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Bref retour sur les élections fédérales

Eric Smith, Lundi, Juillet 5, 2004 - 12:55

Eric Smith

Ouf!, dirons-nous: la campagne électorale fédérale est enfin terminée! Une semaine après la tenue du scrutin, la plupart des pancartes sont rangées, le chapiteau est défait, les clowns sont passés à la salle de démaquillage, et le grand "metteur en scène" (celui qui détient le tiroir-caisse) s'apprête à ramasser le cash...

Ainsi donc, les Libéraux de Paul Martin ont été reportés au pouvoir pour un quatrième mandat consécutif. Ils formeront cette fois-ci un gouvernement minoritaire qui agira au cas par cas, dans la mesure où une alliance avec le NPD social-démocrate ne lui permettrait pas, de toutes manières, d'atteindre la majorité.

Certains commentateurs politiques, ainsi que les organisations de la gauche électoraliste comme l'UFP au Québec, se sont réjouis de ce résultat, disant que cela obligera le gouvernement à tenir compte de la volonté de la population. En fait, la situation qui prévaudra à la Chambre des communes forcera surtout le nouveau gouvernement Martin à tenir compte des vœux des partis d'opposition, dont les programmes et les objectifs ne répondent absolument pas eux non plus aux besoins de la population.

Car aucun des partis qui seront représentés au Parlement ne remet en question cette réalité fondamentale du Canada, savoir la division de la société en classes, l'oppression des nations autochtones, et la concentration absolue du pouvoir (économique, social et politique) aux mains d'une minorité de bourgeois. La campagne électorale qu'on nous a fait subir fut essentiellement une campagne de marketing, où tout un chacun a prétendu qu'il ferait mieux qu'un autre, que "ça changera" enfin (!), qu'il n'y aura plus de gabegie et de corruption, etc. Et dans six mois, un an, deux ans ou quatre ans, quand on sera appelé de nouveau à exercer notre "devoir de citoyen", on pourra se dire, encore une fois, que plus ça change, plus c'est pareil...

Voilà sans doute une des raisons pour lesquels le taux de participation global au dernier scrutin n'a été que de 60,5% -- le plus bas de toute l'histoire du Canada. Cette tendance lourde à la baisse, constante depuis les cinq derniers scrutins et qui rejoint un phénomène qu'on constate aussi sur la scène provinciale comme dans l'ensemble des grands pays impérialistes, ne peut plus être réduite à un phénomène d'indifférence ou de "dépolitisation" (dans le sens où elle indiquerait un désintérêt face aux problèmes politiques et sociaux que nous connaissons), comme d'aucuns avaient coutume de l'expliquer.

La bourgeoisie elle-même le reconnaît et s'en inquiète de plus en plus, tout comme les petites formations de gauche qui situent leur action dans le cadre du système actuel. Ainsi, dans son bilan du dernier scrutin, l'Union des forces progressistes se plaint elle aussi de la hausse de l'abstentionnisme, car "la légitimité de nos institutions démocratiques dépend de la participation des citoyens et des citoyennes". Quel malheur! Et que feront tous ces aspirants à la "responsabilité publique" (aspirants surtout à quelque planque grassement rémunérée) lorsque ces institutions, dont les masses travailleuses sont exclues de fait et qui n'ont de démocratiques que le nom, auront perdu toute légitimité?

Alors que le taux de participation, à l'échelle du pays, est passé de 61,2% à 60,5%, au Québec, la chute a été encore plus marquée: de 64,1% à 58,9%. Cette donnée permet de relativiser quelque peu l'apparent "succès" remporté par le Bloc québécois et son chef Gilles Duceppe, dont les "joueurnalistes" qui sévissent dans les principales salles de presse n'ont cessé de vanter la "campagne exemplaire" qu'ils ont menée (exemplaire, certes, par son vide absolu, Duceppe ayant surtout pratiqué l'art de ne rien dire pendant 35 jours).

