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La géothermie, l’inconnue la plus rentableSebastienT79, Dimanche, Septembre 19, 2004 - 08:59
SebastienT79
Chauffer sa demeure sans réchauffer la planète, c’est possible, grâce à la chaleur de la terre, même en hiver. Les immenses possibilités de la géothermie sont encore méconnues au Québec. Deuxième d’une série de trois articles sur les énergies nouvelles Québec pourrait faire l’économie du Suroît si, par un financement approprié, il stimulait l’installation de chauffage géothermique dans 23 000 des 25 000 nouvelles résidences qui se construisent annuellement depuis quelque temps, affirme Bruno Hébert, président de la Corporation des entreprises en traitement de l’air et du froid (CETAF). Pourtant, dans son récent avis, la Régie de l’énergie n’a pas consacré un seul chapitre à cette filière malgré la preuve technique déposée par la CETAF devant elle. Dans une province où on croit dur comme fer que les bas coûts de l’électricité empêchent le recours à une filière aussi novatrice, on aura un choc en apprenant que le Manitoba, la province dont l’électricité est la moins chère du continent -- moins chère encore que celle d’Hydro-Québec --, vient de lancer un programme de construction de 13 000 unités de chauffage géothermique, l’équivalent en énergie de la centrale au gaz de Bécancour. Sans un iota de gaz à effet de serre ! Une recherche réalisée en 1999 pour le ministère fédéral des Ressources naturelles par la société Caneta concluait que les équipements de géothermie sont disponibles partout au Canada et qu’il « n’y a aucune autre technologie de climatisation-chauffage, accessible financièrement, qui peut prétendre avoir des effets aussi concrets et efficaces sur le problème des émissions de gaz à effet de serre ». Pourtant, même s’il y a 700 000 systèmes installés présentement dans le monde, au Canada, il s’en installe seulement 3000 par année et au Québec, où le chauffage constitue pourtant l’essentiel de la facture d’énergie, on parle de 250 à 300 unités par année. En Suède, par contre, et en raison précisément de la facture annuelle du froid, on a installé, uniquement en 2001, quelque 27 000 unités, soit dans la quasi-totalité des nouvelles maisons. Plus que l’équivalent du Suroît, en un an ! Méconnue, mais rentable Mais qu’est-ce qu’un chauffage géothermique, cette perle énergétique méconnue et pourtant si rentable ? C’est un système qui utilise l’inépuisable chaleur du sous-sol terrestre, renouvelée en permanence par le noyau en fusion de la planète. Cette chaleur est disponible même en hiver sous la ligne de gel, soit en dessous de 1,75 m de profondeur, ce qu’on voit lorsqu’une pelle mécanique extrait en hiver de la terre qui fume parce qu’elle est beaucoup plus chaude que l’air extérieur. La géothermie utilise les mêmes principes que ceux éprouvés depuis des générations dans n’importe quel réfrigérateur ou dans les nouvelles pompes à chaleur, qui extraient du froid de l’air ambiant en été et de la chaleur en hiver mais de moins en moins au fur et à mesure que le thermomètre descend. Ce qui explique d’ailleurs que les pompes à chaleur ne sont plus utiles sur le plan énergétique quand Hydro-Québec fait face aux pics hivernaux de la demande. Mais dans le sol, quel que soit le froid extérieur, la température se maintient autour de sept degrés centigrades. Dans une pompe à chaleur, qui fonctionne à l’air libre ou dans le sous-sol, le liquide réfrigérant est compressé pour absorber la chaleur, puis relâché et dilaté pour transférer cette chaleur à l’endroit désiré comme dans un appareil de chauffage. En été, on inverse le cycle, ce qui permet d’extraire la chaleur de la maison et donne l’impression aux habitants qu’on y introduit du froid... Mais alors que les thermopompes sont bruyantes et durent de 12 à 15 ans, un système géothermique est silencieux et fonctionne à l’intérieur, ce qui prolonge sa vie utile autour de 25 ans et ne dérange pas les voisins. Son efficacité énergétique est surprenante : chaque kilowatt dépensé dans la compression du liquide caloriporteur, qui se réchauffe dans le sol avant de revenir dans l’appareil, génère environ 3,5 kilowatt d’énergie calorifique. Et comme l’appareil fonctionne dans la maison où il libère sa propre chaleur, un kilowatt d’électricité en produit au total l’équivalent de quatre en chaleur, explique Bruno Hébert. La facture du chauffage est ainsi réduite de 60 à 70 %, selon la qualité de l’échange de chaleur dans le sous-sol. Peu profond Les premiers systèmes en géothermie puisaient l’eau de la nappe souterraine, en extrayaient la chaleur et la renvoyaient par un autre puits dans le