes devenus plus forts. Bien sûr, il y a des problèmes qui peuvent se résoudre simplement en séparant plus le politico-militaire du civil-démocratique. Mais il y a certaines choses plus importantes, comme le sont les exigences pour lesquelles nous luttons, qui n’ont pas encore été entièrement satisfaites. C’est notre pensée et ce que nous éprouvons dans notre cœur qui nous font dire que nous en sommes arrivés à un seuil limite et qu’il se peut même que nous perdions tout ce que nous avons, si nous en restons là et si nous ne faisons rien pour avancer encore. Alors, l’heure est venue de prendre à nouveau des risques et de faire un pas dangereux mais qui en vaut la peine. Et peut-être qu’unis à d’autres secteurs sociaux qui ont les mêmes manques que nous il deviendra possible d’obtenir ce dont nous avons besoin et que nous méritons d’avoir. Un nouveau pas en avant dans la lutte indigène n’est possible que si les indigènes s’unissent aux ouvriers, aux paysans, aux étudiants, aux professeurs, aux employés, c’est-à-dire aux travailleurs des villes et des campagnes. III.- DE COMMENT NOUS VOYONS LE MONDE Maintenant nous allons vous expliquer comment nous, les zapatistes, nous voyons ce qui se passe dans le monde. Et bien nous voyons que le capitalisme est le plus fort en ce moment. Le capitalisme est un système social, c’est-à-dire une forme selon laquelle dans une société sont organisées les choses et les personnes, et qui possède et qui ne possède pas, qui dirige et qui obéit. Dans le capitalisme il y en a certains qui ont de l’argent, c’est-à-dire le capital et les usines et les commerces et les champs et beaucoup de choses, et d’autres qui n’ont rien, seulement leur force et leur savoir pour travailler ; et dans le capitalisme dirigent ceux qui ont l’argent et les choses, et obéissent ceux qui n’ont rien d’autre que leur capacité de travail. Ainsi le capitalisme signifie qu’il n’y en que quelques-uns qui ont des grandes richesses, mais pas parce qu’ils ont gagné un prix ou qu’ils ont trouvé un trésor ou qu’ils ont hérité d’un parent, mais parce qu’ils obtiennent ces richesses en exploitant le travail de beaucoup de gens. Autrement dit, le capitalisme repose sur l’exploitation des travailleurs, ce qui veut dire qu’il pressure les travailleurs et leur prend tout ce qui peut lui rapporter. Cela se fait avec des injustices parce qu’il ne paye pas justement la besogne du travailleur, mais lui donne à peine un salaire pour qu’il puisse manger et se reposer un peu, et le jour suivant retourner travailler à l’exploitation, que ce soit à la campagne ou en ville. Aussi le capitalisme s’enrichit en dépouillant, c’est-à-dire par le vol, puisqu’il prend aux autres ce qu’il désire, par exemple les terres et les richesses naturelles. Autrement dit, le capitalisme est un système où les voleurs sont libres, admirés et montrés en exemple. Et, en plus d’exploiter et de dépouiller, le capitalisme réprime parce qu’il emprisonne et tue ceux qui se rebellent contre l’injustice. Au capitalisme, ce qui l’intéresse le plus sont les marchandises, parce que, quand on les achète et les vend, on s’enrichit. Ainsi le capitalisme convertit tout en marchandises : les personnes, la nature, la culture, l’histoire, la conscience. Selon le capitalisme, tout doit pouvoir s’acheter et se vendre. Et il cache tout derrière les marchandises pour que nous ne voyions pas l’exploitation. Alors les marchandises s’achètent et se vendent sur un marché. Et il se trouve que le marché, en plus de servir à acheter et à vendre, sert aussi à cacher l’exploitation des travailleurs. Par exemple, sur le marché, on voit le café déjà emballé, dans un petit sachet ou un flacon très joli, mais on ne voit pas le paysan qui a souffert pour récolter le café, et on ne voit pas l’exploitant qui lui a mal payé son travail, et on ne voit pas les travailleurs dans la grande entreprise qui emballent sans arrêt le café. Ou on voit un appareil pour écouter de la musique, comme des cumbias, des rancheras ou des corridos ou selon les goûts de chacun, et on voit qu’il est bien parce qu’il a un bon son, mais on ne voit pas l’ouvrière de l’usine qui a bataillé de nombreuses heures pour souder les fils et les parties de l’appareil, et elle a été payée une misère, et elle habite loin de son lieu de travail, et elle dépense beaucoup d’argent pour s’y rendre, et en plus elle risque de se faire enlever, violer ou tuer comme ça arrive à Ciudad Juárez, au Mexique. Autrement dit, sur le marché on voit des marchandises, mais on ne voit pas l’exploitation avec laquelle elles ont été fabriquées. Et donc le capitalisme a besoin de beaucoup de marchés... ou un marché très grand, un marché mondial. Ainsi, le résultat c’est que le capitalisme d’aujourd’hui n’est pas comme celui d’avant, quand les riches étaient contents d’exploiter les travailleurs dans leur pays, puisqu’il