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RSF et la droite radicale cubaine de Floride

Anonyme, Vendredi, Février 6, 2004 - 18:25

Salim Lamrani

reporters sans frontière et la droite radicale cubaine de Floride: une alliance au grand jour.

2 février 2004

Les fréquentations malsaines de l'organisation de "défense de la liberté de la presse"
REPORTERS SANS FRONTIÈRES (RSF) ET LA DROITE RADICALE CUBAINE DE FLORIDE : UNE ALLIANCE AU GRAND JOUR

par Salim Lamrani

L'organisation Reporters sans frontières (RSF), dirigée par M. Robert Ménard, mène, depuis quelques années déjà, une campagne tendancieuse à l'égard de Cuba. Dernièrement, les attaques médiatiques contre la nation caribéenne se sont multipliées en France particulièrement, et ont atteint un tel paroxysme qu'il convient de se questionner sur le bien fondé de ces actions propagandistes à outrance. La sélectivité et la manipulation, aisément constatables, de l'information, que l'entité parisienne a apparemment érigées en norme doctrinale, restent surprenantes, non seulement du fait de leur fréquence mais aussi par leur teneur thématique. En effet, cette dernière est substantiellement parente à celle du secteur extrémiste de la droite cubaine de Floride, dont l'intransigeance et le caractère passéiste demeurent notoires.

Dans une déclaration datée du 13 janvier 2004, RSF condamnait « énergiquement l'agression commise contre Victor Rolando Arroyo Carmona », un détenu que la rhétorique à géométrie variable de l'organisation parisienne qualifiait de « journaliste emprisonné », évacuant, avec un mépris symptomatique, la base factuelle étayant l'affaire en question. L'absence récurrente de sources porte à penser que la fiabilité n'est point la préoccupation de l'entité qui se dit défendre « la liberté de la presse ». Cependant, un autre aspect est assez révélateur du public visé par RSF. En effet, le journal états-unien El Nuevo Herald de Miami contrôlé, en grande partie, par la frange la plus intolérante de l'exil cubain, a diffusé allègrement l'information publiée par RSF. Le labeur de M. Ménard est très chaudement apprécié par l'extrême droite cubaine, et ce, depuis des années. [1]

La puissante Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), entité créée par une directive de Sécurité nationale du président Ronald Reagan, s'est félicitée de la vitalité de RSF dans sa virulente campagne contre Cuba. La FNCA se compose, en majorité, de l'oligarchie de la tyrannie batistienne ayant fui la Révolution cubaine en 1959. Elle est également considérée comme étant l'une des plus importantes organisations terroristes par un ancien fonctionnaire du Département d'Etat états-unien. [2] Son Président, M. Francisco José « Pepe » Hernández, a exalté à maintes reprises le travail, hautement estimé à Miami, de l'organisation française. [3] M. Joe García, le directeur exécutif de la FNCA, a également complimenté la structure parisienne qu'il a qualifié de « groupe qui fait connaître la réalité à propos de Cuba ». [4] Au vu des louanges exprimées par ces personnalités intimement liées à la politique étrangère des Etats-Unis, à des actions terroristes sur le continent américain et auteurs réguliers d'intenses campagnes d'intoxication médiatique contre Cuba, il convient de se questionner sérieusement sur le véritable rôle de RSF.

Les organisations d'exilés, dont la plupart prônent l'utilisation de la violence armée contre Cuba, se sont empressées d'inviter M. Ménard et M. Régis Bourgeat, le chargé du Bureau des Amériques de RSF, sur leurs terres, afin de les remercier pour cette bienveillance sans failles envers leur cause. Le 16 janvier 2004, ils étaient triomphalement reçus à l'Aéroport international de Miami par l'Association pour la Troisième République cubaine (ATREC), un organisme composé d'exilés radicaux cubains. Un hommage encenseur a publiquement été rendu au secrétaire général de RSF, et un programme digne de celui réservé à un chef d'Etat lui a été proposé. Le « défenseur des journalistes emprisonnés » croulait sous les éloges lancés par les adulateurs impunis des actions paramilitaires contre l'Ile caribéenne. [5]

