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Grève étudiante : un mal nécessaire ?

Evelyne Bertrand, Lundi, Mars 14, 2005 - 19:24

Tous les moyens sont-ils bons pour partir un débat de société sur le droit à l'éducation gratuite? Comment s'attribue t-on une place dans les médias? Sûrement pas par une grève comme nous la connaissons. Portrait d'une situation potentiellement funeste.

Grève des étudiants : un mal nécessaire ?

Arachné fille d'un teinturier de Lydie, Idmon de Colophon, pratiquait le métier de tisseuse. Dans le monde entier personne ne pouvait rivaliser avec son talent. Dans un moment de folie elle défia Athéna, fille de Zeus déesse guerrière protectrice des arts et des sciences. Elles décidèrent de faire entre elle un concours pour savoir laquelle des deux était la plus habile tisseuse, chacune devant tisser un vêtement, la gagnante aurait été celle qui aurait réalisé l'ouvrage le plus délicat. Arachné se mit alors au travail et réalisa au prix d'un effort dantesque un vêtement si parfait qu'Athéna elle-même ne pouvait faire mieux. Folle de rage la Athéna déchira cet ultime chef d'œuvre en lambeaux.
La pauvre Arachné, déprimée à l'extrême par la destruction gratuite d'un effort si coûteux pour elle, décida de se pendre au bout d'une corde. Athéna découvrant le drame, eu l'idée pour faire oublier la conséquence funeste de son accès de colère, de transformer la corde avec laquelle Arachné s'était pendue en toile et ressuscita cette dernière sous la forme d'une araignée pour que ses talents de tisseuse ne soient jamais perdus pour le monde. Aujourd’hui ressuscitée et adaptée au monde moderne, Arachné étend son corps de fibres à travers le net, et porte fièrement le pseudonyme de son ouvrage.
Des informations diversifiées, originales, voire privilégiées y circulent. De la confrontation des idées sont nés un Nouvel Homme et une Nouvelle femme, qui aspirent à participer à la démocratie, tranquilement assis derrière leur écran. Ils affirment haut et fort leur goût de la liberté. Liberté, voilà le mot d’ordre de cette nouvelle génération. À bas ces dortoirs où les murmures se perdent, les confessionnaux où là seuls les secrets sont dévoilés, ces officines où l’émotion est médicalisée. L’Homme nouveau est un être de confiance. Il n’a pas besoin de guide, sait où il va, sait faire ses choix. Il est libre. Il sait que partout où il aille sur cette immense toile, il rencontrera un semblable à un carrefour. Plus besoin de la pilule du bonheur.
Tout le monde est heureux, et voilà que les budgets consacrés à la santé mentale se rétrécissent comme peau de chagrin. Des milliers de gens perdent leur emploi, d’autres, arrivent tout juste à survivre.
Tout ca parce que, face aux compressions budgétaires, certains croyaient que la grève était nécessaire. Grève de la liberté fondamentale, celle de s’instruire. Pourquoi donc? Parce que ces personnes estimaient, bien à tort, qu’une grève était un moyen de communication avec le gouvernement Charest, le Père méchant. Alors que le message était passé depuis longtemps auprès de la population, que la direction de l’Université reculait face aux moyens de pressions des étudiants, voyant là un geste inutile qui ne nuirait qu’aux étudiants. De violences en violences (faire caca dans les bureaux du ministre, occupation des lieux gênante, présence intimidante, suivi menaçant), tous les moyens furent bons pour ce syndicat criminel, afin d’influencer les étudiants naïfs à aller se battre sur les fronts à la place de leurs dirigeants syndicaux. Nous allons les CASSÉE, disaient t-ils. C’est oublier que le modeste roseau plie au vent, sans jamais casser. Pendant ce temps, les médias se gaussaient face à tant de naïveté : comment des étudiants intelligents, de futurs professionnels, pouvaient-ils commettre des gestes aussi enfantins, voire ridicules? Ce n’est pas pour rien que le syndicat étudiant cherchait à amener