en est maintenant à une étape qui s’appelle Globalisation néolibérale. Cette globalisation veut dire que les capitalistes dominent les travailleurs non seulement dans un ou plusieurs pays, mais qu’ils essayent de tout dominer dans le monde entier. Le monde, c’est-à-dire la planète Terre, on l’appelle aussi "globe terrestre" et c’est pour ça qu’on parle de "globalisation", autrement dit le monde entier. Et le néolibéralisme, et bien c’est l’idée que le capitalisme est libre de dominer le monde entier et tant pis, il faut se résigner et s’y conformer et ne pas faire de remous, c’est-à-dire ne pas se rebeller. En fait le néolibéralisme c’est comme la théorie, le plan, de la globalisation capitaliste. Et le néolibéralisme a des plans économiques, politiques, militaires et culturels. Dans tous ces plans, il s’agit de dominer tout le monde, et celui qui n’obéit pas est réprimé ou écarté pour qu’il ne passe pas ses idées de rébellion à d’autres. Donc, dans la globalisation néolibérale, les grands capitalistes qui vivent dans les pays puissants, comme les Etats-Unis, veulent que le monde entier se transforme en une grande entreprise où on produit des marchandises et en une sorte de grand marché. Un marché mondial, un marché pour tout acheter et tout vendre, et pour cacher l’exploitation de tout le monde. Alors les capitalistes globalisés se mêlent de tout, autrement dit vont dans tous les pays, pour faire leurs grandes affaires, c’est-à-dire leurs grandes exploitations. Et ils ne respectent rien et s’installent comme ils veulent. En fait, ils effectuent comme une conquête d’autres pays. C’est pour cela que, les zapatistes, nous disons que la globalisation néolibérale est une guerre de conquête du monde, une guerre mondiale, une guerre que fait le capitalisme pour dominer mondialement. Et ainsi cette conquête se fait parfois avec des armées qui envahissent un pays et le conquièrent par la force. Mais d’autres fois c’est avec l’économie : les grands capitalistes investissent leur argent dans un autre pays ou lui prêtent de l’argent, mais avec la condition d’obéir à ce qu’ils disent. Ils arrivent aussi avec leurs idées, c’est-à-dire avec la culture capitaliste qui est la culture de la marchandise, du gain, du marché. Donc celui qui fait la conquête, le capitalisme, fait comme il veut : il détruit et change ce qui ne lui plaît pas et élimine ce qui le gêne. Par exemple, ceux qui ne produisent, ni n’achètent, ni ne vendent les marchandises de la modernité ou ceux qui se rebellent à cet ordre le gênent. Et à ceux-là qui ne lui servent à rien, il les dédaigne. C’est pour ça que les indigènes gênent la globalisation néolibérale, et qu’ils sont dépréciés et qu’on veut les éliminer. Et le capitalisme néolibéral supprime aussi les lois qui ne le laissent pas faire ses nombreuses exploitations et avoir beaucoup de profits. Par exemple il impose qu’on puisse tout vendre et tout acheter, et comme le capitalisme a beaucoup d’argent, il achète tout. Le capitalisme semble ainsi vouloir détruire les pays qu’il conquiert avec la globalisation néolibérale, mais semble aussi vouloir remettre tout en ordre ou tout refaire mais à sa manière, c’est-à-dire de manière à en tirer des bénéfices sans qu’on le dérange. Alors la globalisation néolibérale ou capitaliste détruit ce qu’il y a dans ces pays, détruit leur culture, leur langue, leur système économique, leur système politique et détruit même les modes de relations de ceux qui vivent dans ce pays. Autrement dit, tout ce qui fait qu’un pays est un pays est détruit. Donc la globalisation néolibérale veut détruire les nations du monde et qu’il ne reste qu’une seule nation ou pays, celui de l’argent, du capital. Et le capitalisme veut que tout soit comme il veut, à sa manière, et ce qui est différent ne lui plaît pas, et il le poursuit, et il l’attaque ou le met à l’écart dans un recoin et fait comme s’il n’existait pas. Alors, en résumé, comme on dit, le capitalisme de la globalisation néolibérale se fonde sur l’exploitation, le pillage, le mépris et la répression contre ceux qui ne se laissent pas faire. C’est-à-dire comme avant, mais maintenant globalisé, mondial. Mais ce n’est pas si facile pour la globalisation néolibérale, parce que les exploités de chaque pays ne se laissent pas faire et ne se résignent pas, mais se rebellent ; et ceux qui sont de trop ou gênants résistent et ne se laissent pas éliminer. C’est pour ça qu’on peut voir dans le monde entier ceux qui sont démunis résister pour ne pas se laisser faire, et se rebeller, et pas seulement dans un pays, mais partout ; ainsi, comme il y a une globalisation néolibérale, il y a une globalisation de la rébellion. Et dans cette globalisation de la rébellion, il n’y a pas que les travailleurs des champs et de la ville, il y a aussi beaucoup d’autres personnes qui sont poursuivies et humiliées