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Au-delà du caca : I have a dreamsteph, Jeudi, Avril 7, 2005 - 16:38
Quelques étudiants de l'UQAM
À l'heure actuelle, plus de soixante-quinze mille étudiantes et étudiants ont reconduit la grève malgré l'entente de principe annoncée samedi le 2 avril entre les représentantes et représentants de la FEUQ/FECQ et le gouvernement. Globalement, cette grève étudiante illustre les tensions engendrées par les politiques néolibérales qui ont notamment précipité le démantèlement de l'État providence. Comment comprendre la reconduite de la grève étudiante à la suite de l'entente négociée sans nous avec le gouvernement ? Guidés par des objectifs d'efficacité à court terme, comme le déficit zéro, les gouvernements successifs dans la foulée de l'ère Mulroney transforment inexorablement les institutions dont s'est doté le Québec depuis plusieurs décennies. Le Parti québécois, autant que le Parti libéral du Québec, par la voix de leurs dirigeants conservateurs Lucien Bouchard et Jean Charest, ont établi des politiques qui ont progressivement grugé de nombreux acquis sociaux. Dans le conflit actuel, le simple fait de contester le paradigme économique dominant nous ostracise. Grâce au mouvement de grève, des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens ont davantage pris conscience de leur rôle dans l'élaboration de politiques éducationnelles et dans la définition d'un projet de société. Dans ce contexte, l'entente négociée est irrecevable. Notre mécontentement demeure et nous voulons en discuter avec nos élu-es. Nos revendications vont bien au-delà de l'immédiateté médiatique et nous sommes conscientes et conscients qu'afin de transformer en profondeur la société notre vision a besoin de temps pour se réaliser. Qui sont ces étudiantes et ces étudiants qui ont reconduit la grève ? « L'aile la plus radicale des grévistes », nous informent les médias. Radical : « qui tient à l'essence, au principe d'une chose, d'un être, au sens de fondamental, complet, drastique, absolu » (Petit Robert I, 1989). Le mot est lancé, jeté en pâture au grand public qui l'assimile un peu trop rapidement à de l'extrémisme, à de l'anarchisme, à de la violence. Aborder un mouvement, un phénomène, par ses extrêmes s'avère inéluctablement réducteur. Au-delà de ce refus de négocier avec une coalition ne désavouant pas le recours aux actions présumées « violentes », nous voyons un gouvernement qui discrédite des perspectives plus radicales mettant en lumière le saupoudrage de ressources, la vision à court terme et la superficialité de ses décisions. Que nous apporte cette perspective radicale ? Elle nous permet de considérer la globalité du problème, la vision du monde portée par les revendications de la CASSÉE. Québécoises, Québécois, pourquoi refuser ce débat de société qui réclamerait que l'éducation ne soit ni un privilège, ni une marchandise ? Dans une perspective de compressions budgétaires contestables, le gouvernement Charest impose une réforme dont la finalité est d'arrimer le système d'éducation aux intérêts des grandes corporations. Cette « réingénierie » encourage la consommation du savoir bien plus que le développement d'un esprit critique et d'un apprentissage civique. La question que nous nous posons est plus large que le débat comptable auquel nous avons été confrontés depuis le début de cette grève : Quelle est la place de l'éducation dans notre société ? L'éducation est un droit. Comment, dès lors, accepter que nos dirigeantes et dirigeants monnaient le système d'éducation comme une vulgaire marchandise ? Au nom de qui le gouvernement actuel se permet-il de sabrer dans le bien commun qu'est notre système d'éducation ? Nos revendications n'ont pas changé depuis le début de cette grève. Tout le monde connaît notre première revendication, dont le chiffre de 103 millions $ a monopolisé l'attention. Nous demandons l'abolition de la dernière réforme de l'Aide financière aux études, véritable saignée dans le régime de prêts et bourses. L'entente de principe conclue à huis clos n'amène aucun réinvestissement du gouvernement provincial depuis la première proposition du 15 mars, et de ce point de vue là, constitue déjà une insulte. De plus, en refusant de parler de projet de société pour demeurer sur le terrain confortable de la comptabilité, cette entente ignore totalement notre deuxième revendication. Parce que nous condamnons une vision consumériste de l'éducation, nous demandons l'arrêt de tout projet de décentralisation qui ouvrirait la voie à une éventuelle privatisation des cégeps. Cette orientation causerait une inégalité dans la valeur des diplômes émis par les différentes institutions collégiales. N'oublions pas que la professionnalisation des programmes et l'arrimage au marché du réseau collégial réduiraient davantage la formation citoyenne et critique nécessaire à la vie démocratique. La perspective de la gratuité scolaire doit être discutée pour élargir et enrichir le débat et pour enrayer la dérive que constituerait notamment le dégel des frais de scolarité, la multiplication des frais afférents et l'assujettissement des fonds de recherche aux impératifs du marché. Si nous nous battons aujourd'hui, c'est pour compléter l'oeuvre inachevée de nos parents qui ont rêvé d'une société juste et équitable dans laquelle la fille du médecin et le fils de l'ouvrier allaient pouvoir jouir des mêmes perspectives d'avenir. Nous revendiquons ces mêmes perspectives pour les générations futures. Trop longtemps nous avons entendu que les jeunes se désintéressent des questions politiques, qu'elles et ils sont égoïstes et mal informé-es. Prêtons l'oreille à ce mouvement, car le rejeter sur la base d'un présumé caca dont tout le monde parle serait indigne d'une nation ouverte et tolérante. Judith Beaulieu Étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat en communications à l'UQÀM, membres de l'AFELLC, membres de la CASSÉE.
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