A cette occasion, un comité composé d'opposants cubains, dont certains - comme Jaime Suchlicki, professeur à l'Université internationale de Floride - sont très liés à la FNCA, a été créé, incluant M. Ménard. [6] Ensuite, le secrétaire général de RSF a donné une conférence à la Maison Bacardi de l'Université de Miami, du nom de la multinationale du rhum, également spécialisée dans le terrorisme international contre Cuba. En effet, l'entreprise Bacardi, étroitement liée à la FNCA et la CIA, a financé plusieurs attentats contre la nation socialiste. Ces paramètres n'ont, en aucun cas, pu échapper à la clairvoyance du responsable de RSF qui, en connaissance de cause, s'est directement uni à la campagne de déstabilisation de l'archipel cubain. [7]

M. Ménard a ensuite effectué plusieurs visites chez Cubanet, l'organe de presse contrôlé par l'extrême droite cubaine, et Radio Mambí, dirigée par Armando Pérez Roura, ancien responsable de l'organisation Alpha 66 - que le FBI a considérée comme terroriste - responsable de multiples actions contre la vie de civils cubains. [8] Un entretien entre le dirigeant de l'entité parisienne et le Conseil pour la Libération de Cuba (Consejo por la Liberación de Cuba) a même été organisée. La réunion d'une personnalité comme M. Ménard avec des groupuscules liés au terrorisme international est lourde de conséquences, et en s'engageant, le secrétaire général a non seulement porté un coup sérieux à sa crédibilité et à celle de son organisation, mais aussi clairement démontré que les objectifs de la campagne menée contre Cuba étaient analogues à ceux de l'extrême droite cubaine et du gouvernement états-unien. [9]

Durant cette cérémonie politique l'organisation Reporters sans frontières a annoncé son intention d'« inaugurer deux nouvelles représentations » pour la région étasunienne à Washington et…Miami, fief par excellence des extrémistes cubains. M. Ménard a déclaré que « Miami [était] un lieu très important pour Cuba et l'Amérique latine ». Certes, en plus d'être la seconde ville cubaine du monde, en termes de population, après La Havane, Miami est également l'endroit à partir duquel sont organisés près de 99% des attentats terroristes lancés contre Cuba. Mais cette donnée ne semble être qu'un détail négligeable pour la structure de « défense de la liberté de la presse ». Le siège de Washington de RSF ne suffit plus pour mener à bien le programme de fragilisation de la société cubaine, et une alliance avec la puissante minorité adepte de la violence contre le peuple cubain est en train de s'opérer. [10]

Dans une interview accordée à l'auteur du présent article, M. Ménard déclarait, de manière diplomatique, à propos de Cuba : « Aujourd'hui, pour Reporters sans frontières, le problème n'est pas le régime… On ne se prononce jamais sur la situation générale à Cuba. Ça ne nous regarde pas… On s'occupe d'un droit de l'homme qui est la liberté d'expression ». [11] Face au parterre composé de l'élite floridienne, dont le caractère fascisant est un secret de Polichinelle, le secrétaire général de RSF a tenu un autre discours qui combla de gaieté l'assistance : « Nous voulons proposer des mesures élémentaires à Bruxelles qui peuvent s'appliquer à Cuba en tant que pays violateur des droits de l'homme. N'a-t-on pas bloqué l'accès aux comptes que les terroristes avaient chez les banques européennes ? Pourquoi ne peut-on pas faire cela dans le cas de Cuba ». [12] Au-delà de l'analogie fallacieuse, seule la partie la plus récalcitrante de l'extrême droite cubaine oserait formuler une telle proposition. Mais l'idée est venue de M. Ménard et cela en dit long sur ses fins.

Le leader de RSF affirmait qu'il ne se prononçait jamais sur la situation générale des pays. Dans une entrevue accordée au Nuevo Herald, le nouvel allié de la droite extrémiste cubaine changea de ton à propos du Venezuela : « Le gouvernement de Hugo Chávez est un échec, une catastrophe économique de promesses non tenues ». La même rhétorique est régulièrement entretenue par l'opposition vénézuélienne, responsable d'un coup d'Etat perpétré le 11 avril 2002, et le gouvernement étasunien lourdement impliqué dans les différentes tentatives de déstabilisation du pays, depuis l'élection du président M. Hugo Chávez. Les causes défendues par RSF sont exactement celles de la droite radicale, qu'elle soit cubaine ou vénézuélienne, et de l'Administration de Washington mais personne ne semble s'en soucier. [13]

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NOTES:

[1] Reporters sans frontières, « Un journaliste violemment frappé par ses geôliers », 13 janvier 2004. (site consulté le 22 janvier 2004) ; El Nuevo Herald, « Condena/ La organización Reporteros Sin Fronteras (RSF) condenó… », 15 janvier 2004. (site consulté le 22 janvier 2004).

