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Élections partielles: la récupération politique se poursuit

Eric Smith, Lundi, Septembre 20, 2004 - 13:37

Arsenal-express

Les Libéraux de Jean Charest ne risquent pas grand chose lors des élections complémentaires qui auront lieu ce lundi. Au pire, ils perdront la circonscription de Vanier, que pourrait leur arracher l'ADQ, avec l'aide des quelques grandes gueules d’extrême-droite qui sévissent sur les ondes radio à Québec. Le résultat des élections partielles témoignera une fois de plus de l'impasse de la politique électorale de la gauche officielle.

Des élections partielles auront lieu ce lundi (20 septembre) dans quatre circonscriptions au Québec: celles de Gouin, Laurier-Dorion, Nelligan et Vanier. Les médias et les commentateurs politiques affirment qu’il s’agira d’un important test pour le gouvernement Charest, qui a atteint des sommets d’impopularité sans précédent l’hiver dernier.

Mais en réalité, les Libéraux ne risquent pas grand chose: le PQ va très certainement conserver la circonscription de Gouin, qui était représentée jusqu’ici par celui qui en sera peut-être le prochain chef, André Boisclair, tandis que le PLQ va vraisemblablement conserver celles de Laurier-Dorion et de Nelligan, qu’il détenait déjà. Seul le comté de Vanier, situé à Québec, pourrait lui échapper: l’Action démocratique de Mario Dumont y a en effet mené une campagne hautement démagogique en défense de la très populaire station de «radio poubelle» CHOI, dont la licence de diffusion a été révoquée par le CRTC il y a quelques semaines.

Le cas échéant, ce sont donc l’ADQ et les quelques grandes gueules d’extrême-droite qui sévissent sur les ondes radio à Québec qui, seuls, auront réussi à porter un premier coup solide au gouvernement Charest dans l’arène électorale. Pendant ce temps, les leaders patentés de la gauche officielle rament désespérément pour maintenir à flot leurs «alternatives» respectives.

Il y a quelques mois à peine, nombreux étaient ceux qui pensaient que le fort mouvement populaire anti-Charest qui s’est manifesté d’un bout à l’autre de la province allait se développer en ligne droite, jusqu’au renversement du gouvernement libéral. Les grandes centrales syndicales parlaient alors d’organiser une grève générale de 24 heures cet automne, voire même une grève illimitée, dans le but de forcer le gouvernement Charest à rappeler les lois anti-syndicales et anti-populaires qu’il a adoptées au cours de la dernière année.

Sauf qu’aujourd’hui, à la veille de la tenue du Forum national de concertation que les Libéraux ont convoqué afin de calmer les esprits, force est d’admettre que la perspective d’une grève générale est plus éloignée que jamais -- la FTQ, pour une, l’ayant repoussé à l’an prochain (officiellement), sinon aux calendes grecques (dans les faits).

Les divers groupes opportunistes dont l’horizon se borne au système politique imposé par la classe dominante (notamment les trotskistes et les révisionnistes du «Parti communiste canadien») avaient voulu voir dans le mouvement anti-Charest et la possibilité d’une grève générale une «nouvelle preuve» de la «toute-puissance» et du rôle potentiellement «révolutionnaire» du mouvement syndical. Même nos amiEs de la NEFAC (la Fédération des communistes libertaires du Nord-Est) se sont fait prendre au jeu, faisant de la grève générale leur axe principal, et du mouvement syndical leur lieu privilégié d’intervention.

Tandis que la NEFAC cherche toujours à comprendre ce qui s’est passé et à s’expliquer comment les directions des grandes centrales syndicales ont pu soudainement changer de cap et dévoyer ainsi le mouvement de lutte, la gauche réformiste, quant à elle, s’est rapidement adaptée à la situation, sautant à pieds joints dans l’arène électorale.

Françoise David et ses partisanEs réuniEs au sein du collectif D’abord solidaires ont annoncé, on le sait, la fondation du mouvement Option Citoyenne, qui vise à se transformer en parti politique et à participer aux prochaines élections générales. Prise de court, la direction de l’Union des forces progressistes (UFP), qui postulait jusque là au titre «d’alternative de gauche unifiée», s’est trouvée dès lors condamnée à tenter de se tailler la meilleure place possible au sein du nouveau parti. Parallèlement, d’anciens alliés de l’UFP réunis autour de Pierre Dubuc (le directeur de L’aut’journal) ont lancé leur propre initiative (il s’agit du groupe appelé «Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre») et ont carrément joint les rangs du PQ -- certains d’entre eux, comme l’ex-président de la CSN Marc Laviolette, souhaitant même se porter candidat de ce parti bourgeois aux prochaines élections.

Dans le cadre des élections partielles actuelles, l’UFP présente tout de même quatre candidatEs, qui ont obtenu l’appui d’Option citoyenne. L’UFP souhaite bien sûr obtenir le meilleur résultat possible, qui lui permettrait de se positionner avantageusement, dans le cadre des grandes tractations qui auront lieu autour de la création du nouveau parti dirigé par Françoise David. Pour les militantEs de l’UFP, les élections partielles de cette semaine représentent ni plus ni moins qu’un dernier tour de piste, une sorte de baroud d’honneur avant de passer à autre chose.