parce qu’elles ne se laissent pas non plus dominer, comme les femmes, les jeunes, les indigènes, les homosexuels, lesbiennes, transsexuels, les migrants et beaucoup d’autres groupes du monde entier, mais que nous ne voyons pas jusqu’à ce qu’ils crient qu’il y en a assez de ceux qui les méprisent, et qu’ils se soulèvent, et alors nous les voyons, et nous les entendons, et nous les connaissons. Alors nous voyons que tous ces groupes de gens luttent contre le néolibéralisme, c’est-à-dire contre le plan de la globalisation capitaliste, et qu’ils luttent pour l’humanité. Tout cela provoque en nous une grande frayeur en voyant la stupidité des néolibéralistes qui veulent détruire toute l’humanité avec leurs guerres et leurs exploitations, mais aussi une grande satisfaction de voir que partout il y a des résistances et des rébellions, comme la nôtre qui est un peu petite, mais nous sommes là. Et nous voyons tout cela dans le monde entier et notre cœur apprend que nous ne sommes pas seuls. IV.- DE COMMENT NOUS VOYONS NOTRE PAYS QUI EST LE MEXIQUE Maintenant nous allons vous parler de ce que nous voyons se passer dans notre Mexique. Bon, et bien ce que nous voyons, c’est que notre pays est gouverné par les néolibéralistes. C’est-à-dire que, comme nous l’avons expliqué, les dirigeants que nous avons sont en train de détruire ce qui est notre nation, notre patrie mexicaine. Et leur travail, de ces mauvais dirigeants, ce n’est pas d’envisager le bien-être du peuple, mais seulement de s’occuper de celui des capitalistes. Par exemple, ils font des lois comme celles du traité de libre-échange, qui laissent dans la misère beaucoup de Mexicains, que ce soit des paysans ou des petits producteurs, parce qu’ils sont "mangés" par les grandes entreprises agroindustrielles ; tout comme les ouvriers et les petits entrepreneurs parce qu’ils ne peuvent pas concurrencer les grandes transnationales qui s’installent sans que personne ne leur dise quoi que ce soit et on les remercie même, et elles imposent leurs bas salaires et leurs prix élevés. En fait, comme on dit, certaines des bases économiques de notre Mexique, qui étaient l’agriculture, l’industrie et le commerce nationaux, sont détruits et il ne reste que quelques vestiges qui vont sûrement aussi être vendus. Et ce sont de grands malheurs pour notre patrie. Parce que dans la campagne on ne produit plus les aliments, seulement ceux que vendent les grands capitalistes, et les bonnes terres sont volées astucieusement avec le soutien des politiques. Il se passe donc dans la campagne la même chose qu’à l’époque du porfirisme, sauf que, à la place des haciendas, il y a aujourd’hui des entreprises étrangères qui maintiennent la campagne dans la misère. Et où avant il y avait des crédits et des prix de protection, il n’y plus que des aumônes... et parfois même pas. Du côté du travailleur de la ville, les usines ferment, et le laissent sans travail ou on ouvre ce que l’on appelle les maquiladoras, qui sont étrangères et qui payent une misère pour beaucoup d’heures de travail. Et peu importe le prix des produits dont la population a besoin, parce que, chers ou pas, personne ne peut se les payer. Et si quelqu’un travaillait dans une petite ou moyenne entreprise, et bien plus maintenant, parce qu’elle a fermé ou a été rachetée par une grande transnationale. Et si quelqu’un avait un petit commerce, il a aussi disparu ou il s’est mis à travailler clandestinement pour les grandes entreprises qui l’exploitent cruellement, et font même travailler les enfants. Et si le travailleur était dans un syndicat pour demander ses droits légalement, et bien non, maintenant même le syndicat lui dit qu’il faut supporter que le salaire ou la journée de travail baisse ou que des prestations soient supprimées, parce que sinon l’entreprise va fermer et partir dans un autre pays. Et après il y a aussi la "micro-échoppe", qui est en quelque sorte le programme économique du gouvernement pour que tous les travailleurs de la ville se mettent à vendre des chewing-gums ou des cartes téléphoniques au coin de la rue. Autrement dit, il n’y a que de la destruction économique aussi dans les villes. Alors ce qui se passe, c’est que, comme l’économie de la population est pitoyable tant à la campagne qu’à la ville, et bien beaucoup de Mexicains et Mexicaines doivent quitter leur patrie, la terre mexicaine, et aller chercher du travail dans un autre pays, les Etats-Unis, et là-bas on ne les traite pas bien, ils sont exploités, persécutés et humiliés, parfois même tués. Le néolibéralisme que nous imposent les mauvais gouvernements n’a pas amélioré l’économie, au contraire, la campagne est dans le besoin et dans les villes, il n’y a pas de travail. Et ce qui se passe, c’est que le Mexique se convertit en un lieu où naissent, vivent un temps puis meurent ceux qui travaillent pour la richesse des