[2] William Blum, Rogue State. A Guide to the World's Only Superpower (Maine, Monroe : Common Courage Press, 2000), p. 80.

[3] Hernando Calvo Ospina, ¿Disidentes o mercenarios ? (1998. La Havane : Casa Abril, 2000), p. 146.

[4] Interview de M. Joe García réalisée par l'auteur le 5 mai 2003, en espagnol, par voie téléphonique. Interview intégrale disponible sur : Salim Lamrani, « Le Lobby cubain aux Etats-Unis de 1959 à nos jours », Cuba Solidarity Project, juillet 2003, (site consulté le 22 janvier 2004) ou Salim Lamrani, « El Lobby cubano en los Estados Unidos de 1959 hasta nuestros días », Rebelión, 25 septembre 2003. (site consulté le 22 janvier 2004), p. 219.

[5] Olga Connor, « Tributo a defensores de la prensa libre cubana », El Nuevo Herald, 21 janvier 2004, 1. (site consulté le 22 janvier 2004).

[6] Ibid.

[7] Hernando Calvo Ospina, Rhum Bacardi, CIA, Cuba et mondialisation (Bruxelles : EPO, 2000), pp. 38-47.

[8] Miguel Talleda, Alpha 66 y su histórica tarea (Miami : Universal, 1995), p. 135.

[9] Olga Connor, « Tributo a defensores de la prensa libre cubana », op. cit.

[10] Wilfredo Cancio Isla, « Reporteros sin Fronteras abre nuevas sedes en EEUU », El Nuevo Herald, 21 janvier 2004. (site consulté le 22 janvier 2004).

[11] Interview de M. Robert Ménard réalisée par l'auteur le 12 mai 2003 au siège de Reporters sans frontières à Paris. Interview intégrale disponible sur : Salim Lamrani, « Le Lobby cubain aux Etats-Unis de 1959 à nos jours », Cuba Solidarity Project, juillet 2003, (site consulté le 22 janvier 2004) ou Salim Lamrani, « El Lobby cubano en los Estados Unidos de 1959 hasta nuestros días »->www.rebelion.org/libros/lobby_cubano.pdf], Rebelión, 25 septembre 2003. (site consulté le 22 janvier 2004), pp. 199-208.

[12] Wilfredo Cancio Isla, « Anuncia Reporteros Sin Fronteras campaña por democratizar a Cuba », El Nuevo Herald, 20 janvier 2004. (site consulté le 22 janvier 2004) ; Roberto Delgado, « Arremete Reporteros Sin Fronteras contra gobierno cubano », Fundación National Cubano Americana, 21 janvier 2004. (site consulté le 22 janvier 2004).

[13] Wilfredo Cancio Isla, « Reporteros sin Fronteras abre nuevas sedes en EEUU », op.cit.

réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique Latine


Sujet: 
Soyons francs
Auteur-e: 
batiste
Date: 
Mer, 2004-02-11 13:31

Si RSF a eu ses tords aux Vénézuela, il faut savoir nuancer quant à la question cubaine.

Disons les choses franchement: le régime de Fidel Castro, est un régime autoritaire. Les journalistes qui osent défier l'autorité cubaine se font emprisonner.

Un ami de retour de La Havane m'a montré les journaux cubains qu'il a glané ça et là: TOUS se font l'écho mièvre des positions castristes... Parce qu'ils n'ont pas le choix.

On a beau etre en accord avec se que dit Fidel, il est odieux d'exiger que tout le monde pensent comme nous.

Quand je lis Claude Picher dans la Presse (ou Pierre Dubuc dans l'Aut'Journal), je trouve ça dégueulasse et je sacre pendant toute la journée. Mais, merde, il a le droit de penser comme il veut. Sous Fidel, les journalistes cubains n'ont pas ce droit.

Si les complaintes - le plus souvent fondées - de RSF font l'affaire de la droite cubano-floridienne que pouvons nous faire? Arrêter de dénoncer l'injustice parce que ça arrange certaines personnes qu'on apprécie pas plus qu'il le faut ? Franchement! Aurait-on dû ne pas dénoncer la condition des femmes afghanes sous les Talibans, parce que ça permettait à W de passer son pipe-line?

Les journalistes de Cuba ne sont pas libres, c'est le devoir de RSF de le dire. Si le régime de Fidel Castro n'était pas une dictature, il serait peut être plus facile à défendre.


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