sous-sol. Les systèmes d’aujourd’hui fonctionnent en circuits fermés, ce qui évite de coûteux nettoyages. On évite les fuites de contaminants chimiques en utilisant du glycol... alimentaire. Les premiers systèmes exigeaient des puits très profonds, pouvant aller à 200 mètres, et assez larges pour loger la tuyauterie hermétique des systèmes actuels. Cette opération était très dispendieuse et portait le prix d’un système résidentiel autour de 30 000 $. L’entreprise de M. Hébert a conçu un système de pompe qui évite le recours aux puisatiers et aux puits profonds. Il en fore plusieurs de 30 mètres de profondeur seulement, selon les besoins du client, qu’il distribue en forme de pyramide dans le sol à partir d’un point unique près de la maison. Il utilise ainsi entièrement le terrain d’une résidence pour y enfouir une tuyauterie de cuivre, beaucoup plus efficace que celle en PVC pour l’échange d’énergie. Selon les endroits, les sous-sols et les besoins, les prix peuvent se situer désormais entre 10 000 et 13 000 $. Si on peut utiliser le fond d’un lac assez profond pour y déposer le serpentin du caloriporteur, un système géothermique pourrait coûter aussi peu que 7000 à 8000 $ parce que le miniforage n’est même plus nécessaire. Le public québécois ignore la géothermie, dont l’utilisation a été suggérée par le Suisse Zolly en 1912, même si c’est ici que les gains seraient probablement les plus spectaculaires. Plusieurs raisons expliquent cette situation, soit le manque d’information et de soutien gouvernemental, estime le président de la CETAF. Dans certains États américains, les distributeurs d’électricité vont financer sans intérêt une partie des équipements géothermiques parce qu’il ne leur en coûte pas cher de récupérer ainsi l’électricité épargnée, qu’ils revendent à fort prix à d’autres. De son côté, Hydro-Manitoba finance la différence entre le coût du système de chauffage en place, même s’il se résume à 10 calorifères de 30 $, et le coût du nouveau système au taux de 6,5 %. Il a été démontré que, pour le consommateur, le coût mensuel est inférieur, dès le premier mois, au montant d’énergie payé auparavant au distributeur d’électricité ! Un programme équivalent à celui du Manitoba, précisait le mémoire déposé en avril par la CETAF auprès de la Régie de l’énergie, coûterait environ 200 millions, soit sensiblement moins que les 550 millions du Suroît. Selon une vulgaire règle de trois, pour les 23 000 maisons nécessaires au remplacement du Suroît, il en coûterait donc approximativement 353 millions. Mais, contrairement au Suroît, les consommateurs rembourseraient Hydro-Québec complètement et l’énergie économisée serait disponible, comme au Manitoba, pour revente à fort prix sur le marché américain. Pourquoi ? Quelles pourraient bien être alors les raisons qui empêcheraient Hydro-Québec d’en faire autant ? M. Hébert montre du doigt un effet pervers méconnu de la division factice d’Hydro-Québec en divisions qui se vendent entre elles des électrons ou des services. « La réponse est simple, dit-il. Hydro-Québec Distribution n’a pas intérêt à réduire ses ventes et ses profits, qui diminueraient trop vite avec une pareille économie globale. Le Québec reviendrait sous la barre des 165 TWH, ce qui fait que les nouveaux kilowatts ne pourraient plus être vendus et facturés au taux marginal des nouveaux projets ou achats, beaucoup plus élevés à 7-7,5 ¢ que l’électricité dite patrimoniale à 2,79 ¢ du kWh. Par contre, Hydro-Québec Production aurait intérêt à récupérer cette énergie pour la revendre plus cher, mais ce n’est pas elle qui décide des services aux clients. Le problème ne se poserait même pas dans une entreprise intégrée comme l’ancienne Hydro-Québec. » Mais il y a eu un avantage à tout cela, ajoute le président de Geothermix : « On a été laissés à nous-mêmes, oui, mais ça nous a forcés à aller plus vite qu’ailleurs. On a réduit en moins de cinq ans les prix de plus de la moitié. Dans certains cas, des deux tiers. Et on a inventé au Québec des pompes qui s’installent sur les systèmes de chauffage existants, ce qui pourrait décupler le marché de la géothermie et réduire les coûts davantage. On a même développé au Québec des thermopompes murales pour les maisons sans conduites d’air, une première mondiale dont les résultats sont très concluants : un marché à court terme de 25 000 unités par an à des coûts abordables. Regardez-nous aller désormais au Québec ! » Publié par Louis-Gilles Francoeur le 14 et 15 août 2004 dans le Devoir
Une coalition de groupes, associations, partis et citoyens oeuvrant dans la protection de l'environnement.
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