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Témoignage d'une combattante de l'Armée populaire de libération du Népal

Eric Smith, Samedi, Juillet 24, 2004 - 23:29

Eric Smith

"Le viol dont j'ai été victime et l'assassinat de mon père ne pourront être vengés que par le renversement du vieil État."

[Le 12 juillet 2004. Service de nouvelles d'Un monde à gagner. Voici une entrevue avec une combattante de l'Armée populaire de libération -- dirigée par le Parti communiste du Népal (maoïste) -- récemment publiée par l'hebdomadaire maoïste Janadesh (édition du 25 mai 2004).]

Q - Pourriez-vous tout d'abord vous présenter?
R - Je m'appelle Himali Gomey (Sangrami) et j'ai 23 ans. Je viens du village de Gourimudi, situé dans le district de Dolakha [lui-même situé au nord-est du Népal].

Q - Quel est votre rôle dans l'Armée populaire de libération?
R - Je suis actuellement vice-commandante de la compagnie "B" du quatrième bataillon de l'Armée populaire de libération du Népal.

Q - Dans quelles circonstances avez-vous joint la guerre populaire?
R - Dès 1991, j'ai été impliquée au sein d'une organisation étudiante appelée Akhil, proche de l'UML [il s'agit d'un parti pseudo-marxiste qui soutient la monarchie] -- cela, au moment où j'étudiais à l'école Putalikath, à Gourimudi. Après avoir complété mes études secondaires en 1997, j'en suis venue à réaliser que la ligne de l'UML était erronée. C'est à ce moment-là que j'ai cru bon devoir participer à la guerre populaire. Après la prise de la banque de Khimti en l'an 2000, des camarades du parti maoïste sont venus me voir. Après avoir discuté avec elles et eux, j'ai finalement décidé de joindre leurs rangs.

Les 10 et 11 mai de la même année, des policiers du commissariat de Maina Pokhari étaient venus dans notre village. Ils avaient alors battu mon père, ma mère, ma sœur aînée et mon oncle, jusqu'à ce qu'ils perdent connaissance. Ils m'ont battu moi aussi et ils ont tenté de me violer, dans la maison de mon oncle. Au début, j'ai hurlé et je me suis débattue, mais ils m'ont frappé au visage et à la tête, jusqu'à ce que je m'évanouisse. Lorsque j'ai repris mes sens, je me suis rendu compte qu'ils en avaient profité pour me violer. J'ai hurlé de plus belle, mais les policiers me gardaient toujours prisonnière. La nuit venue, j'ai réussi à leur échapper et je me suis enfuie dans la jungle, où j'ai trouvé refuge dans une grotte. Les policiers sont restés à la maison pendant deux longues journées. Ils ont abattu nos chèvres et se sont emparés de tout ce qui avait un peu de valeur, à leurs yeux, avant de finalement s'en aller. Je suis alors retournée à la maison. Le lendemain, mon père et moi avons été arrêtés par la police et conduits au quartier général du district. J'en ai profité pour raconter au commissaire ce qu'on m'avait fait subir, exigeant qu'il sanctionne les policiers responsables. Une fois libérée, j'ai rapporté mon histoire aux médias et aux organisations de défense des droits humains. Pour répondre aux fortes pressions qu'elles subissaient, les autorités ont finalement inculpé un inspecteur subalterne, appelé Rakesh. J'ai porté son cas jusqu'à la Cour suprême, qui l'a finalement condamné à purger une peine de sept ans de prison.

J'ai rencontré le camarade Rit Bahadur Khadka en novembre 2000. Depuis ce temps, je participe à plein temps à la guerre populaire.

Q - Qu'est-ce qui vous a inspiré à suivre une voie si ardue, surtout dans la situation difficile qui prévalait à ce moment-là, alors que le vieil État commettait des massacres brutaux contre la population?
R - Dans ma famille, j'ai été influencée par le communisme dès ma plus tendre enfance. Nous avons bien connu les injustices, l'oppression et les atrocités qui viennent avec, et nous avions le sentiment qu'il fallait se battre pour y mettre fin. Des incidents comme celui qui m'est arrivé, j'en avais déjà été témoin à quelques reprises auparavant. D'autres femmes que je connaissais en avaient été victimes, comme Devi Khadka. Dès lors, j'en étais venue à considérer que pour exercer une revanche appropriée et éventuellement mettre fin à de telles situations, le prolétariat et les classes opprimées devaient se soulever et conquérir le pouvoir politique. Le viol dont j'ai été victime fut en quelque sorte l'élément déclencheur qui m'a amené à joindre le mouvement.

