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En réponse au communiqué numéro 1, crise à la revue À Bâbord !: ça passe ou ça casse. La mort d’un rêveRichard Fecteau, Mardi, Mars 29, 2005 - 23:02
Alain Marcoux et Pierre Mouterde
Nous nous excusons cependant de la longueur de cette lettre. Mais devant l’abondance des courriels reçus laissant clairement voir que beaucoup se prononçaient sur une affaire dont ils ne connaissaient qu’une infime partie des tenants et aboutissants, nous avons cru bon revenir avec précision sur certains éléments de cette crise. En espérant que vous nous en serez gré et qu’ainsi vous serez mieux à même de comprendre ce qui s’est joué. Plus qu’une vulgaire chicane entre militants de gauche, c’est la mort d’un rêve, celui d’une revue pluraliste gérée sur le mode convivial et démocratique. Nous nous excusons cependant de la longueur de cette lettre. Mais devant l'abondance des courriels reçus laissant clairement voir que beaucoup se prononçaient sur une affaire dont ils ne connaissaient qu'une infime partie des tenants et aboutissants, nous avons cru bon revenir avec précision sur certains éléments de cette crise. En espérant que vous nous en serez gré et qu'ainsi vous serez mieux à même de comprendre ce qui s'est joué. Plus qu'une vulgaire chicane entre militants de gauche, c'est la mort d'un rêve, celui d'une revue pluraliste gérée sur le mode convivial et démocratique. Alain Marcoux Le projet À bâbord! Le projet À bâbord! est né en novembre 2002 de la rencontre de 4, (puis de 5 et 6) militants et amis férus de journalisme et de graphisme qui dans le sillage de la constitution de l'UFP souhaitaient voir naître un médium d'information permettant à la gauche québécoise en reconstitution de mieux se faire connaître et entendre. L'idée qui était au cœur de se projet était de créer une revue pluraliste réunissant différentes tendances de la gauche québécoise et leur offrant tout à la fois une agora de débat et un espace d'expression pour faire connaître leur proposition à un large public (voir OURS de la revue). Tel était notre rêve de départ : faire vivre une nouvelle revue pluraliste pour la gauche québécoise en reconstruction, une revue qui, sur le mode convivial, se ferait écho de tous les espoirs véhiculés par le mouvement altermondialiste : « Oui un autre monde est possible ! » Très vite le projet s'est avéré répondre à un véritable besoin : non seulement la revue paraissait régulièrement et sur des bases professionnelles tous les deux mois, mais encore elle connaissait un succès d'estime grandissant, abonnés et lecteurs ne cessant de se multiplier. La petite équipe de départ –tous des gens bénévoles-- s'est donc vite heurtée (à partir de 2004) à une véritable crise de croissance : comment répondre à la multiplication des tâches, à la nécessité d'assurer une permanence minimale, à celle de rémunérer le travail effectué, d'assurer des rentrées d'argent régulières, de faire vivre une revue qui se voulait autant de Québec que de Montréal, etc. ? Combinés aux inévitables et passagères frictions personnelles, ce sont ces problèmes qui se sont soudainement cristallisés en débats autour de la nécessité de s'incorporer ou non dans une coopérative de solidarité. L'équipe de Québec du comité d'édition de la revue y était plus favorable (c'était elle qui travaillait sur le plan d'affaires en lien avec le CLD de Québec et voyait là une possibilité de plus grande autonomie financière). L'équipe de Montréal du comité d'édition était plus réticente (quoique deux de ses membres aient au point de départ trancher en faveur de la coopérative), craignant que la revue se bureaucratise et qu'elle ne soit plus l'œuvre de ses artisans. Et si finalement l'équipe de Montréal a fini par se rallier (à l'unanimité) à la coopérative, si elle a même accepté de siéger au conseil d'administration (3 sur 6 appartenaient à l'équipe de Montréal), si elle a obtenu au passage nombre de concessions de la part de Québec, ce ne fut qu'à