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Partenariat Public Privé: à votre santé!

Anonyme, Mardi, Février 1, 2005 - 10:55

Nicolas

On a peine à croire que le privé, avec son impératif de profit, arriverait vraiment à faire mieux que le public dans le domaine de la santé. Pourtant, le gouvernement libéral tente de nous faire croire le contraire et nous faisant miroiter les bienfaits des fameux Partenariat Public Privé (PPP pour les intimes), des ententes où le privé finance, construit et opère des institutions, un hôpital par exemple, sous contrat avec le public. Si on en croit Monique Jérôme-Forget, la présidente du Conseil du Trésor, ces fameux PPP nous coûteraient moins cher et offriraient de meilleurs services. C'est presque trop beau pour être vrai.

Et bien justement, c'est trop beau pour être vrai! Peut-être avez-vous entendu parlé du projet de relocalisation des Résidences Saint-Charles à Limoilou (un centre hospitalier de soins de longue durée) . C'est un projet qui traîne depuis 10 ans. Faute de fric, la dernière idée du Ministre de la santé était de réaliser la construction en PPP. Or voilà, réaliser le tout en PPP coûterait beaucoup plus cher, en fait, il faudrait qu'il y ait des dépassements de coûts de 96% si c'était réalisé dans le public pour que ça reviennent aussi cher qu'en PPP. C'est en tout cas ce qui ressort d'une étude indépendante commandée par le Centre de santé et de services sociaux de Québec-Sud à la firme Mallette.

14,4 millions de plus pour un CHSLD en PPP!

Il ressort de l’étude que la construction et l’exploitation de la Résidence Saint-Charles coûteraient 42,2 millions de dollars en mode conventionnel ou 56,6 millions selon la formule PPP. Sur une période de 25 ans, le coût de revient actualisé par lit serait de l’ordre de 430,000$ en PPP contre 320,000$ en mode conventionnel, soit 110,000$ de plus par lit!

Plus précisément, l’étude a comparé la réalisation de ce projet selon qu’il serait réalisé en mode conventionnel (conception, financement et exploitation par une agence publique) ou selon un mode de partenariat public-privé (PPP) de type B.O.T., c’est-à-dire pour la construction, l’exploitation et le financement par l’entreprise avec rétrocession à l’agence publique au terme d’un contrat d’exploitation de 25 ans. Dans cette dernière hypothèse, l’agence publique assume les soins de santé et paye un loyer (frais d’utilisateur) à l’entreprise privée qui opère et entretient le bâtiment. L’étude a consisté en un sondage sur les attentes de plusieurs entreprises privées, potentiellement intéressées par un tel projet en PPP.

Toujours selon cette étude, seule la combinaison de deux conditions pourrait conférer un léger avantage à l’approche PPP, mais il y a un hic. D’une part, le partenaire privé devrait accepter de se contenter d’un rendement de 5% et, d’autre part, les coûts de construction en mode PPP devraient être réduits de 20% par rapport au mode conventionnel. Cette seconde condition signifie que les normes actuelles (ex. : qualité des matériaux de construction, dimension des aires de repas, etc.) ne pourraient pas être respectées. Mais, dans ce cas, on ne compare plus ce qui est comparable. Et on est loin des prétentions de la présidente du Conseil du trésor qui a déjà affirmé que les constructions en PPP seraient de meilleure qualité...

Et le droit du public à l'information?

Curieusement, cette étude datée de novembre 2004, a été rendue publique la semaine passée par le Syndicat canadien de la fonction publique, qui syndique les employés du centre qu'on veut relocalisé. Le SCFP a dû passer par la loi d'accès à l'information pour avoir accès à cette étude et la rendre finalement publique. Lucie Richard, directrice-adjointe du SCFP, a plaidé avec raison pour que l’Agence des PPP récemment créée par le gouvernement rende publiques toutes les études entourant les projets de PPP, que ce soit dans le secteur de la santé ou ailleurs «Quand on voit les coûts faramineux que représentent les PPP pour la population, la première responsabilité du gouvernement, c’est la transparence, a-t-elle affirmé. Cultiver les études secrètes n’apportera rien de bon à la population et à la santé démocratique du Québec.»

