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Une petite victoire pour Yasmine

Anonyme, Lundi, Décembre 6, 2004 - 21:14

les amiEs de Yasmine Behlouli

Après environ deux ans d'attente, Yasmine Behlouli, 19 ans et ex-sans-statut algérienne, pourra finalement étudier au cégep, en payant les frais ordinaires, plutôt que les frais d'étudiante étrangère que lui exigeait le gouvernement.

Elle et sa famille n'ont toujours pas leur résidence permanente, mais Yasmine, à travers sa lutte et celle du Comité d'action des sans-statut, aura au moins fait valoir son droit fondamental à l'éducation. Un droit qui était nié par un sytème d'immigration raciste et brutal.

« Nous ne sommes pas venus ici pour regarder des murs et ne rien faire. »
« We did not come here to stare at walls and do nothing. »

Il y a quelques semaines, Yasmine Behlouli a appris qu’elle passerait une année de moins à regarder les murs de sa maison et du bureau où elle travaille, en attendant de pouvoir poursuivre ses études collégiales. Elle a effectivement été acceptée en sciences humaines au cégep Ahuntsic, où elle pourra étudier dès le mois de janvier 2005, et ce en payant les frais d’inscription « normaux » pour les étudiant-e-s québécois-es et résident-es permanents.

Yasmine et sa famille ont fui la guerre civile en Algérie. Longtemps sans statut, sans papiers et menacée de déportation, la famille a finalement reçu le certificat de sélection du gouvernement québécois en mars 2003, en vertu de l’entente spéciale sur les sans-statut algérien-ne-s mise en place par Québec et Ottawa en 2002. Mais deux ans ont passé et la famille n’a pas encore obtenu le statut définitif de résidence permamente, elle qui pourtant demeure ici depuis neuf ans. N’ayant pas en sa possession les documents adéquats, le ministère de l’Éducation la qualifie « d’étudiante étrangère » et l’oblige à défrayer des coûts d’environ $4000 par session. C’est que les étudiant-e-s considérés comme « étrangers » constituent une précieuse source d’argent pour pallier au sous-financement chronique du système d’éducation, engendré par des années de coupures dictées par des gouvernements à toutes les sauces. Et la plupart du temps, pour plusieurs raisons, ces étudiant-e-s ne luttent pas.

Mais Yasmine et sa famille, eux, ont lutté. Ils ont lutté pour leurs droits, contre leur déportation et celle des autres sans-statut. Yasmine a lutté pour aller à l’école, pour échapper aux jobines sous-payées que le système québécois réserve aux immigrant-e-s. Et même lorsque la famille a obtenu la régularisation de son cas, elle a continué de lutter, pour les droits qui lui étaient encore refusés et en appui aux autres sans-statut.

Ainsi, dès le mois de septembre 2004, des gens commencent à mettre de la pression sur le Minsitre de l’Éducation, Pierre Reid, pour qu’il laisse à Yasmine son droit d’étudier dans le cégep de son choix en payant les frais ordinaires. Les nombreux téléphones, les fax et les articles dans les journaux constituent un bon départ, mais ne semblent pas suffisants. Une délégation au bureau du Ministère de l’Éducation se heurte à une porte close. Les échanges froids entre la délégation et le gardien de sécurité permettent d’apprendre qu’on a en effet fermé le bureau pour la journée. Peut-être les bureaucrates du MEQ craignaient-ils de devoir justifier publiquement les prétextes pour lesquels ils nient les droits fondamentaux d’une jeune de 19 ans ?

Quelques jours plus tard, un article paru dans La Presse annonçait qu'elle pourrait dorénavant étudier au cégep. Mais il semble que tout n'était pas réglé. Le Ministère a décidé d'encore retarder son entrée au cégep, le temps de prolonger l'incertitude et l'attente quelques semaines encore. Après avoir tenus plusieurs propos contradictoires et après plusieurs fausses assurances au sujet de son admission, les ministres lui ont finalement accordé la dérogation nécessaire pour poursuivre ses études.

La lutte de Yasmine et de sa famille a porté fruit : elle pourra dorénavant étudier en payant un montant qui représente une fraction de ce qu’on lui exigeait auparavant. Une victoire. Que Yasmine puisse poursuivre ses études collégiales n’effacera certes pas le fait que le dossier de résidence permanente de sa famille traîne encore dans l’océan bureaucratique du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Cela n’effacera pas non plus le fait qu’il s’agisse possiblement d’une punition pour, justement, avoir lutté et vaincu. Et cela n’effacera pas les séquelles de ses années sans statut, ni les mois perdus à attendre. Mais c’est une victoire qui lui appartient, à elle et à sa famille, une victoire puisque que ce sont les pressions de Yasmine et de ses allié-e-s et non pas l’indulgence des ministres qui l’ont acquise. Un gain qui a connu des souffrances et qui connaît la nécessité de continuer ces luttes.



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