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L'Irak au point d'ébullition

martin dufresne, Dimanche, Avril 11, 2004 - 08:24

Coalition ANSWER

L'insurrection irakienne contre l'occupation s'intensifie en qualité. Le Pentagone réagit avec un poing de fer meurtrier, ce qui montre clairement au monde entier quelle est la situation réelle en Irak: les forces d'occupation sont bel et bien des ennemis - et non des libérateurs.

Analyse de Answer, coalition US pour la paix

L'insurrection irakienne contre l'occupation s'intensifie en qualité. Le Pentagone réagit avec un poing de fer meurtrier, ce qui montre clairement au monde entier quelle est la situation réelle en Irak: les forces d'occupation sont bel et bien des ennemis - et non des libérateurs.
Ces dernières 72 heures, les forces coloniales ont tenté de resserrer leur contrôle sur le pays, nombre de villes irakiennes ont été assiégées et bombardées, ce qui s'est traduit par des pertes plus lourdes. Des combats de rues font rage à travers tout le pays.

Recourant à leurs pratiques coloniales classiques, les Etats-Unis installent partout le règne de la terreur. En fait, les Etats-Unis et leurs alliés mènent actuellement des opérations militaires à Ramadi, Bagdad, Bassora, Mossoul, Sadr, Adamiya, Kufa, Kut, Karabla, Amarah, Kirkuk,
Nasiriyah, Shula ainsi que dans nombre d'autres villes. La ville de Fallujah est l'objet d'attentions toutes particulières. C'est dans cette même ville que les troupes américaines ont occupé une école et abattu 15 résidents qui protestaient sans violence aucune contre l'occupation des bâtiments scolaires.

Pourtant, l'Irak n'est pas exactement le Vietnam de George W. Bush. A l'époque de la guerre du Vietnam, il avait fallu attendre quelques années avant que la majorité du peuple et des soldats se retournent contre la guerre. Cette fois, le peuple des Etats-Unis a appris en un an à peine que la guerre contre l'Irak reposait non seulement sur des preuves fabriquées de toutes pièces et des mensonges. Un an après le début de l'occupation, voire plus tôt déjà, le peuple des Etats-Unis et du monde entier s'oppose ou s'est déjà opposé à l'occupation et aux fauteurs de guerre.

Bien qu'on ait prétendu que les actuels événements constituaient des " troubles " isolés au sein du " triangle sunnite ", la révolte, en réalité, s'est généralisée dans tout le quadrilatère irakien et concerne la quasi-totalité des régions du Nord et du Sud. Ces trois derniers jours, le
refus de l'occupation étrangère qui avait couvé jusqu'alors s'est mué en une insurrection à grande échelle, quasi généralisée, qui s'étend aujourd'hui à de nombreuses villes du Sud de l'Irak. Dans un même temps, les Etats-Unis ont appliqué un châtiment collectif contre la population de Fallujah et d'autres villes de la partie centrale du pays.

Dans une tentative prévisible de modeler l'opinion publique, les médias américains continuent à user de stéréotypes racistes pour caractériser ceux qui résistent. Le fait de désigner en permanence le peuple irakien en tant que " sunnites " ou " chiites " relève d'un langage savamment calculé et destiné à dissimuler un seul fait, mais d'une tout autre importance : à savoir que le peuple irakien (les sunnites comme les chiites) croit que des forces impérialistes étrangères d'occupation se sont emparées de son pays et que - en tant que peuple uni - il se bat pour les en chasser.

Si l'analogie avec le Vietnam réside dans un aspect bien réel, c'est celui-ci : les dirigeants politiques américains, une fois de plus enhardis par leur arrogance et enivrés de pouvoir, croient à tort que le fait d'avoir en leur possession des armes de haute technologie suffit pour soumettre des pays du tiers monde en quête d'indépendance et de souveraineté. Les mots que l'on a associés au Vietnam - " débâcle ", " bourbier ", etc. - sont certainement applicables à la guerre de Bush et à l'occupation de l'Irak.

Mais il y a des différences fondamentales entre la guerre au Vietnam et la guerre en Irak. La plus importante, c'est que les Etats-Unis ont été à même, au bout d'une seule journée, de se désengager de l'Asie du Sud-Est et de retirer leurs troupes du Vietnam. Les planificateurs et décideurs politiques de l'establishment impérial américain savent très bien que l'armée et les structures politiques et économiques des Etats-Unis ne se retireront jamais
volontairement de l'Asie occidentale et de l'Afrique du Nord, c'est-à-dire du Moyen-Orient. C'est là où se trouve le pétrole. Pas rien qu'en Irak, mais également dans toute la région du Golfe où se situent deux tiers des réserves mondiales connues de pétrole. Cette région constitue également la porte vers les économies en rapide expansion de l'Asie de l'Est et du Sud-Est, en même temps que l'accès nord de l'Europe au continent africain, sans oublier que c'est également l'endroit où sont situées certaines voies d'eau stratégiques : le canal de Suez, le détroit de Gibraltar, la mer Rouge et le Golfe. La portion arabe de cette région frise également l'ébullition, avec un sentiment populaire d'unité et un désir d'entière souveraineté s'étendant sur toute l'Afrique du Nord et l'Asie occidentale. C'est également la région où la lutte palestinienne raffermit un sentiment anti-colonial populaire et où des régimes fantoches imposés dépendent directement des Etats-Unis pour leur existence. Au coeur de cette région, il y a aussi Israël, le principal allié et fondé de pouvoir des Etats-Unis, fonctionnant comme un fer de lance et qui requiert en même temps une couverture et un soutien politique, économique et diplomatique de la part des mêmes Etats-Unis.