Mais dans un cas comme dans l’autre, la perspective étroitement électoraliste, nationaliste et réformiste de l’UFP comme de l’Option citoyenne les condamne toutes deux à rester à la remorque du PQ, voire à lui servir de marchepied. C’est d’ailleurs ce que Dubuc et ses amis ont finalement compris, eux qui ont préféré joindre tout de suite les rangs du PQ pour y accumuler des «indulgences», au fur et à mesure qu’ils témoigneront de leur loyauté envers leur nouvelle chapelle.

Les projets de l’UFP et de l’Option citoyenne, qui sont identiques quant au fond, reposent sur les mêmes prémisses que celui qui est actuellement porté par le PQ: à savoir qu’il faut un «État fort» (et souverain) pour représenter les aspirations de «toutes les Québécoises et tous les Québécois», sans distinction de classes; et qu’un tel État peut prévenir ou empêcher les pires excès du capitalisme sauvage -- la conquête du pouvoir d’État ne pouvant se faire que par les élections et la participation au système parlementaire actuel.

Le candidat-vedette de l’UFP lors des élections partielles de lundi, Gaétan Breton, qui se présente dans le comté de Gouin (et qui est aussi un proche de Pierre Dubuc et collaborateur de L’aut’journal), l’a exprimé très candidement la semaine dernière lors d’un débat qui l’opposait au candidat péquiste Nicolas Girard. Alors que les deux compères achevaient de présenter leurs programmes respectifs, et s’étant rendu compte qu’ils étaient semblables presque en tous points, Breton s’est exclamé: «Nous allons sortir d’ici dans le même parti!» (La Presse, 16/09/2004) Ce qui fut présenté comme une simple boutade recelait en fait une lourde part de vérité.

Dans le contexte actuel au Québec, le succès d’une «alternative de gauche» du type UFP ou Option citoyenne repose à moyen terme sur l’adoption d’un mode de scrutin proportionnel. Dans un tel cas, ses résultats, aussi petits soient-ils, pourraient s’additionner à ceux qu’obtiendrait le PQ -- que ce soit lors d’un scrutin général ou dans le cadre d’un éventuel référendum sur la souveraineté. Son poids électoral servirait alors à négocier les conditions de son alliance avec le PQ, voire sa participation à un éventuel gouvernement de coalition.

Dans le cas contraire, comme c’est le cas actuellement, tout ce que l’UFP et/ou l’Option citoyenne peuvent faire, c’est de tenter de grossir la «menace» qu’elles représentent potentiellement à l’endroit du PQ, de façon à pouvoir négocier avantageusement les conditions de leur intégration au sein de ce parti (acceptation de telle ou telle candidature, comme celles d’Amir Khadir ou de Françoise David, ou encore un très hypothétique partage de circonscriptions avec le PQ). Dans un cas comme dans l’autre, on aura noté que le résultat sera le même, à savoir que c’est le PQ qui en récoltera les fruits.

Il n’est pas inintéressant de noter à cet égard que dans le bilan qu’elle a présenté de sa récente tournée estivale, Françoise David, tout en affirmant son intention d’aller de l’avant et de créer son nouveau parti, n’a nullement écarté la possibilité de s’allier avec le PQ, voire de s’y joindre: rappelant que son groupe est composé de «gens de dialogue et de stratégie», la porte-parole d’Option citoyenne n’a pas hésité à parler de «passerelle possible» avec le PQ, ce qui a fait dire au reporter qui l’interviewait qu’une éventuelle entente avec le PQ n’est absolument pas exclue (Le Devoir, 14/09/2004).

Bien sûr, tout cela ne serait à nos yeux que de fort peu d’importance, si ce n’est que ces magouilles électoralistes d’une part impliquent certaines organisations qui se prétendent faussement «communistes»; et que d’autre part, elles se font toujours au nom de la majorité de la population (les David, Khadir et consorts ne parlent bien sûr jamais du prolétariat, préférant utiliser des termes «neutres» et mieux perçus par les médias bourgeois tels «citoyens et citoyennes», mais ils se font toujours un devoir de parler en son nom).

Comme on l’a vu autant lors des dernières élections fédérales qu’au dernier scrutin provincial le 14 avril 2003, un nombre de plus en plus grand de personnes, dont pas loin d’une majorité de travailleurs et de travailleuses, rejettent le cirque électoral et n’y participent même plus. Il s’agit là d’un phénomène positif, que les élections partielles de cette semaine vont confirmer de nouveau.

L’activité des révolutionnaires auprès des masses prolétariennes et populaires ne doit aucunement servir à «revamper» les vieilles institutions dépassées de la démocratie bourgeoise; elle doit plutôt contribuer à en dévoiler le véritable caractère, de sorte à ce qu’on puisse éventuellement les détruire. C’est à cette tâche que nous nous consacrons, et que nous appelons tous ceux et toutes celles qui veulent lutter pour un changement véritable à réaliser, plutôt que de se joindre à ce cirque de troisième ordre que sont les élections et le parlementarisme bourgeois.

* * *

Article paru dans Arsenal-express, nº 21, le 19 septembre 2004.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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