étrangers, principalement les riches gringos. C’est pour cela que nous disons que le Mexique est dominé par les Etats-Unis. Bon, mais ce n’est pas tout ce qui se passe, le néolibéralisme a aussi changé la classe politique du Mexique ou plutôt les politiques, parce qu’ils sont devenus une sorte d’employés de magasin, qui doivent tout faire pour tout vendre et pas cher. D’ailleurs ils ont changé les lois pour enlever l’article 27 de la Constitution et faire en sorte que les terres ejidales et communales puissent être vendues. C’était Salinas de Gortari, et lui et sa bande ont dit que c’était pour le bien de la campagne et du paysan, et que ce dernier va ainsi prospérer et vivre mieux. Est-ce que ça a été le cas ? La campagne mexicaine est pire que jamais et les paysans plus miséreux qu’à l’époque de Porfirio Díaz. Et ils ont aussi dit qu’ils allaient privatiser, c’est-à-dire vendre aux étrangers les entreprises de l’État pour soutenir le bien-être de la population. Parce qu’elles ne fonctionnent pas bien et qu’elles doivent être modernisées, et qu’il valait mieux les vendre. Mais, au lieu de progresser, les droits sociaux qui ont été acquis à la révolution de 1910 font aujourd’hui pitié... et enrager. Et ils ont dit aussi qu’il faut ouvrir les frontières pour que tout le capital étranger entre, qu’ainsi les entrepreneurs mexicains vont se presser à mieux faire les choses. Mais maintenant nous voyons qu’il n’y a plus d’entreprises nationales, les étrangers ont tout avalé, et ce qu’ils vendent est pire que ce qui se faisait au Mexique. Et bon, maintenant les politiques mexicains veulent aussi vendre Pemex, c’est-à-dire le pétrole qui appartient aux Mexicains, et la seule différence c’est que certains disent qu’ils vendent tout et d’autres seulement une partie. Et ils veulent aussi privatiser la sécurité sociale, et l’électricité, et l’eau, et les forêts, et tout, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien du Mexique et que notre pays ne soit plus qu’un terrain vague ou un lieu pour les loisirs des riches du monde entier, et les Mexicains et Mexicaines soyons comme leurs subordonnés, attentifs à ce que nous pouvons leur offrir, vivant mal, sans racines, sans culture, sans patrie. Autrement dit, les néolibéralistes veulent tuer le Mexique, notre patrie mexicaine. Et les partis politiques électoraux non seulement ne le défendent pas, mais sont les premiers à se mettre au service des étrangers, principalement des Etats-Unis, et sont ceux qui se chargent de nous tromper, nous faisant regarder de l’autre côté pendant qu’ils vendent tout et restent avec le profit. Tous les partis politiques électoraux qu’il y a aujourd’hui, pas seulement certains. Réfléchissez s’ils ont fait quelque chose de bien et vous verrez que non, seulement des vols et des arnaques. Et voyez comment les politiques électoraux ont toujours leurs belles maisons, et leurs belles voitures, et leurs luxes. Et ils veulent encore que nous les remerciions, et que nous votions de nouveau pour eux. Et c’est que clairement, comme ils disent parfois, ils n’ont pas honte ["ils n’ont pas de mère", littéralement, ndt]. Et ils ne l’ont pas parce que de fait ils n’ont pas de patrie, ils n’ont que des comptes bancaires. Et nous voyons aussi que le narcotrafic et les crimes augmentent. Et parfois nous pensons que les criminels sont comme on les montre dans les corridos [chansons] et les films, et peut-être que certains le sont, mais ce ne sont pas les vrais chefs. Les vrais chefs sont bien habillés, ont fait leurs études à l’étranger, sont élégants, ne se cachent pas mais mangent dans des bons restaurants et sortent dans les journaux bien beaux et bien habillés dans leurs fêtes ; ce sont, comme on dit, des "gens biens", et certains sont mêmes des dirigeants, députés, sénateurs, secrétaires d’État, entrepreneurs prospères, chefs de police, généraux. Nous sommes en train de dire que la politique ne sert à rien ? Non, ce que nous voulons dire c’est que CETTE politique ne sert à rien. Et elle ne sert à rien parce qu’elle ne tient pas compte du peuple, ne l’écoute pas, ne s’en occupe pas, elle ne s’en rapproche qu’au moment des élections, et il n’y a même plus besoin de votes, les sondages suffisent pour dire qui a gagné. Et donc, ce ne sont que des promesses pour dire qu’ils vont faire plein de choses, et après, salut, et on ne les revoit plus, seulement aux informations pour dire qu’ils ont volé beaucoup d’argent et qu’il ne va rien leur arriver parce que la loi, que ces mêmes politiques ont faite, les protège. Parce que c’est ça le problème, c’est que la Constitution est complètement trafiquée et changée. Ça n’est plus celle des droits et des libertés du peuple travailleur, mais celle des droits et des libertés des néolibéralistes pour obtenir leurs grands profits. Et les juges sont là pour servir ces néolibéralistes, parce