On a dit qu'en obtenant 48,8% des suffrages exprimés et en faisant élire 54 députéEs, le Bloc avait réussi à égaler le record que son fondateur charismatique Lucien Bouchard avait obtenu en 1993, après avoir fomenté une scission au sein du Parti conservateur. Sauf qu'en réalité, malgré une augmentation de plus de 800 000 du nombre total d'électeurs, le Bloc a obtenu l'appui de 175 000 électeurs et électrices de moins qu'il y a 11 ans. En pourcentage, sur l'ensemble des inscritEs, le Bloc a donc vu son niveau d'appui passer de 36,7% en 1993 à 28,8% cette fois-ci. Alors pour ce qui est du "record", on repassera: il est assez évident que loin d'avoir joui d'un engouement, le Bloc a simplement profité de la désaffection (parfaitement compréhensible, du reste), de l'électorat à l'endroit des Libéraux.

Quant aux petits partis "de gauche" (dont nous excluons d'emblée le Parti vert, dirigé par d'ex-membres du Parti conservateur fraîchement convertis aux bienfaits du "capitalisme biologique"), leur résultat fut encore une fois aussi ridicule que l'a été leur campagne. Les 35 candidatEs du vieux Parti communiste canadien n'ont obtenu que 0,32% des suffrages exprimés dans les comtés où ils se sont présentés, tandis que les 76 candidatEs de l'énigmatique PCCML (qui se présente aux élections sous le nom de "Parti marxiste-léniniste du Canada") ont "raflé" (c'est bien peu dire) 0,25% des suffrages. Tout ça, pour des programmes dans lesquels il n'est même pas question de socialisme, et encore moins de révolution (Hardial Bains est bel et bien mort et enterré): tout au plus, le PCC s'engageait-il à augmenter le salaire minimum et le PCCML, à "restreindre le droit de monopole" ("restreindre", disait-il, et non pas "abolir"; pis à part ça, depuis quand les communistes reconnaissent un "droit" tel que celui-là?).

Pendant toute la durée de la campagne électorale, les maoïstes du PCR(co), pour leur part, ont mis de l'avant le BOYCOTT DES ÉLECTIONS. La campagne que nous avons menée dans plusieurs villes du Québec présentait un contenu politique extrêmement clair, à mille lieux de la confusion et des approximations qui caractérisent la gauche électoraliste, qui refuse d'appeler le capitalisme par son nom et surtout d'indiquer ce que ça prendrait pour s'en débarrasser.

Cette campagne, fort intense, a permis de rejoindre des dizaines de milliers de prolétaires, qui sont si nombreuses et nombreux à avoir décroché du cirque électoral et qui souhaitent un avenir meilleur. À ces tous ces gens, nous disons qu'il faut continuer à se battre, quotidiennement, pour défendre nos droits et rejeter toute forme d'exploitation et d'oppression, et qu'il faut aussi construire les outils qui nous permettront de renverser enfin le capitalisme pourrissant: à commencer par un véritable parti révolutionnaire (et non ces caricatures ridicules qui participent aux élections et salissent le nom du communisme).

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Article paru dans Arsenal-express, nº 13, le 4 juillet 2004.

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Sujet: 
Salut Eric C'est un bon re
Auteur-e: 
Steve Simard
Date: 
Mar, 2004-07-06 15:57

Salut Eric

C'est un bon retour sur les élections, effectivement il est domage de constater la faible représentation de la gauche au Canada. Chose positive, le NPD a prit de la popularité et le parti vert a réussi à se faire connaître, avançant au moins la cause de l'environnement dans les débats. Quant au communistes, je trouve vraiment surprenant que tu crache sur eux, ils partagent les mêmes idéologies que toi à quelques nuances.

J'ai parcouru rapidement ton site qui propose une véritable révolution prolétaire. L'idée de plus de pouvoir au peuple est un bon projet. Je crois que remettre aux mains de la société les moyens de productions est un objectif à long terme cependant.

