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La liste annuelle des coups, bosses, falsifications et autres activités régulières de la flicaille québécoise (2004-2005)Anonyme, Dimanche, Février 27, 2005 - 07:57
Marco Silvestro - Couac Dinner
À partir de sources publiques, la liste des excès policiers pour la période mars 2004 à février 2005, organisée par thèmes: arrestations politiques, morts et blessures graves, brutalité policière, racisme et profilage ethnique, répression de la prostitution, abus de pouvoir et falsifications, etc.!! Erreur sur la personne En décembre 2004, un gros trafiquant d’arme texan a réussi à entrer au Canada pourvu de ses échantillons de commerce. Il fut arrêté, à Montréal, la veille d’une transaction. NON, il ne s’agit pas de Georges W. Bush qui, lui, est resté à Ottawa et n’a jamais été inquiété. *** Il est difficile de rendre compte des frasques consta-patibulaires. D’abord parce qu’elles ne sont pas très médiatisées et ensuite parce qu’il s’écoule souvent un certain laps de temps entre l’événement, le dépôt et le traitement d’une plainte. La présente recension annuelle est donc un peu échevelée et forcément incomplète. Ainsi, n’apparaissent presque pas le harcèlement des personnes itinérantes, marginales ou prostituées, pourtant une des activités favorites de la police de quartier du centre-ville. On verra en 2004-2005 plusieurs vieilles histoires suivre le long cours de la « justice » et continuer, petit à petit, à mettre au jour l’absurdité du système judiciaire et la partialité du bras armé de l’État. On veut, en faisant ressortir les mauvais coups policiers, montrer que le système répressif actuel va à l’encontre de la justice, du respect et de l’égalité de tous devant la loi. Cela tient moins au contenu des lois qu’aux présupposés idéologiques du système et aux signaux qui sont envoyés, par les dirigeants blancs et mâles, aux troufions d’en bas. Lorsque le ministre Chagnon affirme que la violence conjugale chez les autochtones est « une affaire culturelle », il fait plus de dommage que la possibilité théorique de pouvoir utiliser les certificats de sécurité (par exemple). Mentionnons d’entrée de jeu que, entre avril 2003 et avril 2004, le comité de déontologie policière a reçu 1290 plaintes, soit un nombre sensiblement égal à l’année précédente (1306, un sommet). Comme d’habitude, la moitié des plaintes (53%) a été jugée irrecevable, 35,3% ont été référées en conciliation (avec un taux de règlement de 86%) et 9,2% ont fait l'objet d'une enquête qui ont donné lieu à 41 citations à comparaître devant le tribunal déontologique concernant 56 policiers. Concernant la performance des corps policiers, il appert que, en 2004, la police de Québec a le plus bas taux de résolution de crimes sur la personne, soit 60%. Le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) résout les crimes contre la personne à 68%, alors qu’à Thetford Mines, Rivière-du-Loup, Saint-Georges, Saguenay ou Lévis, on y arrive à 80%. Mais de toutes façon, selon le criminologue Jean-Paul Brodeur (Les visages de la police, PUM, 2003), contrairement à l’image littéraire qui glorifie le rôle des enquêtes, en réalité les policiers ne résoudraient jamais la majorité des crimes s’ils ne pouvaient pas compter sur la dénonciation, les aveux et le hasard… Avant d’amorcer la liste thématique des coups, bosses, falsifications et autres activités régulières de la flicaille locale, on se permet de faire ressortir deux événements qui illustrent à perfection la mentalité flicarde : en mai 2004, des candidates au poste d’agent double pour le SPVM ont été forcées de se saouler et de se déshabiller lors d’une soirée de présélection. Ce sont les candidates non sélectionnées qui ont porté plainte, ce qui a déclenché une enquête interne. Parions que, sélectionnées, elles auraient fermé leur gueule. Le même mois, la Brasserie Labatt et l’Organisation des Jeux mondiaux policiers et pompiers annonçaient mettre fin à une promotion qui permettait aux agents de la paix d’acheter de la bière à des prix préférentiels. Après les beignes et le café, voilà la bière et le strip-tease? À quand les soirées gratuites aux danseuses? Ça montre à quel point il reste du chemin à parcourir pour avoir un corps policier intelligent. Et maintenant, la liste, présentée par thème : Les arrestations politiques