qu’ils les défendent toujours, et ceux qui ne sont pas riches ont droit aux injustices, aux prisons, aux cimetières. Bon et bien même malgré cette confusion que font régner les néolibéralistes, il y a des Mexicains et des Mexicaines qui s’organisent, luttent et résistent. Et ainsi nous avons su qu’il y a des indigènes, que leurs terres sont loin d’ici, du Chiapas, et qu’ils sont autonomes et défendent leur culture et prennent soin de la terre, des forêts, de l’eau. Et il y a des travailleurs de la campagne, des paysans donc, qui s’organisent et font des manifestations et des mobilisations pour exiger des crédits et des soutiens à l’agriculture. Et il y a des travailleurs de la ville qui ne permettent pas qu’on leur retire leurs droits ou qu’on privatise leur travail, mais protestent et se manifestent pour qu’on ne leur retire pas le peu qu’ils ont et qu’on ne retire pas au pays ce qui est à lui de fait, comme l’électricité, le pétrole, la sécurité sociale, l’éducation. Et il y a des étudiants qui ne permettent pas qu’on privatise l’éducation et luttent pour qu’elle soit gratuite et populaire et scientifique, autrement dit qu’elle ne soit pas payante, que tout le monde puisse apprendre, et que dans les écoles on n’enseigne pas de stupidités. Et il y a des femmes qui ne permettent pas qu’on les traite comme des objets ou qu’on les humilie et les méprise simplement parce qu’elles sont des femmes, mais s’organisent et luttent pour le respect qu’elles méritent en tant que femmes. Et il y a des jeunes qui n’acceptent pas qu’on les abrutisse avec les drogues ou qu’on les harcèle pour leurs manières d’être, mais prennent conscience avec leur musique et leur culture, leur rébellion en fait. Et il y a des homosexuels, lesbiennes, transsexuels et beaucoup d’autres pratiques, qui n’acceptent pas qu’on se moque d’eux, et les méprise, et les maltraite, et parfois les tue parce qu’ils ont une pratique différente, et qu’on les traite d’anormaux ou de délinquants, mais s’organisent pour défendre leur droit à la différence. Et il y a des prêtres et des religieuses et ceux qu’on appelle les séculiers, qui ne sont ni avec les riches ni résignés dans la prière, mais s’organisent pour accompagner les luttes des peuples. Et il y a ceux qu’on appelle les combattants sociaux, qui sont des hommes et des femmes qui ont passé toute leur vie à lutter pour le peuple exploité, et ce sont les mêmes qui participent aux grandes grèves et aux actions ouvrières, aux grandes mobilisations citoyennes, aux grands mouvements paysans, et qui ont souffert les grandes répressions, et quoi qu’il en soit, bien que certains soient âgés, ils ne renoncent pas, et vont de tous côtés cherchant la lutte, l’organisation, la justice et mettent en place des organisations de gauche, des organisations non gouvernementales, des organisations des droits humains, des organisations de défense des prisonniers politiques et de retour des disparus, des publications de gauche, des organisations d’enseignants ou d’étudiants, autrement dit la lutte sociale, et même des organisations politico-militaires, et ils ne s’arrêtent jamais, et savent ils en beaucoup parce qu’ils ont beaucoup vu, et entendu, et vécu, et lutté. Et ainsi en général, nous voyons que dans notre pays, qui s’appelle le Mexique, il y a beaucoup de gens qui ne se laissent pas faire, qui ne se rendent pas, qui ne se vendent pas. Autrement dit, des gens dignes. Et nous sommes très contents et heureux parce que, avec tous ces gens, les néolibéralistes ne vont pas gagner si facilement, et peut-être que nous arriverons à sauver notre patrie des grands vols et destructions qu’ils réalisent. Et nous espérons que notre "nous" pourra inclure toutes ces rebellions... V. CE QUE NOUS VOULONS FAIRE Bien, alors maintenant nous allons vous dire ce que nous voudrions faire dans le monde et au Mexique, parce que nous sommes incapables de nous taire, sans plus, devant tout ce qui se passe sur cette planète, comme s’il n’y avait que nous qui étions là où nous en sommes. Alors dans le monde, nous voulons dire à vous tous qui résistez et luttez à votre façon et dans votre pays que vous n’êtes pas seuls et que nous, les zapatistes, même si nous sommes tout petits, nous vous soutenons et nous allons chercher un moyen de vous aider dans vos luttes et de parler avec vous pour apprendre, parce que s’il y a bien une chose que nous avons apprise, c’est à apprendre. Et nous voulons dire aux peuples latino-américains que nous sommes fiers d’être des leurs, même si nous n’en sommes qu’une petite partie. Et que nous nous rappelons parfaitement comment ce continent a brillé, il y a des années de cela, et qu’une lumière s’appelait Che Guevara, comme auparavant elle s’était appelé Bolivar, parce que parfois les peuples se saisissent d’un nom pour dire qu’ils se saisissent d’un étendard. Et nous voulons dire au