Je ne comprend pas pourquoi vous accordez autant de crédits à l'histoire de deux pays qui ont démontré l'échec d'un système tel qu'imposé par Lénine et Mao. Le communiste russe n'a définitivement pas parvenu à l'abolition des classes comme le rêvait Marx, mais bien à l'instauration d'une autre élite dirigeante, opprimante, soit les hauts placés du parti (la "Nomenklatura"). Ces directeurs d'usine, ministres, militaires de haut rang n'ont pas fait mieux que les actionnaires capitalistes d'aujourd'hui.

Je comprend encore moins comment vous pouvez glorifier Mao qui au nom du nationalisme, à envahit des provinces illégitimes dont Taïwan, réprimer dans le sang les tibétains et détruit presque tous leurs monastères, uniformisé la culture, suprimé la liberté d'expression... et j'en passe. SVP expliquez-moi !

Votre parti perd toute crédibilité lorsque vous parlez d'une "armée rouge" qui vise "à affaiblir directement l’ennemi" et à "renforcer par des actions de propagande armée". Je crois qu'un changement radicale de la société s'effectue par des actions non-violentes, par des boyscott de méga-corporations par exemple. Par un débat démocratique où tous sont représentés, et qui cherche, par voie de conscensus, à protéger l'intérêts commun.


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Sujet: 
Ne soyons pas idéalistes
Auteur-e: 
Eric Smith
Date: 
Mar, 2004-07-06 21:47

Salut Steve,

Permets-moi de dire que je trouve ta vision des choses pas mal idéaliste. Tu sembles d'accord avec l'objectif de construire un véritable pouvoir populaire, i.e. de faire en sorte que ceux et celles qui, dans la société actuelle, n'ont pas voix au chapitre aient enfin l'occasion de diriger et de contrôler leurs propres vies. C'est là, grosso modo (tout cela étant dit très rapidement, évidemment), l'objectif que poursuivent les communistes.

Sauf qu'actuellement, le consensus et "l'intérêt commun" que tu espères, ça n'existe pas et ça n'est qu'un rêve, selon nous. En fait, cela ne peut exister dans une société qui en réalité, est divisée en classes aux intérêts antagoniques, et qui surtout est totalement contrôlée par la classe (minoritaire) qui détient le pouvoir et le capital (l'un allant d'ailleurs avec l'autre).

Nous ne sommes pas particulièrement partisans de la violence en soi, seulement nous sommes conscients que la minorité qui domine actuellement ne laissera pas aller son pouvoir paficiquement. C'est pourquoi nous croyons à la nécessité de la révolution, et surtout à la nécessité de l'organiser en pratique.

Cela, soit dit en passant, nous différencie totalement des autres partis communistes, comme le PCQ et le PCCML, qui croient qu'on pourra changer les choses par les élections, ou même (dans le cas du PCQ) qu'il suffirait d'un État un peu plus interventionniste pour régler tous les problèmes. Ce n'est pas tant qu'on veuille cracher sur ces partis, mais on pense que leur orientation réformiste nuit à l'image du communisme. Des communistes comme ça, il y en a eu au pouvoir il n'y a pas si longtemps, en France notamment (à l'époque de Mitterrand), ce qui n'a pas empêché l'État français de déporter des immigréEs sans papiers à coups de charters... Et on s'étonnera, après ça, que les communistes aient une mauvaise image.

Quant à l'URSS et à la Chine, ce serait un peu long d'en traiter ici, mais disons seulement qu'on pense qu'il y a eu dans ces deux pays des expériences révolutionnaires et des avancées sociales exceptionnelles (savais-tu que les femmes ont obtenu le droit en vote en URSS avant même de l'avoir obtenu au Canada, et bien avant de l'avoir obtenu au Québec, et qu'elles jouissaient du droit à l'avortement libre et gratuit au début des années 20?). Au bout du compte, une nouvelle classe bourgeoise s'est développée et s'est emparée du pouvoir, pour éventuellement renverser toutes les conquêtes sociales qui avaient été réalisées: mais c'est justement pour ça qu'il faut s'intéresser à ces expériences et en tirer les leçons -- positives autant que négatives.

Eric S.


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