contre cœur, comme si on lui avait passer un monumental sapin dont elle se souviendrait. Tel est le terreau de fond sur lequel a mûri la crise et dont tout un chacun pourra comprendre les conditions de possibilité :la croissance rapide de la revue, la pression de la production , les difficultés du travail bénévole, l'absence de moyens financiers facilement disponibles, les voyages QuébecMontréal, les orientations idéologiques différentes, et puis évidemment le succès qui monte un peu à la tête... Le dramatique et l'inadmissible Le reste, c'est le dramatique... et l'inadmissible. C'est ce qu'aucune organisation (ou regroupement) de gauche digne de ce nom ne devrait accepter, surtout quand on se propose à faire de la politique autrement, qu'on aspire à joindre le geste à la parole, et qu'on se bat ensemble pour des valeurs comme la justice, l'égalité, la solidarité ou la convivialité. Le dramatique et l'inadmissible, c'est cette volonté de purge qui s'est concrétisée le 23 septembre 2004 par cette annonce qu'on nous a faite par courriel : « Étant donné ce qui se passe depuis maintenant plus de six mois. Étant donné que nous ne pouvons ni ne voulons continuer à travailler avec vous. Nous proposons que le seul point à l'ordre du jour de la réunion de vendredi soit, sans retour inutile sur tous nos différends, sans reproches, sans procès d'intention et sans insultes :LE DIVORCE À L'AMIABLE, LA FIN DE NOTRE COLLABORATION. En espérant que tout se passe bien dans le meilleur intérêt de la revue, respectueusement. » Signée par Claude, Gaétan, Monique et Luciano. On n'est plus capable de travailler avec nous, voilà la seule explication qui nous a été donnée, comme si on ne l'avait pas fait depuis un an et demi au jour le jour, et dans l'allégresse d'un projet qui semblait marcher comme sur des roulettes, au-delà même de tous les travers des uns et des autres ! Faut-il ajouter que depuis ce fameux courriel jamais les raisons de cette purge n'ont été explicitées, ni même débattues, encore moins tranchées par un vote quelconque au sein du comité d'édition. Du jour au lendemain, vous voilà donc mis hors jeu, sans autre forme de procès qu'un tissu d'injures et d'insultes reçues elles aussi par courriel. Faut-il y voir là l'effet un powertrip de certain, de peurs irraisonnées d'autres, de formidables malentendus qui déchirent si souvent les relations humaines ? On laissera au lecteur le soin de choisir son interprétation. Ce qui est sûr c'est que le procédé rappelle des pratiques politiques d'un autre âge et qui ont dans le passé déjà tant déconsidéré la gauche. D'autant plus douloureuses pour les deux personnes que nous étions que c'est nous qui avions poussé Luciano à se relancer dans l'aventure d'une revue (alors qu'il sortait d'une expérience difficile avec le Taon dans la cité), inviter Claude à se joindre à notre projet, fait peu à peu place à Monique ainsi qu'à Gaétan au sein de ce qui deviendra le comité d'édition d'A bâbord!. L'impression d'avoir reçu un coup de poignard dans le dos ! Qu'avions nous fait de si horrible ? Qu'avions nous fait de si horrible pour mériter un pareil sort ? En fait on ne l'a jamais su. Car en guise d'explication nous avons eu droit à des tombereaux d'injures et d'attaques personnelles qui auraient plutôt de quoi faire sourire si elles ne visaient pas à nous démolir: « fasciste » (sic), (all au racisme) « bureaucrates de l'économie sociale » (sic), « mâle Alpha » (resic) «incompétents » , « méprisant », voulant tout contrôler . Rien d'autre ? Ah si et non des moindres, mais sans que cela soit clairement dit, évoqué plutôt d'un ton entendu sur le mode de la rumeur : ce serait à cause de GS (Gauche socialiste). Faut-il pourtant rappeler que Pierre Mouterde n'a jamais été membre de GS et que le projet de la revue ne correspondait nullement à la stratégie ou aux plans de cette organisation. Comment alors tout cela a-t-il pu arriver ? Bien sûr il y avait eu des différends sur tel ou tel éditorial, tel ou tel article, telle