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Des bêtes contre des cages- manif du 17 févrierAnonyme, Jeudi, Février 19, 2004 - 12:35 (Analyses)
Anne-Marie Boucher
Sortir du scénario, repenser la manière de manifester. Autocritique de la manif étudiante du 17 février au Parlement. «Il faut poser des actes d’une si complète audace, que même ceux qui les réprimeront devront admettre qu’un pouce de délivrance a été conquis pour tous.» 18 février 2004, Montréal La déception ressentie par plusieurs lors de la manifestation d’hier me porte à écrire sur cet événement, réunissant à peine quatre cents étudiants et étudiantes des universités et cégeps du Québec, dans le but de se faire entendre lors des débuts de la Commission parlementaire sur l’éducation. Cette autocritique m’inclut et espère mener au débat. Mais plutôt que de parler du débat sur les frais de scolarité, il sera question ici des moyens utilisés par les opposants qui étaient présents mardi. Nous avons marché de l’Université Laval au Parlement, brandissant des pancartes, scandant timidement des slogans pour la plupart sans aucun sens, plus propagandistes que les publicités télévisées. Quelques groupes affichaient une certaine cohésion, mais le manque d’organisation, de mise en commun des forces était flagrant : cette manifestation n’aura rien donné, comme plusieurs autres. Mais pourquoi? Le scénario est désormais bien connu : nous descendons dans la rue, nous crions les slogans, nous nous heurtons à une barrière, nous insultons les instruments de la répression, puis nous nous débattons comme des animaux contre cette barrière placée pour défouler nos passions, nous recevons les gaz, et quittons, pêle-mêle, poussés par la panique juvénile d’une guerre urbaine que nous avons l’impression de mener. Fin du scénario, les policiers auront fait leur boulot, les médias auront de quoi faire une capsule de trente secondes sur les «étudiants de gauche» et les manifestants retourneront à la maison, déçus ou en beau câlisse contre la police. Qu’est-il arrivé? L’histoire était déjà écrite : d’un côté comme de l’autre, tout avait été prévu et chacun a joué son rôle; la répétition de la banalité n’a eu aucun impact. Les temps sont nouveaux. Si c’est bel et bien un combat que nous menons, alors on peut dire que l’«ennemi» est nouveau lui aussi. Mieux organisé, appuyé par les médias, nourri par la confusion des militants de gauche qui, soit rangés sous des drapeaux et brûlant des drapeaux, soit «indépendants» (désolée si ici je généralise grossièrement), manquent de cohésion, bref, ce nouveau système en place, aux couleurs néo-libérales, est autre que la bourgeoisie du 19e siècle. Les temps sont nouveaux et nous obligent à penser d’une nouvelle manière. De nous adapter à ces gouvernements à tendance totalitaire, à ces escouades anti-émeutes en surnombre, à ces caméras qui traquent la violence et en font un spectacle dénué du sens de nos luttes, que gobera la majorité de la population le soir venu. Il ne faut plus qu’il y ait de dérapages comme hier, lorsqu’en revenant de la manif, un gars a fait éclaté, à coups de poings, la vitre de la voiture d’une femme qui tentait de se frayer un passage parmi la foule. Un autre l’a fait cessé de frapper en lui disant qu’elle était aussi une «prolo»…. La femme affolée, revenant de son huit heures de travail mal payé, demandait qui payerait son pare-brise… personne n’a su quoi répondre… Les temps sont nouveaux. Il faut cesser de jouer les marxistes-léninistes-maoïstes, de penser qu’on fera une révolution par la violence, de se baser sur des idéologies qui, pour survivre, doivent, telle une religion, ne faire référence qu’à elles-même! La mobilisation par les utopies idéologiques ne rassemblera pas les «prolétaires» de la classe moyenne. Il faut se questionner sur les failles de la manifestation qui tombe souvent dans le cliché. Il faut s’inspirer du passé pour faire mieux, il faut réinventer ce qui a déjà été fait. Peut-être existe-t-il d’autres voies que celles que l’on utilise?? Les temps ont changé, changeons aussi. Par la conscience que nous avons, nous voulons améliorer les choses, mais il faut savoir le faire patiemment et résolument. Savoir orienter notre ardeur dans des actions plus éclatantes, plus fortes symboliquement. Savoir que la lutte n’est pas contre les hommes en uniformes mais contre la répression, contre ce manque de liberté qui a mené ces hommes à adopter cet uniforme et à croire en leur légitimité. Lutter contre les formes d’oppression qui sont présentes dans nos cerveaux. Nous devons commencer une réelle autocritique qui permettra de mieux se battre. L’heure est aux stratégies politiques, aux alternatives, aux projets…. Place à la créativité, cessons de secouer ces barrières de fer pour leur donner raison de nous gazer ; repoussons plutôt les barrières de notre imagination. Créons du jamais-vu, des actes superbes qui surprendront! Soyons dignes de notre lutte! Écrivons, discutons, éveillons et ouvrons nos esprits enfermés dans des structures de militantisme qui peuvent être améliorées! Les temps sont nouveaux. Servons-nous des médias plutôt que de servir les médias, cessons de leur jouer la scène qu’ils attendent! Offrons-leur mieux! La violence bestiale ne jouera pas en notre faveur, soyons créatifs!! La lutte que nous menons est trop importante pour qu’elle soit jouée sans réfléchir. Les temps sont nouveaux, mais ils sont aussi comptés.
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