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Déjà trente ans de lutte féministe pour Femmes Autochtones du Québec (FAQ): Retour sur le Colloque Itinéraires d'égalitéAnonyme, Vendredi, Février 25, 2005 - 16:35
Lucy in the sky
Déjà 30 ans derrière elles mais encore 30 ans derrière les femmes blanches... Vous arrive-t-il parfois d’avoir des éclairs de lucidité historique et de réaliser que nous vivons au coeur d’une forêt dans laquelle les arbres sont devenus une minorité visible? C’est exactement ce sentiment qui m’a frappé alors que j’écoutais les salutations traditionnelles et les respectueux remerciements des femmes autochtones du Québec à l’égard des hôtes de leur dernier Colloque. Ces femmes m’ont rappelé que nous sommes, à Montréal, les bienheureux invités d’hôtes désormais bien peu maîtres chez eux, les Mohawks. Ce rassemblement de Femmes autochtones du Québec (FAQ), intitulé Itinéraires d’égalité, s’est tenu les 22-23-24 février 2005 en l’honneur du trentième anniversaire de l’organisme. Des centaines de femmes représentant la plupart des Premières Nations se sont réunies pendant trois jours pour dresser le bilan des luttes du passé et faire avancer les perspectives d’égalité entre hommes et femmes. Certaines ont parlé avec émotions de leurs traumatisantes expériences de violence sexuelle et spirituelle vécues au pensionnat, d’autres ont proposé d’accorder au féminin les solutions aux problèmes sociaux, et beaucoup ont déploré les difficiles conditions de vie de la population autochtone féminine, tout en analysant en profondeur les rapports de domination des hommes, qu’ils soient Blancs ou non. Plonger dans le quotidien de femmes autochtones, aussi bien en réserve qu’en ville, implique d’être très souvent confrontés à la pauvreté, l’isolement, maladie, la violence, la toxicomanie, etc. Un fléau particulièrement lourd à porter pour les communautés est la violence sexuelle, une forme de violence évaluée à 21% chez l’ensemble des Premières nations et qui grimpe jusqu’à 53% chez les Inuits . L’écart salarial, mais également l’iniquité d’accès à l’éducation et aux emplois saisonniers placent généralement les femmes autochtones dans des situations financières beaucoup plus précaires que les hommes. Par ailleurs, les femmes mettent progressivement de l’avant le problème de la corruption au sein de la communauté, c’est-à-dire le fait que la gestion des budgets se fasse de façon non démocratique et que les membres des Conseils de bandes s’enrichissent aux dépens du reste de la communauté. La représentation politique des femmes au sein des Conseils est d’ailleurs très faible; seulement 83 Conseils de bande sur 612 ont une femme comme chef. À tout cela s’ajoute le manque de ressources adaptées à la spécificité culturelle de ces femmes (centre d’hébergement pour femmes victime de violence, centre locaux d’emplois, etc), ce qui fait dire à Michèle-Taïna Audette, sous-ministre associé responsable du Secrétariat à la condition féminine, que les femmes autochtones visent aujourd’hui la même libération que leurs consoeurs québécoises, mais doublement discriminées, elles le font avec trente ans de décalage. Le Colloque a aussi contribué au tournage d’un documentaire qui portera sur les suites de la loi C-31, ce fameux amendement à la Loi sur les Indiens de 1876 qui fut obtenu en 1985 grâce au lobby de femmes autochtones à travers le Canada. Un petit rappel historique sur la galanterie canadienne à l’endroit des Premières Nations : le secret de la colonisation réside simplement dans les armes de destruction culturelle comme la Loi sur les Indiens, qui fut d’abord nommée Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des sauvages en 1867 et qui visait leur sédentarisation et leur assimilation. Ainsi, la loi C-31 continue un peu dans la même lignée, car bien qu’elle fut une victoire partielle à l’époque et permit