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FSM 2004 : Le FSM des opprimés et de la rue

tartosuc, Samedi, Janvier 24, 2004 - 07:20

Frédéric Dubois

Mumbai – Le grand rassemblement des mouvements sociaux s’est terminé avec un décompte final de 105,000 participants. Il sera de retour à Porto Alegre l’an prochain, puis peut-être en Afrique en 2006. Le Forum Social Mondial de Mumbai s’est abruptement achevé mercredi 21 janvier sur des notes musicales au Azad Maiden, grand parc situé au centre de Mumbai. Après une expérimentation d’ateliers souvent marquée par des difficultés techniques (pas de traduction, annulations, déplacements) et une énergie débordante, nous faisons le constat que l’édition de cette année, fut celle de la rue. Le nombre de manifestations improvisées et processions de centaines de militants, paysans, femmes et populations opprimées de l’ensemble du sous-continent, ont marqué l’imaginaire collectif. C’est effectivement sur cette énergie brute d’affirmation que les mouvements sociaux auront tablé, au détriment peut-être d’une qualité au niveau des conférences et présentations plus formelles. Deux thématiques sont ainsi ressorties, pulvérisées par la présence sur le site du FSM de milliers de citoyens de « seconde classe » du Gujarat, Karnataka et autres États voisins du Maharashtra.

FSM 2004 : Le FSM des opprimés et de la rue
Par Frédéric Dubois (fred...@cmaq.net)
Reporter pour le CMAQ à Mumbai, Inde

Mumbai – Le grand rassemblement des mouvements sociaux s’est terminé avec un décompte final de 105,000 participants. Il sera de retour à Porto Alegre l’an prochain, puis peut-être en Afrique en 2006. Le Forum Social Mondial de Mumbai s’est abruptement achevé mercredi 21 janvier sur des notes musicales au Azad Maiden, grand parc situé au centre de Mumbai. Après une expérimentation d’ateliers souvent marquée par des difficultés techniques (pas de traduction, annulations, déplacements) et une énergie débordante, nous faisons le constat que l’édition de cette année, fut celle de la rue. Le nombre de manifestations improvisées et processions de centaines de militants, paysans, femmes et populations opprimées de l’ensemble du sous-continent, ont marqué l’imaginaire collectif. C’est effectivement sur cette énergie brute d’affirmation que les mouvements sociaux auront tablé, au détriment peut-être d’une qualité au niveau des conférences et présentations plus formelles. Deux thématiques sont ainsi ressorties, pulvérisées par la présence sur le site du FSM de milliers de citoyens de « seconde classe » du Gujarat, Karnataka et autres États voisins du Maharashtra.

Les nouvelles thématiques introduites par les ONGs, syndicats et groupes de base du sous-continent sud-asiatique lors du FSM ont été la montée du communalisme, du fondamentalisme et des discriminations; la progression du patriarcat et la question du système de castes. Le communalisme, que Teesta Setalvad, fondatrice de la revue Communalism Combat et conférencière au FSM définit comme « la manipulation de symboles religieux et de la religion par les élites politiques, autant dans la sphère publique que privée, au profit de la mobilisation politique » fut un enjeu crucial et d’actualité. La montée de ce type de fondamentalisme et fanatisme a d’ailleurs entraîné une chasse aux sorcières contre la minorité musulmane de l’État indien du Gujarat, aboutissant même en février et mars 2002 à un bain de sang, où des centaines d’hommes, femmes et enfants furent terrorisés, souvent violés et massacrés. Bien que ce phénomène ne se limite guère à l’Inde, les groupes indiens ont rassemblé le plus fort contingent de participants.

Au nombre de 260 millions, les Dalits, littéralement les « opprimés » de la société indienne et de celles des pays limitrophes, vivent pour la plupart dans la marginalité la plus totale, n’ont accès à que très peu de ressources et voient leurs possibilités d’avancement bloquées par un système de castes les considérant comme des « intouchables ». Au FSM, ils sont venus en force mettre sous pression l’État du Maharashtra, hôte du forum et demander que leur dignité soit respectée par l’élaboration de divers programmes de réinsertion sociale. Durant la cérémonie de clôture, l’ancien président d’Afrique du sud Nelson Mandela, avait des mots d’encouragement pour les laissés pour compte. En prenant pour exemple la lutte contre l’apartheid, il a professé devant quelques 10,000 personnes que le pouvoir du peuple peut vaincre s’il est dévoué et déterminé à combattre « tous les types de discriminations – genre, race, caste, classe ou ethnicité ».

