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L'UFP et la grève générale

Eric, Dimanche, Janvier 11, 2004 - 12:22

Marc Bonhomme

Nous sommes dorénavant bien au fait de la panoplie des politiques adéquistes du gouvernement (néo)libéral québécois. En dresser la liste est devenu un triste sport national. Nous comprenons fort bien la stratégie à la Harris/Campbell de d'abord briser la résistance syndicale - tout en neutralisant le mouvement étudiant - pour ensuite imposer la privatisation.
Nous anticipons le même genre de coup de barre à droite de la part du gouvernement Martin après les très probables élections du (...)

Nous sommes dorénavant bien au fait de la panoplie des politiques adéquistes du gouvernement (néo)libéral québécois. En dresser la liste est devenu un triste sport national. Nous comprenons fort bien la stratégie à la Harris/Campbell de d'abord briser la résistance syndicale - tout en neutralisant le mouvement étudiant - pour ensuite imposer la privatisation.

Nous anticipons le même genre de coup de barre à droite de la part du gouvernement Martin après les très probables élections du printemps. L'automne prochain, « si la tendance se maintient » comme disait l'autre, c'en sera rendu un triste sport fédéral d'en dresser la liste à l'avenant : contre-réformes de la fonction publique fédérale, explosion du lobbying, régime des pensions, dépenses militaires accrues, servilisme pro-étasusien…

Nous sommes (presque) tous et toutes d'accord qu'il faut une escalade assez rapide des moyens de pression culminant jusqu'à la grève générale. Reste à clarifier les questions complexes de l'organisation, des revendications unificatrices et du plan de mobilisation. Nous comprenons, cependant, qu'étant donné la loi 30, qui restructure/divise les syndicats de la santé, ce sera tout un défi d'en arriver à un Front commun organique et militant.

Nous craignons, plusieurs d'entre nous, les hautes manœuvres des hautes directions syndicales. Car elles sont toujours, malgré tout, abonnées à la concertation c'est-à-dire aux négociations capitulardes sans rapport de force. Leurs déclarations alambiquées du temps des Fêtes en font foi. En même temps, cependant, elles doivent assurées leur crédibilité auprès de leurs membres acquis, eux et elles, à organiser l'affrontement. Ce qui les rend susceptibles aux coups de gueule sans suite, puis aux coups de force sans mobilisation, ensuite aux mobilisations mal préparées, aux mieux aux grandes mobilisations sans lendemain puis aux escalades tronquées pour enfin en revenir à la bonne vieille concertation.

L'auto-organisation dans tous les milieux

Pourra-t-on compter sur les cadres intermédiaires pour corriger le tir ou bien regarderont-ils plutôt par-dessus leur épaule pour voir si on est d'accord en haut lieu ? Les militants et militantes à la base sauront-elles assez rapidement s'auto-organiser en comités de mobilisation et/ou de grève à tous les niveaux pour prendre les choses en mains ? Chose certaine, des comités syndicaux national et régionaux de l'UFP, s'il y a les effectifs et la volonté nécessaires, pourraient centraliser les informations et faire des propositions.

L'auto-organisation syndicale, cependant, ne saurait suffire. D'une part, les enjeux concernent l'ensemble du prolétariat et du peuple. D'autre part, le rapport de force à construire demande une mobilisation générale dont le prolétariat syndiqué doit être le cœur mais qui le dépasse largement.

Les réseaux « vigilance » ou « on-n'a-pas-voté-pour-ça » anticipent le type large d'organisation à construire. Cependant, les réseaux « vigilance » sont exclusifs, envers la gauche politique, et se font uniquement au sommet. Ils sont donc susceptibles de mainmise par les hautes directions syndicales, ce qui, en son temps avait tué dans l'œuf la campagne du défunt SPQ pour un réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux. Des réseaux ouverts et à la base, comme l'a voté le Conseil de l'Union de l'UFP en novembre 2003, sont à construire.

Une poignée de demandes concrètes, précises et unificatrices

Afin d'unifier largement et de mobiliser en profondeur, il faut une poignée de revendications unificatrices - au-delà des revendications sectorielles aussi nécessaires - qui soient immédiatement compréhensibles, donc très concrètes, et irrécupérables, donc très précises. On se rappelle encore du 100$ du Front commun de 1972 et du salaire minimum de 8.50$ l'heure de la Marche des femmes de 2000 que, malheureusement, le mouvement social a rapidement abandonnée, désenchanté et découragé à cause de sa vision idyllique du PQ.

Seul un large débat à la base peut générer la sagesse populaire voulue pour mettre au point ces quelques revendications coups de poing. En négatif, cependant, on peut difficilement exclure un « non » retentissant à la privatisation des services publics et à la sous-traitance anti-syndicale.

Il faudra une revendication clairement anti-pauvreté, peut-être le salaire minimum indexé à 10 ou 12$ l'heure et/ou un revenu minimum garanti de 1000$ par mois. On pense aussi à la construction de 8000 logements sociaux l'an dont le loyer soit 25% du revenu brut. Reste que ces revendications demeurent sectorielles même si en toute solidarité et compassion elles touchent tout le monde.

Il en est de même tant de la revendication du Front commun d'augmentation de 12.5% sur trois ans du salaire des employéEs de l'État que de l'équité salariale pour les femmes tant du public que du privé, remis au devant de la scène par la récente décision judiciaire et l'arrêt de travail des travailleuses des garderies prévu pour le 16 janvier prochain. On ne peut d'ailleurs faire autrement que de remarquer qu'en 1995, en 1999, en 2000, les femmes commencent mais ne sont pas ou à peine relayées.