les naïfs cégépiens et les étudiants des polyvalentes à s’impliquer : c’est en formant une masse compacte menaçante et agitée qu’on voulait faire reculer le gouvernement Charest, au prix d’un risque énorme de violences policières, voire de tortures. De la violence en place et lieu d’un débat public, du sang, du pain et des jeux, juste bons à amuser un public avide de sensations fortes. Le syndicat prétendait avoir effectués d’innombrables appels aux bureaux des députés. Ah oui…tellement, que ça en est devenu de l’agression. Après l’escalade des moyens de pression déjà violents (l’intimidation, l’occupation menaçante, le blocage des moyens de production, furent ils politiques, en font partie), la grève "se retrouvait ainsi dans le TOP des moyens de pressions". Mon cul ! Des moyens intelligents, originaux et non violents furent pourtant proposés par des étudiants, le mercredi 9 mars au CAPS de l’UQTR. Comme d’aller se poster aux côtés de l’entrée du Casino de Montréal. Ca aurait attiré la sympathie du public à la cause étudiante, puisque les Casinos sont la bête noire des populations pauvres. Ben non, le syndicat, littéralement obsédé par l’idée de la grève, aura écarté, par pure paresse, cette idée en tant que premier moyen de pression pour se faire voir positivement des médias, beaucoup moins coûteux pour les étudiants que la grève. Ah oui ! La fameuse grève de «3 jours renouvelable» : des grèves de «3 jours renouvelable » mise bout à bout, ca fait quoi? On calcule : = une session de perdue. Pas pour les profs, ou la direction, qui sont payés à l’inscription, avec ou sans étudiants, mais pour les étudiants, qui ont payés leurs frais de scolarité pour rien.
Au bout de la ligne pour quoi ? Pour qu’en septembre, on rebaisse les prêts à 2400$ mais qu’on augmente les frais de scolarité à 4000$ voire 5000$, avec 5000$/6000$ en tout dans nos poches /année pour vivre. Quand il aurait suffi d’attendre un petit 2 ans pour élire un gouvernement faisant de l’éducation sa priorité, comme le PQ, ou un autre parti.
Eh oui ! Les bas frais d’éducation, et jadis de prêts, ne sont pas si bas au Québec parce qu’on fait des grèves, mais entres autres à cause du PQ. Le syndicat ment quand il prétend le contraire. Les syndicaleux à l’origine de la grève en ont rien à foutre des gens qui s’endettent : ce sont des enfants de riches qui n’ont rien d’autre à foutre dans la vie que de tout casser.
Et après septembre, tout le monde oubliera la grève : tout le monde sait qu’on choisit un parti politique 1 mois à peu près avant le jour de l’élection, le fameux mois où les politiciens font leur tournée… Autre temps autre préoccupations : le temps est du bord du gouvernement, pour une grève qui commence mal, et trop tôt.
Et n’allez pas me dire que le syndicat laisse le choix aux étudiants, quand ils les parquent dans des salles bondées et font semblant de leur demander leur avis sur la question de la grève, comme au 9 mars. Ils vont jusqu’à mentir aux étudiants en prétendant que la direction de l’Université est derrière eux (un remaniement de calendrier, ce n’est pas être « derrière les étudiants »), quand dans les médias les fameux représentants disent le contraire. Non, les syndicaleux avaient tout décidé d’avance, et après avoir maté les récalcitrants au micro le 9, ils ont pressé la salle pour un vote rapide pour la grève, sans temps de réflexion. Avec une «majorité» de 55%, laissant dans le noir les 45% restant contre la grève. Démocratie ? Foutaise !
Grève, oui, casse, oui. Mais jamais de dialoguer sur la question de l’éducation, rôle qui revient aux médias, ou de voter pour le bon parti. Pendant ce temps, des étudiants naïfs risquent de se faire casser la gueule en place et lieu de ce syndicat d’étudiant criminel et imbécile. Et surtout, de mettre en péril une carrière prometteuse. Dur pour la santé mentale, non ?

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