Le contrôle - militaire - absolu sur ces ressources hautement stratégiques est la clé des visées hégémoniques de l'économie capitaliste mondiale. Si les Etats-Unis voulaient quitter l'Irak, le Japon, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France se hâteraient de tenter de combler le vide. Par conséquent, Bush n'envisage nullement le retrait de l'Irak comme une option, et ce n'en sera pas une non plus, à coup sûr, si Kerry remplace Bush en novembre prochain.

Le gang Bush a choisi de recourir à la force militaire brutale en tant que moyen de poursuivre la consolidation de la dictature américaine déjà réelle sur la région. Le projet irakien était destiné non seulement à écraser le gouvernement irakien, il était également envisagé comme un moyen à plus long terme. Le plan prévoyait de construire des bases militaires américaines sur une grande échelle en Irak, d'établir à Bagdad la plus grosse ambassade américaine au monde (avec un personnel de plus de 3.000 agents) et d'utiliser l'Irak comme un tremplin à des changements de régimes à travers toute la région - bref, l'instauration d'une véritable Pax Americana. Les précédents gouvernements américains, y compris l'administration Clinton, avaient également fait d'un changement de régime en Irak une priorité dans les relations américano-irakiennes. Toutefois, l'administration Bush voyait l'Irak sous un tout autre éclairage : utiliser la conquête et la récupération de l'Irak comme un pivot stratégique en vue d'une réorganisation et d'une globalisation à long terme de toute la région sous autorité américaine.

Ce n'était pas la première fois que les Etats-Unis se servaient de l'Irak dans ce but. En 1955, le pacte de Bagdad avait été orchestré par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis pour répondre à l'émergence du mouvement non aligné qui avait été lancé à Bandung, en Indonésie, par nombre de nations et de mouvements de décolonisation. Le peuple irakien n'a jamais accepté de faire fonction de pion sur l'échiquier géostratégique de quelqu'un d'autre. Il n'a jamais cessé non plus de résister au colonialisme. Des dizaines de milliers d'Irakiens ont déjà perdu la vie au moment où leur pays a été envahi et occupé. Il est clair, au vu des événements de ces derniers jours, qu'un nombre tellement élevé d'Irakiens sont furieux et dégoûtés de l'occupation de leur pays que des milliers et des milliers d'entre eux sont disposés à donner leur vie plutôt que d'accepter une domination étrangère.

Les Irakiens préfèrent payer chèrement de leur personne plutôt que d'être les sujets d'une colonie. Pendant ce temps, les jeunes hommes et femmes des forces étrangères d'occupation, y compris les troupes américaines, aimeraient précisément rentrer chez eux. Eux et leurs familles savent que, contrairement aux affirmations de Rumsfeld, les forces américaines ne sont pas considérées comme des libérateurs par le peuple. Telle est l'équation classique d'une guerre impérialiste au bout de laquelle il n'est pas de victoire possible. Dans ce sens aussi, le conflit ressemble à la guerre du Vietnam. Le peuple vietnamien lui aussi s'était préparé à endurer d'incommensurables sacrifices en vue de revendiquer le contrôle de son pays face à des forces étrangères d'occupation qui, à leur tour, ne désiraient qu'une chose : pouvoir rentrer entiers dans leurs foyers.

Ces derniers jours, l'establishment des médias américains débordait d'analyses et de récits reflétant la grave inquiétude régnant au sein de l'establishment politique de ce que les desseins de Bush à propos de l'Irak pourraient provoquer la crise la plus grave pour l'impérialisme américain depuis l'effondrement de l'Union soviétique. Les actions de Bush et de Rumsfeld ont catalysé une révolte qui passe d'un stade embryonnaire à celui d'une potentielle rébellion totale. Incapable, par d'autres moyens, d'empêcher cette rébellion de s'étendre, l'armée américaine applique contre le peuple une répression de plus en plus meurtrière qui, à son tour, va enflammer la situation en Irak et dans toute la région. Dans ces conditions, il n'y a pas d'issue réelle ni de stratégie du retrait en vue. Même si les Etats-Unis devaient parvenir à transférer l'autorité d'occupation des mains de Paul Bremer dans celles des marionnettes irakiennes qu'ils ont aux-mêmes choisies, un véritable départ des forces armées américaines de l'Irak ne peut être envisagé. Même la stratégie du repli bidon s'effondre, puisque les pontes à étoiles du Pentagone soupèsent la nécessité qu'il y a présentement, comme le fit le général Westmoreland en 1967, d'envoyer sur place des milliers d'hommes en renfort pour écraser une rébellion qui tire ses racines dans les clameurs anti-colonialistes d'un peuple occupé. Rumsfeld a déclaré publiquement qu'il envisageait d'envoyer des renforts en Irak. Le Pentagone a compté non seulement sur 120.000 hommes de l'US Army en plus mais, selon Nightline du 6 avril, sur des renforts composés, estime-t-on, de 10 à 15.000 " mercenaires " - américains, britanniques et sud-africains - qui, en fait, sont déjà à pied d'oeuvre en Irak sous la désignation euphémique de " contractants privés ".

Ces 18 derniers mois, les peuples du monde, y compris le peuple des Etats-Unis, ont créé un mouvement de masse sans précédent s'opposant à la guerre de Bush et à l'occupation de l'Irak qui l'a suivie. En ce moment critique, il est urgent de mobiliser le plus vite possible et de redescendre à nouveau dans la rue afin d'exiger ceci :

Les Etats-Unis hors de l'Irak,
Ramenez les troupes au pays,
De l'argent pour l'emploi, pour l'éducation et pour les soins de santé, et
non pour les guerres d'agression.

[traduction -- StopUSA Belgique]

Coalition américaine pour la paix
www.stopUSA.org


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