aux femmes mariées à des non-autochtones de conserver ou de retrouver leur statut et leurs droits, elle prive les Premières Nations du droit de décider eux-mêmes des conditions de leur statut, de leur citoyenneté, et de leur appartenance à la Bande. Evelyne O’Bomsawin, une militante Abénakis présidente de Femmes autochtones du Québec de 1977 à 1983, a exprimé lors de son intervention, son désir de poursuivre la lutte contre les clauses discriminatoires de la loi « car, dit-elle, je m’inquiète du sort des générations futures. L’article 6 de la loi ne donne pas le même niveau de statut aux enfants métis. Il y a ceux de la première génération- des 6(1)- comme moi, qui ont leurs deux parents Abénakis et ceux de la deuxième génération- des 6(2)- comme mes enfants, qui ont moins de droits. L’inégalité est là : les femmes comme moi qui sont mariés à des non-autochtones ont des enfants inscrits comme 6(2), tandis que les hommes mariés à des femmes non-autochtones ont des enfants inscrit 6 (1). Les 6(2) s’ils se marient avec un non-autochtone ne peuvent pas inscrire leur enfant comme autochtone, tandis que les 6(1) le peuvent! Alors j’ai 13 petits-enfants qui n’ont pas mon statut autochtone ! » De plus, Mérilda St-Onge, une conférencière du Colloque impliquée depuis plus de vingt ans dans les luttes de FAQ, précise que « malgré l’emphase mise sur l’explosion de la population autochtone inscrite en 1985 (plus ou moins 90 000), le nombre de femmes et d’enfants exclus de leur communauté est estimé à 70 000 et plus de la moitié de la population autochtone vit maintenant hors réserve. » Cela s’explique par le fait que les Conseils de Bande ont des codes d’appartenance très exclusif. Les femmes dans la salle semblaient alors unanimes sur une chose: si les hommes chefs de bande continuent ainsi à refuser l’accès aux femmes et aux enfants, et si la loi reste axée de la sorte sur la génétique, dans à peu près 40 ans il n’y a plus personne d’admissible à l’inscription, donc plus d’autochtones pour revendiquer les droits autochtones. Hourra ! Plus de question autochtone ! Plus de débat de compétence pour le financement entre Québec et Ottawa! Heureusement pour les onze nations du Québec, des jeunes comme Doreen Picard, une future maman atikamekw de 26 ans, reprennent avec fierté la lutte des grandes femmes qui les ont précédées. J’ai voulu savoir comment elle envisageait la place de jeunes femmes comme elles dans le mouvement autochtone au Québec. Pour elle, ce qui rend difficile l’unification des luttes des autochtones au Québec « c’est l’éloignement des communautés autochtones mais surtout le manque de fond pour éduquer et stimuler l’implication. Quand je suis arrivée comme animatrice à la vie étudiante dans l’école secondaire de la petite communauté d’Opitciwan, il n’y avait pas du tout d’activité parascolaire, ce qui faisait qu’après Noël la moitié des élèves avaient décroché! Le grand défi c’est d’impliquer les jeunes; ils ne réalisent pas l’importance que peuvent avoir leurs actions. Les aînées aussi bien que la relève sont conscientes d’être à un point crucial de leur combat et semblent plus que jamais acharnées pour l’accès à la citoyenneté et l’amélioration des conditions de vie dans leurs communautés. Cependant ces femmes des Premières Nations qui luttent pour l’égalité savent que pour y arriver, il ne suffit pas de lutter sur la place publique contre le gouvernement, mais elles s’engagent fermement à transformer les consciences des hommes avec qui elles vivent. Toutes les citations sont tirées de conférences ou d’entrevues réalisées le 23 février 2005 lors du Colloque Itinéraires d’égalité .
Femmes Autochtones du Québec Inc. (FAQ)est un organisme qui représente les femmes des Premières Nations du Québec ainsi que les femmes autochtones qui vivent en milieu urbain.
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