peuple de Cuba, qui résiste depuis si longtemps sur son chemin, qu’il n’est pas seul et que nous ne sommes pas d’accord avec le blocus dont il est victime et que nous allons chercher un moyen de lui envoyer quelque chose, même si ce n’est que du maïs, pour l’aider à résister. Et nous voulons dire au peuple nord-américain que nous ne sommes pas naïfs et que nous savons que leurs mauvais gouvernements sont une chose, et que les Nord-Américains qui luttent dans leur pays et se solidarisent avec les luttes d’autres pays sont une chose très différente. Et nous voulons dire aux frères et aux sœurs mapuche du Chili que nous connaissons leur lutte et que nous apprenons d’elle. Et à ceux et celles du Venezuela que nous trouvons que c’est bien la manière dont ils défendent leur souveraineté, autrement dit le droit de leur nation à décider du chemin qu’elle veut emprunter. Et nous voulons dire aux frères et aux sœurs indigènes d’Équateur et de Bolivie qu’ils sont en train de donner une belle leçon d’histoire, à nous et à l’Amérique latine tout entière, parce que pour une fois on parvient à stopper la mondialisation néolibérale. Et nous voulons dire aux piqueteros et aux jeunes d’Argentine, simplement, que nous les aimons. Et à ceux d’Uruguay qui veulent un meilleur pays que nous les admirons. Et à ceux qui sont sans terre au Brésil que nous les respectons. Et à tous les jeunes d’Amérique latine que ce qu’ils font est très bien et qu’ils nous donnent beaucoup d’espoir. Et nous voulons dire aux frères et aux sœurs de l’Europe sociale, autrement dit l’Europe digne et rebelle, qu’ils ne sont pas seuls. Que nous nous réjouissons de leurs grands mouvements contre les guerres néolibérales. Que nous observons attentivement leurs formes d’organisation et leurs formes de lutte pour en apprendre éventuellement quelque chose. Que nous cherchons un moyen de soutenir leurs luttes et que nous n’allons pas leur envoyer des euros, pour qu’après ils soient dévalués à cause de l’effondrement de l’Union européenne, mais que nous allons peut-être leur envoyer de l’artisanat et du café, pour qu’ils les commercialisent et en tirent quelque chose pour les aider dans leurs luttes. Et que peut-être que nous leur enverrons du pozole, ça donne des forces pour résister, mais qu’après tout il est possible que nous ne leur envoyions pas, parce que le pozole c’est quelque chose bien de chez nous et qu’il ne manquerait plus qu’ils attrapent mal au ventre et qu’après leurs luttes s’en ressentent et qu’ils soient vaincus par les néolibéralistes. Et nous voulons dire aux frères et sœurs d’Afrique, d’Asie et d’Océanie que nous savons qu’eux aussi luttent et que nous voulons en savoir plus sur leurs idées et sur leurs pratiques. Et nous voulons dire au monde que nous voulons le faire plus grand, si grand que puissent y avoir leur place tous les mondes qui résistent parce que les néolibéralistes veulent les détruire et qu’ils ne se laissent pas faire mais luttent pour l’humanité. Alors, au Mexique, nous voulons arriver à un accord avec des personnes et des organisations de gauche, uniquement, parce que nous pensons que ce n’est au sein de la gauche politique que l’on trouve la volonté de résister à la mondialisation néolibérale et de construire un pays où tout le monde jouisse de la justice, de la démocratie et de la liberté. Et non comme maintenant où la justice n’existe que pour les riches, où la liberté n’existe que pour leurs grands négoces et où la démocratie n’existe que pour couvrir les murs de propagande électorale. Et aussi parce que nous pensons que c’est uniquement de la gauche que peut surgir un plan de lutte pour que notre patrie, c’est-à-dire le Mexique, ne meure pas. Et alors, ce à quoi nous avons pensé, c’est de dresser avec ces personnes et organisations de gauche un plan pour aller partout au Mexique où il y a des gens humbles et simples comme nous. Et nous n’allons pas aller leur dire ce qu’ils doivent faire, autrement dit leur donner des ordres. Nous n’allons pas non plus leur demander de voter pour tel ou tel candidat, nous savons parfaitement qu’ils sont tous partisans du néolibéralisme. Nous n’allons pas non plus leur dire qu’ils fassent comme nous ou qu’ils prennent les armes. Non, ce que nous allons faire, c’est leur demander comment ils vivent, comment est leur lutte, ce qu’ils pensent de notre pays et comment faire ensemble pour ne pas être vaincus. Ce que nous allons faire, c’est aller chercher la pensée des gens simples et humbles comme nous et peut-être que nous y trouverons le même amour pour nous ressentons pour notre pays. Et peut-être que nous arriverons à un accord entre gens simples et humbles et qu’ensemble nous nous organiserons dans tout le pays et que nous mettrons d’accord nos luttes qui restent isolées, loin les unes des autres, et que nous trouverons une sorte de programme qui