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Cuba encore au banc des accusés à GenèvesAnonyme, Jeudi, Mars 18, 2004 - 23:18 (Analyses)
Felipe Pérez Roque
Voilà maintenant dix-sept ans que Cuba se bat à la Commission des droits de l’homme contre les tentatives cynique du gouvernement nord-américain de la condamner INTERVENTION DE SE. M. FELIPE PÉREZ ROQUE, MINISTRE CUBAIN DES RELATIONS EXTÉRIEURES, AU SEGMENT DE HAUT NIVEAU DE LA 60e SESSION DE LA COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME (Genève, 17 mars 2004) Monsieur le Président, Voilà maintenant dix-sept ans que Cuba se bat à la Commission des droits de l’homme contre les tentatives cynique du gouvernement nord-américain de la condamner. Au début des années 80, l’extrême droite qui s’apprêtait à prendre le pouvoir avec Ronald Reagan à sa tête avait critiqué le président Carter dans la plate-forme républicaine dit Document de Santa Fe : « Il est curieux que l’administration actuelle n’ait pas tenté sérieusement d’appliquer sa doctrine des droits de l’homme à la Cuba castriste. » D’où l’idée – concrétisée avec rigueur à ce jour – de chercher à condamner Cuba à Genève pour justifier le blocus et les agressions dont notre pays était victime depuis 1959. C’est ainsi, donc, que le gouvernement étasunien présenta en 1987 un projet de résolution qui fut repoussé. Il ne parvint pas plus, ni en 1988 ni en 1989, à faire condamner Cuba. Nous ne vivions pas encore dans un monde unipolaire, régi par les intérêts et les caprices d’une superpuissance dont le président actuel – qui, soit dit en passant, n’a pas été élu mais a été tout bonnement désigné par la majorité républicaine de la Cour suprême – s’est permis de mettre le reste du monde au pied du mur : ou vous êtes avec les Etats-Unis ou vous êtes avec le terrorisme. Ce n’est qu’en 1990, en pleine débâcle du camp socialiste – alors qu’on proclamait la fin de l’Histoire et que les ennemis de la Révolution cubaine fêtaient d’avance la chute qu’ils jugeaient inévitable de Cuba socialiste – que le gouvernement étasunien put, secondé par de nouveaux gouvernements laquais, imposer pour la première à cette Commission une condamnation de notre pays. Ce furent des années difficiles, mais le peuple cubain, emmené par Fidel, ne se rendit pas, ne cessa pas de lutter pour lui-même et pour tous ceux qui défendent dans le monde la justice et la liberté, pour tous ceux qui croient qu’un monde meilleur est possible. Sa digne résistance face à l’infamie et au mensonge força peu à peu la reconnaissance et le soutien d’autres membres de la Commission si bien que la tentative de condamner notre pays fut finalement repoussée catégoriquement en 1998. Aussi, humiliés et offensés, les USA s’efforcèrent-ils en 1999 de camoufler leur manigance contre Cuba, ordonnant au gouvernement de la République tchèque – pouvait-on trouver laquais plus méprisable ? – de présenter officiellement son texte, tandis que la superpuissance, recourant à des pressions, à des menaces et à des chantages éhontés, obtint un nombre de voix minimum pour pouvoir imposer une condamnation ridicule de Cuba. Mâtinée de moqueries et de discrédit, la comédie se rejoua jusqu’en 2001. Mais en 2002 le gouvernement tchèque se refusa à jouer plus longtemps le rôle répugnant d’homme de paille de Washington. De leur côté, les peuples latino-américains réclamaient de leurs gouvernements qu’ils ne se joignent pas à la condamnation de Cuba, qu’ils ne se convertissent pas en complices de l’agression et du blocus dont le petit pays était victime de la part de l’agresseur puissant et rapace. Pour comble, l’administration Bush, dont l’hypocrisie et le cynisme ne connaissent pas de bornes, avait été exclue de la Commission des droits de l’homme ! C’est à la suite de pressions intenses et désespérées que Cuba connaît par le menu que les gouvernements uruguayen et péruvien acceptèrent de jouer dès lors, contre la volonté de leurs peuples, ce rôle ignominieux. Nous nous rappelons tous comment l’ambassadeur étasunien s’est exclamé l’an dernier ici même : « Alors, je suis d’accord avec n’importe quoi qui permette de condamner Cuba. » Cette Commission n’a pas si souvent l’occasion de rire du ridicule et de l’imposture de la superpuissance qu’elle devrait justement, s’il y existait encore un zeste de justice et de crédibilité, condamner pour ses crimes et pour ses violations arrogantes des droits d’autrui ! Voilà les faits. Que se passera-t-il cette année-ci ? L’administration nord-américaine renoncera-t-elle à fabriquer de toutes pièces sa condamnation de Cuba ? Impossible. Elle en a besoin pour justifier son blocus criminel et ses plans d’agression militaire. L’Union européenne