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Reléguer la pauvreté à l’histoire? Reléguer le capitalisme à l’histoire!

Anonyme, Mercredi, Juillet 6, 2005 - 17:29

Steve Trembaly

Bon nombre de ceux qui liront ceci se considèrent aussi comme des « anti-capitalistes ». Plusieurs auront pris part au mouvement anti-mondialisation de ces dernières années. Plusieurs comprennent que les causes de la pauvreté mondiale proviennent des lois du système capitaliste lui-même.

Il ne fait pas de doute que la pauvreté mondiale est une des plus grandes obscénités de notre temps. Dans ce monde d’abondance, 30 000 enfants meurent de faim à chaque jour. Un milliard d’individus, le sixième de la population mondiale, vit avec moins d’un dollar par jour. Un tiers de la population du monde vit avec moins d’une livre sterling quotidiennement. Et l’ampleur de la pauvreté augmente partout sur la planète. La pauvreté ne se situe pas seulement en Afrique, en Asie, ou en Amérique Latine, mais aussi dans les pays les plus riches du globe. En Grande-Bretagne, entre 1979 et 1995, les dix pourcents les plus riches du pays ont vu leur revenu augmenté de 70%, tandis que le revenu des dix pourcents les plus pauvres chutait de 10%. Et ce ne sont-là que les chiffres officiels du Département de Travail et des Pensions. Aujourd’hui, au moment l’État Providence subit des coupures, le nombre d’individus dépendants de revenus sociaux atteint des niveaux records.

Nous ne doutons pas que la plupart de ceux et de celles qui prennent part à la campagne anti-G8 sont sincèrement intéressés à combattre ces problèmes. Mais pensez-y une minute. « Reléguer la pauvreté à l’histoire » est un slogan avec lequel pratiquement personne ne peut être en désaccord. C’est un slogan tellement anodin que certains ministres gouvernementaux tel que Gordon Brown se sont rangés du côté de cette campagne. Celui-ci espère gagner en popularité en élaborant des plans de « rémission de la dette » pour l’Afrique, etc. Le slogan est soutenu par les Églises, et dirigé par une Église Catholique condamnant les prêtres qui cherchent à combattre la pauvreté en Amérique Latine; par les syndicats qui ont laissé tomber leurs membres; par les milliers d’organisations charitables qui promeuvent la religion; et par toute une panoplie de pop stars vieillissantes, qui ne semblent pas se rendre compte que le fait de « fêter contre la pauvreté » a une allure quelque peu ridicule. Aucune de ces personnes n’esquisse ne serait-ce qu’une critique minimale du système qui génère cette pauvreté, et leurs « solutions » sont franchement utopiques.

La crise mondiale

La pauvreté globale a augmenté de façon dramatique depuis 1970, lorsque le boom d’après-guerre s’est terminé. Ce n’est rien de nouveau sous le régime capitaliste. La loi tendancielle de la baisse du taux de profit signifie qu’à un certain point, le cycle d’accumulation stagne ou finit par s’arrêter. Lorsqu’il en est ainsi, seule une dévaluation massive des valeurs existantes du capital peut faire redémarrer l’accumulation. Au cours du 20ème siècle, les deux Guerres mondiales en furent les conséquences.
Aujourd’hui, nous avons connu plus de trente années de stagnation et le système n’a réussi qu’à se traîner au travers d’une accumulation de dettes massives, tant publiques que privés. Les États capitalistes individuels ont tenté de réduire leurs déficits en coupant dans les dépenses sociales mais ne peuvent les supprimer entièrement sans provoquer un effondrement social. Alors, le nouveau stratagème est de faire en sorte que tous les gens achètent de plus en plus de marchandises inutiles avec de l’argent qu’ils ne possèdent pas. C’est ce qui provoque le gargantuesque niveau de dette personnelle en Occident, puisque les travailleurs occidentaux achètent les marchandises à prix réduits provenant des « sweat shops » d’un peu partout à travers le monde. À la périphérie du système, l’exploitation massive est parfois accompagnée par l’esclavage pur et simple que subissent 100 millions de prolétaires travaillant pour presque rien. Les travailleurs et les travailleuses du monde entier produisent les marchandises contenant la valeur de leur force de travail qui leur a été arrachée. Puisque les capitalistes ne leur rendent jamais rien qui puisse ressembler à cette valeur en salaire, ces travailleurs et ces travailleuses deviennent de plus en plus pauvres.