réunisse tout ce que tout le monde veut, et un plan pour savoir comment faire que ce programme, appelé "programme national de lutte", atteigne ses objectifs. Et alors, en accord avec la majorité des gens que nous allons écouter, eh bien, nous pourrions faire une lutte de tout le monde : des indigènes, des ouvriers, des paysans, des étudiants, des professeurs, des employés, des femmes, des enfants, des anciens et des hommes et avec toutes les personnes au cœur bon qui auront envie de lutter pour que ne soit pas détruit et vendu notre pays, qu’on appelle "le Mexique" et qui va du Rio Bravo au Rio Suchiate et qui est bordé, d’un côté, par l’océan Pacifique, et de l’autre, par l’océan Atlantique. VI. COMMENT NOUS ALLONS LE FAIRE Alors voilà notre parole simple, qui s’adresse aux gens humbles et simples du Mexique et du monde et que nous appelons en cette occasion : Sixième Déclaration de la forêt Lacandone. Et nous voici venus pour dire, avec notre parole simple, que... L’EZLN renouvelle ses engagements concernant le maintien du cessez-le-feu offensif et elle ne lancera aucune attaque contre les forces gouvernementales et n’effectuera aucun mouvement de troupes offensif. L’EZLN renouvelle ses engagements concernant la poursuite de ses activités dans le cadre de la lutte politique, avec l’initiative pacifique actuelle. Par conséquent, l’EZLN maintient sa volonté de n’entretenir aucune sorte de relation secrète avec des organisations politico-militaires mexicaines ou d’autres pays. L’EZLN renouvelle ses engagements concernant la défense, le soutien et l’obéissance aux communautés indigènes zapatistes qui la constituent ainsi qu’à leur commandement suprême, et, sans interférer avec leurs méthodes démocratiques internes et dans la mesure de ses possibilités, elle contribuera au renforcement de leur autonomie, de leur bon gouvernement et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Autrement dit, ce que nous allons faire au Mexique et dans le monde, nous le ferons sans armes, dans le cadre d’un mouvement civil et pacifique, et sans négliger ni cesser de soutenir nos communautés. Par conséquent... Dans le monde... 1. Nous établirons plus de relations respectueuses et de soutiens mutuels avec des personnes et des organisations qui résistent et luttent contre le néolibéralisme et pour l’humanité. 2. Dans la mesure de nos possibilités, nous fournirons des aides matérielles, des aliments et de l’artisanat aux frères et sœurs qui luttent dans le monde entier. Pour commencer, nous allons demander au Conseil de bon gouvernement de La Realidad de nous prêter le camion baptisé "Chompiras", d’une capacité d’environ 8 tonnes, et nous allons le remplir de maïs et si possible de deux bidons de 200 litres chacun rempli d’essence ou de pétrole, selon les besoins, que nous allons livrer à l’ambassade de Cuba à Mexico, pour qu’elle le fasse parvenir au peuple cubain en tant que soutien des zapatistes à sa résistance au blocus nord-américain. Mais s’il y avait un endroit plus près où livrer, ce ne serait pas plus mal, parce qu’il faut toujours aller jusqu’à Mexico qui est bien loin et il n’est pas impossible que "Chompiras" rende l’âme et alors on n’en mènerait pas large. Et de toute façon, ce ne serait pas avant la récolte et si on ne nous attaque pas, parce que tout est encore vert dans la milpa et que si nous l’envoyons maintenant, ce sera de l’élote qui n’arriverait pas en bonnes conditions, même sous forme de tamales. Ce serait mieux en novembre ou en octobre, au choix. Et nous allons aussi nous mettre d’accord avec des coopératives d’artisanat de femmes pour pouvoir envoyer une bonne cargaison de vêtements brodés aux Europes, qui ne seront peut-être plus une Union, et puis peut-être aussi du café écologique des coopératives zapatistes, pour qu’elles puissent le vendre et avoir un peu de sous pour leur lutte. Et s’il ne se vend pas, elles pourront toujours se faire un petit café et causer de la lutte antinéolibérale, et s’il fait froid, elles pourront se couvrir avec les tissus brodés zapatistes, qui résistent parfaitement au lavage à la main et à la pierre et qui ne déteignent pas, en plus. Et nous allons aussi envoyer aux frères et sœurs indigènes de Bolivie et d’Équateur un peu de maïs non transgénique. Il y a juste que nous ne savons pas où le livrer pour qu’il arrive en de bonnes mains, mais nous aimerions vraiment fournir cette petite aide. 3. Et nous disons à tous ceux et à toutes celles qui résistent dans le monde entier qu’il faut organiser d’autres rencontres intercontinentales, même si ce n’est qu’une seule de plus. En décembre ou en janvier prochain, peut-être, il faudrait y penser. Nous ne voulons pas fixer de date, parce qu’il s’agit de faire les choses en se mettant tous d’accord sur où, comment et qui. Mais il ne faudrait pas que ce soit ce genre de rencontre avec estrades où il