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Mise au point au sujet de l’Aide financière aux études au Québec

Martin Petit, Vendredi, Avril 1, 2005 - 15:53

Martin Petit, IRIS

Les enjeux liés au transfert de 103 millions $ de bourses en prêts imposé dernièrement par le gouvernement Charest font souvent l’objet de comparaisons entre les provinces canadiennes et même certain pays d’Europe. Ces comparaisons comportent toutefois un sérieux biais méthodologique puisque l’évolution des frais de scolarité ainsi que l’aide financière accordée ailleurs ne dépeignent pas la même réalité socio-économique que la population étudiante vie au Québec. Observons l’évolution des sommes totales consacrées à l’Aide financière aux études (AFE) au Québec ces dernières années ainsi que les sommes versées par étudiantE recevant des bourses.

Au collégial public

Selon les statistiques publiées annuellement par l’AFE, entre 1994 et 2003, l’aide financière moyenne totale reçue par étudiant boursier au collégial public est passée de 5 439 $ à 5 336 $, ce qui signifie un appauvrissement de 103 $ en dix ans. Non seulement le gouvernement n’a pas indexé les montants d’aide financière qu’il versait au secteur collégial public mais l’aide financière totale versée lui coûte 86,9 millions $ de moins qu’il y a dix ans.
Du côté des universités, des 415,5 millions $ que le système coûtait en 1994, les sommes versées dans cette enveloppe sont passées à 361,8 millions $ en 2003, un recul de 53,7 millions $ en dix ans. Entre 1994 et 1995, l’aide financière totale moyenne versée aux boursiers universitaires est passée de 7 283 $ à 7 589 $ avant de redescendre à 7 537 $ huit ans plus tard. Comme dans le cas de l’aide financière versée au secteur collégial public, il est également clair que les sommes versées ne tiennent pas compte adéquatement des besoins financiers des étudiantEs pour arriver à boucler leur budget.

Au collégial privé subventionné

Dans la mesure où ces établissements sont reconnus à cette fin, les étudiantEs fréquentant les collèges privés subventionnés (Ex : Jean-de-Brébeuf) et les collèges privés dits « non-subventionnés » (Ex : Collège Delta) sont admissibles à l’AFE. Et parce que leurs frais de scolarité entrent dans le calcul de l’AFE consentie, les montants totaux versés sont généralement plus élevés que dans le secteur public. Dans la période de quinze ans séparant l’année 1990 et l’année scolaire 2004, les étudiantEs de ces deux catégories d’établissements ont reçu plus de 1,28 milliards $ en aide financière aux études. Voyons tout d’abord le portrait de l’aide financière versée dans les collèges privés subventionnés.
Il est intéressant de constater que, lorsqu’il s’agit du secteur privé et des frais de scolarité plus élevés inclus dans le calcul de l’AFE, le gouvernement n’hésite pas à donner l’argent aux étudiantEs afin que l’établissement privé recevant déjà une subvention de fonctionnement reçoive une autre partie de son budget de la part de sa clientèle. Même si l’enveloppe financière de ce secteur est moins élevée de 6,5 millions $ depuis dix ans, l’aide financière moyenne accordée aux boursiers est passée de 6 160 $ à 7 848 $ entre 1994 et 2003, une augmentation de 1 688 $. Les étudiantEs fréquentant les établissements collégiaux privés subventionnés ont reçu plus de 512 millions $ en aide financière aux études entre 1990 et 2004. Notons ici qu’actuellement, les établissements collégiaux privés subventionnés reçoivent annuellement environ 70 millions $ au total en subvention gouvernementales pour leur fonctionnement.

Au collégial privé «non-subventionné»

Après avoir versé 47,1 millions $ dans l’enveloppe destinée aux collèges privées dits « non-subventionnés » en 1994, le gouvernement a plus que doublé l’aide financière dirigée vers ces établissements privés en seulement quatre ans en portant la somme dégagée à 106,3 millions $ en 1998. Par la suite, une modification au niveau du programme a fait redescendre cette enveloppe pour qu’elle atteigne 27,2 millions $ en 2003.
En observant les montants d’aide totale moyenne, le constat de l’iniquité de l’aide financière entre le collégial public et privé crève les yeux. En 1994, l’aide financière moyenne accordée aux boursiers atteignait 13 080 $ et a poursuivi son augmentation jusqu’à 17 707 $ en 1999 avant de redescendre à 7 078 $ en 2003. Cette aide financière versée à leurs étudiantEs leur procure des subventions indirectes qui sont vitales pour ces établissements. En 15 ans, c’est tout de même près de 769 millions $ que l’aide financière a dégagé pour financer indirectement ces établissements dont la formation est plus que douteuse.
Plusieurs ex-étudiants ayant suivi une formation dans ces établissements ont déjà porté plainte aux Associations coopératives d’économie familiale (ACEF), sur des aspects troublants de leur formation. En mars 1998, la Fédération a publié un article dans la Revue Changements où on apprenait ceci : « La piètre qualité des formations, la sous-qualification et l’incompétence des professeurs, les manuels scolaires et les équipements informatiques désuets (...écoles de formation en informatique), l’insuffisance de matériel, les critères d’admission inadéquats, le coût élevé des formations en regard du diplôme obtenu (qui souvent n’est même pas reconnu par les employeurs), les fausses promesses d’emploi et de stages (les emplois offerts, lorsqu’il y en a, sont très souvent sous-qualifiés et à bas salaires). ». Alors que les diplômes du secteur public sont reconnus, il est tout de même surprenant de constater les sommes que le gouvernement verse aux établissements privés non-subventionnés.

L’accès à l’éducation : un choix de société

Malgré ce qu’avance le gouvernement Charest, les statistiques de l’AFE prouvent que l’aide financière aux études est nettement insuffisante pour couvrir les besoin de base des étudiantEs. Les faits prouvent également que les frais de scolarité collégiaux et universitaires sont plus bas ici que dans le reste du Canada mais souvent plus élevés que ce qui est exigé dans certains pays d'Europe.
Et si nous décidions collectivement que l’accès à l’éducation passe obligatoirement par un financement adéquat du système afin d’éviter les pièges de l’endettement? Un article signé par François Normand et publié dans le journal Les Affaires du 1er novembre 2003 nous révélait qu’au Québec, le gouvernement accorde environ 4 milliards $ en crédits fiscaux divers à des entreprises prospères. Cette information fort surprenante sortie directement de la bouche de Yves Séguin alors qu’il était ministre des Finances nous démontre sans aucun doute que le gouvernement favorise certaines orientations budgétaires au détriment d’un financement équitable des programmes sociaux. Force est de constater que des choix différents peuvent être faits. Il ne manque que la volonté politique et l’adoption d’orientations budgétaires allant en ce sens.

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