Le Service de la recherche du SCFP, qui a analysé l’étude menée par Mallette sur le projet de la Résidence Saint-Charles, estime que l’intérêt de cette étude va bien au-delà du projet de relocalisation du CHSLD. Pour les analystes du SCFP, il s’agit d’une «éclatante démonstration de la vanité des prétentions des promoteurs de la privatisation des services publics. Malgré des hypothèses toutes aussi improbables que favorables au PPP (sous-estimation du rendement attendu, du taux de financement bancaire et des coûts d’exploitation), la firme Mallette ne parvient qu’à démontrer que le mode conventionnel (financement, propriété et exploitation par le secteur public) demeure, et de très loin, plus avantageux qu’un PPP du point de vue des contribuables.»

Comment donc le privé pourrait-il arriver à faire des profits, tout en offrant un service comparable mais en ne coûtant pas plus cher que le public? Mystère et boule de gomme...

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La compétitivité du privé vient des bas salaires

En fait, la «compétivité» du privé n'a rien de mystérieuse. Dans un autre dossier complètement, la CSN lançait cette semaine une campagne pour améliorer les conditions de travail des employéEs des centres d'hébergement privés pour personnes âgées. Il s'agit là d'un secteur en pleine expansion, on compte à l'heure actuelle quelques 2200 centres qui hébergent à peu près 80 000 personnes âgées. Ça commence à faire du monde.

La CSN révélait, on s'en serait douté que les conditions dans ces centres ne sont roses ni pour les clientEs, ni pour les employéEs. Pour la très grande majorité des employé-es aux soins, dans les services alimentaires, à l'accueil et à la sécurité de même qu'à l'entretien ménager, les revenus avoisinent souvent le salaire minimum, se situant ainsi loin derrière ceux du secteur public. La rémunération des préposé-es aux bénéficiaires, par exemple, est inférieure de près de 40 % à ce qui est versé dans le réseau public. Cet écart est tout aussi palpable chez les infirmières auxiliaires, à qui il est demandé une scolarité additionnelle et l'obligation d'appartenir à un ordre professionnel. Quant aux jours fériés, aux congés de maladie et aux vacances, ils reflètent davantage les normes minimales du travail que ce que l'on retrouve dans le secteur public comme dans le secteur privé syndiqué en général. Enfin, les primes de soir, de nuit et de fin de semaine ainsi que les régimes de retraite et les régimes d'assurance collective sont à toutes fins utiles inexistants. En fait, la CSN revendique un salaire minimum de 11$ de l'heure dans ce secteur, c'est tout dire.

Il ne faut pas se surprendre qu'avec de telles conditions de travail, la formation du personnel, dans la grande majorité des établissements, soit quasi-inexistante selon la CSN, malgré des besoins qui s'accroissent et deviennent de plus en plus complexes (déficits cognitifs chroniques, maladie d'Alzeimer, errance, troubles alitants, etc.). De plus, les équipements nécessaires pour assurer des services de qualité, tels que des bains thérapeutiques, des lève-personnes fonctionnels et sécuritaires, des lits et des chaises adaptées, de la literie en quantité suffisante, etc., font aussi cruellement défaut.

La CSN s'inquiète aussi de l'impact des mauvaises conditions de travail sur la quantité et la qualité des services offerts aux bénéficiaires. Dans un contexte où la rentabilité et les profits sont la principale raison d'être des employeurs, les ressources font particulièrement défaut, alors que les personnes hébergées sont vieillissantes et que leur état de santé, en général, se dégrade continuellement. Ainsi, le manque d'effectifs pour offrir des soins et des services adéquats entraîne des surcharges de travail énormes pour le personnel de ces établissements. Le non-remplacement des employé-es ajoute à la lourdeur de la charge de travail du personnel. Les conditions sont telles selon la centrale syndicale que dans certains établissements le taux de roulement du personnel est très élevé en raison, entre autres, des départs fréquents d'employé-es à la recherche de meilleures conditions de travail, ce qui a des effets évidents sur la continuité de même que la qualité des soins et des services dispensés.

