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Lettre au Ministre de l’Éducation, Monsieur Pierre ReidAnonyme, Lundi, Septembre 6, 2004 - 09:14
NAPAC
Malgré l'ambitieuse consultation du Forum sur l'avenir de l'enseignement collégial, les 9 et 10 juin derniers, nous ignorons toujours vos intentions quant au « renouveau de l'enseignement collégial ». Le Québec, dites-vous, a beaucoup changé depuis la fondation des cégeps. Il faut faire face, ajoutez-vous, aux « nouvelles réalités ». Quelles sont-elles ? Qui les définit ? Les administrateurs et les gestionnaires sont davantage consultés à ce propos que les professeurs. À partir de quelles justifications pédagogiques, car il est encore ici question d'enseignement, menez-vous vos réformes ? Les problèmes évoqués tels les problèmes d'orientation, de taux de diplomation, de dénatalité, de financement et d'allongement de la durée des études, ne sont pas des arguments pédagogiques. Les collèges d'enseignement général et professionnel ne disparaîtront pas, la cause semble entendue. On avait pourtant évoqué, encore une fois, leur dissolution. Mais qu'en sera-t-il de ce que nous y faisons ? Des enseignements qui y sont dispensés ? Que l'institution survive, certes, mais dans quel état ? Les protestations et les inquiétudes qui se sont manifestées lors du forum du printemps dernier, que vous qualifiez de « réactions émotives », n'ont rien d'étonnant. Sans arrêt, les professeurs se font imposer des changements, sans qu'ils aient leur mot à dire. Sans continuité avec les précédentes, les réformes se succèdent depuis vingt ans. Ces « réactions émotives » sont justifiées, Monsieur le Ministre, et elles sont fondées sur la volonté de sauvegarder non pas les murs des cégeps, mais leur esprit. L'ouverture de la formation générale commune que propose le Conseil Supérieur de l'Éducation dans son rapport de mars constitue un assaut d'une rare violence contre une idée de l'éducation qui place au premier rang de ses valeurs la solidarité, l'égalité des chances et une plus grande liberté pour tous. Vous affirmez d'une part que la formation générale commune n'est pas menacée et d'autre part que : « Les questions surgissent [...] quant aux contenus de cette formation générale, dont rien ne garantit que le statu quo soit le cas de figure idéal. » Pourquoi ? Selon quels critères éducatifs ? Les professeurs souhaitent que vous répondiez à ces questions et que vous les consultiez plutôt que de consulter, comme en juin, les administrateurs et les gestionnaires. La philosophie, discipline de la formation générale commune, est elle aussi sur la sellette. On assure, là encore, qu'elle n'est pas menacée ; qu'il y aura toujours de la philosophie au collège. Sous quelle forme ? Aujourd'hui, la philosophie est la seule discipline qui adresse encore des questions existentielles et fondamentales aux individus eux-mêmes afin qu'ils puissent s'initier à penser de manière plus autonome et cohérente, à prendre part à la parole signifiante et publique, au pouvoir et à l'expérience démocratique. En mettant au centre de ses préoccupations la conscience et la connaissance de soi, la philosophie au collège agit pour le bien individuel et pour le bien public. Personne n'est dispensé de penser et d'agir par et pour lui-même : l'éducation philosophique permet d'apprivoiser cette liberté. De plus, se connaître soi-même est l'exigence élémentaire pour apprendre à reconnaître autrui, ce qui constitue sans doute la garantie la plus sûre contre le fanatisme économique, politique et religieux. De ce questionnement et de cette liberté, nul ne doit être rejeté. Ils concernent aussi bien le futur avocat que le futur mécanicien, les étudiants du secteur préuniversitaire que ceux du secteur technique. En interrogeant, avec les étudiants de tous les programmes, les principes de la raison, de la connaissance, de l'existence humaine, de l'éthique et du politique, nous faisons découvrir à cette jeunesse qui devra en son temps prendre des décisions tant pour le bien public que pour le bien individuel les fondements de notre culture et de la société contemporaine. Lire, écrire et discuter avec rigueur afin d'être compris et de comprendre autrui requiert un effort, du travail et du temps. Nous imaginons mal comment nous pourrions individuellement et collectivement innover et avancer avec assurance dans le 21e siècle sans cette initiation à la philosophie pour tous les étudiants des secteurs techniques et préuniversitaires. Nous affirmons que la philosophie contribue mieux que les autres disciplines à rendre un peu plus signifiant ce qui se passe, ouvrant ainsi dans l'existence des cégépiens la question du choix. Engagés de plus en plus tôt sur le marché du travail, dans des carrières spécialisées, il est d'autant plus essentiel que les étudiants puissent choisir ce qu'ils ont envie de faire de et dans leur vie. Donner le choix aux étudiants, ce n'est pas donner le choix des cours qu'ils ont bien envie de suivre, c'est leur donner la possibilité de leur propre vie. La Nouvelle Alliance pour la Philosophie Au Collège (NAPAC) est née le 29 juin dernier pour défendre et promouvoir la réalisation de cette idée, conformément à l'esprit qui anime les collèges. Soyez assuré, Monsieur le Ministre, que la NAPAC s'opposera à toutes réformes qui seraient fondées uniquement sur le développement de fonctions unidimensionnelles de l'être humain ou de facteurs strictement financiers, sans proposer de projet éducatif bénéfique à la personne et à la société en sa globalité. Nous espérons à ce sujet que vos convictions rejoignent les nôtres. Les professeurs de philosophie du Québec,
Informations sur l'état de la philosophie au Québec. Les membres ont accès à une zone où se trouvent aussi des suggestions d'action et une mise à jour régulière des initatives menées à terme.
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