ou telle orientation à envisager pour le futur de la revue, mais cela appartient au quotidien de n'importe quelle revue ! C'est même sa raison d'être : permettre, faciliter le débat, l'expression d'idées, la controverse. Et le drame est précisément là : plutôt que de chercher à gérer ces inévitables différences dans un cadre d'une gestion démocratique, l'équipe de Montréal s'est enferrée dans la logique de la « démonisation ». Plus de camarades ou d'amis, pas même d'adversaires politiques, mais des ennemis qu'il faut abattre à tout prix, et par tous les moyens. Renversant qui plus la réalité sens dessus dessous : voilà que ce sont ceux qu'on met dehors qui deviennent les grands méchants, voilà les persécutés qu'on transforme en dangereux persécuteurs et contre lesquels on sonne haineusement l'allali. Quoi de plus dérisoire que se faire traiter comme voulant contrôler la revue, alors que c'est précisément ce que l'équipe de Montréal s'acharne à faire... et réussit avec succès ! La médiation Que pouvions-nous faire ? Que devions-nous faire ? Nous taire ? Rentrer chez nous ? Accepter l'inadmissible et aller cultiver notre jardin ? Ou au contraire jouer la « la game » et utiliser les instruments légaux dont nous disposions (nous étions respectivement secrétaire et président de la coopérative) pour faire respecter ce que nous jugions être nos droits ? Nous avons opté pour une troisième voie : celle de la négociation. Suite au refus de l'équipe de Montréal de reconnaître la validité d'une réunion du conseil d'administration que nous avions convoquée d'urgence, nous avons donc demandé l'intervention de médiateurs, à la fois respectés et étrangers au conflit. Amir Khadir de l'UFP et Jacques Gélinas, tous deux participant au comité de rédaction de la revue, ont accepté de se prêter au jeu et ont réussi à s'imposer –contre l'avis de l'équipe de Montréal—comme médiateurs. Très vite cependant, il est apparu que l'équipe de Montréal ne voulait rien négocier de substantiel . Non seulement, elle ne s'est pas contentée du fait que l'équipe de Québec ait accepté de se retirer temporairement du comité d'édition, mais encore elle s'est employée à lui retirer tous les pouvoirs qui pouvaient lui rester en terme de gestion et d'administration de la revue, refusant notamment de communiquer avec Richard Fecteau, représentant au Conseil d'administration. Et contrairement à ce qu'a écrit Amir Khadir, si la médiation à laquelle il s'est donné corps et âme, n'a rien donné, ce n'est pas parce que nous avons refusé de lui laisser une chance. Bien au contraire : nous avons patienté près de 4 mois, attendant en vain ne serait-ce qu'une proposition écrite minimale, un geste de bonne volonté, une lettre d'excuse pour ces emportements hors de propos ! Mais rien, rien du tout ! C'est que l'équipe de Montréal n'a pas cessé pendant ce temps là de tergiverser et de chercher à nous exclure des dernières responsabilités qui nous restaient. C'est d'ailleurs ce qui a amené l'autre médiateur, Jacques Gélinas à démissionner fin janvier et à écrire : « Dans un document de travail daté du 10 octobre 2004, les médiateurs avaient proposé, comme premier pas vers un règlement, un modus operandi où les deux parties conservaient des responsabilités significatives dans la marche de la revue, en retour de concessions réelles de part et d'autre. L'une des parties a opposé une fin de non-recevoir à cette proposition, faisant valoir que les médiateurs s'étaient mépris sur la nature des enjeux et de la médiation elle-même. (Relire la note intitulée «Position de Gaétan, Monique, Luciano et Claude», 2 novembre 2004.) » Devant l'échec de la médiation, il ne nous restait plus qu'à faire appel à l'assemblée des membres de la coopérative. Et pas nécessairement pour gagner et l'emporter à tout prix ! Car nous savions que nous ne disposions pas a priori de la majorité, n'ayant jamais cherché –comme nous aurions pu le faire—à paqueter la coopérative de nos amis ou connaissances. Mais si nous