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Le capital contre la vie

blackcat, Samedi, Juillet 3, 2004 - 13:56

Fédération anarchiste

En dépit des propos anesthésiants de la classe politique, du matraquage
pervers des médias, en matière d'environnement, la situation ne cesse de
se dégrader.

Le capital contre la vie

En dépit des propos anesthésiants de la classe politique, du matraquage
pervers des médias, en matière d'environnement, la situation ne cesse de
se dégrader. Officiels ou non, les bilans s'alourdissent, les constats
sont amers, les clignotants passent au rouge, malgré les injections plus
ou moins massives d'argent public. La désinformation systématique ne
parvient cependant pas à empêcher la progression, certes toujours trop
lente, d'une prise de conscience qui inquiète les milieux d'affaires.
Stimulé par son extraordinaire faculté de récupération, et bien que le
doute s'insinue même parmi les ardents défenseurs du libéralisme, le
capitalisme -high-tech- tente de faire croire qu'il est en mesure de
maîtriser la situation, de résoudre les problèmes écologiques qui se
posent chaque jour de manière de plus en plus évidente, c'est-à-dire que
la crise ne requiert qu'une solution fondamentalement technique. La seule
question pertinente aujourd'hui est donc la suivante : la résolution des
problèmes écologiques peut-elle, oui ou non, s'effectuer dans le cadre
existant du système capitaliste ?

Une coïncidence historique ?

Le premier élément de réponse que l'on peut apporter concerne l'histoire.
L'émergence des dégradations infligées à l'environnement correspond à la
période d'accélération fulgurante du capitalisme, globalement les "Trente
Glorieuses", un éclair à l'échelle du temps. Le commerce global a été
multiplié par plus de dix au cours des cinquante dernières années. Il va
de soi qu'aucune société n'est écologiquement innocente,
c'est-à-dire que le développement d'un groupe humain s'accompagne
nécessairement d'une transformation du milieu, dans le sens d'un
prélèvement d'énergie et de matières premières, et de rejets de résidus.
Mais le capitalisme va engendrer, en à peine un demi-siècle, infiniment
plus de dégradations que l'humanité depuis ses origines. S'il faut un
repère chronologique, ce sera " Le Printemps silencieux ", l'ouvrage de
Rachel Carson paru en 1962, et qui éclate comme une bombe en livrant à
l'opinion l'énorme dossier des pesticides aux Etats-Unis.

En France, le concept d'écologie apparaît dans le sillage de mai 68, avec
la contestation plus ou moins radicale de la société de consommation
(c'est la première fois dans l'histoire qu'une science engendre un
mouvement politique). L'érosion, l'épuisement des sols, les diverses
pollutions, la dilapidation des ressources naturelles, les multiples
nuisances accompagnent cet expansionnisme sans frein, cette croissance
déifiée, cette "grande bouffe énergétique", cette dictature des
rendements. L'automobile, symbole du capitalisme, met en perspective une
angoissante pénurie d'énergie et l'accumulation de déchets de toutes
sortes. A l'escalade de la production capitaliste correspond la montée
des périls. Le nom de nombreuses catastrophes va s'imprimer dans les
mémoires : Seveso, Minamata, Amoco-Cadiz, Torrey Canyon, Three Miles
Island, Bhopal… Il apparaît de plus en plus évident que le développement
des forces "productives" s'exerce partout au détriment de la nature…et
par conséquent de l'homme. Cinquante ans d'option matérialiste ont rendu
l'homme malade de son environnement.

Le capital contre la vie

La concentration du capital contient en germe les logiques de prédation,
les processus de privatisation de l'environnement. La maximisation des
profits dans le laps de temps le plus court possible constitue la cause
primordiale des atteintes graves à l'environnement. Tout d'abord, la
recherche systématique de l'abaissement des coûts de production induit le
passage à la fabrication en grandes, et même très grandes séries. Mais
cette perspective est encore insuffisante : il faut entretenir un
gaspillage permanent. Plus les volumes de production augmentent, plus les
profits s'accroissent. D'où la diminution délibérée de la durabilité des
biens de consommation et de leur réparabilité, la fabrication d'objets
consommant beaucoup d'énergie, la multiplication des objets jetables, la
publicité favorisant le renouvellement incessant des articles, des
modèles, le suremballage des produits, la gadgétisation. L'innovation,
qui coûte cher, et qui ne correspond à aucune amélioration du service
rendu, agit ainsi comme un moteur de l'expansion du capitalisme.

