MONTREAL, le 25 mars - C'est avec un sentiment partagé que le Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) a pris connaissance des verdicts d'acquittement et de culpabilité dans le procès de Robert Gillet. Nous sommes très contentes que le jury ait pris au sérieux l'obligation faite à tout individu de vérifier l'âge des personnes impliquées dans la prostitution. Par ailleurs, dans ce même procès, les failles qui sont apparues à toutes les étapes du processus judiciaire ont vraisemblablement contribué au verdict d'acquittement en matière d'agressions à caractère sexuel. Et tout cela ne contribuera certes pas à rétablir la confiance dans la justice en matière de violence sexuelle affirme cet organisme.

Depuis le début de cette histoire, les CALACS sont passés de la surprise à l'incompréhension, puis de l'indignation à la colère en analysant le travail des policiers, des procureurs de la Couronne et de la Défense, du juge, des médias, et les attitudes des personnes qui ont assisté au procès ou le commentent dans les journaux, les lignes ouvertes, etc. Le verdict de culpabilité prononcé aujourd'hui ne fera certes pas oublier les éléments suivants :

- l'enflure verbale de certains policiers qui ont contribué à mousser le sensationnalisme entourant ce dossier et les liens étroits qu'ils ont entretenus avec les médias;

- la préparation apparemment insuffisante des jeunes victimes faite par la Couronne;

- l'absence totale d'information sur le milieu de la prostitution (sa culture, ses règles implicites, son fonctionnement, etc), qui aurait pu aider à comprendre ses implications pour les victimes et mettre en contexte leurs réactions durant leur témoignage;

- la rudesse de certains propos lors des contre-interrogatoires des victimes;

- l'attitude troublante et les commentaires pour le moins surprenants voir même contradictoires du juge à plusieurs occasions tout au long du procès (exemples : ses décisions en réponse à la requête d'arrêt de procédures et lors de la demande de huis clos, ses directives excessivement sévères aux jurés);

- des interprétations tendancieuses ou incomplètes des faits par certains médias;

- l'ambiance de voyeurisme entretenu au Tribunal par des curieux et certains supporters de la Fondation Scorpion.

Les travailleuses et les militantes des CALACS ne sont pas surprises de ces réactions, qu'elles rencontrent régulièrement. Elles constatent la force et la persistance des préjugés, des jugements contre les victimes de violence sexuelle, que ce soit contre les prostituées ou celles qui dénoncent des agressions sexuelles. Des procès de ce genre-là représentent une autre forme de violence contre les femmes, un recul pour toutes les femmes. Malgré le verdict de culpabilité reçu par leur agresseur, que restera-t-il dans la tête et le coeur des victimes, de celles qui ont témoigné et des autres qui suivaient ce procès en se demandant si elles allaient oser dénoncer ? Des procès aussi boiteux contribuent à maintenir la honte, la peur, le silence pour les victimes et l'impunité des crimes de violence sexuelle. Ce verdict de culpabilité n'effacera pas toutes les bavures du processus, et l'aspect outrageant de certaines pratiques. Les femmes réclament un traitement équitable durant tout le processus judiciaire, du début à la fin. Ce sera sans aucun doute encore très difficile porter plainte, d'obtenir Justice et un traitement équitable pour les femmes.

C'est pourquoi le Regroupement québécois des CALACS continuera d'être vigilant, de dénoncer les injustices du processus judiciaire, de réclamer des ressources capables de défendre les droits des victimes de violence sexuelle. Nous continuerons de les assister lorsqu'elles choisissent de porter plainte, sans fermer les yeux sur les lacunes du système de justice.