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Soulèvement des Shias de l'Iraq

Roberto, Mercredi, Avril 7, 2004 - 15:32

Noami Klein

Le son de liberté se fait entendre à la Place Firdos de Bagdad, la célèbre place où la statue de Saddam Hussein a été renversée il y a un an. Il ressemble au feu des mitrailleuses.

Dimanche, des soldats irakiens formés et contrôlés par forces de la coalition, ont ouvert le feu sur une manifestation ici. Alors que les protestataires se rendaient à leurs maisons dans le quartier pauvre de Sadr City, l'armée étasunienne les a suivis avec des chars, des hélicoptères et des avions, tirant au hasard sur des maisons, des magasins, des rues et même des ambulances. Selon des hôpitaux locaux, 47 personnes ont été tuées et beaucoup plus ont été blessées. Dans Najaf, le jour a été tout aussi sanglant : 20 manifestants morts, plus de 150 blessés.

Dans Sadr City, les marches d'obsèques sont passées devant des chars militaires américains et les hôpitaux débordaient de blessés. En après-midi, les heurts ont repris.

Ne faites pas erreur, ce n'est pas une « guerre civile » qui éclate, comme prévu, entre les Sunnites, Shias et Kurdes. Plutôt, c'est une guerre provoquée par l'occupation des EU et menée par ses forces contre un nombre croissant de Shias qui soutiennent Moqtada al-Sadr.

Sadr est le plus jeune et plus radical rival du Grand Ayatollah Ali Al-Sistani, dépeint par ses partisans comme un croisement entre l’Ayatollah Khomeini et Che Guevara. Il blâme les EU pour les attaques sur des civils, compare le chef de l'occupation des EU, Paul Bremer, à Saddam Hussein; s'aligne sur le Hamas et le Hizbullah et a appelé à un jihad contre la constitution intérimaire controversée. Son Irak pourrait ressembler beaucoup à l'Iran.

Et c'est un message qui trouve son marché. Avec Sistani concentrant ses pressions sur l'ONU, plutôt qu'en confrontation contre l'occupation des Etats-Unis, beaucoup de Shias suivent la tactique plus militante prêchée par Sadr. Certains ont rejoint le Mahdi et son armée vêtue de noir qui dit avoir des centaines de milliers des membres.

D'abord, Bremer à répondu à l’influence croissante de Sadr en l'ignorant. Maintenant il essaye de le provoquer par tous les moyens à la bataille. Les problèmes ont commencé quand il a fermé le journal de Sadr la semaine dernière, suscitant une vague de manifestations non-violentes. Samedi, Bremer a accru la tension en envoyant des forces de la coalition pour entourer la maison de Sadr près de Najaf en faisant arrêter son responsable des communications.

D'une manière prévisible, l'arrestation a suscité des protestations immédiates à Bagdad, auxquelles l'armée irakienne a répondu en ouvrant le feu et en tuant prétendument trois personnes. À la fin de la journée de dimanche, Sadr a appelé ses partisans à organiser des manifestations et les a encouragé vivement à chercher « d'autres voies » pour résister à l'occupation; une déclaration que plusieurs interprètent comme un appel aux armes.

En surface, cet enchaînement d'événements mystifie. Avec le triangle de Sunnite supposément en flammes suite à l’horrible attaque de Falluja, pourquoi Bremer la pousse-t-il les Shias du sud, jusque là relativement calmes, à la bataille ?

Voici une réponse probable : Washington a perdu espoir de déléguer ses pouvoirs à un gouvernement irakien intérimaire le 30 juin et crée le chaos afin de déclarer le transfert impossible. L’occupation continue d’amener de mauvaises nouvelles pour George Bush en campagne électorale, mais pas aussi mauvaises que si après un transfert de pouvoir le pays éclate, un scénario de plus en plus probable donné le rejet généralisé de la légitimité de la constitution intérimaire et du conseil intérimaire nommé par les États-Unis.

En envoyant la nouvelle armée irakienne pour tirer sur les gens qu'elle est supposée protéger, Bremer a fini par détruire le mince espoir qu’ils avaient de gagner la crédibilité d’une population déjà fortement défiante. Dimanche, avant l'assaut sur les manifestants désarmés, on pourrait voir les soldats mettant des masques de ski, de façon à ce qu’ils ne soient pas reconnus dans leurs voisinages plus tard.

La coalition de l'autorité temporaire est de plus en plus comparée dans les rues à Saddam, qui n'aimait pas lui non plus les protestations pacifiques ou des journaux critiques.

Dans une entrevue hier, le ministre iraquien des communications, Haider Al-Abadi, a critiqué l'acte qui a lancé la vague actuelle de violence : la fermeture du journal de Sadr, Al-Hawzah. Abadi, qui est censé être responsable des médias en Irak, dit qu'il n'a pas été informé du plan de fermeture. En attendant, l'homme au centre de ces événements, Moqtada Al-Sadr, voit son statut de héros amplifié d’heure en heure.

Dimanche, toutes ces forces explosives sont venues ensemble quand des milliers de manifestants ont rempli la Place Firdos. Sur un côté de la place, deux ou trois jeunes sont montés au sommet d’un bâtiment et ont détruit avec couteau un panneau d'affichage faisant de la publicité pour la nouvelle armée de l'Irak. De l'autre côté, les Etats-Unis pointaient leurs chars vers la foule pendant qu'un haut-parleur annonçait que « les manifestations sont une partie importante de la démocratie, mais que le blocage de la circulation est interdit ».

Dans la place se trouve la statue que les Américains ont placé là où se trouvait celle de Saddam. Ces figures sans visages sont supposées représenter la libération du peuple irakien. Aujourd'hui, elles sont pleines de photographies de Moqtada Al-Sadr.

Traduit par RN

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