C'est aussi la quête de gains toujours plus importants qui conduit les
entreprises à "externaliser" les coûts écologiques (et sociaux
d'ailleurs), c'est-à-dire à faire reporter sur l'ensemble de la
collectivité, les dégâts qu'elles provoquent sur l'environnement. C'est
encore la recherche d'économies d'échelle qui contribue à la construction
de super-pétroliers naviguant hors-normes, multipliant les marées noires.
La marchandisation de la planète ne laisse rien au hasard. L'historien
Marc Bloch a montré que les moulins à vent ont été éliminés pour la seule
raison que, le vent étant omniprésent, ils ne permettaient pas la
monopolisation. Mais depuis, EDF investit dans les éoliennes ! Alors que
sa gestion s'est largement privatisée, le prix moyen du m3 d'eau, en dix
ans, est passé de 1.60 euro à 2.65. La gestion des forêts (priorité aux
résineux au détriment des feuillus dont la croissance est trop lente) met
en lumière le fait que la biomasse n'est conçue qu'en termes de
rentabilité.

Deux logiques s'affrontent : celle de l'économique et celle du vivant.
Alors que la nature maximise des stocks (la biomasse) à partir d'un flux
donné (le rayonnement solaire), l'économie (capitaliste) maximise des
flux marchands en épuisant des stocks naturels. Alors que les écosystèmes
non perturbés se diversifient, accroissant leur stabilité dans le temps,
la gestion capitaliste, en privilégiant les variétés économiquement
performantes, introduit l'uniformisation et l'instabilité .

Le réformisme stérile

Le mérite des écologistes a été de problématiser de manière novatrice des
questions non seulement essentielles mais vitales. L'impuissance dans
laquelle ils sombrent aujourd'hui résulte de leur incapacité à remettre
en cause le système économique responsable de ces méfaits
environnementaux. On a fait semblant de croire à l'efficacité de
l'intervention de la "puissance publique" pour réparer les dégâts des
entreprises
multinationales (tout en renforçant, d'ailleurs, une Europe économique
d'essence libérale : pompier et pyromane à la fois !).
On a brandi des armes prétendument efficaces (taxation sur les
transactions, suppression des paradis fiscaux et du secret bancaire,
contrôle des banques centrales, annulation de la dette du tiers-monde),
en "oubliant" de voir que l'économie mondiale voit se développer des
zones de "non-gouvernance", c'est-à-dire des domaines où les instances
politiques avouent leur totale impuissance : délinquance financière des
firmes légales, fraude fiscale, montée en puissance des mafias, rendant
tout simplement impossible la maîtrise politique de la mondialisation
économique.

L'Etat complice

Pouvait-il en être autrement ?
Les prétendues politiques de l'environnement, en Europe et ailleurs, se
sont résumées à une inflation de textes législatifs (des centaines de
directives, règlements, décisions, avis, recommandations) destinée à
rassurer les défenseurs de l'environnement… textes rarement appliqués
parce que la majorité des "agents économiques" considèrent les
obligations écologiques comme des contraintes difficilement supportables,
et que la déréglementation leur sied mieux. Une abondante littérature,
mais pas d'actes fermes. Des libellés imprécis qui laissent le champ
libre à bien des interprétations. La protection de l'environnement est
une excellente idée… tant qu'elle ne heurte pas le principe de la liberté
du commerce.

La collusion des pouvoirs politique, militaire, scientifique, industriel
et financier n'est plus à démontrer. Censé tempérer le pouvoir
économique, l'Etat, le plus souvent, l'appuie et le conforte. Dans leur
tentative d'assujettir le consommateur à leurs propres objectifs, les
grandes organisations de production rencontrent la bienveillance de
l'Etat, souvent prompt à constituer un cadre juridique sur mesure, un
environnement stable et propice à leur épanouissement en absorbant la
majorité des risques. Fournir ou garantir un marché, participer aux frais
de développement, financer la mise au point des connaissances techniques
nécessaires et les infrastructures, assumer le coût de diverses
pollutions : tels sont les moyens les plus efficaces pour l'Etat de
soutenir le capitalisme.