Le commerce équitable est un leurre

Dans les rapports internationaux, les pays les plus riches continueront de faire payer les coûts de la crise aux pays les plus pauvres. En termes simples, cela est dû au fait que les capitalismes les plus développés bénéficient de la compétition pour produire des biens à bas prix, à des salaires misérables, tandis que, plus un pays appauvri comme le Mali s’intègre dans le capitalisme global, plus ses paysans et ses travailleurs ruraux iront rejoindre les rangs des sans-emploi. C’est une loi de fer du capitalisme. Sous le capitalisme, le concept de « commerce équitable », si cher à la campagne « Reléguer la pauvreté à l’histoire » est donc une blague cruelle.
Le concept d’abolition de la dette représente l’autre face de la même médaille. Brown a proposé que 21 pays africains soient soulagés de leur dette à 100%. Cela semble généreux, jusqu’à ce que l’on réalise que cette proposition fait partie d’une manoeuvre britannique visant à affaiblir les intérêts stratégiques de d’autres anciens États coloniaux en Afrique. Et il y a des pièges. Les pays recevant une telle aide sont forcés d’adopter des plans de restructuration qui les enchaîneront encore davantage aux États dominants ou impérialistes.

Le FMI et la Banque Mondiale représentent les intérêts de ces États, et conséquemment, ils n’offrent jamais de prêts à moins que les pays pauvres en question ne se débarrassent des lois qui pourraient protéger (même inadéquatement) les travailleurs locaux.
Un dernier petit stratagème du système est ce qu’on appelle l’« aide ». L’Unicef voudrait que les pays riches donnent 0.7% de leur revenu national brut en tant qu’aide au monde en voie de (non) « développement ». L’aide, cependant, fait aussi partie du racket. Aucune aide n’est accordée sans les chaînes qui l’accompagnent. Ou bien les pays récepteurs doivent concéder les droits commerciaux de leurs monocultures locales, ou bien l’argent qu’ils reçoivent ne peut être utilisé que pour acheter des biens provenant des « pays donateurs ». Ces « biens » sont, dans la vaste majorité des cas, des armes qui seront utilisés contre la population locale. D’où la domination du militaire dans ces États.

On a récemment fait beaucoup de cas dans la presse britannique du fait que l’ « aide » a été appropriée par des régimes militaires corrompus. En fait, juste ce mois-ci, la commission anti-corruption nigériane a démontré que les dictateurs militaires corrompus ont soutiré au pays quelques 220 milliards de dollars depuis l’indépendance en 1960, l’équivalent de toute l’ « aide » qu’a reçu l’Afrique subsaharienne dans cette même période. Mais qui furent ces dictateurs? Les même officiers qui ont été entraînés à la Sandhurst Military Academy, parce que les britanniques souhaitaient contrôler l’armée nigériane, sachant qu’en retour, cela signifierait contrôler le pays.

L’impérialisme maintient sa poigne

Ce n’est pas une surprise. Il n’y a pas grand chose qui se passe en Afrique qui ne soit la conséquence de l’ingérence de la concurrence impérialiste entre les États dominants de la planète. Même les massacres au Rwanda, voilà une décennie, furent un résultat direct de la situation qu’ont laissé là l’impérialisme et le colonialisme. En usant de la division pour mieux régner, la Belgique put contrôler le territoire. La minorité tutsi fut promue contre la majorité hutue. Quand la Belgique se retira, les Tutsis prirent la place de leurs maîtres coloniaux. L’ensemble de l’ordre impérialiste mondial – qui se dissimule sous l’euphémisme agréable de « communauté mondiale » – savait depuis un an que les massacres des Tutsis par les Hutus étaient en train d’être planifiés. Non seulement elle ne fit rien pour les prévenir, mais elle fit tout pour encourager les massacres en retirant des troupes. Et lorsque le massacre hutu commença, la seule façon dont les Tutsis purent être identifiés se résumait aux cartes d’identité qu’ils transportaient et sur lesquelles les Belges avaient inscrit leur origine tribale. Le résultat fut la mort d’un million de personnes. Le monde observa tandis que les pouvoirs impérialistes attendirent pour voir ce qui les avantagerait le mieux.