En février 2004, une bonne nouvelle : les sept accusés de la manif contre la brutalité policière de 2002 sont acquittés d’attroupement illégal. Le mois suivant, selon les médias, « la manifestation contre la brutalité policière tourne à l’émeute ». Neuf personnes sont arrêtées et accusées de méfaits, d'entrave au travail des policiers ou de violation des règlements municipaux. En novembre, les 41 accusés de la manif contre la brutalité policière de 2000 sont absous conditionnellement à quelques heures de travaux communautaires : « leur seul tort était d'être restés là au lieu de se disperser quand la manif a tourné au vinaigre ». Deux seulement sont condamnés à 15 mois de prison, pour n’avoir marqué aucun ressentiment à fracasser les vitrines d’un McDo. La manifestation anarchiste du premier mai, dans les rues de Westmount, se déroule comme d’hab’ : 22 arrestations. Les étudiants ne sont pas en reste depuis qu’ils contestent les coupes dans l’aide financière aux études : en février 2004, une manif devant le parlement s’est terminée dans les gaz et en octobre deux étudiants furent tabassés. Le mois dernier (février 2005), six étudiants furent arrêté à Jonquière pour avoir bloqué le bureau de la ministre Gauthier et sept autres furent arrêtés lors d’une manifestation au Château Montebello où le PLQ tenait son caucus. Le tout s’est terminé en baston : sept flics, dix-sept gardes du corps et une dizaine d’étudiants blessés. Des syndiqués se sont aussi fait arrêter et quelque peu bousculer en protestant contre les politiques néolibérales du gouvernement patapoufien : en janvier 2004, 31 syndiqués de la CSN sont arrêtés lors de l’occupation du bureau de la Sinistre Jérôme-Forget. Pendant la grève des employés de la SAQ, la police protège des dangereux grévistes plusieurs succursales afin de permettre aux imbéciles d’aller chercher leur drogue. En décembre, pendant la visite de Bush, 21 arrestations ont finalement eu lieu. Certains des accusés ont plaidé coupable et s’en sont tiré avec des peines légères. Un important dispositif de sécurité a été mis en place pour leur comparution. Par ailleurs, des membres du COBP, d’autres du syndicat agricole Union paysanne, des partisans des défusions municipales et des syndicalistes des CPE furent « rencontrés » ou ont fait l’objet d’enquêtes, « à titre préventif », par la SQ ou le SPVM. On peut dire que, de l’extrême-gauche aux communautaristes réac’, les flics ratissent large dans leurs enquêtes « préventives »… Enfin, bien qu’aucun policier ne soit blâmé, le commissaire à la déontologie s’interroge, pendant les vacances de juillet, sur la pertinence d’utiliser les balles en caoutchouc pour éloigner les manifestants. Cette haute réflexion dont on attend les conclusions fait suite aux plaintes déposées face au comportement des flics lors du Sommet des Amériques, à Québec en avril 2001. Morts et blessures graves En février 2004, un flic qui a barré la route à deux VTT, provoquant une collision, un vol plané et mort d’homme, a été accusé de négligence criminelle et de conduite dangereuse ayant causé la mort. Le 8 mars, Rohan Wilson, un jeune noir, meurt à l’hôpital, deux heures après avoir été maîtrisé par les flics. Même si l'enquête du coroner conclu a un décès accidentel, la Ligue des Noirs du Québec souhaite des enquêtes indépendantes et continue de s'insurger devant le comportement de certains policiers. Fin mai, un homme est blessé de cinq coups de feu par des policiers lors de son arrestation. Il est vrai qu’il était sous l’influence de « substances » et qu’il était armé d’un couteau. Mais cinq coups de feu? Un autre serait tombé d'une fenêtre en voulant fuir les agents. Un autre est tombé en arrêt cardio-respiratoire dans une voiture de police. Un psychotique armé d’un couteau est blessé par balle sur la rue Saint-Laurent, une autre personne atteinte de troubles mentaux, qui a voulu se jeter dans la rivière des Prairies en voyant les flics arriver, est aussi blessée par balle. En octobre, un autre homme atteint de troubles mentaux, bien connu du quartier, est blessé de deux balles par des flics qui ont eu peur de son allure et de son canif. Le pauvre Moustafa avait interrompu sa médication psychiatrique pour pouvoir traiter un cancer. Il était donc un peu bizarre, mais tout le monde le savait inoffensif. En juillet, un suspect