voulions une assemblée, c'est pour avoir un cadre formel où au moins nous pourrions expliquer ce qui nous était arrivé, et où au moins une instance élue, après débat et délibération, pourrait trancher le différend. Définitivement ! Mais là encore l'équipe de Montréal a tout fait pour faire dérailler le train. Nous avions, en tant que président et secrétaire le pouvoir légal de convoquer une assemblée extraordinaire. Ce que nous avons fait pour le 19 mars 2005, à Trois-rivières, espérant ainsi donner suffisamment de temps pour que puisse se donner un véritable débat sur l'orientation de la revue et de la coopérative : assemblée préparatoire, circulation de documents, etc. Nous étions prêts bien entendu à nous entendre sur une date qui aurait satisfait les deux parties, à convoquer un Ca préalable pour en préparer la tenue, voire même à élargir le nombre des membres de la coopérative pour donner ainsi une portée plus grande à la décision prise. Non seulement l'équipe de Montréal n'a pas répondu à nos multiples courriels et demandes, mais elle a préféré jouer sur la légalité, en convoquant avant le 19 mars, pour le 5 mars, une autre assemblée sur le même sujet, et cela en faisant appel à une demande extraordinaire signée par un quart des membres de la coopérative. Si cette démarche légalement est possible, elle n'en est pas moins révélatrice de l'état d'esprit qui les animait. Pas question d'ouvrir le débat, pas question de rentrer dans un processus de discussion minimale avec les gens de Québec. On leur fait la guerre jusqu,au bout. Et comme, l'un de nous deux se trouvaient en Haïti (pour des conférences organisées par les amis du Monde diplomatique et l'université de Port-au-Prince), ils ont modifié la date initiale du 5 mars pour le 12 mars, en nous accusant qui plus est comme administrateurs de nous nouveaux maux, réclamant au passage notre destitution. Nous aurions été incompétents et n'aurions pas respectés l'autonomie de la coopérative. Le monde à l'envers... pour des gens qui se sont déniés pendant des mois à vouloir participer à une réunion du Conseil d'Administration. Sauf que cette fois-ci ils ne l'ont pas fait en respectant les normes légales en la matière et notamment le 21 jours nécessaires avant d,avoir le droit de faire une telle convocation. D'où l'illégalité de la tenue de la réunion Pour terminer Que dire d'autres, sinon que nous avons été passablement surpris –même un peu amusé-- de voir une armada d'amis de A bâbord, sans rien connaître de la situation, sans même avoir pris la peine de s'informer nous convier à respecter la revue, comme si ce n'était pas ce que nous faisons depuis des lustres. Peut-on dire qu'ils ont été victimes d'une terrible manipulation ? Quant à nous, si nous avions à jeter un regard critique sur notre action passée au sein de la revue À Bâbord !, nous n'aurions finalement qu'un regret: celui de ne pas avoir été au point de départ suffisamment clairs, en fixant d'impératives balises concernant la nécessité vitale de la démocratie et du pluralisme. Car s'il y a bien quelque chose qui est mort et bien mort, c'est cela: l'idée d'une revue qui se pense et se construit à plusieurs sur le mode de la démocratie et du respect entre personnes travaillant pour une même cause. À avoir été trop "cool", à nous être reposés sur l'amitié et la confiance entre camarades, nous ne nous sommes pas donné les cadres nécessaires pour que notre petit groupe de départ ne puisse pas transiger sur de tels principes et ainsi s'égarer dans la dynamique de guerres fratricides... vaines et totalement stériles. Pour le reste, en espérant que cette longue lettre ait pu en éclairer quelques-uns sur l'importance du pluralisme et de la démocratie dans les organisations et associations de gauche, nous faisons nôtres les mots de l'écrivain et poète portugais Fernando Pessoa: "Cela en valait-il la peine ? Cela en vaut toujours la peine quand n'a pas l'âme petite". Alain Marcoux
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