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Pour demeurer au pouvoir et exclure les partis en émergence, les libéraux sont en train de se tailler un système sur mesure sEric, Samedi, Février 28, 2004 - 12:21
Paul Cliche
Le menu législatif que le gouvernement Charest a annoncé au début de la session ne comprenait qu’une seule et unique mesure de nature progressiste : la réforme du mode de scrutin majoritaire dont la démocratie québécoise subit les effets pervers depuis plus de deux siècles et qui fait l’objet d’une saga politique depuis bientôt 40 ans. Toutes les autres, comme on a eu l’occasion de s’en rendre compte amplement depuis, découlaient de la plus stricte orthodoxie néolibérale. Ayant reçu le mandat "d’introduire des modalités de représentation proportionnelle afin d’assurer un plus grand respect de la volonté populaire exprimée par les électeurs", le ministre Jacques Dupuis, a annoncé qu’il avait choisi d’instaurer un système mixte compensatoire à finalité proportionnelle qui, si on l’applique intégralement comme en Allemagne, permet d’atteindre presque tous les objectifs poursuivis par l’UFP, soit :
Des volte-face à répétition Mais le ministre n’a pas tardé à décevoir en effectuant un premier volte-face. Jouant à cache-cache avec l’opposition péquiste qui freine à quatre fers, il a d’abord annoncé que la réforme ne serait probablement pas en vigueur lors des prochaines élections générales prévues pour 2007 à cause du temps requis pour implanter le nouveau système. Il a été démenti sur ce point par l’ex-directeur général des élections du Québec, Pierre F. Côté, qui a démontré que l’opération pouvait se faire en 18 mois. Puis, loin des projecteurs des médias afin de ne pas alerter l’opinion publique, il a commencé à divulguer aux groupes qu’il recevait privément les modalités qu’il envisage pour le projet de loi qu’il dit vouloir présenter à l’Assemblée nationale ce printemps et faire adopter d’ici décembre prochain. C’est alors qu’au fil des rencontres le projet initial s’est mis à rétrécir comme une peau de chagrin jusqu’à en être dénaturé. Ainsi, une délégation de l’UFP a constaté à son grand étonnement, le 16 février dernier, que loin de vouloir instaurer le système mixte compensatoire à finalité proportionnelle annoncé, le ministre semblait avoir écarté les principaux éléments constitutifs de cette dernière :
De plus, le ratio entre les députés élus au majoritaires et ceux élus pour permettre la compensation ne serait pas de 50-50 comme en Allemagne où la proportionnalité est parfaite. Il serait plutôt de 60-40 (75 députés de circonscription et 50 pour effectuer la compensation) comme en Nouvelle-Zélande et en Écosse. La possibilité d’un ratio inacceptable de 68-32 (85 députés de circonscription, 40 compensateurs) est même encore sur la planche à dessin dans les officines gouvernementales. Le ministre Dupuis a d’ailleurs confirmé ces modalités au journaliste du Devoir, Tommy Chouinard, qui a publié un article à ce sujet vendredi le 27 février. Mais, bien entendu, il n’en donne pas la même interprétation que nous. Même pas une réforme cosmétique À notre avis, parler de réforme cosmétique dans ce contexte serait un euphémisme, car le ministre, dénaturant le modèle du système mixte à finalité proportionnelle dont il se réclame, semble plutôt en train de tailler sur mesure pour le bénéfice de son parti un système majoritaire compensateur n’existant dans aucun autre pays démocratique. "Le système électoral québécois sera unique...", titre Le Devoir. En effet ! L’astuce réside dans le fait que la compensation favoriserait avant tout le Parti libéral qui n’aurait plus à subir le handicap des quelque 300 000 votes qui l’a désavantagé jusqu’ici face au Parti québécois. Par contre, les partis en émergence, comme l’UFP, seraient à coup sûr les principaux perdants. On assisterait ainsi à la consécration du statu quo à l’Assemblée nationale, sauf que dorénavant l’Action démocratique serait bien traitée à condition qu’elle dépasse le cap de 15% des voix. Devant ce gâchis appréhendé, plusieurs personnes sont tellement déçues qu’elles préféreraient garder le système actuel qui a au moins le mérite de n’induire personne en erreur. Mais pouvait-on s’attendre à autre chose de la part d’un ministre qui n’a pas hésité à trahir l’esprit de son mandat de responsable de la réforme des institutions démocratiques pour présenter la motion de clôture imposant le bâillon permettant l’adoption à toute vapeur de huit projets de loi inacceptables en décembre dernier ? Il s’agissait-il certes là du plus grave accroc à la démocratie parlementaire depuis l’ère duplessiste. Mais l’Histoire le prouve : toutes les conquêtes démocratiques importantes, tel le droit de vote pour les femmes, n’ont été acquises qu’au prix de luttes sociales et politiques qui ont duré parfois plusieurs décennies. La bataille du scrutin proportionnel n’est pas terminée au Québec, loin de là. Nous ne baisserons pas les bras devant les obstacles que sèment des partis traditionnels tentant de préserver leur hégémonie sur l’Assemblée nationale. La législation qu’on concocte dans les officines gouvernementales est trop antidémocratique pour passer comme une lettre à la poste. Il faut redoubler d’efforts dans les prochains mois pour informer le plus grand nombre possible de citoyens et de citoyennes. Il faut forcer la main au gouvernement libéral et à l’opposition péquiste pour qu’ils instaurent, d’ici les prochaines élections, une vraie proportionnelle où chaque vote compte.
Site de l'Union des forces progressistes
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