recherché pour tentative de meurtre sur un agent tombe sous les balles de l'escouade tactique du SPVM. C’est le 7e suspect qui décède aux mains de la police en un an. La Ligue des Noirs du Québec se dit très inquiète et demande la formation d'un comité provincial sur la gestion des morts impliquant la police. Ainsi, en 2004, au moins douze enquêtes portant sur des blessures ou des décès lors d’interventions du SPVM ont dû être transmises à la Sûreté du Québec (SQ) (huit décès, quatre blessés). L’année précédente, seulement huit enquêtes de ce genre avaient eu lieu. Racisme et profilage ethnique Depuis les événements de septembre 2001, le profilage ethnique prend une terrible acuité. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. En 1998, l'Enquête sur les relations entre les corps policiers et les minorités visibles et ethniques avait révélé de multiples comportements reliés au racisme ordinaire et aux préjugés raciaux. En 2004, les cas de Maher Arar, déporté sur la base de soupçons, de Mohammed Cherfi, emprisonné parce qu’il est activiste et de Adil Charkaoui, embastillé sous des motifs aussi secrets que fallacieux, font la manchette et révèlent la complicité des services policiers canadiens avec les services étasuniens ainsi que des pratiques de profilage ethnique légitimées par le discours sécuritaire post-11/09/2001. Les autorités se défendent bien de cibler les membres de certaines communautés ethniques, mais elles le font plutôt maladroitement. Le gros con d’ancien sinistre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon, affirme que, même s'il ne veut pas faire de profilage, il faut « cibler davantage les communautés ethniques. Par exemple, des agents de la SQ font une deuxième enquête de sécurité - après celle effectuée au niveau fédéral - sur tous les immigrants désirant venir s'établir dans la province. » (Le Soleil, 05-03-2004). Du profilage ethnique, il y en a, sans en avoir, mais de toute façon on appelle ça autrement? Dans la même veine, on apprend en mars que le SPVM se dote d’une politique contre le profilage ethnique, même si son directeur avoue ne pas savoir si cette pratique est vraiment présente dans la police. Pourtant la Commission des droits de la personne enquête sur 20 à 25 plaintes de profilage ethnique en 2003-04. On est heureux d’apprendre qu’une formation spéciale sur la diversité ethnique et les problèmes de racisme sera intégrée à la formation policière. Il est temps car un rapporteur spécial des Nations unies, Doudou Diène, a déposé à la Commission des droits de l'homme de l'ONU un rapport sur le racisme et la discrimination raciale au Canada. Dans les suites de ce rapport, l’ONU a averti le gouvernement fédéral que la discrimination raciale au Canada est une « réalité tangible, subtile et systémique » et lui recommande de mettre en place un plan de lutte au racisme. M. Diène a notamment constaté une recrudescence de l'antisémitisme et de l'islamophobie depuis le 11/09/2001, ainsi qu’une entreprise systématique d’extinction des droits fonciers des autochtones. Le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) recense de multiples exemples de profilage ethnique : En mai, un jeune homme né à Montréal de parents sri lankais prend des photos dans une station de métro pour un travail d’urbanisme. Il se fait intercepter par six flics, est amené au poste et est détenu sans raison valable pendant plusieurs heures. On lui demande s’il a des origines arabes et pourquoi il s’intéresse au transport en commun…Une fois la situation éclaircie, la direction du SPVM ne trouve rien de plus à lui dire qu’il était au mauvais endroit au mauvais moment. En juin, un citoyen de Mont-Royal, par ailleurs d’origine haïtienne, psychologue et commissaire aux droits de la personne, se fait filer par les flics jusqu’à ce qu’il tourne la clé dans la serrure de sa porte. « La police ne pouvait pas croire qu'un noir habitait ville Mont-Royal », constate-t-il. De même, des jeunes noirs, qui ont le malheur d’habiter le West-Island, se font suivre ou interpeller à l’arrêt d’autobus : « Qu'est-ce que tu fais ici, toi? ». Certains cas frôlent l’absurde : une étudiante en informatique qui a le malheur de ne pas avoir la peau blanche se fait braquer une arme entre les deux yeux sur le quai du métro Berri-UQAM, en pleine journée. Personne ne réagit, le flic ne dit