Si les Dalits étaient présents en force tout au long du Forum, les Adivasis, indigènes des districts les plus reculés de l’Inde ont aussi scandé haut et fort leurs slogans en faveur d’une dignité humaine à leur égard. Dans la plupart des cas, les viols, exactions et autres formes d’intimidation et d’exploitation laissent les Adivasis dans un état de vulnérabilité extrême. Ainsi, le fait de pouvoir participer au FSM est en soi pour eux, une incroyable opportunité.

Il ne faut pas sous-estimer l’effet positif que pourra avoir le forum sur les populations les plus défavorisées qui, à travers maintes rencontres, ont réussi à bâtir un réseau de solidarité international. Si les Zapatistes en ont grandement profité depuis leur sortie fracassante dans les rues de San Cristobal de las Casas il y a 10 ans, les Adivasis sont certainement en passe de devenir un peuple-référence en matière de non respect des droits de la personne. Cette aventure risquée vers la reconnaissance mondiale apporte cependant son lot de problèmes. Le risque posé par la monopolisation de l’espace de débat par quelques leaders charismatiques peut laisser dans l’ombre beaucoup de gens, tout comme l’intérêt temporaire des étrangers, en définitive dommageable, doit aussi être contourné. Le traitement médiatique de causes sociales ou politiques est un autre obstacle de taille, puisqu’elles sont souvent décrites comme des événements, plutôt que comme des combats et luttes structurelles, intégrées à la société et possédant une nature pérenne. Le droit à la terre et la lutte aux déplacements de populations qui sont monnaie courante dans plusieurs États ruraux de l’Inde, devront ainsi être articulés de façon claire par les « communicateurs » des mouvements Adivasis. Challenge de taille mais passage obligé pour l’accaparement d’un morceau de légitimité dans la sphère publique mondiale.

En marge du FSM, notons aussi la tenue d’un Forum des parlementaires, d’un Campement intercontinental de la jeunesse et de contre-sommets portant pour noms Mumbai Resistance 2004 et Peoples Against Imperialism. Ces événements parallèles auront eu l’avantage d’amener une critique somme toute très saine du FSM, qui souffre à plusieurs égards de son succès. Le côté mois positif provient des groupes organisateurs, affiliés aux partis politiques de l’extrême gauche indienne, qui ont voulu surfer sur la vague FSM pour faire passer leur rhétorique maoiste et électoraliste. C’est effectivement dommage dans la mesure où le but de l’exercice est justement de ne pas avoir de dirigeants politiques et économiques au rendez-vous. Il s’agît d’un rassemblement de la société civile, qui cherche à élaborer des alternatives locales et internationales, créer des connexions et échanger sur le contenu des luttes. Mumbai Resistance et People Against Imperialism n’auront pas adhéré à cette plateforme et à cette vision non-partisane.

Pour finir, la militarisation et la critique acerbe des politiques néolibérales qui se démultiplient sur la planète ont fini par avoir un impact très important, tout comme l’arrivée d’une nouvelle cause dans le giron du FSM, celui des personnes handicapées. La richesse des thèmes proposés par les délégués asiatiques n’a toutefois pas éclipsé le très important dossier de la guerre en Irak et les politiques impérialistes de l’administration de George II. À cette occasion, des activistes de Corée du Sud avaient d’ailleurs lancé le Defeat Bush Network, une espèce de coalition parapluie destinée à empêcher la réélection du faucon du Texas. Le ressentiment anti-américain a été très marqué. Il est inquiétant d’assister à une polarisation aussi radicale des positions et du nombre de plus en plus sévère d’opposants aux États-Unis. Ce malheureux constat est attribuable en première ligne aux bavures américaines, il va sans dire, mais il faudra que le mouvement anti-guerre et anti-impérialiste se garde d’aliéner le peuple américain dans son ensemble. C’est le message que livraient la plupart des militants états-uniens sur place.

Ce reportage a été rendu possible grâce à l’appui financier de l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

Site du Forum Social Mondial
www.wsfindia.org


Sujet: 
Maoïsme et électoralisme
Auteur-e: 
Eric Smith
Date: 
Sam, 2004-01-24 10:40

Juste un bref commentaire - une précision, en fait - sur l'événement parallèle appelé Mumbai Resistance 2004, organisé à l'initiative de groupes d'inspiration maoïste. À notre connaissance, et si on se fie aux compte-rendus et communiqués publiés sur leur site web (www.mumbairesistance.org), il n'y a absolument pas été question d'une perspective ou d'une alternative "électoraliste" - bien au contraire.

Le communiqué final en appelle plutôt à l'intensification de la résistance des peuples contre l'impérialisme, comme étant la seule manière de faire reculer l'offensive actuelle menée sous la direction des É.-U.


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