La défense nationale, en d'autres termes le complexe militaro-industriel,
est le point de rencontre obligé entre intérêts capitalistes et sécurité
de l'Etat. L'armée protège les gouvernements en place ; l'Etat fait vivre
les marchands d'armes. Dans la mesure où la guerre permet le gaspillage
organisé, créant une demande artificielle propre à écouler les surplus,
sa préparation est l'une des conditions essentielles de l'existence d'une
dynamique externe du capitalisme. Les dépenses miltaires permettent de
maintenir le taux de profit des entreprises d'armement et de l'ensemble
du secteur privé bénéficiant directement ou indirectement des commandes
de l'Etat. Avec l'utilisation des défoliants, la guerre du Viet-Nam avait
innové dans l'impact sur l'environnement ; celle du Golfe de 1991 a
franchi un échelon : 613 puits de pétrole ont été incendiés au Koweït et
neuf millions de tonnes de pétrole se sont répandus sur la terre ou
déversés dans la mer.

De nombreux autres domaines mettent en évidence que l'Etat n'est pas un
outil neutre, mais un fervent collaborateur des oligarchies financières.
La filière nucléaire constitue un point de convergence entre logique du
profit et logique sécuritaire : hypercentralisation, société militarisée,
opacité des prises de décision, dilution des responsabilités,
surconsommation énergétique. La politique des transports mise en place
depuis les années 60, privilégiant scandaleusement la voiture
individuelle, pour le plus grand bien du lobby pétrolier, engendre un
gaspillage économique et financier au détriment de la voie ferrée, six
fois moins énergivore (et 500 fois moins meurtrière). Le développement
accéléré de l'urbanisme engloutit de manière irréversible sous le béton
et le bitume des milliers de km2 d'excellentes terres agricoles (par
ailleurs, une tour de 40 étages consomme autant d'électricité qu'une
ville de 20 000 habitants). En développant la filière viande, les
politiques agricoles provoquent sciemment la perte d'une part
considérable de l'énergie biochimique des plantes.

La rupture nécessaire

Félix Guattari, dans Les trois écologies (Edition Galilée), écrivait, en
1989 : "Il n'y aura de réponse véritable à la crise écologique qu'à
l'échelle planétaire et à la condition que s'opère une authentique
révolution politique, sociale et culturelle réorientant les objectifs de
la production des biens matériels et immatériels." André Gorz, lui, dans
Ecologie et politique (Edition du Seuil), s'interrogeait, en 1977 : Que
voulons-nous ? Un capitalisme qui s'accommode des contraintes écologiques
ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les
contraintes du capitalisme ?

Parce que le capitalisme, dans son essence, est destructeur de la
biosphère, parce que le développement de ses forces " productives "
dépasse la capacité de régénération du milieu vivant, la crise écologique
globale ne pourra être résolue qu'avec un changement radical du mode de
production. Pour la seule survie de l'humanité, il est nécessaire, et
même urgent, de mettre en œuvre la décroissance. Or le capitalisme exige,
pour se perpétuer, une croissance soutenue. L'exigence de sa destruction
est donc clairement démontrée. Plus les ressources seront raréfiées et
moins leur répartition sera équitable, plus les tensions et conflits
s'accroîtront dangereusement pour leur appropriation et leur contrôle. Le
statu quo n'est plus de mise ; l'alternative se resserre : socialisme
libertaire ou barbarie.

J-P T.

Texte issu du Monde libertaire,
Hebdomadaire de la Fédération anarchiste

Archives sur le net : http://federation-anarchiste.org/ml

Transmis par le Secrétariat aux relations Extérieures de la Fédération
anarchiste

rela...@federation-anarchiste.org

145 rue Amelot 75011 Paris

A lire :
Du développement à la décroissance ou de la nécessité de sortir de
l'impasse suicidaire du capitalisme. (Editions du Monde Libertaire), en
vente à Publico, 145 rue Amelot 75011 Paris



Dossier G20
  Nous vous offrons plusieurs reportages indépendants et témoignages...

Très beau dessin: des oiseaux s'unissent pour couper une cloture de métal, sur fonds bleauté de la ville de Toronto.
Liste des activités lors de ce
« contre-sommet » à Toronto

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Media Co-op Toronto
http://toronto.mediacoop.ca


Toronto Community Mobilization
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(en Anglais)

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