rien et finit par s’en aller. En janvier 2005, on apprend que deux musiciens de rue à l’enthousiasme trop latin totalisent 10 000$ de contraventions pour « avoir fait du bruit avec un instrument à percussion ». Ils ne comprennent pas pourquoi la ville leur donne la permission de jouer sur la place publique tandis que la police les accable de contraventions. La violence envers les minorités ethniques s’étend de plus en plus aux vieilles femmes : des citoyennes du quartier Notre-Dâme-de-Grâce à Montréal ont été maltraitées lors d’interventions policières. Les vieilles femmes, noires, plutôt rétives et à la langue trop bien pendue au goût des con-stables, ont été plaquées au mur, menottées, amenées au poste. Une Mme Lewis George, 73 ans, a eu des cotes cassées. Une Mme Hamilton, 74 ans, venue à la défense de son fils interpellé, se fait rudoyer et embarquer. Elle sera notamment accusée « d’avoir émis un bruit audible à l'extérieur » (pas mal, n’est-ce pas?). Son fils attrape pour 792 $ d’amende, dont 85 $ pour avoir éteint une cigarette sur le trottoir. Le CRARR affirme que, depuis l'été 2003, il a recueilli de nombreux témoignages de jeunes noirs, hispaniques et grecs dans le quartier Parc-Extension qui se sentent victimes de profilage ethnique et de harcèlement policier. C’est sensiblement la même chose dans certains développements HLM du quartier Saint-Michel et de l’arrondissement Montréal-Nord, alors que les jeunes noirs et hispaniques se sentent sous surveillance accrue et se font donner des amendes ridicules. Un avocat spécialiste en immigration témoigne : « pour les jeunes des quartiers Saint-Michel ou de la Petite-Bourgogne, c'est tolérance zéro. La police leur colle des contraventions pour avoir jeté des cendres dans la rue, pour avoir craché, pour être descendu du trottoir ou pour s'être assis sur un bloc de béton... C'est absurde! Ils veulent les repousser de la zone. Ils les accusent de flâner. Mais les parcs, c'est fait pour flâner! » Dans le métro, ça va assez mal. On sait que les agents de surveillance du métro ne sont pas soumis à un code déontologique et qu’ils sont en compétition avec les policiers du SPVM. À ce titre, on les soupçonne de ne pas transmettre au SPVM et à la Société de transports de Montréal (STM) toutes les informations relatives aux délits, crimes et agressions dans le métro. De plus, ils ont été plusieurs fois accusés de profilage ethnique et de violence sur des jeunes « de couleur ». Le même avocat assure que « dans le métro, les plaintes [pour profilage ethnique] pleuvent encore plus souvent: pour les agents de la station Villa-Maria, trois noirs, c'est un attroupement. » En octobre, le Regroupement des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACs) dénonce les propos du sinistre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon. Le gros con, qui se spécialise dans la démesure et la grossièreté, a déclaré, pour expliquer la violence conjugale chez les autochtones, « qu’il s’agit d’une différence culturelle ». Le regroupement des CALACs rappelle au ministre qu’il est responsable de la déontologie policière et de la mise en application de plusieurs programmes visant à lutter contre la violence sexuelle faite aux femmes, notamment en milieu autochtone. Il est honteux qu’il tienne lui-même de tels propos racistes et méprisants envers les femmes. Chagnon est reconnu pour ce type de "réflexion". En 2003, il a répliqué à des syndiquées tabassées par des flics lors d’une manif « qu’elles n’avaient qu’à rester dans leur salon » si elles ne voulaient pas se faire taper dessus. Il a aussi déclaré, en 2004, que « tout va bien » sur le territoire Mohawk de Kanesatake, alors que le service de police local fut assiégé dans son baraquement et, par la suite, jeté dehors du territoire, alors que la maison du grand chef fut incendiée et que le dirigeant ne put pas mettre les pieds sur le territoire pendant huit mois, et alors que les trois quarts des habitants se terraient chez eux sans oser sortir. Le gros Chagnon n’est d’ailleurs pas le seul à considérer que les autochtones valent moins que rien. En juillet, un chef d’équipe de la SQ, en Abitibi, est suspendu pour avoir négligé de se rendre sur les lieux d’une bagarre où une autochtone se faisait casser la gueule par son mari. Il a décidé que deux hommes suffisaient et est lui-même resté