Certaines personnes pensent que l’ « impérialisme » n’est qu’un mot, une invention de quelques vieux marxistes fous, qui refusent d’accepter que le capitalisme soit le meilleur système dans ce meilleur des mondes possibles. En Afrique, en Asie, et en Amérique Latine, c’est loin d’être une abstraction puisque les habitants savent très bien que leurs vies sont ruinées quotidiennement par cette réalité.

La seule alternative au capitalisme

Voilà les bases matérielles du système. Le capitalisme dépend de la paupérisation croissante de la majorité pour accroître les richesses de la minorité. Ils ne sera pas ébranlé par des concerts pop ou par des manifestations légales (comme les 2 millions de personnes qui manifestèrent le 15 février 2003, contre la guerre en Irak le savent bien aujourd’hui), et l’envoi de lettres à Tony Blair ne touchera pas la conscience de notre classe dirigeante. Il ne sera pas transformé non plus par les quelques acrobaties dramatiques, mais ultimement futiles de l’aile dite « Dissent » de la campagne.

Bon nombre de ceux qui liront ceci se considèrent aussi comme des « anti-capitalistes ». Plusieurs auront pris part au mouvement anti-mondialisation de ces dernières années. Plusieurs comprennent que les causes de la pauvreté mondiale proviennent des lois du système capitaliste lui-même. Plusieurs veulent une société dans laquelle toutes les hiérarchies sont anéanties, et que le monde soit orienté en fonction des besoins et du bien-être de tout ceux et celles qui l’habitent. Mais ceci pose une question difficile. Quelle est l’alternative? Les gens qui ont lancé la campagne « Reléguer la pauvreté à l’histoire» ne sont intéressés par aucune alternative. Ils souhaitent préserver le capitalisme. Ils veulent seulement que nous ayons l’impression que avons fait notre part pour que le capitalisme devienne plus « humain », plus « éthique ». En d’autres mots, ils ne soutiennent vraiment pas du tout une confrontation efficace avec les causes de la pauvreté.

L’histoire ne nous offre qu’un nombre limité d’options. Si ce n’est pas le capitalisme, alors quoi d’autre? Et bien, les bases existent déjà pour une alternative à ce système basé sur le profit et l’exploitation du travail salarié. Le capitalisme a développé les moyens de créer une société globale fondée sur la coopération humaine et la planification rationnelle : Une société qui pourrait décider que le coût est sans importance lorsqu’il s’agit de prendre des décisions environnementales ou humanitaires. Une telle société serait en mesure d’accomplir tout cela parce qu’elle aurait aboli l’argent, le moyen d’échange qui permet au capitaliste de nous voler les fruits de notre labeur. De plus, elle n’aurait aucune frontière nationale, aucune rivalité nationale, et aucune classe dirigeante préoccupée de s’accrocher aux richesses que l’on a produites pour elle. La planète est assez riche pour assurer une vie décente et même abondante à tous ses habitants, mais pas avant que les relations sociales antagoniques qui permettent aux riches de fomenter des guerres, des famines et des lois injustes, ne soient renversées.

Un tel système n’a qu’un nom : le « communisme ». Et par ce terme nous ne nous référons pas au système qui gouverna l’URSS sous Staline et ses héritiers. À dire vrai, une telle société était aussi loin de l’idée du communisme qu’il est possible de l’être. Cela prendra un certain temps avant que le mythe que le stalinisme était le communisme ne disparaisse, mais un jour, ce mythe appartiendra effectivement au passé. De la même façon, la crise capitaliste provoquera sans aucun doute partout, une reprise de la lutte collective des prolétaires. Puisque nous produisons la richesse de ce monde, nous avons le potentiel de le changer. Une fois que tous les travailleurs et les travailleuses du monde deviendront conscients de leur pouvoir et de leur objectif d’une société sans classe, sans argent, et sans État, alors plus rien ne pourra nous arrêter.

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous, nous avons un monde à gagner.

Tract distribué par la Communist Workers Organisation, section britannique du BIPR, à l’occasion du Sommet du G8 à Gleneagles, en Écosse.

Groupe Internationaliste Ouvrier, section canadienne du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire
Courriel: can...@ibpr.org

www.ibrp.org


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