contrera-t-elle enfin la tentative étasunienne de condamner Cuba ? Non, je ne le crois pas. Et nous savons tous pourquoi. Les uns diront : par vieille sagesse. D’autres, comme nous, diront : par hypocrisie et morale à double vitesse. Présentera-t-elle du moins une résolution condamnant la violation des droits de l’homme infligée aux prisonniers, dont certains sont Européens, que les Etats-Unis maintiennent dans le camp de concentration qu’ils ont bâti sur la base navale qu’ils occupent illégalement à Guantánamo ? Non, je ne le crois pas non plus. Alors dénoncera-t-elle les graves violations des droits de l’homme que les autorités nord-américaines commettent contre les cinq Cubains prisonniers politiques, condamnés à plusieurs peines de réclusion à vie dans des prisons de là-bas et auxquels leurs proches ne peuvent rendre visite ? Non, elle ne le fera pas. En tout cas, qui n’a pas le courage de faire face à l’hégémonisme unilatéral de la superpuissance devrait au moins avec la pudeur de se taire et de ne pas être complice de l’agression contre Cuba. L’Union européenne devrait au moins défendre le droit du petit pays agressé, au lieu de seconder la haine irrationnelle de l’agresseur. Quel sera le nouveau pion au service du maître impérial ? On dit que ce sera le Costa Rica. Par attachement à la cause des droits de l’homme ? Sûrement pas. Je rappellerai que ce gouvernement ne vote pas contre les violations atroces des droits de l’homme et les crimes qu’Israël commet contre le peuple palestinien. Je rappellerai que son gouvernement a déménagé son ambassade à Jérusalem. Le gouvernement costaricien présentera-t-il donc une résolution condamnant la peine de mort infligé à des mineurs, à des femmes et à des malades mentaux aux Etats-Unis ? Non, n’y comptez pas non plus. De sorte qu’à la mi-avril, cette Commission se retrouvera de nouveau devant le dilemme : ou condamner Cuba ou défendre le droit à l’indépendance, à l’autodétermination et au développement d’un peuple noble et généreux qui n’a jamais failli quand il s’agit de lutter pour une cause juste dans le monde ; d’un peuple qui s’est battu contre l’apartheid ; d’un peuple qui a toujours soutenu ceux qui ont combattu les dictatures militaires sanguinaires que les Etats-Unis ont imposées en Amérique latine ; d’un peuple qui a diplômé dans ses écoles secondaires et ses universités plus de 41 000 jeunes de 123 pays ; d’un peuple dont plus de 15 000 médecins coopèrent dans 65 pays du tiers monde. Monsieur le Président, Cuba nie qu’il s’agisse là d’une simple « résolution de procédure ». Faux ! Tout le monde sait que les USA la présenteront comme une condamnation. Et qu’elle permet en plus de maintenir la prétendue « question cubaine » à l’ordre du jour. Je repousse aussi l’accusation selon laquelle Cuba n’a pas coopéré avec la Commission. En 1988, Cuba en a accueilli une délégation ; en 1994, elle a accueilli le Haut-Commissaire aux droits de l’homme qui n’a pas toujours pas pu se rendre aux USA ; en 1995, elle a accueilli une délégation d’organisations non gouvernementales des droits de l’homme conduite par Danielle Mitterrand ; et en 1999, elle a accueilli deux rapporteurs de la CDH. Pourquoi faut-il demander par résolution que Cuba accepte de recevoir un Représentant personnel du Haut-Commissaire, alors qu’on n’en nomme pas un pour enquêter sur les crimes et les violations des droits de l’homme commises par les troupes nord-américaines qui ont envahi l’Irak ? Cuba refuse qu’on l’accuse devant cette Commission d’une manière arbitraire, politisée et discriminatoire. Tout comme elle refuse que les accusés de cette Commission ne soient que des pays du tiers monde. Cuba refuse donc de recevoir un représentant du Haut-Commissaire. Nous n’avons rien de personnel contre la fonctionnaire qu’il a désignée. Nous en avons contre le mandat illégitime dont elle est investie. Nous refusons tout autant le rapport politisé et partial qu’elle a rédigé. Elle a fini par servir d’instrument de l’administration nord-américaine. Cuba revendique le droit d’appliquer ses lois pour se défendre de l’agression. Cuba revendique le droit de juger les mercenaires qui collaborent avec le blocus et avec la politique agressive de la superpuissance qui veut reconquérir son peuple et lui repasser le joug. Cuba, Excellences, ne se rendra pas, n’acceptera pas de pressions, ne jouera pas les candides. Condamnez donc l’agresseur, et non l’agressé ! Faites donc cesser le blocus, les mensonges et les agressions contre Cuba ! Je vous remercie. ...........................................................................................................................
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