bien au chaud au poste. Résultat : une maison incendiée, une tentative de suicide, une femme à l’hôpital et un mari à moitié asphyxié. C’est la seconde fois que l’agent se fait suspendre pour avoir négligé ses devoirs envers la population autochtone… Dans l’année adviennent aussi plusieurs développements dans l’affaire Lalo, un jeune Innu percuté à mort par deux flics sur la Côte-Nord en 2002. Les deux flics sont blâmés pour propos racistes. L’un est condamné à dix jours de suspension et l’autre à un an d’inéligibilité à exercer, même s’il est déjà à la retraite. Par ailleurs, les deux policiers de Québec chargés de l’enquête sur ce dérapage ne seront pas traduits devant le comité de déontologie comme le réclamait la famille de la victime, qui arguait une enquête interne bâclée. Finalement, en février 2005, on a droit à un précédent juridique : le premier acquittement pour cause de profilage ethnique. Un jeune homme, par ailleurs connu comme trafiquant et sous libération conditionnelle, a pu convaincre une juge que les policiers l’avaient pris en filature et interpellé sans avertissement, non pas sur la base de soupçons étayées par une enquête, mais seulement à partir de la couleur de sa peau. De plus, ils ont procédé à une fouille illégale. Selon la juge, elle-même noire, « une personne de minorité visible peut avoir le réflexe de s'éloigner de la police, sans qu'elle ait pour autant commis d'offense. » Répression de la prostitution Le 1er mai, La Presse constate qu’il y a moins de prostituées dans les rues montréalaises depuis quelques mois. C’est effectivement le cas, confirme l’organisme Stella, qui vient en aide aux travailleuses du sexe. La raison est assez simple : à la troisième contravention non payée, les femmes sont admissibles à un séjour à l’ombre. Résultat : toutes celles qui, depuis deux ans, ne payaient pas les contraventions ridicules reçues pour avoir marché en bas du trottoir ou pour avoir jeté un mégot par terre, se retrouvent aujourd’hui en prison. Une criminalisation tranquille des personnes prostituées, itinérantes et marginales. En 2004, le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) dénombre au moins 533 constats d’infractions émis à l’encontre de personnes marginalisées. De plus, les conditions de libération interdisent aux prostituées de fréquenter le périmètre du centre-ville, là où est situé « le marché », effectivement, mais aussi la grande majorité des services communautaires qui leurs sont adressés. En novembre, on apprenait que la police est plus tolérante envers la prostitution qui se pratique « à l’intérieur ». Les hommes-en-bleu sont plus enclins à intervenir dans la rue que dans les agences d’escortes et autres maisons closes. « Cela prend une plainte pour intervenir dans les bars, affirme une représentante de Stella. C'est surtout dans le cas de drogue, de mineurs ou d'une plainte d'un propriétaire de motel. Il y a une certaine tolérance de la police vis-à-vis des escortes. L'attention est portée sur la prostitution de rue, plus dérangeante, plus visible et donc plus facilement l'objet de plaintes. » Et aussi, avouons-le, plus facile à réprimer. Brutalité policière En 2004, on s’en réjouit, il ne semble pas y avoir de traces d’un cas grave de brutalité policière. Quelques poulets, pas plus d’une dizaine, sont blâmés pour avoir utilisé une force excessive ou un mauvais jugement (comme de braquer son arme inutilement) et, selon la peine habituelle, sont suspendus quelques jours. Mais plusieurs vieilles affaires continuent de faire les manchettes : En mai, les policiers blâmés dans l’affaire Barnabé (1993) font appel du rétablissement de leur sentence auprès de la Cour d’appel du Québec. Ils s’estiment lésés par les sanctions, soit 120 jours de suspension. Deux des trois sont déjà à la retraite… En juin, un policier est suspendu sept jours pour avoir tabassé, en 1999, un innocent qui sortait d’une discothèque au mauvais moment. Le même mois, le policier Palacios, autrefois condamné en déontologie pour avoir fabriqué de faux rapports et offert de faux témoignages dans l’affaire de la mort du jeune Suazo (1995), est poursuivi au criminel par Yves Manseau. La famille Suazo s’est déjà entendue, au civil, avec le SPVM pour un montant demeuré secret et Manseau poursuit en son propre nom, considérant que les pouvoirs publics ne le