n’y en a que quelques-uns qui parlent pendant que les autres écoutent, mais une rencontre sans formalités, tout le monde sur le même plan et tout le monde parle. Avec un peu d’ordre quand même, parce que, sinon, c’est rien que du bruit et on ne comprend rien à ce qui est dit, alors qu’avec un peu d’organisation tout le monde écoute et peut prendre note des paroles de résistance des autres pour pouvoir les rapporter à leurs compañeros et compañeras dans leur propre monde. Et nous avons pensé que ça pourrait se faire dans un endroit où il y a une grande prison, pour le cas où il y aurait de la répression et qu’on nous emprisonne et, comme ça, nous ne serions pas entassés les uns sur les autres. En prison, soit, mais bien organisés, et nous pourrions continuer en prison la rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme. Alors, plus loin nous allons vous dire comment faire pour nous mettre d’accord sur la manière de se mettre d’accord. Enfin, en tout cas, c’est comme ça que nous pensons faire ce que nous voulons faire dans le monde. Mais d’abord... Au Mexique... 1. Nous allons continuer à lutter pour les peuples indiens du Mexique, et plus seulement pour eux ni rien qu’avec eux, mais aussi pour tous les exploités et les dépossédés du Mexique, avec eux tous et dans l’ensemble du pays. Et quand nous parlons de tous les exploités du Mexique, nous parlons aussi des frères et sœurs qui ont dû partir aux Etats-Unis chercher du travail pour pouvoir survivre. 2. Nous allons aller écouter et parler directement, sans intermédiaires ni médiations, avec les gens simples et humbles du peuple mexicain et, en fonction de ce que nous entendrons et apprendrons, nous élaborerons, avec ces gens qui sont, comme nous, humbles et simples, un programme national de lutte. Mais un programme qui soit clairement de gauche, autrement dit anticapitaliste et antinéolibéral, autrement dit pour la justice, la démocratie et la liberté pour le peuple mexicain. 3. Nous allons essayer de construire ou de reconstruire une autre façon de faire de la politique, une façon qui renoue avec l’esprit de servir les autres, sans intérêts matériels et avec sacrifice, en consacrant son temps et avec honnêteté, en respectant la parole donnée et avec pour seule paye la satisfaction du devoir accompli. Autrement dit, comme le faisaient auparavant les militants de gauche que rien n’arrêtait, ni les coups, ni la prison, ni la mort, et encore moins des dollars. 4. Nous allons aussi essayer de faire démarrer une lutte pour exiger une nouvelle Constitution, autrement dit des nouvelles lois qui prennent en compte les exigences du peuple mexicain, à savoir : logement, terre, travail, alimentation, santé, éducation, information, culture, indépendance, démocratie, justice, liberté et paix. Une nouvelle Constitution qui reconnaisse les droits et libertés du peuple et qui défende le faible contre le puissant. DANS CE BUT... L’EZLN enverra une délégation de sa direction pour accomplir cette tâche sur l’ensemble du territoire mexicain et pour une durée indéterminée. Cette délégation zapatiste se rendra aux endroits où elle sera expressément invitée, en compagnie des organisations et des personnes de gauche qui auront souscrit à cette Sixième Déclaration de la forêt Lacandone. Nous informons à l’avance que l’EZLN mènera une politique d’alliances avec des organisations et des mouvements non électoralistes qui se définissent, en théorie et en pratique, comme des mouvements et organisations de gauche, aux conditions suivantes : Non à des accords conclus en haut pour imposer en bas, mais oui à conclure des accords pour aller ensemble écouter et organiser l’indignation ; non à créer des mouvements qui soient ensuite négociés dans le dos de ceux qui y participent, mais oui à toujours tenir compte de l’opinion des participants ; non à la recherche de récompenses, de promotion, d’avantages, de postes publics, du pouvoir ou de qui aspire au pouvoir, mais oui à outrepasser les calendriers des élections ; non à essayer de résoudre d’en haut les problèmes de notre pays, mais oui à la construction PAR LE BAS ET POUR EN BAS d’une alternative à la destruction néolibérale, une alternative de gauche pour le Mexique. Oui au respect réciproque de l’autonomie et de l’indépendance d’organisations, à leurs formes de lutte, à leur façon de s’organiser, à leurs méthodes internes de prises de décision, à leurs représentations légitimes, à leurs aspirations et à leurs exigences ; et oui à un engagement clair et net de défense conjointe et coordonnée de notre souveraineté nationale, par conséquent avec une opposition sans concessions aux tentatives de privatisation de l’énergie électrique, du pétrole, de l’eau et des ressources naturelles. Autrement dit, nous invitons comme qui dirait les organisations poli
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