Au niveau environnemental, on pourrait penser à un virage énergétique vers l'efficacité énergétique et les énergies douces. Pour les milieux étudiants, on pense au moins le gel des frais de scolarité et des frais afférents. En septembre, le mouvement étudiant a bien failli lancer la riposte. Son organisation divisée, car écartelée entre opportunisme carriériste et gauchisme sectaire, l'a paralysé. Les propositions organisationnelles et programmatiques d'UFP-Campus méritaient mieux.

Une campagne de 10 milliards $

Cependant, une revendication concrète et précise réclamant un réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux, financé par une réforme fiscale à l'avenant, toucherait directement chacun et chacune mais serait aussi un préalable à la majorité des revendications sectorielles. L'UFP pourrait contribuer à promouvoir et à préciser cette revendication charnière en s'appuyant sur sa plate-forme et sur sa campagne à venir à propos de la fiscalité, campagne qui arrive tout à fait à point.

En ce qui concerne le réinvestissement massif, le point 6.e de la plate-forme réclame un « réinvestissement massif immédiat de 10 milliards $ afin de diminuer le déficit social dans le réseau public de la santé et des services sociaux… ». Cela est déjà concret et précis. Peut-être pourrait-on l'être davantage en étayant par grands secteurs de dépenses. Mais il y a danger de perdre le punch d'un seul chiffre.

Du côté de la réforme fiscale à l'avenant, le point '8.a' précise : « Établissement d'une fiscalité véritablement progressive ; révision à la hausse de la taxation sur le capital, les profits et les biens de luxe ; abolition des paradis fiscaux ; révision complète des abris fiscaux ; augmentation des impôts sur les profits des entreprises ; imposition des grandes fortunes ; révision des droits de succession. » Encore là, on peut peut-être étayer par grands secteurs de revenu.

Sans doute, l'équipe chargée de préparer la campagne sur la fiscalité est-elle en train de fignoler les revendications et d'élaborer le plan de campagne. Il serait bon de faire connaître aux instances de l'UFP, de la base au sommet, où en sont rendus les discussions et préparatifs pour que l'exercice soit à la hauteur du principe de la démocratie participative dont nous nous réclamons. Ce serait, par le fait même, embarquer dès maintenant les militants et militantes dans la campagne et faire jouer la sagesse collective afin d'éviter des erreurs de tir. Il ne faut pas répéter l'erreur de la campagne sur la proportionnelle où seul l'exécutif national et quelques initiés ont décidé le détail de notre proposition sans débat à la base.

Pour être l'alternative, prendre des initiatives

Pour devenir un parti de la rue, l'UFP ne peut pas seulement inviter ses membres à participer au mouvement social bien que ça soit là la fondation préliminaire de toute insertion sociale. Sur cette base, la participation de l'UFP restera marginale et passera inaperçue d'autant plus qu'officialiser cette insertion auprès des responsables syndicaux et populaires ne va pas de soi.

De par sa position comme parti automatique de l'alternance, c'est le PQ qui est en meilleure position pour récolter les fruits de la colère populaire. Le PQ a d'ailleurs bien compris la situation, lui qui derrière une opération de renouvellement de façade dite « saison des idées », s'est immobilisé dans la critique bon marché du gouvernement Charest. Même si la riposte atteignait un certain niveau d'ampleur et de conscience, une invisibilité relative de l'UFP ferait que la colère populaire renforcerait l'anarchisme a-politique et l'apparition miraculeuse d'une ADQ/Parti-(mettre le nom du/de la chef charismatique) populiste de gauche que les grands médias seraient trop heureux de promouvoir.

Pourtant comme l'expliquait fort à propos le communique de presse de l'UFP du 4 janvier, « Il serait plutôt invraisemblable, en effet, qu'un mouvement de résistance aussi généralisé aboutisse à reporter au pouvoir un Parti québécois usé qui n'a plus de projet de société mobilisateur à proposer. Ce parti dont les politiques gouvernementales ont directement tracé la voie au projet de réingénierie de l'État des libéraux. […] paradoxalement, c'est une formation politique se targuant d'être sociale démocrate qui a agi comme le chef de file du libre-échange à l'américaine avant de se coincer dans une logique néolibérale qui lui colle toujours à la peau. »

Encore une fois, l'UFP fait face à une crise de croissance. Il a traversé avec un succès relatif la mue de sa fondation puis sa première épreuve électorale. Cependant, il n'a pas encore fait de percer significative chez les militants et militants des mouvements syndicaux et populaires. Plutôt, « Depuis sa naissance, la jeune formation a connu une croissance soutenue en recrutant surtout dans les rangs des militants altermondialistes et dans le milieu étudiant. »

Pour devenir le parti de la gauche sociale, il faudra à l'UFP être très, très pro-actif. Ne nous le cachons pas : la marche est haute… mais atteignable. Cet effort gigantesque, cependant, nécessite d'éviter deux écueils : ce raccourci illusoire qu'est le Charybde du centriste « néolibéralisme à visage humain » qui ferait de nous au bout du compte le quatrième parti néolibéral même avec un manifeste très percutant ; et ce verbiage facile qu'est le Scylla du gauchisme groupusculaire et « révolutionnaire » sans racine sociale mais idéologiquement si confortable.

L'UFP a tout ce qu'il faut pour réussir : son orientation de rupture définitive avec les trois partis néolibéraux, sa plate-forme antinéolibérale, indépendantiste, féministe, écologique et internationaliste, une organisation basée sur le pluralisme et la démocratie participative et, last but not the least, une pratique militante de « parti des urnes et de la rue ». Ces quatre as, il faut s'y accrocher, les développer et surtout les mettre en pratique.

Site de l'Union des forces progressistes
www.ufp.qc.ca


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