font pas. En novembre 2004, on apprend que la juge chargée du procès absous Palacios. Une vieille affaire qui s’éternise : en 1994, un membre de l’unité tactique du SPVM (SWAT) utilise une force déraisonnable, cassant la gueule d’un citoyen et lui mettant le canon de son arme dans la bouche. En 1996, le citoyen porte plainte et, en 1998, le comité de déontologie décide de congédier le « policier d’élite ». Plusieurs policiers sont blâmés officieusement par les commissaires pour refus de collaborer à l’enquête. Le syndicat des policiers fait appel de la décision et le zouf est affecté à des tâches subalternes, ce qui n’empêche pas ses collègues de plaider en sa faveur et de lui accorder de l’avancement (il devient sergent. Pour services rendus, probablement). Il faut attendre août 2004 pour que la Cour du Québec confirme la décision déontologique et que la SQ se décide à congédier Casse-Gueule-d’Élite. Le citoyen brutalisé intente maintenant une poursuite en dommages et intérêts de 3,4 millions de dollars. Le Conseil de surveillance des activités de la SQ avait déjà relevé des lacunes persistantes dans les enquêtes internes à la SQ. Collusion et loi du silence sont de mise, semble-t-il. En septembre, on apprend que la Coroner en chef du Québec a demandé une enquête publique sur l’intervention policière qui a mené à la mort de Berniquez en 2003. Six policiers avaient maîtrisé l’homme, mort une heure plus tard. Pour l’instant, un premier coroner avait conclu a une mort accidentelle. Finalement, en février 2005, un policer de Québec est blâmé pour avoir utilisé une force excessive contre un prévenu. Le même mois, des développements dans une curieuse affaire à Gatineau : dans le procès d’un homme qui admet sa culpabilité, la Couronne refuse de faire témoigner le policier qui, le soir de l’intervention, l’a blessé de deux balles alors que le prévenu s’enfuyait, armé d’une machine à rouler des cigarettes. Falsification de preuves, collusion et autres entraves à la justice Fin juin, on apprend que le Comité de déontologie jette l’éponge concernant la fabrication de preuves dans l’affaire Matticks (des trafiquants de drogue dont le procès a avorté). Après 28 requêtes en Cour et 25 millions $ en frais de toutes sortes, plus l’enquête Poitras sur les activités de la SQ, le Comité renonce à poursuivre les neuf policiers impliqués, dont huit sont aujourd’hui à la retraite. Tout ça pour rien, encore une fois. En juillet, le policier Deragon qui, en 2000, avait falsifié un alcootest pour sauver la fille d’un ami, est condamné à l’inéligibilité à exercer le métier de cochon pendant cinq ans. Il devrait le prendre comme une occasion de se réhabiliter. Le père de la jeune fille, ex-flic, a déjà été condamné à neuf mois de prison dans une autre affaire. Notez que la fille s’en tire pour « délais irraisonnables dans la procédure ». Le même mois, dans l’affaire du meurtre du notaire Hudon (2001), le juge Grenier de la Cour supérieure est furieux contre les colons de la SQ qui ont interrogé un des accusés : ils ont totalement bafoué son droit à un avocat, rendant sa déposition irrecevable en cour. Le juge est donc obligé d’accorder au prévenu une dispense de venir témoigner à son propre procès! Finalement, on est consterné d’apprendre que des membres du bureau du Commissaire à la déontologie policière auraient offert un pot-de-vin à une famille qui conteste depuis 1991 l’arrestation d’un de ses membres. Déboutée en 1993, poursuivie au civil par le Syndicat des policiers, la famille accuse aujourd’hui un membre de la SQ d’avoir menti, entravé les procédures et falsifié des preuves. Ainsi, « en novembre [2004], une rencontre a eu lieu dans les locaux montréalais du Commissaire, où on a proposé 25 000 $ à la famille Mathieu pour étouffer le dossier une fois pour toutes. La conversation aurait cependant été enregistrée par les Mathieu. » (PC, 31-01-2005). La police autochtone À Kanesatake, ça va mal et tout le monde le sait. C’est pas nouveau : en mai 2004, une victime de brutalité policière, Joe David, est morte après six ans de paralysie consécutive à quelques balles bien placées par des agents de la Police Mohawk de Kanesatake. Le Comité de déontologie policière avait blâmé le chef de police d'alors, Terry Isaac, pour la bavure. En juillet 2004, un autre des hommes du grand chef James Gabriel, Larry