Q - Comment en êtes-vous arrivée à joindre les rangs de l'APL [l'Armée populaire de libération du Népal]?
R - Après un certain temps à militer à plein temps, j'ai demandé à joindre les rangs de l'APL. J'ai été intégrée dans une escouade, et je suis devenue membre du comité des femmes du district. Après un certain temps, je me suis également retrouvée au comité du Parti de la région. Après que le Parti eût initié la formation de compagnies au sein de l'armée, je me suis retrouvée au poste que j'occupe actuellement.

Q - Dans quelles batailles avez-vous participé?
R - J'ai eu la chance de combattre sur plusieurs fronts, notamment à Kiratechhap, Thokarpa, Jarayotar, Mainapokhari, Khanibhanjyang, Dhobi, Bhakundebeshi, Chainpur, Bhiman, Lahan, Bhojpur, etc.

Q - Comment vous sentiez-vous la première fois où vous avez eu à livrer combat?
R - Avant d'aller au front, je me demandais bien comment cela allait se passer! Mais dès que les combats ont débuté, le courage a vite pris le dessus. J'étais très fière qu'on nous donne à nous, les femmes opprimées, la chance de combattre.

Q - Certaines personnes prétendent que les femmes ne peuvent combattre sur un pied d'égalité avec les hommes.
R - Je ne crois pas que nous soyons plus faibles que les hommes dans la guerre. Nous avons été opprimées pendant des centaines d'années! Je pense que nous sommes capables de faire ce qu'il faut si on nous donne la chance de nous battre. Notre idéologie, que nous appelons "la voie de Prachanda", nous stimule encore plus -- et on sait très bien que si on s'empare correctement de l'idéologie, alors on peut en arriver à tout faire. Le Parti nous incite à ne pas nous entraîner outre mesure lors des périodes pendant lesquelles nous connaissons des difficultés physiques, mais les camarades femmes ne cessent de vouloir combattre. Nous ne ressentons aucun problème particulier. Tout bien considéré, je ne crois pas que nous soyons plus faibles que les hommes.

Q - Combien y a-t-il de femmes dans l'APL?
R - Le nombre d'hommes et de femmes dans l'APL est presque le même. Le Parti a adopté une politique très claire à cet effet, alors il n'est pas question de quelque favoritisme que ce soit à l'endroit des hommes.

Q - Vous dites que le nombre de femmes atteint presque celui des hommes au sein de l'armée, mais qu'en est-il au niveau du leadership?
R - En ce moment, des femmes occupent certains postes de responsabilité à titre de commandantes et de commissaires de bataillons de l'APL: on en retrouve donc, désormais, à la direction de l'armée. La difficulté tient au fait qu'à partir du déclenchement de la guerre populaire en 1996 et jusqu'en 2001, le nombre de femmes dans les rangs de l'APL était encore limité. Dès lors, les camarades masculins ayant accumulé une plus grande expérience, ils ont évidemment développé de plus grandes aptitudes. Mais les femmes qui ont joint massivement les rangs de l'APL depuis lors les rattrapent très rapidement. Les réactionnaires nous considèrent comme des citoyennes de deuxième classe; ils disent que nous sommes timides et craintives. Mais nous avançons rapidement en menant la guerre contre eux et en apprenant des souffrances du peuple. De cela, nous en sommes très fières.

Q - À quoi ressemble la journée type d'un combattant ou d'une combattante de l'APL?
R - Nous faisons des exercices physiques à tous les matins. Et nous nous entraînons régulièrement. Nous étudions également des guides et des écrits militaires, ainsi que des journaux et des livres politiques. Ceux et celles qui ne savent ni lire ni écrire suivent des cours d'alphabétisation. Plusieurs camarades ont d'ailleurs appris à lire et à écrire après avoir joint l'APL. Les tâches quotidiennes incluent aussi la préparation des repas, la faction, etc. Nous participons également aux tâches liées à l'effort de guerre, telles le développement économique, le service à la population, les mobilisations de masse et la participation aux grandes campagnes politiques.

