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Ce n’est pas aux étudiants de payer plus, ce sont les riches qu’il faut faire payer!

Anonyme, Mercredi, Mars 9, 2005 - 21:52

Réplique à la lettre de Norma Kozhaya parue dans le devoir du 8 mars 2005
Par : Jonathan Aspireault-Massé
Étudiant en histoire à l’UQAM

Dans sa lettre du 8 mars 2005, Norma Kozhaya prétend que le gouvernement et les associations étudiantes font fausse route dans leurs revendications. Arborant fièrement le blason de l’Institut économique de Montréal, elle défend avec la même vigueur les intérêts et revendications du patronat. Selon elle, c’est aux étudiants de payer le coût de l’éducation par une hausse dans les droits de scolarité. Pourquoi en serait-il ainsi? Car lorsque l’on défend la position de la réduction des impôts sur les revenus des contribuables et des entreprises, il faut bien entendu combler le manque à gagner en prenant dans les poches des utilisateurs du service. Contrairement à Mme. Kozhaya, je crois que c’est dans la poche des entreprises qu’il faut trouver la solution au maintien du gel des frais de scolarité.

Les riches qui ne paient rien!

Après une recherche, même superficielle, on se rend compte rapidement de l’iniquité fiscale au Canada et au Québec. Selon un rapport rédigé par Léo-Paul Lauzon, en novembre 2000, 40.5% des plus grandes entreprises ont payé moins de 20% des impôts sur le revenu fédéral et provincial confondu. Toujours en 1999, 158 firmes étudiées ont enregistré un profit de 25,6 milliards $ pour n’en payer que 2,5 milliards soit moins de 10%, le taux d’imposition des entreprises étant de 46,6%. Qui plus est, 33 entreprises qui ont accumulé un profit de 1,8 milliard n’ont payé aucun impôt ou ont été remboursées. Parfois les grandes entreprises obtiennent un report de quelques années sur leurs impôts à payer. En 1999, des entreprises comme Molson ont dû payer des impôts à un taux de 2%, d’autres comme Crestar Energy ont payé 1% et certaines comme Domtar, CN et Air Canada, n’ont payé que 4%. Dans d’autres cas, comme celui de Bombardier, le taux se situe à 12%, mais en contrepartie, cette entreprise reçoit des aides gouvernementales importantes.

Autre phénomène qui mérite une attention toute particulière, c’est l’évasion fiscale des entreprises canadiennes et des banques vers des paradis fiscaux. Le cas des entreprises qui appartenaient jadis à Paul Martin n’est plus un secret pour personne. L’exemple des banques en est un autre très révélateur. Entre 1991 et 2003, les banques canadiennes ont réussi à sortir quelques 10 milliards de dollars (selon une autre étude de M. Lauzon). En 2003 seulement, le pourcentage de l'exonération d'impôt reliée aux paradis fiscaux des banques a atteint un taux de 40,2%, soit un montant de 1,4 milliard de dollars.

Toujours selon M. Lauzon, l’établissement d’un taux minimum d’imposition sur le revenu des entreprises de 20% permettrait de générer des revenus fiscaux supplémentaires de l’ordre de 2,5 milliards de dollars. Ce dernier correspond, ironiquement, au montant global des coupures en Éducation depuis 1994!

Les statistiques ne peuvent tout expliquer!

Le message de Mme Kozhaya est rempli de données statistiques très orientées. Ces données ne peuvent cependant pas expliquer la réalité concrète des étudiants et des étudiantes qui subissent ces augmentations de frais de scolarité. Par exemple, l'accumulation croissante d'heures de travail restreint inévitablement les heures passées à étudier. Ce temps passé au travail est bien entendu quantifiable par des données statistiques, mais le stress, la fatigue, le manque de temps de divertissement, etc. sont des facteurs qui peuvent difficilement se quantifier mais qui ne doivent pas être négligés. Autre exemple, une hausse des frais de scolarité devient une embûche de plus dans le parcours des étudiants qui combinent la triple réalité, travail-étude-famille. Cette triple réalité, n’étant pas un cas de figure, apparaît rarement dans les tableaux statistiques des économistes, pourtant elle est vécue par des centaines de personnes et pourrait l’être davantage si le système d’éducation était plus accessible.

Le forum des professeurs et professeures de l’école de travail social de l'UQAM indique, dans une lettre ouverte destinée aux médias, qu’étant données les heures de travail accumulées par les étudiants les professeurs sont obligés d’en tenir compte dans leur évaluation. Il semble possible de dire, que cette réalité dépasse largement le cadre de l’école de travail social de l’UQAM et touche l’ensemble du Québec. Les évaluations sont moins sévères, puisque les capacités intellectuelles des jeunes étudiants ne sont pas centrées nécessairement sur les études.

Au stress vécu par les étudiants relativement aux heures de travail, se rajoute les carences alimentaires importantes chez plusieurs étudiants qui reçoivent le salaire minimum. À cela, il faut rajouter le stress relié au logement, phénomène aggravé par la crise du logement. Remarquez que la période pour la recherche d’appartement, commence vers le mois de mars, autrement dit dans la seconde moitié de la session, au moment où la charge d’étude est plus importante.

Les statistiques que Mme. Kozhaya évoque ne peuvent expliquer ces différentes réalités qui sont pourtant bien tangibles lorsque l’on procède à une simple recherche sur le terrain. Allez dans les campus et parlez avec les étudiants de leur réalité, les chiffres ne sauront être gage d’exhaustivité lorsqu’on aborde de tels sujets.

Finalement, il est bien évident que ce n’est pas les associations étudiantes qui font fausse route, mais bien le gouvernement ainsi que Mme. Kozhaya. Le nivellement par le bas qui consiste à toujours se comparer au pire est, en en lui-même, une procédure détestable. Les pays scandinaves, la France et certains autres pays européens sont des exemples de choix de société où l’éducation reçoit une attention et un financement plus important. Pourquoi ne pas se dire qu’il y a possibilité de faire mieux et de s’améliorer? N’est-ce pas là une preuve de l’évolution d’une société? Les économistes qui travaillent pour le gouvernement ou le patronat vont répondre que l’argent se fait rare! Au contraire, il existe si on s’en donne la peine. Pour cela, il ne suffit que de faire payer ceux qui en ont réellement les moyens, les entreprises et les banques, en les imposant à un taux fixe respecté et en luttant réellement contre l’évasion vers des paradis fiscaux.

C’est lorsque l’on voit ce genre d’intervention publique que l’on peut comprendre que la CASSÉÉ indique clairement dans ses revendications la perspective de gratuité scolaire derrière le combat que nous menons. Nous ne saurons accepter une quelconque hausse des frais de scolarité, même déguisée, en échange du règlement dans le dossier des prêts et bourses. Taxez les entreprises avant de vous attaquer aux plus démunis!



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