Ross (blâmé aussi en 1999), aurait arrêté et brutalisé sans raison un mohawk. À l’automne, Robert Gabriel, cousin et adversaire de l’autre, accuse un policier autochtone d’avoir outrepassé son mandat de perquisition et d’avoir saisi du matériel en trop, soit « un sac de poubelle rempli de pilules » et 47 000$ cash. Aucune accusation ne sera ensuite portée contre lui… Les abus de pouvoir Les abus de pouvoir et l’impolitesse sont parmi les plus nombreuses plaintes au Commissariat à la déontologie policière. Les policiers sont souvent jugés impolis ou manquant de discernement dans leurs interventions. Un constat qui risque de s’aggraver avec le temps : en octobre, le SPVM se félicite de l’embauche de 224 nouveaux, portant les effectifs totaux à 4208. Petit problème : le rajeunissement du corps policier fait descendre la moyenne d’expérience à 4,8 ans, ce qui est peu considérant que les flics sont déjà très peu formés (moins de quatre ans d’études spécialisées). Même si le SPVM essaie de coupler jeunes et vieux, « dans le contexte actuel, on se retrouve souvent avec deux jeunes dans le même véhicule », avoue un représentant du SPVM. Tout cela n’est pas pour améliorer la situation. Qu’on en juge : Dès le début de l’année 2004, un policier accusé d’avoir transporté, en 2002, un homme ivre dans le coffre de sa voiture de patrouille, est condamné à cinq jours de suspension qu’il devra purger dans la communauté. Le coffre d’une Mini aurait été plus approprié. Un autre s’excuse d’avoir rudoyé un motocycliste lors d’une interpellation. Il sera tout de même blâmé par le comité de déontologie. En février, une femme se fait braquer par un policier nerveux qui surveille des pistes de motoneige. En mars, dans la suite de l’affaire des vignettes de stationnement VIP pour les policiers, un agent a été reconnu coupable d’avoir utilisé l’intimidation face à deux agentes de stationnement en 2001. En août, un flic de Gatineau est suspendu une journée pour être entré sans autorisation dans la résidence d’un citoyen. Plusieurs policiers ont de la difficulté à faire la différence entre le bien public et l’intérêt personnel, entre des fichiers confidentiels et un bottin de téléphone. En juillet, trois flics indiscrets sont sanctionnés pour avoir fourni des informations à la firme Sécur et pour avoir mal tenu leur enquête. Ils enquêtaient sur un vol commis par des individus habillés d’uniforme Sécur. Conjointement avec des employés de la firme, ils ont conçu des soupçons et ont demandé à deux employés, informellement, de venir passer un test de polygraphe, utilisant pour ce faire un règlement interne de la compagnie. L’un des deux « suspects » se suicidera avec son arme de service avant l’entrevue. En août, le policier Guérette de Montréal est condamné à la suspension, deux fois en cinq mois, pour avoir fouillé dans les bases de données à son profit et ceux de ses proches. De plus, il s’était introduit avec un collègue chez le conjoint de sa fille pour l’engueuler, agissant de « façon malicieuse et négligente, s'apparentant à de l'incompétence grossière ». Guérette n’ayant manifesté aucun remord, le président du comité de déontologie a affirmé : « ce policier me semble peu respectueux des lois, règles et règlements ». En janvier 2005, un autre flic curieux est suspendu pour dix jours : il a fourni à une amie de sa sœur des renseignements sur un individu qui l’importunait. Enfin, consternation finale : le directeur du SPVM, Michel Sarrazin, passera à la police privée en avril 2005, en devenant le directeur de la sécurité corporative à la Banque Nationale. Faites gaffe aux transferts de fichiers et autres utilisations abusives des renseignements confidentiels de la police publique pour satisfaire des intérêts privés. Et parlant de flicaille privée, il paraît que le gouvernement de Patapouf 1er entend réglementer l’industrie de la sécurité privée, alors que les 24 000 agents de sécurité du Québec ne sont soumis à aucune règle particulière. Naturellement, le regroupement des entrepreneurs en sécurité privée dénonce cette grave entrave au libre commerce. Les frasques du Service de police de la ville de Sherbrooke La période 2004-05 est véritablement celle du service de police de la Ville de Sherbrooke (SPS), qui nous offre un véritable feu roulant de frasques. Notons d’abord le blâme du juge