Q - Comment les femmes réagissent-elles lorsque vous opérez dans les campagnes?
R - Les mères de famille et leurs filles adorent qu'on leur rende visite avec nos uniformes militaires. Au début, lorsqu'elles nous voyaient, elles trouvaient étranges de voir des femmes en tenue de combat. Elles venaient néanmoins nous rencontrer et nous posaient toutes sortes de questions. Mais désormais, plusieurs jeunes filles (et garçons) nous demandent si elles peuvent joindre les rangs de l'APL. Il y a parfois des mères plus âgées qui nous disent: "Ah! Si on était plus jeunes, nous aussi nous pourrions nous battre tout comme vous!" Parfois, elles nous invitent à nous asseoir pour nous raconter leurs histoires faites d'oppression et d'exploitation, et elles nous demandent de continuer à lutter.

Q - Certains disent que les femmes sont exploitées sexuellement dans l'APL.
R - C'est tout simplement faux! Ce sont là de fausses accusations inventées par ceux qui veulent diffamer l'APL. L'Armée populaire de libération fonctionne selon les principes marxistes. Ici, l'amour et le mariage se développent sur la base d'une stricte égalité, et conformément aux intérêts du peuple. Les mauvais traitements ou la violence à l'endroit des femmes sont punis très sévèrement.

Q - Nous avons appris que votre père avait été assassiné par le vieil État. Dans quelles circonstances cela s'est-il produit?
R - Mon père, Ram Bahadur Lama Gole, a été arrêté chez lui le 7 septembre 2003, puis il a été assassiné dans le village de Namdu. Il était âgé de 52 ans. Il avait déjà été emprisonné pendant quatre ans, de 1995 à 1999. Il était à la tête du comité populaire du village et participait à la guerre populaire.

Q - Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris la nouvelle de sa mort?
R - J'ai ressenti beaucoup de chagrin, comme tout le monde dans une telle situation. Nous sommes en état de guerre, et bien des gens ont versé leur sang pour la révolution. Aujourd'hui, nous avons déjà réalisé de grandes choses, grâce aux efforts et aux énormes sacrifices consentis par nos dirigeants, nos cadres et les masses populaires. Ceci est une loi de la guerre. Je suis très fière de mon père, et son sacrifice m'inspire à poursuivre mon engagement encore plus résolument. De fait, le viol dont j'ai été victime et l'assassinat de mon père ne pourront être vengés que par le renversement du vieil État.

Q - Quel bilan faites-vous de votre engagement au sein de l'APL?
R - J'ai le sentiment d'avoir pris une très bonne décision en joignant l'APL. Mon seul regret, s'il en est, est d'avoir attendu trop longtemps avant de le faire.

Q - Avez-vous confiance que la guerre que vous menez contre le vieil État pourra être victorieuse?
R - Bien sûr que nous pouvons l'emporter: la question ne se pose même pas! Au début, nous avons amorcé la guerre seulement avec des pierres et des bâtons. Et aujourd'hui, nous sommes assez forts pour l'emporter sur l'Armée royale américaine [c'est ainsi que les camarades népalaisEs appellent l'Armée royale du Népal, étant donné qu'elle défend les intérêts des États-Unis au détriment des intérêts du pays], même si celle-ci est équipée avec des bunkers et des armes sophistiquées fournies par les États-Unis, et qu'elle est entraînée et obéi à des plans concoctés par l'impérialisme américain. Le vieil État est désormais confiné aux quartiers généraux de district et à la capitale. Au cours des huit premières années de la guerre populaire, nous avons acquis une nouvelle idéologie, comme je l'ai mentionné plus haut, qui constitue un puissant outil qui fera avancer la révolution au XXIe siècle. La bataille que nous nous apprêtons à livrer sera la dernière et elle sera décisive. L'offensive que nous préparons, au moment où l'ennemi est à la veille de s'effondrer, se poursuivra jusqu'au bout: les prolétaires de partout pourront alors déployer la bannière de la victoire.

Q - Un dernier mot, en terminant?
R - Comme femme membre de l'APL, je voudrais lancer l'appel aux masses populaires de tout le pays, et particulièrement aux femmes, de prendre part à cette guerre pour aller jusqu'à la victoire finale.

[Traduction: Arsenal-express]

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Article paru dans Arsenal-express, nº 16, le 25 juillet 2004.

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