Miraculeux le privé? Sûrement pas. Questionnés quant à savoir si les centres d'hébergement auraient les moyens de mieux payer leurs employéEs, la CSN répond oui, dans ceux ayant entre 100 et 1000 résidentEs. Peut-être est-il utile de mentionner que le taux de syndicalisation dans le secteur des centres d'hébergement est de 5%, alors qu'il avoisine le 100% dans le public si on exclu les médecins et les cadres. Ceci explique peut-être bien des choses...

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Dégrader le système public pour vendre les PPP

Comment pourra-t-on faire dans ce contexte pour faire avaler la pilule des PPP à la population? Plusieurs analystes prétendent qu'en déteriorant suffisament la qualité du service public, on pourra en arriver à ce que la population réclâme elle-même l'intervention du privé. C'est ce que soutenait,entre autre, un article dans la plus récente parution du journal anarchiste Le Trouble.

Concernant la prolifération de la bactérie C-difficile --7000 cas au Québec dont 1000 morts selon le journal de l'association médicale canadienne-- Le Trouble soulignait la régression de l'entretien ménager dans le système hospitalier. En effet, depuis la réforme de la santé péquiste de 1994, le réseau de la santé a perdu 6500 employéEs auxiliaires (à peu près 20%), dont plusieurs travaillaient dans l'entretien ménagé. Évidemment, de telles coupures poussent les employéEs à tourner les coins ronds. Or, il est prouvé qu'un nettoyage adéquat des surfaces fait partie intégrante de la prévention des infections du type de la bactérie C-difficile. Depuis les coupures de 1994, 75% des hôpitaux ont eu des réprimandes pour violation des règles de nettoyages et de prévention.

On apprenait dans le même article que pour rendre les services plus efficaces, la plupart des hôpitaux se sont équipés de logiciel pour rationaliser l'entretien. Le plus populaire serait le logiciel PROPRE, qui est utilisé dans 212 établissements, 70% du réseau. Ce logiciel, après une analyse des lieux, prévoit le temps requis pour nettoyer les salles et le meilleur itinéraire pour le faire. Évidemment, le logiciel permet de rationaliser le temps et de le revoir à la baisse ce qui permet de réduire le personnel et de créer des routes plus longues. D'après des exemples rapportés par le syndicat de l'hôpital Notre-Dame à Montréal, on allouait 36 secondes 4 jours sur 5 pour le nettoyage des salles de bains dans certaines unités et la 5e journée 13 minutes étaient accordées pour faire les «gros travaux». Après la sortie des chiffres, la direction de l'hôpital s'est défendue en disant que d'après le logiciel les employéEs avaietn 9 minutes pour laves les salles de bains. Le problème c'est que d'après une étude menée par l'Institut Pinel, il faut laisser agir les produits désinfectant au moins 10 minutes sur les surfaces pour tuer adéquatement les bactéries...

Alors voilà où on en est rendu dans le service public de santé. Quand on sait que les services d'entretien sont la principale cible, avec la bouffe et les buanderies, de l'offensive des PPP, il y a de quoi s'inquiéter. Il y a fort à parier que le privé trouvera le moyen de rationaliser le tout encore plus pour faire plus de profits. Sans parler, bien entendu, du plus grand roulement de personnel à cause des moins bonnes conditions de travail, de la diminution de la formation et, en bout de ligne, de l'augmentation des risques d'infections...

Le Trouble rappelait que les services d'entretien sont des services tout aussi médicaux que les infirmières et les médecins et que les grandes améliorations au niveau de l'expérance de vie au cours du dernier siècle sont principalement dues aux améliorations socio-sanitaires. Il ne serait pas surprenant qu'après la destruction planifiée de notre système de soin de santé, la population revendique le droit de payer pour de meilleurs soins. Meilleurs soins qui ne seront pas loin de représenter le minimum duquel on s'attendait il y a 20 ans dans le système public. C'est d'ailleurs déjà commencé.

La boucle est bouclée. Vive les PPP!

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Source: communiqués du SCFP, de la CSN et Le Trouble no 27
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[Extrait du bulletin de nouvelles du 1er février 2005 de Au ras des paquerettes, une émission d'actualité locale, sociale et syndicale dans un perspective libertaire diffusée tous les mardi à 9h sur les ondes de CKRL 89,1fm et sur le web à http://www.ckrl.qc.ca Reproduction encouragée en mentionnant la source.]

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