Bellavance contre le SPS, ce qui a justifié le déplacement du procès du violeur Bernier vers Montréal (affaire Boisvenu). Les policiers auraient, entre autres, tracé un portrait-robot à partir d’une photo du suspect, pour faciliter son identification par des témoins…Par ailleurs, plusieurs affaires de brutalité et d’abus policiers se sont dénouées cette année : En avril, un flic du SPS qui avait tiré dans le dos d’un voleur qui s’enfuyait, le blessant au visage, est finalement lavé de tout soupçon de force abusive. De même, un autre agent amateur du jeu dans le dos est expulsé d’une ligue récréative de hockey pour avoir asséné un double-échec particulièrement vicieux. L’enquête du SPVM ne donnera rien. Le même mois, on apprend que huit policiers du SPS qui s’étaient battus, l’automne précédent, contre des Hell’s Angels dans un restaurant, ne seront ni poursuivis ni blâmés. Le propriétaire du restau détruit par les belligérants prévoit vendre des photos de l’événement pour rentrer dans ses frais. Les flics du SPS aiment d’ailleurs se battre : deux autres agents ont été impliqués, fin 2003, dans une bagarre liminaire à un tournoi de hockey. Aucune accusation. Par contre, un agent qui avait décidé d’aller jouer au casino plutôt que de se présenter à la formation payée par son employeur a été congédié. En avril sont aussi tombées les sentences des agents Labrecque et Laroche : respectivement cinq et quinze jours de suspension pour avoir utilisé une force abusive lors de l’arrestation illégale d’un citoyen, chez lui et devant sa femme (« votre rôti manque de poivre, madame, laissez-moi faire »). L’un des deux était aussi impliqué dans la bagarre contre les Hell’s Angels. En mai, des agents de la SQ de la MRC du Granit se retrouvent dans l’eau chaude après avoir « posé des gestes disgracieux » en dehors de leur mandat de perquisition. Cherchant du matériel de fumeur de cannabis, les flics se sont amusés à dénigrer d’autres marchandises vendues sur place et à chercher de la drogue dans les plafonds. Notons que c’est la première fois au Québec que des articles de fumeur de cannabis sont considérés comme « objets illégaux ». Cela pourrait constituer un dangereux précédent. En novembre, une plainte de brutalité policière a été déposée par deux hommes qui accusent huit policiers du SPS de les avoir tabassé suite à une poursuite en voiture. Enfin, deux semaines plus tard, les agents Ré, Bégin, Hovington et Turgeon sont reconnus coupable de voies de fait sur un citoyen lors de son arrestation. Avant la condamnation, le SPS s’époumonait contre la « diffamation » du plaignant, insistant sur le casier judiciaire de ce dernier pour le discréditer. Assez! Voilà qui est assez, n’est-ce pas? Permettez une dernière, qui fait plaisir celle-là : ça va tellement mal à la police de Montréal que cinq anciens flicards ont décidé de former le Groupe d'enquête civil indépendant (GECI) destiné à traquer les enquêteurs qui se croient au-dessus des lois. Les méga enquêtes sur les motards et le crime organisé, notamment, sont remises en question. À la fois par des policiers en exercice, par des délateurs et par des anciens flics. Le gros Chagnon a même formé un groupe d’étude pour faire la lumière sur les pratiques d’enquête et le respect des ententes de délation et de protection des témoins. Fait intéressant, certains des anciens flics du GECI ont été condamnés pour recel d’information, notamment aux motards. Le GECI affirme ne pas chercher à se venger, mais plutôt vouloir que toute la lumière soit faite. Il affirme détenir des preuves de falsification et de faux témoignages. À suivre… Ça fait quand même plaisir de voir les pourris se manger entre eux. Pendant ce temps, peut-être laisseront-ils le peuple tranquille? Marco Silvestro La liste a été établie à l’aide des sources publiques suivantes : Pour consulter les listes antérieures : Des flics qui tapent plus fort et qui pensent moins, 2001-2002 » dans Le Couac, vol. 5 no. 7, (mars 2002), disponible en ligne : http://www.lecouac.org/silvestro.html Voir aussi : Francis Dupuis-Déri « Mouvements sociaux et répression policière - Plus de 1700 arrestations à caractère politique au Québec depuis 1999 », dans Le Devoir, 7 août 2003, disponible en ligne : http://www.vigile.net/ds-actu/docs3a/03-8-7-1.html#ldfdd
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